II :
La III° république en crise (1929 à 1939) -
partie 3
11°
L’éphémère gouvernement Bouisson et le ministère Laval (juin 1935 à janvier
1936) – Le 31 mai 1935, Flandin, affaibli par un accident
automobile survenu au début du mois, se rendit néanmoins à la Chambre des
députés afin de demander les plein pouvoirs financiers.
Toutefois, mis en minorité par l’assemblée, Flandin fut contraint de
présenter sa démission.
a)
L’entracte Bouisson (juin 1935) : Lebrun, suite à la démission du
président du conseil, décida de nommer
Ferdinand Bouisson[1]à ce poste.
Le
nouveau venu, président de la Chambre des députés depuis 1927, décida de
composer une nouvelle fois un gouvernement d’union nationale, regroupant les
membres du PRRRS, de l’AD, de la FR, ainsi que les socialistes et les
radicaux indépendants.
Ainsi, outre sa charge de président du conseil, Bouisson récupérait le
ministère de l’Intérieur ; furent nommés ministres d’Etat Herriot et le
maréchal Pétain ; Caillaux reçut les Finances ; Laval fut confirmé aux
Affaires étrangères.
Toutefois, le gouvernement Bouisson fit long feu, étant renversé dès le 5
juin, trois jours après sa constitution.
b)
La constitution du gouvernement Laval (juin 1935) : suite à la
démission de Bouisson, Lebrun décida de nommer Laval au poste de président
du conseil.
Ce
dernier, préservant cette idée d’union nationale, composa un ministère
composé de membres du PRRRS, de l’AD, de la FR, de socialistes et de
radicaux indépendants.
Laval, conservant les Affaires étrangères, nomma Herriot et Flandin
ministres d’Etat.
Le ministère Laval.
c)
La politique déflationniste du gouvernement Laval (juin 1935 à janvier
1936) : ayant obtenu les pleins pouvoirs financiers à l’été 1935, le
nouveau gouvernement décida de poursuivre la politique déflationniste
française, adoptée depuis le début de la crise de 1929[2].
Pour ce faire, Laval eut recours à une multitude de décrets-lois, tentant de
redresser la situation économique.
En
juillet 1935, les dépenses publiques furent diminuées de 10% (baisse du
salaire des fonctionnaires, baisse des allocations, etc.) ; au même moment
les prix furent eux aussi diminués de 10% (biens de consommation, loyers,
etc.).
Puis, entre août et octobre, près de 400 décrets-lois furent promulgués par
le gouvernement, prévoyant une réforme des assurances sociales, la
suppression des heures supplémentaires, etc.
Propagande communiste hostile aux décrets-lois.
Toutefois, la politique déflationniste de Laval n’eut pas les résultats
escomptés. Ainsi, non seulement le déficit budgétaire doubla (10 milliards
en 1935 contre 5 milliards l’année précédente.), mais en outre de nombreux
Français protestèrent vivement contre la diminution de leurs salaires.
Le
29 novembre 1935, lors d’un débat d’ordre financier à la Chambre des
députés, Paul Reynaud, condamnant la politique de déflation, préconisa une
dévaluation du franc.
d)
L’invasion de l’Ethiopie par l’Italie, le rapprochement Mussolini-Hitler
(octobre 1935 à mai 1936) : en 1935, seuls deux pays restaient
indépendants en Afrique. Le Liberia, fondé par les Etats-Unis au début du
XIX° siècle, afin d’y installer d’anciens esclaves noirs libérés ; et
l’Ethiopie, qui avait gagné son indépendance à l’issue de la première
guerre italo-éthiopienne en 1896.
Mussolini, dont l’Empire colonial se limitait en Afrique à la Lybie, la
Somalie et l’Erythrée, ordonna l’invasion de l’Ethiopie le 3 octobre 1935.
Dans un premier temps, le gouvernement d’Hailé Sélassié I°, roi
d’Ethiopie, décida de se rapprocher de l’Allemagne, Hitler souhaitant une
défaite de l’encombrant Mussolini (rappelons que le Duce, hostile à
l’anschluss, était un adversaire du troisième Reich.). C’est ainsi que le
Führer fit parvenir plusieurs tonnes d’armes et de munitions en Ethiopie,
afin de soutenir la lutte contre les troupes italiennes.
Hailé Sélassié I°.
L’offensive italienne, lancée dans le nord du pays, visait Addis Abeba, la
capitale de l’Ethiopie. Faisant usage du gaz moutarde[3],
pourtant prohibé par les conventions internationales, les troupes italiennes
ne progressèrent que de 150 kilomètres en l’espace de deux mois.
Offensive italienne en Ethiopie.
En
janvier 1936, une contre-attaque éthiopienne se déroula dans la province du
Tigray, mais la bataille entre les deux belligérants s’acheva sur un
statu quo.
L'Ethiopie en 1935.
A
compter de février 1936, l’offensive italienne reprit. Ces derniers, lors de
la bataille de Maychew, parvinrent à repousser l’armée éthiopienne,
conquérant le Tigray courant mars.
Suite à cette défaite, les Ethiopiens ne furent plus en mesure de rivaliser
contre les italiens, et furent aussi battus dans le sud du pays par une
armée italienne en provenance de Somalie.
Hailé Sélassié I°, se réfugiant à Djibouti, laissa les Italiens s’emparer
d’Addis Abeba au début du mois de mai 1936.
Mussolini donna alors naissance à l’Africa Orientale Italiana,
faisant jonction entre l’Erythrée et la Somalie ; toutefois, la conquête de
l’Ethiopie resta incomplète, permettant à de nombreux mouvements
indépendantistes de se développer.
