CHAPITRE TROISIEME :
La troisième république radicale
(juin 1894 à août 1914)
I :
De l’affaire Dreyfus à la constitution du bloc des gauches (1894 à 1902)
1° L’élection présidentielle de
juin 1894 – Suite à l’assassinat du président de la république,
Sadi Carnot[1],
le 27 juin 1894, les parlementaires décidèrent d’organiser rapidement de
nouvelles élections présidentielles.
Charles Dupuy[2],
président du conseil[3],
décida alors de déposer sa candidature, rapidement imité par Henri
Brisson[4],
membre du parti radical[5] ;
Jean Casimir-Perier[6],
modéré (et soutenu par la droite.) ; le général Victor Février ; et
Emmanuel Arago[7],
républicain.
Charles Dupuy, Henri Brisson, Jean Casimir-Perier.
Finalement, les suffrages accordèrent leurs faveurs à Jean Casimir-Perier,
qui fut élu dès le premier tour avec 53% des voix. Brisson, arrivé deuxième,
n’obtenait que 23%.
Les autres candidats, quant à eux, ne parvinrent à peine à atteindre la
barre des 10% : Dupuy, 11% ; Février, 6% ; Arago, 3%.
Suite à l’élection du nouveau chef de l’Etat, Dupuy décida de présenter sa
démission, mais il fut renouvelé dans ses fonctions par Casimir-Perier (1er
juillet 1894.).
Le
précédent gouvernement fut donc reconduit en intégralité : entouré d’une
nouvelle génération de républicains, Dupuy récupéra le ministère de
l’Intérieur et des Cultes ; Raymond
Poincaré[8]eut le portefeuille des Finances ;
Félix Faure[9]fut nommé ministre de la Marine ;
Théophile Delcassé[10]reçut le ministère des Colonies.
2° La démission de Casimir-Perier (janvier 1895) – Une
fois installé à la tête de l’Etat, Casimir-Perier décida de participer à la
vie politique de son gouvernement, soucieux de mettre un terme à
l’immobilisme présidentiel.
Toutefois, si la constitution de 1875[11]
garantissait d’importantes prérogatives au président de la république, la
fonction de chef de l’Etat s’était réduite à un rôle symbolique au fil des
décennies. Cependant, si Jules Grévy[12]et Sadi Carnot avaient accepté cette situation, Casimir-Perier refusait
de n’être qu’un « roi en peinture. »
Mais Dupuy, qui ne l’entendait pas de cette oreille, décida de tenir le chef
de l’Etat à l’écart, prenant soin de l’isoler autant que possible.
Par ailleurs, Casimir-Perier fut la cible des attaques des radicaux, qui
contestaient un président de la république élu grâce aux voix de la droite,
riche, et membre de la haute bourgeoisie.
Le
5 janvier 1895, Casimir-Perier reçut l’ambassadeur de France à Paris, afin
de discuter de l’affaire Dreyfus[13].
Cependant, Gabriel Hanotaux, ministre des Affaires étrangères,
n’avait pas communiqué le dossier au chef de l’Etat, ce qui incita ce
dernier, outré, à démissionner dans les jours suivants[14].
Peu après, le 14 janvier, le ministre des Travaux publics,
Louis Barthou[15],
fut mis en minorité à la Chambre des députés sur une question mineure,
concernant les aides de l’Etat accordées aux compagnies de chemin de fer.
Barthou décida alors de démissionner, ce qui provoqua la chute du cabinet et
le départ de Casimir-Perier (16 janvier 1895.).
Rapidement, il fut décidé de procéder à de nouvelles élections
présidentielles, qui se déroulèrent le 17 janvier 1895.
3° L’élection présidentielle de janvier 1895 – A peine
six mois après le dernier scrutin, de nouvelles élections présidentielles
furent organisées.
Décidèrent de se présenter Henri Brisson, soutenu par le parti radical ; le
républicain Pierre Waldeck-Rousseau[16]
; et Félix Faure, modéré.
Au
premier tour, Brisson, candidat pour la quatrième fois, était en tête des
suffrages, récoltant 43% des voix. Ses adversaires obtenaient des scores
bien moins importants : 31% pour Faure, et 23% pour Waldeck-Rousseau.
Cependant, la candidature de Brisson ne plaisait pas à tous les
républicains, les modérés lui reprochant d’être trop radical. Ainsi, les
députés reportèrent leurs voix sur Faure, plus consensuel ;
Waldeck-Rousseau, quant à lui, décida de retirer sa candidature.
Finalement, ce fut Faure qui remporta l’élection, récoltant 53% des
suffrages au second tour, contre 45% pour Brisson.
Félix Faure.
Le
nouveau chef de l’Etat, soucieux de constituer un gouvernement de
centre-gauche, confia alors à Alexandre
Ribot[17]la charge de président du conseil.
4° Le ministère Ribot (janvier à octobre 1895) – Suite à
sa nomination, Ribot récupéra le portefeuille des Finances ; Gabriel
Hanotaux conservait les Affaires étrangères ; Raymond Poincaré, quant à lui,
fut nommé ministre de l’Instruction publique, des Beaux Arts et des Cultes.
Alexandre Ribot.
a)
Bref résumé de la création du second Empire colonial français : comme
nous l’avons vu au cours du chapitre précédent, l’Empire colonial français
était tombé en désuétude depuis la
guerre de sept ans[18],
conflit qui s’était soldé sur la fin de la présence française en Amérique du
Nord.
La
France, ne conservant que quelques possessions outre mer (Algérie, Sénégal,
Réunion, Martinique, etc.) pendant plusieurs décennies, n’eut pas de
politique coloniale jusqu’au règne de
Napoléon III[19].
Ainsi, ce dernier intervint à Djibouti et dans les îles Comores, affermit la
présence française en Egypte, et parvint à établir un protectorat en
Cochinchine et au Cambodge.
Suite à la guerre de 1870[20],
la troisième république décida de poursuivre la politique coloniale initiée
sous le second Empire. Ainsi, la conférence de Berlin, organisée
pendant l’hiver 1884-1885, consacra le partage de l’Afrique entre les
différentes puissances européennes (les possessions françaises au Niger et
au Tchad furent reconnues[21].).
Par ailleurs, les Français établirent un protectorat sur le Maroc, ainsi que
sur l’Annam et le Tonkin.
L'Afrique en 1914.
Cependant, cet essor colonial connut un temps d’arrêt suite à l’affaire
du Tonkin, en mars 1885[22]
(le colonel Paul Gustave Herbinger, qui commandait le corps
expéditionnaire, rendu fou par la malaria, avait ordonné sans motifs
valables que les troupes évacuent Lang Son, capitale du Tonkin. Cette
désastreuse retraite (les canons furent abandonnés en chemin.) fut vivement
critiquée à la Chambre des députés[23].).
A
noter enfin que toutes les possessions françaises en Extrême-Orient furent
regroupées en 1887 au sein de l’Union indochinoise (communément
surnommée Indochine française.), qui fut agrandie par le protectorat
du Laos en 1893.
L'Indochine française (1867 à 1909).
b)
L’expédition de Madagascar : alors que l’Afrique tout entière tombait
peu à peu sous domination occidentale, Madagascar était parvenue non sans
mal à conserver son indépendance.
Mais en début d’année 1883, de crainte que l’Angleterre ne s’établisse dans
l’île, le gouvernement Fallières[24]décida d’intervenir à Madagascar.
Ainsi, quelques villes côtières furent prises, mais comme les forces
françaises étaient alors engagées au Tonkin, un compromis fut finalement
signé en décembre 1885 avec la reine Ranavalona III : la France
acceptait de reconnaitre l’Etat malgache ; en contrepartie, Madagascar
devait payer une forte indemnité de guerre et céder au gouvernement français
la gestion de sa politique extérieure.
La reine Ranavalona III.
De
nouvelles tensions éclatèrent courant 1890, lors de la signature d’un accord
tripartite entre la France, l’Angleterre et l’Allemagne. Ainsi, l’on
reconnaissait les possessions allemandes en Tanzanie, la mainmise anglaise
sur Zanzibar, et le protectorat français sur Madagascar.
Outrés, les Malgaches décidèrent de se révolter, contraignant la France à
réagir.
Tentant de mettre en place des pourparlers, le gouvernement français, ne
s’estimant pas satisfait, déclara la guerre à Madagascar en octobre 1894 ;
en décembre, le corps expéditionnaire débarqua à Majunga, sur la côte ouest
de l’île.
Canon de campagne modèle 1897, musée des
Invalides, Paris.
Parvenant à prendre quelques cités côtières, les militaires furent décimés
par la malaria. Ainsi, alors que les Français n’eurent qu’une vingtaine
d’hommes tués au combat, 5 592 soldats périrent de maladie[25].
Finalement, le corps expéditionnaire, en l’absence de résistance malgache,
parvint à s’emparer de la capitale, Antananarivo, le 29 septembre 1895.
Rapidement, des pourparlers furent mis en place, et la reine Ranavalona III
signa un traité le 1er octobre, reconnaissant le protectorat
français.
Les troupes françaises pénètrent à Antananarivo, septembre 1895.
c)
La création de l’AOF : comme indiqué précédemment, la conférence de
Berlin avait consacré le partage des zones d’influence européennes en
Afrique.
Ainsi, outre le Sénégal, le Niger et le Tchad, les Français s’étaient en
outre emparés de la Guinée (1891.) ; du Dahomey[26],
qui fut rattaché au Sénégal (1893.) ; et de la Côte d’Ivoire (1893.).
Puis, en 1895, le gouvernement décida de créer l’Afrique Occidentale
française, une fédération regroupant le Sénégal, le Soudan français[27],
la Guinée, et la Côte d’Ivoire.
d)
Les débuts de l’affaire Dreyfus (hiver 1894-1895) : à la mi-octobre
1894, le capitaine Alfred Dreyfus, juif d'origine alsacienne, fut
arrêté et incarcéré par les autorités, accusé d’être un agent au service de
l’Allemagne.
Le capitaine Dreyfus.
Traduit en conseil de guerre le 19 décembre, cet officier était accusé par
le service de renseignements d’avoir transmis à l'Allemagne des
renseignements secrets, via un bordereau ayant été trouvé à l’ambassade
d’Allemagne par le contre-espionnage français.
Texte du bordereau considéré comme
l'œuvre de Dreyfus : "Sans nouvelles m'indiquant que vous désirez me voir,
je vous adresse, monsieur, quelques renseignements intéressants : 1° Une
note sur le frein hydraulique du 120 et la manière dont s'est conduite cette
pièce. 2° Une note sur les troupes de couverture (quelques modifications
seront apportées par le nouveau plan). 3° Une note sur une modification aux
formations de l'artillerie. 4° Une note relative à Madagascar. 5° Le projet
du manuel du tir de l'artillerie de campagne (14 mars 1894). Ce dernier
document est extrêmement difficile à se procurer et je ne puis l'avoir à ma
disposition que très peu de jours............ Le ministère de la guerre a
envoyé un nombre fixe dans les corps et ces corps en sont responsables ;
chaque officier détenteur doit remettre le sien après les manœuvres. Si donc
vous voulez y prendre ce qui vous intéresse et le tenir à ma disposition
après, je le prendrai. A moins que vous ne vouliez que je le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie. Je vais partir en
manœuvres."
L’Etat-major ne disposait par d’experts en graphologie, mais le
lieutenant-colonel Armand Mercier du Paty de Clam, graphologue
amateur, chargé de comparer l’écriture de Dreyfus à celle du bordereau,
conclut à la culpabilité de l’accusé.
Dans un fort contexte d’antisémitisme, et suite à la présentation d’un
« dossier secret » présenté comme rempli de preuves accablantes par
l’accusation (qui en réalité était vide[28] ;
le bordereau constituant la seule « preuve » à peu près tangible.), Dreyfus
fut condamné au bagne à perpétuité pour trahison.
Dégradé publiquement le 5 janvier 1895 dans
l’enceinte de l’Ecole militaire de Paris, Dreyfus fut déporté en Guyane
courant avril. Lynché par les politiques et par une majorité de Français, le
condamné fut peu à peu oublié...
La dégradation du capitaine
Dreyfus, dessin publié dans le Petit Journal, musée des
Invalides, Paris.
e) Les grèves de Carmaux (1892 à 1895) : en
juillet 1895, une nouvelle grève éclata à Carmaux, dans le Tarn, cité qui
s’était déjà fait connaitre au cours des années précédentes par des
mouvements sociaux d’importance nationale.
Ainsi, en août 1892, le syndicaliste Jean Baptiste Calvignac, élu
maire de Carmaux en mai de la même année, fut licencié par le marquis
Ludovic de Solages, patron de la Société des mines de Carmaux (ce
dernier considérait que les fonctions politiques de son employé portaient
atteinte à son activité professionnelle.).
Les quelques 3 000 mineurs de la société, choqués par cette décision,
décidèrent de se mettre en grève, réclamant la démission de leur directeur
et la réintégration de Calvignac.
Les mines de Carmaux à la fin du XIX°
siècle.
Emile Loubet[29],
qui était président du conseil à l’été 1892, prit la décision d’envoyer la
troupe mater cette insubordination, ce qui aboutit à l’arrestation de
plusieurs grévistes (certains seront condamnés à des peines de prison ferme
pour avoir pénétré dans la résidence du directeur des mines de Carmaux.).
Toutefois, non seulement ce coup de force ne parvint pas à mettre un terme à
la grève, mais en outre il donna un retentissement national à l’évènement.
Ainsi, le socialiste[30]
Jean Léon Jaurès[31],
soutenu par le radical Georges
Clémenceau[32],
dénoncèrent avec véhémence une république prise en otage par la bourgeoisie
au détriment du bien commun.
Statue de Jean Jaurès, Montpellier.
Finalement, le directeur des mines fut poussé à la démission et le marquis
de Solages décida d’abandonner son poste de député de Carmaux. Ainsi, les
mineurs se remirent au travail en fin d’année 1892.
Jean Jaurès, se présentant aux élections législatives partielles organisées
à Carmaux suite à la démission de Solages, fut élu député en janvier 1893.
Dans un contexte de lutte contre l’anarchisme[33]et le socialisme initiés par l’Etat,
Calvignac, le maire de Carmaux, fut suspendu dans ses fonctions puis révoqué
pour un an en début d’année 1894, au motif qu’une erreur administrative
avait eu lieu lors des élections municipales.
Mais le maire par intérim, Jean François Mazens, convaincu par le
préfet Pierre Ernest Doux du bien fondé de la lutte contre le
socialisme, refusa en avril 1895 de céder la charge de maire à Calvignac.
Ce
dernier, de concert avec son camarade syndicaliste Marien Baudot,
membre du conseil municipal, critiqua vivement l’attitude de Mazens ;
cependant, le maire par intérim porta plainte pour outrage à magistrat, ce
qui valut à Calvignac et Baudot une condamnation à 40 jours d’emprisonnement
avec sursis, et surtout cinq années d’inéligibilité (juin 1895.).
Les socialistes, malgré cette condamnation, décidèrent néanmoins de
présenter Calvignac et Baudot comme candidats aux élections du
conseil général[34],
et ces derniers furent élus en juillet 1895.
C’est ce climat particulièrement délétère que Baudot, souffleur à la
verrerie de Carmaux, fut licencié par son patron, Eugène Rességuier.
Rapidement, de nombreux ouvriers travaillant sur le site décidèrent de se
mettre en grève, ce à quoi Rességuier répondit par un lock-out,
fermant la verrerie afin que les ouvriers non-grévistes, privés de salaire,
fassent pression sur leurs camarades grévistes.
Ces derniers firent alors appel à Jean Jaurès, qui milita en faveur d’une
résolution pacifique du conflit. Toutefois, comme Rességuier savait que la
grève n’était pas soutenue par tous les ouvriers, il annonça en août qu’il
se réserverait le droit de choisir les souffleurs qu’il réembaucherait lors
de la réouverture de l’usine (excluant de fait tous les syndicalistes.).
Cependant, cette annonce ne fut pas au goût de tous les ouvriers, et
Rességuier, en raison d’un effectif insuffisant, fut contraint de recruter
partout en France. Ainsi, la verrerie rouvrit finalement ses portes début
octobre 1895, en présence du préfet.