L'Ethiopie en 1936.
La
SDN, protestant contre cette invasion, condamna l’agression italienne en
octobre 1935[4],
établissant une série de sanctions économiques[5]
(interdiction d’importer des produits italiens ; interdiction de vendre à
l’Italie du pétrole, du fer, de l’acier et du caoutchouc.).
L’annonce de ces pénalités fit scandale à Rome, d’autant plus que Laval,
connaissant depuis janvier 1935 les projets d’invasion de l’Ethiopie, ne s’y
était pas opposé ; Stanley Baldwin, premier ministre britannique,
était quant à lui un admirateur du Duce.
Mais à la fin novembre 1935, soucieux de trouver une issue au conflit, Laval
et Samuel Hoare, ministre des Affaires étrangères britannique,
élaborèrent un plan de conciliation pour l’Ethiopie. Ainsi, le nord-est et
l’est de l’Ethiopie seraient cédés à l’Italie ; le sud du pays passerait
sous domination économique italienne ; en contrepartie, Sélassié
conserverait son trône.
Le plan Laval-Hoare.
Cependant, le plan Laval-Hoare, rejeté par Mussolini et Hailé
Sélassié, fut abandonné en fin d’année 1935.
Au
final, la seconde guerre italo-éthiopienne consacra la
décrédibilisation de la SDN, incapable de défendre un pays agressé ; en
outre, la politique duale de la France et l’Angleterre[6]
ne fit que précipiter le rapprochement de l’Italie fasciste vers l’Allemagne
nazie.
e)
Les dernières mesures du gouvernement Laval (octobre 1935 à janvier
1936) : en octobre 1935, un décret concernant les armes à feu fut
promulgué par le gouvernement. Considérée depuis la Révolution française
comme une liberté, la détention d’armes à feu devait dès lors faire l’objet
d’une déclaration à la Préfecture.
Puis, le 12 janvier 1936, la Chambre des députés vota la loi sur les
groupes de combat et les milices privées. Le texte prévoyait la
dissolution des groupes paramilitaires, responsables des troubles de février
1934[7].
C’est ainsi que de nombreuses ligues de droite et d’extrême-droite furent
dissoutes, mais aussi plusieurs associations d’anciens combattants : en
février 1936, Action française et les Camelots du roi[8]
; en juin 1936, les Croix de feu, Solidarité française, le parti franciste
et les Jeunesses patriotes.
Au
cours des années suivantes, cette loi fut utilisée pour dissoudre les
mouvements indépendantistes, anti-indépendantistes, racistes ou
d’extrême-gauche[9].
Mais quelques jours après l’adoption de la loi sur les milices, le PRRRS,
afin de protester contre la politique étrangère du gouvernement Laval,
demanda aux radicaux présents au sein du ministère de s’en retirer.
Laval fut alors contraint de remettre sa démission au chef de l’Etat le 19
janvier.
11° Le second gouvernement Sarraut
(janvier à juin 1936) – Suite à la démission de Laval,
Lebrun décida de confier à Albert Sarraut la charge de président du conseil.
Ce
dernier constitua une nouvelle fois un ministère d’union nationale,
rassemblant membres du PRRRS, de l’AD, de
l’Union socialiste républicaine[10]et des radicaux indépendants.
Sarraut, conservant le ministère de l’Intérieur, nomma Paul-Boncour (USR.)
ministre d’Etat délégué à la SDN ; Flandin (AD.) reçut le portefeuille des
Affaires étrangères ; Chautemps (PRRRS.) eut les Travaux publics.
a)
Les obsèques de Jacques Bainville et la dissolution d’Action française
(février 1936) : en février 1936 furent organisées les obsèques de
Jacques Bainville, journaliste et historien proche d’Action française.
Les obsèques, organisées à Paris, rassemblèrent près de 10 000 personnes,
dont les maréchaux Pétain et Franchet
d’Espérey[11],
plusieurs académiciens et ambassadeurs, ainsi que d’anciens ministres.
Toutefois, un premier incident éclata lorsque la voiture de Léon Blum,
président du Front populaire[12],
tenta de traverser la route empruntée par le convoi funéraire.
Des Camelots du roi, reconnaissant l’homme assis dans la voiture, éclatèrent
le pare-brise arrière, puis rouèrent de coups Léon Blum.
Ce
dernier parvint toutefois à échapper au lynchage, grâce à l’intervention
d’un groupe d’ouvriers travaillant sur un chantier non loin de là.
Apprenant la nouvelle, Sarraut décida de réunir le conseil des ministres, et
décréta la dissolution immédiate de l’Action française et des Camelots du
roi.
b)
La remilitarisation de la Rhénanie (mars 1936) : Hitler, alors en
plein processus de réarmement de l’Allemagne, décida de remilitariser la
Rhénanie le 7 mars 1936[13].
Le
Führer profitait d’une période sensible pour accomplir son coup de force, la
question éthiopienne n’étant pas encore réglée (Mussolini, interrogé par le
troisième Reich, annonça qu’il n’interviendrait pas.) ; en outre, les
prochaines élections législatives françaises, prévues pour le mois d’avril,
empêchaient le gouvernement Sarraut de se prononcer une éventuelle entrée en
guerre.
L’opération Winterübung[14]
se déroula très rapidement. Ainsi, 19 bataillons de la
Wehrmacht[15],
pénétrant début mars en Rhénanie, occupèrent Aix-la-Chapelle, Trèves et
Sarrebruck. Malgré l’appréhension des généraux menant l’opération[16],
en 48 heures, toute la région fut occupée.
Les capitales européennes, à l’annonce de ce coup de force, sommèrent Hitler
de se justifier. Ce dernier, prétextant que le traité franco-soviétique
d'assistance mutuelle[17]
(ratifié au printemps 1936 par la Chambre des députés.) était une menace
pour l’Allemagne, annonça que la remilitarisation de la Rhénanie était
nécessaire en cas d’agression étrangère.
Par ailleurs, le Führer annonça la dissolution du Reichstag, et de nouvelles
élections législatives (doublées d’un plébiscite en faveur de la
remilitarisation.) furent organisées à la fin mars 1936. Le NSDAP recueillit
alors 99% des suffrages.
Suite à l’opération Winterübung, Sarraut décida d’organiser une mobilisation
partielle de l’armée ; cependant, en raison des prochaines échéances
électorales, le gouvernement fit machine arrière.
L’Angleterre, pourtant alliée de la France, n’adopta pas une position ferme
vis-à-vis d’une Allemagne violant les clauses du traité de Versailles et du
pacte de Locarno. Stanley Baldwin, premier ministre britannique, refusa
d’intervenir, ce dernier considérant que la France n’avait pas été agressée
par le troisième Reich.
Ainsi, la France fut contrainte de faire appel devant la SDN, mais les
discussions n’aboutirent pas.
Cet épisode marqua une nette diminution du prestige de la France et de
l’Angleterre à l’étranger. Ainsi, de nombreux pays de l’est, menacés par le
troisième Reich ou l’URSS, étaient désormais isolés ; la Belgique, qui était
alliée à la France depuis 1914, décida d’opter pour la neutralité. Par
ailleurs, Hitler comprit que les démocraties occidentales, souhaitant à tout
prix éviter une guerre, ne s’opposerait pas à lui à l’avenir.
c)
Les élections législatives d’avril 1936 : le mandat des députés
arrivant à son terme, de nouvelles élections législatives furent organisées
à la fin avril 1936[18].
Le
gauche, qui avait déjà remporté le précédent scrutin en réalisant une
alliance entre le PRRRS et la SFIO, donna naissance au Front populaire à
l’été 1935, suite à son alliance avec le parti communiste et l’USR[19].
Affiche de propagande contre le front populaire (les personnages représentés
sous forme de marionettes sont, de haut en bas, le communiste Marcel Cachin,
le radical Edouard Herriot, et le socialiste Léon Blum).
Bénéficiant d’un taux de participation de 85%[20],
ce scrutin consacra la victoire du Front populaire, rassemblement de toutes
les forces de gauche, arrivé en tête des suffrages avec 63% des voix.
Ainsi, la SFIO devenait la première formation politique de la Chambre des
députés (149 sièges.), loin devant un PRRRS en perte de vitesse (110 sièges
contre 175 en 1932.). L’USR, quant à lui, récupérait 29 sièges,
A
l’extrême-gauche, le PC réalisait un excellent score, obtenant 72 sièges
(contre 10 en 1932.) ; la gauche
indépendante[21]récupérait 11 sièges.
Au
centre comme à droite, les voix étaient une nouvelle fois très éparpillées
entre une multitude de petits partis.
L’AD obtenait 43 sièges ; la gauche radicale et les radicaux indépendants,
39 ; le PDP[22],
13 ; les Indépendants d’action populaire[23],
16.
A
droite, la FR, en progression, récupérait 60 sièges (contre 41 lors du
précédent scrutin.) ; les Indépendants
républicains[24],
13 ; les Républicains indépendants et
d’action sociale[25],
40.
L’on notait enfin la présence de 15 non inscrits.
En
raison de la victoire du Front populaire aux élections législatives, Sarraut
présenta sa démission. Blum, contacté par Lebrun pour assurer la charge de
président du conseil, ne constitua son gouvernement qu’en juin 1936, lors de
la rentrée parlementaire.
Le
défilé du 1er mai, organisé à l’initiative de la CGT[26],
rassembla plusieurs milliers de personnes ; pendant l’été, d’importantes
grèves paralysèrent le pays, et ce dans de nombreux secteurs.
12° Le gouvernement Blum (juin
1936 à juin 1937) – Suite à sa nomination à la charge de
président du conseil, Léon Blum décida de composer un ministère à tendance
radicale-socialiste.
A
noter que pour la première fois depuis la création de la SFIO, des
socialistes acceptèrent de participer au gouvernement.
Blum, décidant de ne pas occuper une autre fonction que celle de président
du conseil, nomma Daladier (PRRRS.)
vice-président du conseil[27]et ministre de la Défense nationale et
de la Guerre[28] ;
Camille Chautemps (PRRRS.) et Paul Faure[29]
(SFIO.) furent nommés ministres d’Etat ;
Roger Salengro[30](SFIO.) reçut le ministère de
l’Intérieur ; enfin, Vincent Auriol[31](SFIO.) eut les Finances.
Les communistes, soutenant le gouvernement, refusèrent toutefois d’en faire
partie.
A
noter enfin que pour la première fois en France, les femmes firent leur
entrée au gouvernement.
a)
Les accords de Matignon (juin 1936) : afin de mettre un terme aux
grèves paralysant le pays depuis le printemps 1936, le gouvernement Blum
décida de signer les accords de Matignon avec la CGT, principal
syndicat ouvrier, et la CGPF[32],
principal syndicat patronal (8 juin 1936.).