Toutefois, si l’usine avait rouvert, de nombreux ouvriers poursuivaient le
mouvement de grève. Ainsi, le préfet du Tarn, Pierre Ernest Doux, qui avait
envoyé dès le début du conflit un détachement de gendarmes à Carmaux, fut
d’une sévérité implacable avec les grévistes. Ainsi, nombre d’entre eux
furent condamnés pour outrage à magistrat, entrave à la liberté de travail[35],
etc.
Mais un évènement bouleversa la donne à la mi-octobre 1895, lorsqu’Eugène
Rességuier déposa plainte à la gendarmerie de Carmaux, se disant victime
d’une attaque au révolver dont il sortit indemne.
Cet attentat, réel ou imaginaire, fut néanmoins pris au sérieux au sein de
la Chambre des députés et dans la presse. Ainsi, alors que l’assassinat du
chef de l’Etat Sadi Carnot[36]était dans tous les esprits, les
grévistes de Carmaux furent dès lors perçus non pas comme des socialistes,
luttant pour de meilleures conditions de travail, mais comme des
anarchistes, luttant contre la société et l’ordre établi.
Ribot, le président du conseil, sans cesse interpellé à la Chambre des
députés par les élus socialistes, décida de présenter sa démission le 28
octobre 1895.
Son remplaçant, Léon Victor Auguste
Bourgeois[37],
décida de limoger le préfet du Tarn afin de clamer les esprits, mais
maintint sur place les forces de l’ordre. Ainsi, plusieurs suspects dans
l’attentat commis contre Rességuier furent interpellés, mais aucun de fut
condamné faute de preuves.
Enfin, les ouvriers n’ayant pas été repris à la verrerie de Carmaux
parvinrent, grâce à une importante campagne de dons et au soutien de Jean
Jaurès, à créer la verrerie ouvrière d’Albi, qui ouvrit ses portes en
octobre 1896.
5° Les ministères Bourgeois & Méline (octobre 1895 à juin
1898) – Nommé président du conseil par Félix Faure suite à la démission
de Ribot, Léon Bourgeois décida de constituer un ministère radical,
s’arrogeant le portefeuille de l’Intérieur.
Cependant, ce gouvernement n’eut qu’une durée de vie éphémère ; na parvenant
pas à trouver de véritable majorité à la Chambre, ainsi, en avril 1896, le
Sénat vota une motion de défiance[38],
ce qui entraîna la démission du ministère Bourgeois.
Le
président de la république décida alors de faire appel à
Jules Méline[39].
Jules Méline.
a)
La constitution du gouvernement Méline (avril 1896) : le nouveau
venu, présent au sein de la Chambre des députés depuis plusieurs années,
était reconnu comme l’initiateur de deux lois importantes, l’une sur le
protectionnisme (janvier 1892[40].),
l’autre autorisant la création des sociétés de
crédit agricole[41].
Méline, décidant de constituer un gouvernement modéré, ne renouvela pas les
ministres du gouvernement Bourgeois dans leurs fonctions. Ainsi, le nouveau
président du conseil récupéra de ministère de l’Agriculture, nommant Barthou
à l’Intérieur et Hanotaux aux Affaires étrangères.
b)
La fin de l’expédition de Madagascar (1895 à 1897) : comme nous
l’avons vu précédemment, la France avait déclaré la guerre à Madagascar en
octobre 1894 ; le 1er octobre 1895, suite à la prise
d’Antananarivo, la capitale, un protectorat avait été établi sur l’île.
Cependant, à Paris, cette décision ne fut pas au goût de tous, de nombreux
députés réclamant l’annexion pure et simple. Ainsi, après plusieurs mois de
réflexion, l’île fut proclamée colonie française le 6 août 1896.
Mais cette annonce entraîna de nouveaux troubles à Madagascar, et un nouveau
contingent, commandé par le général
Joseph Gallieni[42],
fut chargé de rétablir l’ordre.
Les troupes françaises à Madagascar.
Eliminant les Malgaches hostiles à la présence française, Gallieni déposa la
reine Ranavalona III, qui fut déportée en Algérie.
Finalement, l’ordre fut rétabli à Madagascar en début d’année 1897, mais au
prix de lourdes pertes : l’on estime aujourd’hui que plus de 100 000
Malgaches trouvèrent la mort lors des affrontements.
Exécution d'un rebelle malgache, ayant mis feu à des habitations.
c)
Suite de l’affaire Dreyfus (janvier 1896 à été 1898) : le capitaine
Alfred Dreyfus, depuis sa condamnation pour trahison en janvier 1895,
était incarcéré en Guyane, média et politiques étant unanimement convaincus
de sa culpabilité.
Toutefois, en janvier 1896, le lieutenant-colonel
Marie-Georges Picquart, chef du service de renseignements depuis
juillet 1895, intercepta un document révélant les liens unissant le
commandant Marie Charles Ferdinand Walsin Esterhazy et l'ambassade
d'Allemagne (l'écriture ressemblant fortement à celle figurant sur la pièce
ayant fait accuser Dreyfus.). En outre, il constata que le « dossier
secret », présenté lors du procès de Dreyfus, et soi disant rempli de
preuves accablantes, était tout simplement vide.
Le lieutenant-colonel Picquart.
Esterhazy, contrairement à Dreyfus qui n’avait pas
de réel motif pour trahir son pays[43],
était le coupable idéal : ancien membre du contre-espionnage français, il
était criblé de dettes et manquait cruellement d’argent.
Toutefois, lorsque Picquart fit preuve de ses
découvertes à ses supérieurs, l'Etat Major resta inflexible. Dreyfus ayant
été condamné, il restait le seul coupable officiel.
Début novembre 1896, le commandant
Hubert-Joseph Henry, adjoint de Picquart au service de renseignements,
élabora un faux document, surnommé le « faux Henry », afin d’attester la
culpabilité de Dreyfus[44].
Cette nouvelle « preuve », présentée à
l’Etat-major, précipita la chute de Picquart, qui fut muté en Tunisie le 14
novembre 1896, avec consigne de ne rien révéler de ses découvertes. Le
commandant Henry, quant à lui, fut récompensé en prenant la tête du service
de renseignements.
Suite à son éviction, Picquart, isolé et attaqué
par l’Etat-major, décida de se confier à un de ses amis, l’avocat Louis
Leblois, qui lui-même prit contact avec le sénateur Auguste
Scheurer-Kestner, d’origine alsacienne.
C’est à partir de l’hiver 1897, suite aux
révélations de Picquart, que de plusieurs politiques (Jean Jaurès, Léon
Blum.), journalistes (Georges Clémenceau[45].)
et intellectuels (Emile Zola, Marcel Proust, Claude Monet,
etc.) commencèrent à affirmer leur soutien à Alfred Dreyfus.
Comme les
dreyfusards[46]
devenaient de plus en plus virulents, l’Etat-major lança à l’automne 1897
une violente campagne antisémite dans la presse conservatrice, fustigeant le
« traître Dreyfus » et les partisans d’une révision de son procès. Méline,
quant à lui, était hostile à un nouveau jugement, considérant que Dreyfus
avait été justement et légalement condamné.
Afin de mettre un terme à l’affaire Dreyfus,
l’Etat-major décida de diligenter une enquête contre Esterhazy, accusé
d’être l’auteur du bordereau ayant perdu Dreyfus.
Mais alors que cette dernière se dirigeait vers un
non-lieu, une ancienne maitresse d’Esterhazy[47]
fit publier dans Le Figaro des lettres dans lesquelles son ancien
amant exprimait sa haine pour la France et l’armée.
Très rapidement, les antidreyfusards
répliquèrent en lançant une campagne de presse ouvertement antisémite, afin
de discréditer les arguments des partisans de Dreyfus.
Caricature d'Alfred Dreyfus, vers 1896, musée des Invalides, Paris.
L’Etat-major, ayant finalement fait avouer à
Esterhazy la paternité de ses lettres, décida de mettre en place un second
procès.
Cependant, cette nouvelle instruction ne fut
qu’une parodie de justice : il fut interdit à la famille Dreyfus de se
constituer partie civile ; les experts en graphologie ne reconnurent pas
l’écriture d’Esterhazy sur le bordereau ; Picquart fut considéré comme le
principal coupable de cette affaire.
Finalement, Esterhazy fut acquitté le 11 janvier
1898 sous les vivats des antidreyfusards ; par ailleurs, de nombreuses
émeutes antisémites se déclenchèrent dans plusieurs villes de France.
Peu de temps après, Picquart fut arrêté et
incarcéré pour violation du secret professionnel[48].
L'article, publié le 13 janvier en première page,
doté d'un titre écrit avec une énorme police de caractère, eut un immense
retentissement (le journal fut vendu à 300 000 exemplaires, soit dix fois
plus qu’en temps normal.).
L’objectif de Zola était d’être convoqué par la
justice, afin de pouvoir défendre sa position lors d’un procès. Ainsi, en
raison d’une plainte portée contre lui par le général
Jean Baptiste Billot[50],
ministre de la guerre, Zola fut condamné pour diffamation au printemps 1898
(soit un an d’emprisonnement et 3 000 francs d’amende.).
Ayant fait appel de la décision, Zola préféra
toutefois ne pas attendre la fin de l’instruction et se réfugia en
Angleterre au cours de l’été.
Néanmoins, si le procès s’était conclu sur la
culpabilité de l’écrivain, il permit néanmoins à l’opinion publique d’en
savoir plus sur l’affaire Dreyfus et sur les malversations commises par
l’Etat-major.
Caricature d'Emile Zola, vers 1896, musée des Invalides, Paris.
d) Les élections législatives de mai 1898 :
la Chambre des députés se renouvelant en intégralité tous les quatre ans, de
nouvelles élections législatives furent organisées en mai 1898.
La
droite restait toujours minoritaire, bien qu’obtenant de meilleurs scores
qu’en 1894 (46 divers-droite, 6 nationalistes et 44 monarchistes.).
A
gauche, les républicains conservaient leur hégémonie sur l’assemblée, mais
n’obtenaient pas autant de sièges qu’au précédent scrutin (254 en 1898
contre 317 en 1894.) ; les radicaux étaient eux aussi moins nombreux, ne
disposant que de 104 élus.
Finalement, c’est à l’extrême-gauche que se fit la plus importante poussée,
les radicaux-socialistes obtenant 74 sièges et les socialistes 57.
Une des conséquences du résultat de ces élections législatives fut
l’éviction de Méline et de son gouvernement modéré, attaqué par les
socialistes et les radicaux.
6° Le bref ministère Brisson (juin
à octobre 1898) – Suite à la démission de Méline, ce fut Henri Brisson
qui reçut la charge de président du conseil.
Ce dernier forma alors un gouvernement radical,
récupérant le portefeuille de l’Intérieur ; Léon Bourgeois fut nommé
ministre de l’Instruction publique et des Beaux-arts ; Théophile Delcassé
eut les Affaires étrangères ; Jacques
Marie Eugène Godefroy Cavaignac[51]
reçut le ministère de la Guerre.
Théophile Delcassé.
a)
La crise de Fachoda (juillet à novembre 1898) : si la conférence
de Berlin, organisée pendant l’hiver 1884-1885, avait confirmé les
puissances européennes dans leurs possessions africaines respectives,
l’Afrique entière n’avait pas été morcelée.
Ainsi, de nombreux territoires n’étant pas concernés par la conférence
furent l’objet de luttes entre européens.
La
France, établissant sa domination sur l’Afrique (Algérie, Tunisie, Sénégal,
Mali, Guinée, Côte d’Ivoire, Niger, Congo français[52],
Gabon, Tchad, etc.), n’appréciait guère d’avoir été évincée d’Egypte par
l’Angleterre au début des années 1880[53]
(alors que l’expédition d’Egypte de
Napoléon Bonaparte[54]
avait entraîné la redécouverte de l’ancienne civilisation égyptienne, et que
le canal de Suez[55]
avait été construit grâce aux financements français.).
En
effet, non seulement l’Angleterre avait racheté les actions du canal de
Suez, s’assurant le contrôle du canal ; en outre, suite aux massacres
d’Européens en Egypte, les Britanniques avaient lancé une expédition contre
Alexandrie, qui se solda sur la signature d’un protectorat sur la région
(été 1882.).
L’objectif de la France était donc de s’installer dans le Haut Soudan
(c'est-à-dire au sud du pays.), afin d’y exploiter un des affluents du Nil à
des fins commerciales.
Le
capitaine Jean Baptiste Marchand, installé au Congo français avec ses
hommes, fut alors chargé de marcher le Soudan à l’automne 1896 (à noter que
Marchand fut concurrencé par les Belges qui souhaitaient eux aussi
d’installer dans la région, mais leur expédition fut mise à mal suite à la
rébellion d’une partie de leurs troupes indigènes.).
Finalement, suite à deux dures années de voyage,
Marchand atteignit Fachoda en juillet 1898.
Le commandant Marchand à Fachoda, par Paul Philippoteaux,
début du XX° siècle, musée des Invalides, Paris.
Les Britanniques, dans un contexte délicat de
guerre contre les mahdistes (ces derniers, suivant leur chef
Muhammad Ahmad Al-Mahdi[56],
étaient parvenus à chasser les Anglais du Soudan courant 1885, réclamant la
mise en place d’un Etat islamiste et indépendant.), apprirent que les
Français s’étaient établis à Fachoda.
Arrivant devant Fachoda à la tête d’une flottille
anglaise, le général Horatio Herbert Kitchener, prenant contact avec
Marchand, exigea que ce dernier évacue le fort. Toutefois, comme le Français
refusait de s’incliner, Kitchener décida d’en référer à son gouvernement
plutôt que d’entamer les hostilités (26 septembre 1898.).
A Paris comme à Londres, l’incident de Fachoda fut
révélé dans un fort contexte nationaliste. La situation, véritable casus
belli, entraîna de violentes protestations outre-manche.
Théophile Delcassé, ayant un temps tenté de
résister, décida finalement de retirer les troupes françaises de Fachoda. En
effet, le ministre des Affaires étrangères savait que la France n’avait
aucun intérêt à déclarer la guerre à l’Angleterre, d’autant plus que
l’alliance russe était encore fragile.
Prétextant un mauvais état sanitaire de la troupe
de Marchand, le gouvernement ordonna donc le retrait le 4 novembre 1898. A
noter toutefois que Paris et Londres signèrent un accord le 21 mars 1899,
déterminant la ligne de partage des eaux entre le Nil (possession anglaise.)
et le lac Tchad (possession française.).
b) La chute du gouvernement Brisson (octobre
1898) : Brisson, mis en minorité à la Chambre des députés à cause d’une
succession ininterrompue de démissions au ministère de la Guerre depuis le
départ de Cavaignac[57],
décida de remettre sa démission au chef de l’Etat le 25 octobre 1898.
Faure décida alors de remplacer le démissionnaire
par Charles Dupuy, qui, constituant un gouvernement radical, renouvela dans
leurs fonctions de nombreux ministres (novembre 1898).
7° Le ministère Dupuy (octobre 1898
à juin 1899) – Le 10 février 1899, dans une atmosphère de guerre civile
entre Dreyfusards et antidreyfusards, Félix Faure fut retrouvé mort au
palais de l’Elysée[58].
a) La disparition de Félix Faure : le chef
de l’Etat était décédé d’une congestion cérébrale, vraisemblablement après
un effort sexuel trop intense avec sa maitresse Marguerite Steinheil.
La mort du président Faure.
Dans les jours qui suivirent, la presse satirique
fit ses gros titres de cette mort mystérieuse[59],
tandis que les antidreyfusards attribuèrent la mort de Faure à un « complot
juif » soucieux de se venger contre un chef de l’Etat refusant de procéder à
la révision du procès Dreyfus.
A noter que
Paul Déroulède[60]et la Ligue des patriotes, à
l’issue des obsèques de Faure (23 février 1899.), jugèrent l’occasion
propice à un coup d’Etat. Tentant d’entrainer vers l’Elysée un régiment
rentrant à la caserne, l’opération se solda sur un fiasco.
Paul Déroulède.
Ainsi, Déroulède fut incarcéré puis traduit en
justice[61] ;
plusieurs perquisitions furent opérées parmi les membres de la ligue.
b) Les élections présidentielles de février
1899 :suite au décès de Faure, de nouvelles élections
présidentielles furent rapidement organisées (18 février 1899.).