Les ouvriers gagnaient ainsi plusieurs acquis sociaux : augmentation des
salaires de 7 à15% selon les entreprises ; interdiction de licencier un
employé sans accord de l’inspecteur du
travail[33]; mise en place de la semaine de 40
heures[34]
(repos hebdomadaire le samedi[35].) ;
obtention de 15 jours de congés payés[36].
Courant juin, les accords de Matignon furent adoptés par la Chambre des
députés.
b)
Les réformes du Front populaire (été 1936) : suite à la signature des
accords de Matignon, les grèves cessèrent peu à peu. Toutefois, le
gouvernement Blum décida d’adopter une série de mesures radicales pendant
l’été 1936.
Fin juillet, la Banque de France fut réformée, son système de fonctionnement
étant jugé bourgeois et archaïque.
Depuis sa création, la Banque de France était gérée par les 200 familles,
c'est-à-dire les 200 plus gros actionnaires (sur un total de 40 000.). Ces
derniers, participant à l’assemblée générale, élisaient un Conseil de
régence, présidé par un gouverneur.
Cependant, la gauche n’appréciait guère ce système, qui faisait la part
belle aux actionnaires les plus riches. La réforme de la Banque de France
diminua donc drastiquement le pouvoir des 200 familles, les 40 000
actionnaires étant autorisés à participer à l’assemblée générale (soit une
voix par actionnaire.) ; par ailleurs, le Conseil de régence fut remplacé
par un Conseil général, composé de représentants de l’Etat et de
membres élus par l’assemblée générale.
Puis, en août 1936, l’âge de la scolarité obligatoire passa de 13 à 14 ans ;
les industries d’armement furent nationalisées[37] ;
l’Office national interprofessionnel du
blé[38]fut créé (son objectif était de fixer
les prix du blé et de régulariser le marché, tout en assurant le maintien
des revenus des producteurs[39].).
c)
L’Espagne, royauté, république, dictature ? (1930 à 1936) : comme
nous l’avons vu précédemment, le général Miguel Primo de Rivera avait établi
une dictature en Espagne en septembre 1923.
Toutefois, ce dernier n’avait pas déposé le roi Alphonse XIII, qui, à
la mort de Primo de Rivera (mars 1930.), afficha son intention de revenir à
un gouvernement constitutionnel.
C’est ainsi que furent organisées les élections municipales d’avril 1931,
qui accordèrent la majorité des voix aux républicains. Ces derniers
décidèrent alors de proclamer la déchéance de la monarchie, et Alphonse
XIII, effrayé, décida de partir en exil.
Mais l’Espagne fut frappée de plein fouet par la crise économique des années
1930, d’autant plus que le pays était encore peu développé.
Ainsi, 20 000 familles possédaient 50% des terres cultivables ; l’armée
espagnole comptait un général pour 100 soldats ; le taux d’analphabétisme
atteignait 48% ; l’espérance de vie était de 50 ans en 1930[40].
Malgré une naissance illégitime, la
seconde république espagnole[41]
adopta rapidement une série de mesures importantes : réforme agraire,
laïcisation de l’Etat, légalisation du divorce, nationalisation des églises,
adoption de l’impôt sur le revenu, etc.
Toutefois, l’extrême-gauche et l’extrême-droite (carlistes[42],
Phalange espagnole[43],
etc.) profitèrent de la crise agitant le
bienio negro[44]afin de lancer plusieurs coups d’Etat.
Le coup de force le plus important de cette période fut la Commune
espagnole (appelé aussi révolution d’octobre.), en octobre 1934,
lorsque les ouvriers révoltés des Asturies[45]
parvinrent à se rendre maîtres de 1 000 km² autour d’Oviedo.
Les communautés autonomes d'Espagne.
Le
mouvement, se poursuivant pendant plusieurs semaines, fut finalement réprimé
dans le sang par l’armée.
En
dépit des oppositions entre les différents courants de la gauche espagnole,
socialistes et communistes décidèrent de présenter une liste commune lors
des élections législatives de février 1936, le
Front populaire[46].
L’objectif de ce rassemblement était de faire bloc face au fascisme, à une
époque où la république était plus que menacée.
Affiche du Front populaire espagnol.
Mais bien que remportant les élections en mars 1936, le Front populaire ne
parvint pas à maintenir l’ordre. Ainsi, alors que les phalangistes
s’attaquaient aux communistes et aux anarchistes, ces derniers assassinaient
des prêtres et des militaires.
Afin de mettre un terme à l’anarchie ambiante, un groupe de militaires
décida d’organiser un coup d’Etat contre la république espagnole. Dirigés
par le général José Sanjurjo[47],
les hauts responsables de l’insurrection formaient une petite unité,
regroupant les généraux Emilio Mola[48],
Manuel Goded[49],
et Joaquin Fanjul[50].
Francisco Franco[51],
qui n’appréciait guère Sanjurjo, se laissa convaincre de participer au coup
d’Etat après avoir reçu d’importantes sommes d’argent.
d)
Le déclenchement de la guerre civile espagnole (juillet 1936) : Le
coup d’Etat éclata au Maroc à la mi-juillet 1936, puis fut déclenché en
Espagne dès le lendemain. Apprenant la nouvelle, le gouvernement espagnol
tenta de mettre en place un compromis, proposant plusieurs ministères aux
militaires révoltés.
Toutefois, les putschistes refusèrent tout compromis, d’autant plus que
l’extrême-gauche refusait de voir des nationalistes participer au
gouvernement.
La guerre civile espagnole (août 1936).
Face à la menace, les républicains tentèrent tant bien que mal de
s’organiser.
Le
gouvernement espagnol n’ayant plus aucun pouvoir, la gauche organisa des
milices afin de combattre les putschistes, assurer l’approvisionnement des
villes, etc.
Par ailleurs, les usines furent saisies (de nombreux patrons s’étaient
enfuis, effrayés par leurs ouvriers armés.) ou soumises à un contrôle
drastique ; les biens de l’Eglise furent confisqués ou réquisitionnés ; les
parcelles des grands propriétaires terriens furent saisies.
Enfin, l’URSS envoya un corps expéditionnaire de 25 000 hommes (ainsi que du
matériel.) afin de soutenir la lutte contre les nationalistes[52].
En
raison d’un manque de soutien au sein même de l’armée, mais aussi de la vive
résistance des troupes républicaines, le putsch fut un échec.
Sanjurjo périt quelques jours après le déclenchement de l’insurrection, lors
du crash de son avion qui l’emmenait en Espagne ; Goded et Fanjul furent
tués par les républicains alors qu’ils combattaient en Catalogne. Face à
cette hémorragie, Franco prit la tête de l’insurrection début octobre 1936.
Ce
dernier, à la tête d’une armée mal équipée au début du conflit, reçut
toutefois d’importants approvisionnements en armes et en munitions, en
provenance d’Allemagne, d’Italie et des Etats-Unis[53].
A
l’automne 1936, si les putschistes ne parvinrent pas à prendre Madrid, ils
s’emparèrent du Maroc espagnol, de la Galicie, et de la Castille.
La guerre civile espagnole (octobre
1937).
La
guerre civile espagnole se prolongea jusqu’en 1939, Franco parvenant
profitant des dissensions dans le camp républicain pour étendre peu à peu
son influence : le POUM[54],
d’obédience marxiste, était confronté au parti communiste, suivant à la
lettre les instructions de Staline. Ainsi, alors que les membres du POUM
luttaient activement contre les troupes franquistes, à l’arrière les
communistes menaient une intense campagne de diffamation, accusant ce parti
d’être « hitléro-trotskyste. »
Affiche de propagande en faveur du POUM (un militant du POUM projette le
démon du fascisme contre le mur du Front populaire.).
En
février 1939, Franco s’empara de la Catalogne, dernière région entre les
mains des républicains ; au mois d’avril, il proclama officiellement la fin
de la guerre, lors d’une parade organisée à Madrid.
La guerre civile espagnole (novembre 1938
à février 1939)
d)
Le gouvernement Blum face au conflit espagnol (juillet à septembre 1936)
: côté français, le gouvernement Blum était partagé quant à une
intervention en Espagne.
Si
les communistes étaient partisans d’une intervention aux côtés des
républicains, les radicaux refusaient d’intervenir dans un conflit trop
hasardeux, d’autant plus que l’Angleterre avait annoncé son intention de ne
pas y participer.
Le
15 août 1936, les gouvernements français et britanniques firent une
déclaration commune, proclamant leur politique de non-intervention.
Suite à cette annonce, le parti communiste décida de retirer son soutien au
gouvernement Blum.
Cependant, si une loi votée en janvier 1937 interdit le départ de
volontaires pour l’Espagne et la livraisons d’armes, le gouvernement accepta
de faire transiter en France du matériel soviétique en direction de
l’Espagne.
e)
L’affaire Salengro (juillet à novembre 1936) : pendant l’été 1936, le
ministre de l’Intérieur, Roger Salengro, fut l’objet d’une campagne de
diffamation menée par le quotidien
L’Action française[55]
(organe de presse du mouvement éponyme.).
Ce
journal, protestant contre la dissolution des ligues prononcée par Salengro[56],
affirma que le ministre de l’Intérieur avait déserté lors de la première
guerre mondiale.
Salengro, qui avait été fait prisonnier par l’ennemi en octobre 1915,
protesta contre ces calomnies, qui furent malgré tout reprises par d’autres
journaux.
Bien qu’officiellement lavé de tout soupçon par la Chambre des députés le 13
novembre 1936, suite à un vote en sa faveur, Salengro, fragilisé
psychologiquement[57],
décida de mettre un terme à ses jours. Quelques jours après, ce dernier fut
retrouvé mort, asphyxié par le gaz de sa cuisinière (17 novembre.).
A
la mi-décembre 1936, suite aux obsèques de Salengro, la Chambre des députés
vota une loi aggravant les peines prévues pour diffamation par voie de
presse.
f)
Une prise de conscience tardive face à la menace allemande ? (août 1936 à
octobre 1937) : à la fin août 1936, Hitler décida d’augmenter la durée
du service militaire d’une à deux années (la Wehrmacht comptait ainsi 1.3
millions de soldats en 1937.) ; en outre, l’Allemagne et le Japon signèrent
le pacte antikomintern en octobre 1936.
Cet accord garantissait un support militaire aux signataires, si l’un
d’entre eux était attaqué par l’URSS.
Côté allemand, Hitler avait préféré mettre un terme à l’alliance
traditionnelle avec la Chine, le pays étant en pleine crise ; côté japonais,
l’objectif était de se prémunir contre une attaque soviétique, le Japon
devenant un Etat frontalier de l’URSS suite à la conquête de la Corée et du
Mandchoukouo[58]
(cette conquête étant condamnée par la SDN, le Japon décida de quitter
l’organisation internationale le 27 mars 1933.).