Trois candidats briguaient la charge de chef de
l’Etat : Jules Méline, modéré ; Emile Loubet, modéré mais soutenu par les
radicaux ; et Jacques Cavaignac, proche de la droite nationaliste.
Finalement, Loubet fut élu président de la
république dès le premier tour, recueillant 60% des voix. Ses adversaires
étaient loin derrière, Méline n’obtenant que 35% des suffrages et Cavaignac
à peine 3%.
Le président Emile Loubet.
Rentrant de Versailles où s’était déroulé
l’élection, Loubet fut accueilli par de violentes manifestations
antidreyfusardes (le nouveau chef de l’Etat était en effet favorable à une
révision du procès.).
Suite à son élection, Loubet confirma le ministère
Dupuy dans son intégralité.
c) La fin de l’affaire Dreyfus (été 1898 à été
1899) : comme nous l’avons vu précédemment, l’affaire Dreyfus avait prit
une ampleur sans précédent suite au procès d’Emile Zola, ce dernier,
condamné pour outrage, ayant révélé les nombreuses irrégularités commises
par l’Etat-major.
Jacques Cavaignac, nommé ministre de la Guerre
suite aux élections législatives de mai 1898, était fermement opposé à une
révision du procès de Dreyfus, mais n’appréciait cependant pas le non-lieu
qu’avait obtenu Esterhazy.
Cavaignac, soucieux de tirer l’affaire au clair,
décida de se procurer les pièces à conviction ayant été utilisées lors du
procès Dreyfus. Le ministre de la Guerre, travaillant en secret avec ses
collaborateurs, reconnut que la plupart des pièces n’avaient pas été
expertisées, et que la défense n’y avait pas eut accès lors du procès.
Cavaignac, tombant sur le « faux Henry », crut
tenir entre ses mains la preuve incontestable de la culpabilité de Dreyfus.
Toutefois, un des collaborateurs du ministre lui fit remarquer que le
quadrillage de la feuille (cette dernière avait été déchirée en plusieurs
morceaux.) était différent dans la partie centrale par rapport aux
extrémités[62].
Souhaitant en savoir plus, Cavaignac demanda des
explications à Esterhazy, qui avoua ses liens avec le lieutenant-colonel
Paty de Clam, le graphologue amateur qui avait conclu à la culpabilité de
Dreyfus.
Par la suite, le commandant Henry fut convoqué, et
il avoua avoir fabriqué des faux afin de prouver la culpabilité de Dreyfus.
Aussitôt incarcéré, Henry fut retrouvé mort dans sa cellule le lendemain de
son arrestation (31 août 1898.).
A cette date, tant d’irrégularités ayant été
constatées, rien ne s’opposait plus à la révision du procès Dreyfus.
Toutefois, Cavaignac y était farouchement opposé (il fut poussé à la
démission par Brisson en septembre 1898, qui lui aussi fut contraint de
démissionner fin octobre suite au vote d’une motion de défiance à la Chambre
des députés.).
Caricature d'Henri Brisson, vers 1900, musée des Arts décoratifs, Paris.
Finalement, suite au décès de Faure (hostile à une
révision du procès.), Emile Loubet décida de faire examiner l’affaire par la
Cour de cassation à l’automne 1898.
A l’issue d’une longue instruction, accompagnée
par de violentes campagnes de presse opérées par les antidreyfusards, la
cour prononça son verdict le 3 juin 1899 : en raison des nombreuses
malversations ayant émaillé le procès Dreyfus, le jugement de 1894 était
cassé et renvoyé devant un nouveau conseil de guerre.
Immédiatement après le rendu du verdict, Zola
rentra d’Angleterre, et Picquart fut libéré de prison. Loubet, quant à lui,
fut la cible de la fureur des antidreyfusards ; alors qu’il se trouvait à
l’hippodrome d’Auteuil, il fut agressé à coups de canne par un monarchiste
exaspéré.
Dreyfus, rapatrié en France à l’été 1899, fut
incarcéré à Rennes où s’ouvrit en août le nouveau procès Dreyfus.
Toutefois, malgré le verdict de la Cour de
cassation, les aveux d’Esterhazy, le suicide d’Henry et le silence de Paty
du Clam, tout l’Etat-major témoigna contre Dreyfus en dépit de preuves
tangibles.
A l’extérieur, la tension était à son comble entre
dreyfusards et antidreyfusards, et le procès fut émaillé de nombreuses
manifestations (un des avocats de Dreyfus fut blessé par balle par un
militant nationaliste.).
Finalement, le 11 septembre 1899, Dreyfus fut
reconnu coupable de trahison avec circonstances atténuantes, et
condamné à dix années de prison.
Toutefois, Dreyfus fut gracié par Emile Loubet peu
de temps après l’issue du procès, mettant fin à cinq années de troubles.
Cependant, cette décision fut vivement critiquée
par les dreyfusards les plus extrémistes, car Dreyfus, en acceptant la
grâce, reconnaissait implicitement sa culpabilité.
A noter toutefois que Dreyfus ne fut complètement
réhabilité qu’en 1906, et réintégré au sein de l’armée au grade de
commandant.
8° Le ministère Waldeck-Rousseau,
le plus long gouvernement de la troisième république (juin 1899 à juin 1902)
– Le 12 juin 1899, Dupuy avait été poussé à la démission en pleine
affaire Dreyfus (le ministère avait été interpellé à la Chambre des députés
suite à l’agression du chef de l’Etat à Auteuil.).
a) La constitution du nouveau gouvernement
(juin 1899) : Loubet confia alors la charge de président du conseil à
Pierre Waldeck-Rousseau, qui décida de constituer un gouvernement
d’ouverture.
Pierre Waldeck-Rousseau, par Henri GERVEX, début du XX°
siècle, musée Carnavalet, Paris.
Le nouveau chef du gouvernement s’arrogea ainsi le
ministère de l’Intérieur et des Cultes, confirmant Théophile Delcassé aux
Affaires étrangères (radical.), nommant le général
Gaston de Galliffet[63]à la Guerre (républicain.),
Alexandre Millerand[64]au Commerce (socialiste.), et
Joseph Caillaux[65]aux Finances (centre-droit.).
Gaston de Galliffet,
Alexandre Millerand et Joseph Caillaux.
Ce ministère fut vivement critiqué à
l’extrême-gauche par les socialistes, ces derniers n’appréciant guère la
présence de Galliffet, ce dernier ayant violemment réprimé l’insurrection
communarde ; en outre, Millerand fut qualifié d’opportuniste, à une époque
où le socialisme était divisé quant à sa participation au pouvoir.
A noter que le gouvernement Waldeck-Rousseau
recueillit toutefois deux soutiens inattendus mais de taille, Georges
Clémenceau et Jean Jaurès (alors retirés de la vie politique.), qui
saluèrent cette « union sacrée » entre des différentes mouvances politiques
de l’époque.
b) Derniers remous provoqués par l’affaire
Dreyfus (été 1899) : comme nous l’avons vu précédemment, Dreyfus fut à
nouveau jugé à l’été 1899, son premier procès ayant été jugé irrégulier par
la Cour de cassation à l’automne 1898.
Au même moment, Waldeck-Rousseau et Galliffet
procédaient à une épuration de l’armée et de la fonction publique, écartant
les juges, militaires et préfets les plus compromis par l’affaire Dreyfus.
Dans un climat d’extrême violence, opposant
dreyfusards et antidreyfusards, Dreyfus fut reconnu coupable de trahison
avec circonstances atténuantes, et condamné à dix années de prison. Mais
il fut gracié dès septembre 1899 par le président de la république.
A l’automne, plusieurs membres de la ligue des
patriotes furent arrêtés et incarcérés pour complot contre le gouvernement.
Déroulède, principal accusé, fut condamné à dix années de bannissement[66].
Waldeck-Rousseau, soucieux de mettre un terme à ce
conflit ayant déchiré la France pendant cinq années, décida d’organiser une
fête républicaine du 19 au 21 novembre 1899, à l’occasion de l’inauguration
du Triomphe de la république, un monument érigé place de la Nation à
Paris.
c) L’exposition universelle de Paris (avril à
novembre 1900) : c’est le 14 avril 1900 qu’Emile Loubet inaugura une
nouvelle exposition universelle de Paris, la cinquième[67]
et dernière de son histoire[68].
L'inauguration de l'exposition
universelle de 1900, Le Monde Illustré, N° 2247, 21 avril 1900.
Cette manifestation internationale, dont le thème
était « le bilan d’un siècle », fut un véritable succès, accueillant en
l’espace de six mois près de 50 millions de visiteurs.
La tour Eiffel et le Globe Céleste.
L’exposition, s’étendant sur plus de 200 hectares,
du champ de Mars aux Invalides, permit aux nombreux participants de visiter
les nombreuses attractions construites pour l’occasion, telles que le
trottoir roulant ; le Globe Céleste, non loin de la tour Eiffel,
présentant aux spectateurs un panorama du système solaire ; une grande roue,
érigée rue Suffren, de 100 mètres de diamètre[69] ;
un « village nègre » composé de d’indigènes en provenance d’Afrique ; etc.
Le trottoir roulant, 1900.
Par ailleurs, plusieurs édifices firent sensation, tels que le palais de
l’électricité et la fontaine lumineuse, érigés sur le champ de
Mars (l’objectif était de vanter les bienfaits de l’électricité aux
visiteurs, une technologie déjà vieille de plusieurs années mais encore peu
répandue en dehors des grandes villes.).
Le palais de l'électricité et la fontaine
lumineuse, 1900.
Le pont Alexandre III,
baptisé en l’honneur du tsar de Russie et symbole de l’amitié franco-russe,
fut érigé en face des Invalides, non loin du Petit Palais et du
Grand Palais, musées consacrés aux Beaux-arts[70].
Visite du tsar Nicolas II à Paris, fin du XIX° siècle, musée des Invalides,
Paris.
Le
Métropolitain, creusé sous la direction de l’ingénieur Fulgence
Bienvenüe, reliait la porte de Vincennes à la porte Maillot (était ainsi
reliés l’ouest et l’est de la capitale.). Cette première ligne de métro fut
rapidement plébiscitée par les usagers, et reste toujours en activité
aujourd’hui[71].
En raison de cet important succès, six nouvelles lignes furent creusées en
l’espace de dix ans.
Les travaux du métropolitain - La gare de
la Bastille, Le Monde Illustré, N°
2242, 17 mars 1900.
La
gare de Lyon, accueillant les trains en provenance du sud de la
France, fut reconstruite et agrandie pour l’occasion, accueillant dès lors
13 voies de chemin de fer (contre seulement 5 pour le édifice, érigé en
1855.) ; la gare d’Orsay, terminus de la ligne reliant Orléans à
Paris, fut érigée sur les ruines du palais d’Orsay (ancien lieu de
résidence du Conseil d’Etat, détruit en 1870 lors de la Commune[72].).
La gare d'Orsay en 1900.
Enfin, plusieurs manifestations attirèrent l’attention des visiteurs, telles
que la seconde édition des Jeux
olympiques modernes[73],
à l’instigation de Pierre de Frédy, baron de Coubertin[74]
(à noter que l’évènement, baptisé « Concours international d'exercices
physiques et de sports », ne fut cependant pas considéré comme olympique à
l’époque.). L’évènement, réunissant une vingtaine de nations participantes
(Europe, Russie, Inde, Amérique du Nord.) fut un succès pour les sportifs
français qui, montant sur la première marche du podium, récoltèrent 101
médailles, dont 26 en or.
L'arrivée du 800 mètres au Jeux
olympiques de Paris, 1900.
Les frères Auguste et Louis
Lumière[75],
qui avaient inventé le cinématographe au printemps 1895[76],
procédé permettant d’enregistrer et de projeter des images animées[77],
présentèrent le cinéorama dans le jardin des Tuileries. Il s’agissait
d’un instrument de projection cinématographique diffusant des images sur un
cercle à 360°. A noter que l’attraction ne fut ouverte que trois jours au
public, la chaleur provoquée par les projecteurs ayant fait craindre aux
organisateurs de l’exposition un possible départ de feu.
d)
L’œuvre sociale du gouvernement Waldeck-Rousseau (1900 à 1901) :
suite à l’affaire Dreyfus, le ministère Waldeck-Rousseau acquit une certaine
notoriété, ayant promulgué une série de lois sociales : la loi Millerand
(30 mars 1900.),réduisant le temps de travail à 11 heures par jour
(soit 60 heures par semaine.) ; Caillaux, ministre des Finances, réduisit
les dépenses de l’Etat et modifia la législation concernant les droits de
succession, parvenant à présenter un budget excédentaire[78]
; enfin, la profession d’avocat fut ouverte aux femmes (décembre 1900.), et
les postiers reçurent l’autorisation de fonder l’Association générale des
agents des postes, télégraphes et communication (contournant ainsi la
loi Le Chapelier[79],qui interdisait aux fonctionnaires de se syndiquer.).
Le
gouvernement Waldeck-Rousseau, ministère d’ouverture, naviguait entre deux
eaux, ne pouvant ni se priver du soutien de la gauche et de l’extrême-gauche
(plus de 200 sièges à la Chambre des députés.), ni du soutien des partis de
centre-droit (environ 250 élus.).
Ainsi, malgré la promulgation de lois sociales énoncées précédemment, le
gouvernement Waldeck-Rousseau fut contraint d’adopter une posture répressive
lors des grèves de Chalon-sur-Saône (juin 1900.) et Montceau-les-Mines (mai
1901.) : dans les deux cas, l’armée fut chargée de mettre un terme à
l’agitation.
A
noter enfin que Waldeck-Rousseau fit voter au cours de l’été 1901 la loi
sur les associations, dont l’objectif était de contrôler les
congrégations religieuses qui opéraient en dehors de toute surveillance.
Toutefois, le texte adopté par la Chambre des députés fut bien plus sévère
que celui rédigé par Waldeck-Rousseau, et les congrégations furent soumises
à l’autorisation préalable. C’est ainsi que de nombreuses
organisations religieuses furent dissoutes au cours des mois qui suivirent,
ces dernières n’ayant pas été reconnues par l’Etat.
e)
Les élections législatives de mai 1902 : au printemps 1902 se
déroulèrent de nouvelles élections législatives, le mandat des députés élus
en 1898 arrivant à expiration.
Le
principal évènement de ce scrutin fut la constitution du bloc des gauches,
mené par Waldeck-Rousseau, réunissant tous les députés de gauche sous une
seule bannière.
Les votes furent par ailleurs nettement marqués par une poussée de
l’extrême-gauche, les socialistes récupérant 43 sièges, les
radicaux-socialistes 104, et les radicaux 129. Les républicains, principale
force politique depuis 1871, obtenaient leur pire score depuis quarante ans,
n’obtenant que 62 sièges (contre 254 en 1898.).
La
droite, par contre, retrouvait des couleurs par rapport au précédent
scrutin, obtenant 127 sièges ; les conservateurs et les libéraux, quant à
eux, parvinrent à faire élire respectivement 89 et 35 élus.
A noter par ailleurs que Georges Clémenceau et
Jean Jaurès, retirés de la vie politique depuis quelques années, firent leur
entrée au Sénat et à la Chambre des députés.
Une soirée au Pré-Catelan,
par Henri GERVEX, 1909, musée Carnavalet, Paris.
f)
La démission de Waldeck-Rousseau (juin 1902) : malgré les bons
résultats des élections législatives, Waldeck-Rousseau, malade, fut
contraint de présenter sa démission au chef de l’Etat[80].
Emile Loubet décida alors de faire appel à
Emile Combes[81],
qui reçut en juin 1902 la charge de président du conseil.
[1]
Sadi Carnot, né en août 1837, était le petit-fils de Lazare
Carnot, un des membres du Directoire, et le fils de
Lazare Hippolyte Carnot, homme politique qui participa à la
révolution de 1848. Diplômé de Polytechnique, Carnot fut élu député
en 1871. Nommé ministre à plusieurs reprises, il fut élu président
de la république en 1888.
[2]
Dupuy naquit en novembre 1851. Diplômé de l’Ecole normale supérieure
de Paris, il obtint son agrégation de philosophie et travailla dans
l’enseignement pendant plusieurs années. Il fut élu député en 1885,
puis fut nommé deux fois président du conseil, en avril 1893 et mai
1894.
[3]
Le président du conseil avait une fonction similaire à celle de
notre actuel premier ministre.