L'évolution de l'Empire japonais (1870 à 1939).
A
noter que l’Italie, non signataire en octobre 1936, décida de rejoindre le
pacte antikomintern en novembre 1937.
Face à la menace grandissante de l’Allemagne nazie, le gouvernement Blum
décida d’adopter une politique de modernisation des armées françaises (ces
dernières accusaient un retard considérable, surtout en matière
d’aviation.).
Ainsi, Daladier fit voter le 10 février 1937 un plan quadriennal de 19
milliards de francs, soutenant la production d’armes modernes et la
construction de 1 500 avions de combat.
A
noter cependant que l’Etat-major, dont la tactique défensive reposait
entièrement sur la ligne Maginot, refusa la production de chars de combat.
Manifestation apparente d’une certaine anxiété, le ministère de l’Air décida
dans le courant du mois de réquisitionner les usines du constructeur aérien
Morane-Saulnier[59],
en retard sur les livraisons des nouveaux appareils.
g)
L’exposition universelle de Paris (mai à novembre 1937) : le 24 mai
1937, l’exposition universelle de Paris[60]fut inaugurée par le chef de l’Etat,
son thème étant « les Arts et techniques dans la vie moderne. » Cet
évènement coïncidait à une année près avec le centenaire de l’inauguration
de l’arc de triomphe de l’Etoile[61].
A
noter toutefois que l’ouverture de l’exposition était prévue pour le 1er
mai ; cependant, à cause de nombreuses grèves, l’inauguration avait été
repoussée (le 24 mai, plusieurs pavillons étaient encore inachevés.)
A
l’occasion de l’exposition universelle, la tour Eiffel fut modernisée (les
arcades du premier étage furent supprimées et l’éclairage réorganisé.) ;
furent construits le palais de Chaillot (à l’emplacement de l’ancien
palais du Trocadéro, érigé en 1878[62].),
le palais d'Iéna, et le palais des musées d’Art moderne[63]
; la largeur du pont d’Iéna (édifice reliant le Trocadéro à la tour Eiffel.)
fut doublée.
Le palais d'Iéna, Paris, août 2011.
Mais outre les bâtiments français, l’on retrouvait les pavillons des pays
participants à l’évènement. Les deux édifices les plus appréciés du public,
recevant la médaille d’or de l’exposition, furent ceux de l’Allemagne nazie
et de l’URSS, les deux pavillons se faisant face sur le champ de Mars.
Côté russe, l’on retrouvait une statue en acier de 25 mètres de haut,
L’Ouvrier et la Kolkhozienne[64];côté allemand, l’édifice de 150 mètres était surmonté d’un aigle juché
sur une croix gammée.
L’exposition universelle de 1937, en raison de la crise économique qui
sévissait à l’époque, fut de taille plus modeste que les précédentes
éditions. Mais le succès fut au rendez vous, 30 millions de billets ayant
été vendus entre mai et novembre 1937.
h)
Une situation économique toujours morose (octobre 1936 à juin 1937) :
malgré une série de mesures sociales adoptées pendant l’été 1936, la
situation économique française restait toujours préoccupante.
La
production industrielle diminuait, de pair avec la productivité ; le chômage
ne baissait toujours pas (35 000 chômeurs de plus en septembre 1936 par
rapport à l’année précédente, soit 755 000 au total.) ; enfin, les prix à la
consommation avaient augmenté de 28% entre 1936 et 1937.
En
raison de ces nombreuses difficultés, le gouvernement Blum décida de
procéder à une dévaluation le 25 septembre 1936, la première depuis
l’adoption du franc Poincaré en juin 1928[65]
(l’objectif était de remettre le franc au niveau du dollar et de la livre
sterling, qui avaient été dévalués récemment.).
C’est ainsi que fut créé le franc Auriol, fixé à 70% de sa valeur
initiale (ce dernier ne contenait que 42 à 49 grammes d’or, au lieu de 60
auparavant.).
Si
cette dévaluation fut vivement critiquée par la presse française, la
production industrielle augmenta de 10% en l’espace de quelques mois ; les
chiffres du chômage passèrent de 755 000 à 590 000.
Toutefois, cette mesure n’empêcha pas la hausse des prix, qui augmentèrent
de 25 à 50% en l’espace d’une année ; en outre, le déficit budgétaire
atteignit les 44 milliards de francs.
Afin de faire face à la crise, Blum réclama les pleins pouvoirs financiers
le 22 juin 1937. Cependant, si la Chambre des députés se prononça
favorablement (malgré de sévères restrictions.), le Sénat se montra hostile.
Désavoué, Blum décida alors de présenter sa démission à Lebrun.
13° Le gouvernement Chautemps
(juin 1937 à mars 1938) – Léon Blum ayant présenté sa
démission, Lebrun décida de confier à Camille Chautemps la charge de
président du conseil (28 juin 1937.).
Ce
dernier, suite à sa nomination, décida de composer un ministère
radical-socialiste, très similaire au précédent.
Ainsi, Blum fut nommé vice-président du conseil ; Albert Sarraut devint
ministre d’Etat, aux côtés de Paul Faure ; Auriol reçut le portefeuille de
la Justice ; Daladier fut confirmé à la Défense nationale (à noter que les
femmes présentes au sein du précédent gouvernement furent évincées.).
a)
Les premières mesures du gouvernement Chautemps (été 1937) :
Chautemps, voyant qu’il ne restait que vingt millions dans les caisses de
l’Etat, proposa l’adoption d’une série de mesures financières.