[4]
Brisson était un avocat né en juillet 1835. Participant à plusieurs
revues, il fit connaitre son hostilité à Napoléon III lors du second
Empire. Elu député en 1871, il siégea sur les bancs de l’Union
républicaine de Gambetta ; puis, de 1881 à 1885, il fut président de
la Chambre des députés. Nommé président du conseil en mars 1885,
Brisson s’était présenté aux élections présidentielles de 1885 et
1887 (il n’avait obtenu que des scores médiocres.).
[5]
Le parti radical, mouvance d’extrême-gauche, était favorable à la
laïcité et à l’adoption de mesures sociales.
[6]
Jean Casimir-Perier, né en novembre 1847, était le petit fils de
Casimir Perier, président du conseil sous le règne de Louis
Philippe I° (pour en savoir plus,
cliquez ici.). Elu député en 1876, il siégea sur les bancs de la
gauche républicaine, avant d’être nommé président du conseil en
décembre 1893.
[7]
Né en août 1812, Emmanuel Arago fut élu député de 1848 à 1851
(c'est-à-dire jusqu’au coup d’Etat de Napoléon III.), et de 1869 à
1876. A cette date, il fut nommé sénateur inamovible, poste qu’il
conservera jusqu’à sa mort en 1896 (pour en savoir plus sur le
système de l’inamovibilité sénatoriale, voir le b), 6, section I,
chapitre deuxième, la troisième république.). A noter enfin
qu’Emmanuel Arago était le fils de François Arago, qui avait
participé au gouvernement de l’éphémère seconde république.
Pour en savoir plus,
cliquez ici.
[8]
Poincaré était un avocat né en août 1860. Il fut élu député en 1887.
[9]
Faure, né en janvier 1841, s’engagea dans une carrière militaire
sous le second Empire, avant de s’établir comme négociant en cuir au
Havre, en 1867. Initié à la franc-maçonnerie à partir de 1865, il
décida de soutenir la jeune république dès septembre 1870, chargé de
la défense du Havre. Elu député en 1881, il participa à plusieurs
ministères en tant que sous secrétaire d’Etat aux Colonies, avant
d’être nommé ministre de la Marine par Charles Dupuy.
[10]
Delcassé était un journaliste né en mars 1852.Initié à la
franc-maçonnerie en 1886, il fut élu député en 1889. Bien que
radical, il soutint la politique coloniale de Jules Ferry,
contrairement à son homologue Georges Clémenceau.
[11]
Pour en savoir plus à ce sujet, voir le b), 6, section I, chapitre
deuxième, la troisième république.
[12]
Grévy, prédécesseur de Carnot, fut le troisième président de la
troisième république.
[13]
Nous reviendrons sur les débuts de l’affaire Dreyfus au d), 3,
section I, chapitre troisième, la troisième république.
[14]
Retiré de la vie politique, Casimir-Perier mourut en mars 1907.
[15]
Barthou était un avocat né en août 1862. Elu député en 1889, il
siégea sur les bancs des modérés. Il fut nommé par la suite ministre
de l’Intérieur (1896.), ministre des Travaux publics (1906 à 1909.),
et ministre de la Justice (1909 à 1913.).
[16]
Waldeck Rousseau était un avocat né en décembre 1846. Elu député en
1879, il siégea en tant que membre de l’Union républicaine de
Gambetta (lorsque ce dernier fut nommé président du conseil, il
nomma Waldeck Rousseau ministre de l’Intérieur.). Il fut nommé
ministre de l’Intérieur en 1883, puis promulgua en 1884 un décret
autorisant les syndicats. Waldeck-Rousseau se retira toutefois de la
vie politique en 1885, suite à l’affaire du Tonkin (voir le
g), 4, section II, chapitre deuxième, la troisième république.).
[17]
Ribot était un avocat né en février 1842. Elu député en 1877, il
siégea sur les bancs des républicains modérés. Hostile au parti
radical et à la politique coloniale de Jules Ferry, Ribot fut vaincu
aux législatives de 1885, et ne retrouva son siège de député qu’en
1887. Plus tard, en décembre 1893, il fut nommé président du
conseil.
[28]
Mais le dossier secret n’ayant pas été examiné, personne ne sut,
hormis l’accusation, qu’il était vide.
[29]
Loubet était un avocat né en décembre 1838. Ami de Gambetta, il fut
élu député en 1876 et siégea sur les bancs de l’Union républicaine.
En janvier 1885, il fut nommé sénateur, et ministre à plusieurs
reprises au cours des années suivantes.
[30]
Les socialistes se trouvaient à l’extrême gauche de l’échiquier
politique, prônant la suppression de la propriété et l’avènement
d’une société égalitaire sans classes sociales.
[31]
Jaurès, né dans le Tarn en septembre 1859, fit ses études à l’Ecole
Normale Supérieure de Paris et en sortit agrégé de philosophie. Elu
député en 1885, il siégea sur les rangs des républicains, mais
perdit son poste en 1889. Se consacrant à l’enseignement, il
collabora avec plusieurs journaux du Midi.
[32]
Né en septembre 1841, Clémenceau fit des études de médecine (son
grand père était médecin dans l’armée de Napoléon.), puis partit
enseigner aux Etats Unis, suite à la guerre de sécession. Pendant la
guerre de 1870, il s’installa à Paris, fréquentant les milieux
républicains, et manifestant son hostilité envers les partisans de
la paix. Par la suite, Clémenceau fut élu maire de Montmartre
(novembre 1870) et député (février 1871.). Surnommé le « tombeur de
ministères » (il provoqua la démission de plusieurs présidents du
conseil, par exemple Jules Ferry.), Clémenceau fut contraint de se
retirer de la vie politique suite au scandale de Panama (pour en
savoir plus à ce sujet, voir le 10, section II, chapitre troisième,
la troisième république.), se consacrant au journalisme.
[33]
Pour plus de renseignement à ce sujet, voir le 12, section II,
chapitre troisième, la troisième république.
[34]
Le conseil général est l’assemblée qui gère le département. Il était
appelé « général » car avant l’instauration des régions et des
conseils régionaux, les départements constituaient la plus haute
assemblée du pays.
[35]
Certains grévistes tentaient de dissuader les nouveaux ouvriers de
travailler à la verrerie.
[36]
Sadi Carnot, né en août 1837, était le petit-fils de Lazare
Carnot, un des membres du Directoire, et le fils de
Lazare Hippolyte Carnot, homme politique qui participa à la
révolution de 1848. Diplômé de Polytechnique, Carnot fut élu député
en 1871. Nommé ministre à plusieurs reprises, il fut élu président
de la république en 1888. Pour en savoir plus sur les circonstances
de son assassinat, voir le d), 12, section II, chapitre troisième,
la troisième république.
[37]
Léon Bourgeois était un avocat né en mai 1851. Participant au siège
de Paris pendant la guerre de 1870, il fut élu député radical en
1888.
[38]
Le Sénat refusait de voter les crédits nécessaires au maintien des
forces françaises à Madagascar.
[39]
Jules Méline, né en mai 1838, était avocat à Paris sous le second
Empire. Elu membre de la Commune en mars 1871, il siégea au sein de
l’assemblée nationale à partir de 1872. Méline fut par la suite
nommé ministre à plusieurs reprises.
[40]
Rappelons que sous le second Empire, Napoléon III avait développé le
libre échange afin de développer le commerce et l’économie.
[41]
La constitution de ces caisses locales permettait aux agriculteurs
d’emprunter à des taux d’intérêts largement inférieurs aux taux
pratiqués à l’époque.
[42]
Né en avril 1849, Gallieni fit ses études à Saint Cyr. Participant à
la guerre de 1870, il fut fait prisonnier et détenu en Prusse
jusqu’à la fin de la guerre. Par la suite, il fut envoyé au Sénégal,
en Martinique, et au Soudan.
[43]
Dreyfus était bien noté par ses supérieurs, avait démontré un fort
patriotisme, enfin, sa fortune personnelle le préservait d’un
quelconque manque d’argent.
[44]
A noter qu’Henry était un ami d’Esterhazy. Peut être avait il voulu
protéger ce dernier lorsqu’il intercepta en 1894 le fameux bordereau
qui condamna Dreyfus à la déportation.