La
Banque de France devait prêter 15 milliards au gouvernement ; hausse des
impôts ; diminution des dépenses de l’Etat. Par ailleurs, une nouvelle
dévaluation fut prononcée en juillet 1937, le franc ne contenant plus que
38.7 milligrammes d’or.
Ces quelques mesures permirent à l’activité industrielle de repartir à la
hausse pendant quelques mois, mais l’inflation monta à 26%.
Puis, le 31 août 1937, Chautemps décida de nationaliser toutes les sociétés
de chemin de fer, donnant naissance à la
Société Nationale des Chemins de Fer[66]en janvier 1938.
L’objectif était de permettre à l’Etat de mieux contrôler le réseau ferré,
détenant dès lors 51% des actions de la nouvelle société.
b)
Les attentats de la Cagoule (septembre à novembre 1937) : le 11
septembre 1937, deux attentats à la bombe furent commis à Paris, l’un au
siège de la CGPF[67],
l’autre dans les locaux du Comité des
Forges[68].
L’affaire était grave, d’autant plus que deux policiers, en faction devant
les bâtiments, avaient été tués par l’explosion.
Dans un premier temps, les communistes furent soupçonnés d’avoir commis les
deux attentats. Toutefois, les forces de l’ordre découvrirent finalement que
les coupables étaient membres de l’Organisation Secrète d’Action
Révolutionnaire Nationale, un groupe terroriste composé d’anciens de
l’Action française et des Camelots du roi.
L’OSARN fut toutefois surnommé la Cagoule par le quotidien l’Action
française, qui refusait que ce groupe terroriste puisse être confondu avec
le mouvement royaliste.
Résolument fasciste, anticommuniste, antisémite et antiparlementaire,
l’OSARN s’était déjà fait connaitre en août 1937 en détruisant des avions à
destination de l’Espagne, installés à l’aéroport de Toussus-le-Noble[69].
L’objectif de l’attentat du mois de septembre, en faisant sauter les locaux
de la CGPF et du Comité des Forges, était de faire accuser les communistes.
Ce
n’est toutefois qu’en novembre que l’organisation fut démantelée par le
ministère de l’Intérieur, suite à une tentative ratée de coup d’Etat menée
par l’OSARN.
Début 1938, 120 personnes furent arrêtés et incarcérées ; des caches d’armes
furent retrouvées sur tout le territoire.
Toutefois, les forces de l’ordre ne purent détruire les ramifications de la
Cagoule dans les milieux économiques ; les grandes entreprises ayant financé
ce mouvement (L’Oréal, Michelin, etc.) ne furent donc pas
inquiétées.
c)
Le remaniement ministériel de janvier 1938 : en raison de la forte
hausse des prix et de l’augmentation du chômage, de nombreuses grèves
éclatèrent en début d’année 1938. Chautemps demanda alors aux grévistes de
reprendre le travail, mais ces derniers refusèrent.
La
SFIO, refusant de soutenir le président du conseil, demanda aux ministres
socialistes de démissionner.
Affaibli par ce départ, Chautemps décida de présenter sa démission à
Lebrun ; toutefois, ce dernier lui demanda au contraire de former un nouveau
gouvernement.
Ainsi, Daladier fut nommé vice-président du conseil, tout en conservant le
portefeuille de la Défense nationale ; Sarraut reçut l’Intérieur ; Steeg eut
le ministère des Colonies.
A
noter que ce nouveau gouvernement était composé uniquement de membres du
PRRRS ou de l’USR, la SFIO et le PC ayant refusé d’y participer.
Toutefois, ce nouveau ministère fit long feu. Le 9 mars 1938, Chautemps
demanda les pleins pouvoirs financiers, qui lui furent refusés par la
Chambre des députés.
Ce
dernier décida alors de présenter sa démission à Lebrun.
14° Le second gouvernement Blum
(mars à avril 1938) – Chautemps ayant présenté sa
démission, Lebrun décida de confier à Léon Blum la charge de président du
conseil.
a)
La constitution du nouveau gouvernement (mars 1938) : le nouveau
président du conseil composa donc un gouvernement à tendance
radicale-socialiste, mais les communistes refusèrent d’y prendre part.
Blum récupéra le ministère du Trésor ; Daladier fut confirmé à la
vice-présidence du conseil et au ministère de la Défense nationale ; Steeg,
Faure et Sarraut furent nommés ministres d’Etat ; Paul-Boncour reçut le
portefeuille des Affaires étrangères.
b)
L’anschluss (mars 1938) : alors que Blum constituait son
gouvernement, l’Allemagne envahissait l’Autriche.
Comme nous l’avons vu précédemment[70],
Hitler avait tenté d’annexer l’Autriche dès 1934, afin de donner naissance
au Großdeutsches Reich[71].
En effet, le Führer considérait que tout territoire germanophone devait être
rattaché au Reich.
Cependant, si la tentative de juillet 1934 avait été un échec, en 1938 la
situation avait évolué.
Kurt von Schuschnigg, chancelier autrichien, lutta tant bien que mal contre
la menace allemande, mais fut contraint de négocier faute de soutien de la
part des capitales européennes.
Ainsi, en juillet 1936, un accord austro-allemand faisait de l’Autriche le
second Etat allemand, le pays d’engageant à adopter une politique extérieure
conforme aux intérêts pangermaniques[72].
Par ailleurs, l’évolution de la position italienne modifia considérablement
la donne.