[45]
A noter que Jaurès et Clémenceau étaient à l’origine de fervents
opposants à Dreyfus (Jaurès avait même réclamé le rétablissement de
la peine de port pour les crimes de haute trahison.).
[47]
A qui Esterhazy avait emprunté de fortes sommes d’argent.
[48]
A noter qu’Esterhazy, suite à son acquitement, préféra se réfugier
en Angleterre où il mourut en mai 1923.
[49]
A noter que le titre, « J’accuse… », fut trouvé par Clémenceau qui
travaillait comme journaliste à l’Aurore.
[50]
Billot, né en août 1828, avait fait carrière sous le second Empire
(il participa à l’expédition du Mexique et aux opérations en
Algérie.). Suite à la guerre de 1870, il fut élu député en 1871.
[51]
Jacques Cavaignac, né en mai 1853, était le fils du général Louis
Eugène Cavaignac (suite à la révolution de 1848, il
dirigea le gouvernement provisoire, puis fut candidat malheureux
aux élections présidentielles organisées la même année.). Engagé
volontaire pendant la guerre de 1870, il obtint par la suite son
diplôme d’ingénieur des ponts & chaussées, puis fut élu député en
1882.
[52]
A ne pas confondre avec le Congo Belge, ex-Zaïre, devenu république
démocratique du Congo en 1997.
[53]
Voir à ce sujet le c), 3, section II, chapitre deuxième, la
troisième république.
[54]
Pour en savoir plus sur l’expédition d’Egypte, voir le 6, section
IV, chapitre quatrième, la Révolution française.
[55]
Pour en savoir plus sur le canal de Suez, voir le b), 4, section II,
chapitre premier, le second Empire.
[56]
Ce dernier était décédé en 1885, mais le mouvement mahdiste continua
d’exister jusqu’à la fin du XIX° siècle.
[57]
Les ministres de la Guerre avaient décidé de démissionner dans un
souci de solidarité, refusant de reconnaître la non-culpabilité de
Dreyfus.
[58]
Le palais de l’Elysée avait été construit en 1720 par Louis Henri
de La Tour d’Auvergne, comte d’Evreux (ce dernier était le petit
neveu d’Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne,
maréchal de Louis XIV.). A noter que le comte d’Evreux, soucieux de
trouver les fonds nécessaire à la construction de l’édifice, avait
épousé une fille de 12 ans, issue de la bourgeoisie (cette dernière
fut congédiée en 1720, lors de l’inauguration de l’hôtel d’Evreux,
nom initial du palais de l’Elysée.). Plus tard, l’édifice fut cédé
par Louis XV à sa maîtresse la marquise de Pompadour, avant
d’être abandonné au cours de la Révolution française (l’édifice fut
alors rebaptisé palais de l’Elysée en raison de sa proximité avec
les Champs Elysées.). Après avoir été un temps occupé par Napoléon
I°, l’hôtel fut finalement cédé au duc de Berry, neveu de Louis
XVIII. Le palais de l’Elysée devint la demeure officielle des
présidents de la république à partir de 1848.
[59]
Clémenceau, qui n’aimait guère le défunt, déclara : en entrant
dans le néant, il a dû se sentir chez lui.
[60]
Déroulède, né en septembre 1846, était un écrivain ayant participé à
la guerre de 1870 et à la répression de la Commune de Paris. Déçu
par le traité de paix signé avec la Prusse, Déroulède créa en 1882
la Ligue des patriotes, à l’instigation de Gambetta (rappelons que
ce dernier s’était opposé au traité de paix.). La Ligue, à l’origine
composée de républicains modérés, se transforma au fil des années en
une organisation nationaliste, antisémite, et hostile au
parlementarisme.
[62]
La partie centrale avait été rédigée par Henry, mais l’entête et le
bas de la page provenaient l’une lettre du colonel Alessandro
Panizzardi, attaché militaire italien à Paris.
[63]
Galliffet, né en janvier 1830, s’engagea dans la cavalerie légère
après avoir obtenu son baccalauréat ès Lettres. Participant à la
guerre de Crimée, il fut envoyé en Algérie avant de prendre part à
la campagne d’Italie, et à l’expédition du Mexique (pour en savoir
plus sur ces interventions,
voir le chapitre sur le second Empire.). Galliffet, fait
prisonnier pendant la guerre de 1870, participa à la répression de
la Commune suite à sa libération ; il y gagna une réputation d’homme
à la sévérité implacable, ayant fait fusiller sans procès de
nombreux prisonniers. Se présentant à l’élection présidentielle en
1879, Galliffet fut nommé gouverneur général de Paris l’année
suivante.
[64]
Millerand était un avocat né en février 1859. Proche des
socialistes, il fut élu député en 1888, poste qu’il conserva jusqu’à
la fin de la première guerre mondiale.
[65]
Caillaux naquit en mars 1863 au sein d’une famille monarchiste.
Suite à son échec au concours d’entrée de Polytechnique, il intégra
en 1888 l’inspection générale des Finances. Elu député en 1898,
Caillaux siégea sur les bancs du centre-droit (il conserva son siège
jusqu’en 1919.).
[70]
Ces deux bâtiments existent encore de nos jours. Si le Petit Palais
conserve toujours son rôle de musée des Beaux-arts, le Grand Palais
n’accueille plus que les expositions temporaires depuis la seconde
moitié du XX° siècle.
[71]
Les premiers travaux de prolongations furent initiés au cours des
années 1930 ; cependant, ce n’est que depuis 1992 que la ligne 1
relie le quartier de La Défense.
[72]
La gare d’Orsay, désaffectée suite à la seconde guerre mondiale, fut
transformée en musée en 1986.
[73]
Les jeux olympiques, au cours de l’Antiquité, réunissait à Olympie
(non loin d’Athènes.) les athlètes de nombreuses cités grecques (à
noter qu’il existait des organisations similaires dans d’autres
cités, tels que les jeux pythiques à Delphes, les jeux
isthmiques à Corinthe, etc.). Les jeux olympiques, considérés
comme une manifestation païenne, furent supprimés en 394 après Jésus
Christ, suite à un décret proclamé par l’Empereur romain Théodose
I°.
[74]
Coubertin, né en janvier 1863 au sein d’une famille aristocratique,
préféra se consacrer à la promotion de l’athlétisme plutôt que de
s’engager dans la politique ou dans l’armée. Soucieux de mettre sur
pied une compétition internationale sportive, il organisa la
première édition des jeux olympiques modernes à Athènes en 1896.
[75]
Auguste et Louis Lumière étaient deux ingénieurs français,
respectivement nés en octobre 1862 et octobre 1864.
[76]
A noter que certains historiens considèrent le français Louis
Aimé Augustin Le Prince comme le vrai inventeur du cinéma, ce
dernier ayant filmé la propriété de ses beaux parents à Roundhay
(près de Leeds, en Angleterre.) à l’automne 1888. Décédé en
septembre 1890, les brevets de Le Prince furent suspendus et
l’ingénieur tomba dans l’oubli.
[77]
L’ingénieur américain Thomas Edison, parfois considéré à tort
comme l’inventeur du cinéma,avait inventé le kinétographe
en 1891, procédé permettant de visualiser une série de
photographies (donnant ainsi l'impression que ces dernières étaient
animées.) ;
toutefois, son kinétoscope n’était pas un instrument de
projection à proprement parler, ayant été conçu pour que seul un
spectateur puisse regarder le film à travers une petite fenêtre.
[78]
Il ne parvint toutefois pas à imposer l’impôt sur le revenu, qui ne
fut adopté qu’en 1914.
[79]
La loi Le Chapelier, adoptée en juin 1791, interdisait les syndicats
et le droit de grève. Toutefois, elle fut progressivement abrogée au
fil des décennies. Ainsi, le droit de grève fut autorisé en 1864,
les syndicats en 1884. Pour en savoir plus sur l’adoption de la loi
Le Chapelier, voir le 2, section I, chapitre troisième, la
Révolution française.
[80]
Conservant son poste de sénateur, Waldeck-Rousseau mourut en août
1904.
[81]
Emile Combes, né en septembre 1835 au sein d’une famille aisé,
obtint son diplôme de médecine en 1868. Elu maire de Pons en 1876,
puis sénateur en 1885, il siégea sur les bancs des radicaux.