Mussolini, à l’origine résolument hostile à Hitler (le Duce comparait les
nazis aux barbares germains ayant détruit l’Empire romain.), se rapprocha
peu à peu du Führer à compter de 1935, suite aux évènements d’Ethiopie. Par
ailleurs, ce rapprochement s’amplifia suite à la décision italienne de
quitter la SDN, en décembre 1937.
Ainsi, alors qu’en 1934 Mussolini s’annonçait prêt à intervenir en Autriche
en cas d’invasion allemande, en 1938 il consentit à l’anschluss.
En
février 1933, Kurt von Schuschnigg fut invité à Berlin, où il fut vivement
réprimandé par Hitler en raison de sa politique étrangère. Le Führer
présenta alors au chancelier autrichien un projet d’accord non négociable :
le NSDAP autrichien, interdit depuis mars 1933, devait être à nouveau
autorisé ; Arthur Seyß-Inquart[73]devait être nommé ministre de
l’Intérieur ; le système économique autrichien intégré à celui de
l’Allemagne.
De
retour à Vienne, Schuschnigg fit part à
Wilhelm Miklas[74],
président de la république autrichienne, du projet d’accord formulé par
l’Allemagne.
Le
chef de l’Etat, dans un premier temps, refusa de signer ce texte qu’il
jugeait infamant. Toutefois, suite à l’organisation de manœuvres militaires
allemandes le long de la frontière, Miklas décida de se soumettre à la
mi-février 1938.
Ainsi, le NSDAP autrichien fut autorisé ; les nazis emprisonnés furent
libérés ; Seyß-Inquart fut nommé ministre de l’Intérieur.
Mais en mars 1938, subissant encore des pressions de la part de l’Allemagne
nazie, malgré la signature de l’accord, Schuschnigg décida de procéder à un
référendum en faveur d’une Autriche indépendante.
Hitler, refusant qu’un tel vote soit organisé, mobilisa l’armée allemande
aux frontières de l’Autriche, et envoya un ultimatum à la chancellerie.
Schuschnigg ayant accepté d’annuler le référendum, Hitler exigea auprès de
Miklas le renvoi du chancelier et la nomination de Seyß-Inquartà sa
place.
Après avoir tenté de résister, Miklas décida de se séparer de Schuschnigg,
qui annonça sa démission lors d’une émission radiophonique. A l’annonce de
ce message, les nazis autrichiens profitèrent de la situation pour se livrer
à des actes de pillage à Vienne, tout en occupant la Styrie et la Carinthie.
Miklas, acceptant finalement de nommer Seyß-Inquart à la tête du
gouvernement, ne parvint pas à éviter l’entrée des troupes allemandes en
Autriche, le 13 mars 1938.
La
Wehrmacht, ne rencontrant pas de résistances de la part de l’armée
autrichienne, fut relativement bien accueillie par la population locale.
Ainsi, dans de nombreuses villes (Vienne, Salzburg, Linz, etc.), les troupes
allemandes furent accueillies avec des drapeaux nazis et des fleurs.
L’armée allemande, ne rencontrant pas de résistances, parvint à occuper la
totalité du territoire autrichien en l’espace de quelques jours.
Hitler, passant par Braunau am Inn, son village natal, arriva à Vienne dans
la soirée du 13 mars. Prenant la parole depuis un balcon de l’Hôtel de
ville, il fut acclamé par plus de 60 000 personnes.
Discours d'Hitler à l'Hôtel de ville de Vienne.
A
l’étranger, les réactions concernant l’anschluss furent presque
inexistantes.
En
France, le second gouvernement Blum n’avait pas encore pris ses fonctions ;
en Angleterre, le premier ministre
Arthur Neville Chamberlain[75]
déclara que l’annexion de l’Autriche était semblable à l’annexion de
l’Ecosse par l’Angleterre ; les Etats-Unis, toujours frappés par la crise
économique, n’émirent pas d’objections.
La "une" du quotidien "Paris-Soir", 13 mars 1938.
Suite à l’anschluss, l’Autriche devint une province du troisième Reich,
Seyß-Inquart étant nommé gouverneur. Par ailleurs, Hitler annonça
l’organisation d’un référendum, validant l’annexion de l’Autriche.
Afin que le « oui » l’emporte, le Führer développa une intense propagande ;
annonça un investissement de 60 millions de marks dans la modernisation de
l’industrie et de l’agriculture autrichienne ; le système de sécurité
sociale allemande fut étendue à la nouvelle province du Reich ; enfin, des
distributions de nourriture pour les pauvres furent organisées.
En
parallèle de ces mesures sociales, plusieurs officiers SS furent envoyés à
Vienne, ainsi que 40 000 policiers allemands. En l’espace de quelques
semaines, près de 70 000 personnes furent arrêtés et incarcérées,
principalement des opposants à l’anschluss, des socialistes, des communistes
et des juifs.
Le
référendum, organisé à la mi-avril 1938, récolta 99% de « oui » en Allemagne
et en Autriche[76].
c)
La chute du gouvernement Blum (avril 1938) : la constitution du
gouvernement Blum, en mars 1938, fut immédiatement accueilli par un
importante vague de grèves.
Le
président du conseil, inquiet de la vétusté du matériel militaire français,
demanda alors aux dirigeants des usines travaillant pour la défense
nationale d’augmenter leur production. Toutefois, les patrons refusèrent en
bloc, prétextant que la crise économique ne leur permettait pas de donner
satisfaction au gouvernement.
Courant avril, Blum déposa un projet de loi à la chambre, prévoyant de céder
les pleins pouvoirs au gouvernement, ainsi que l’adoption d’un impôt sur le
capital.
Toutefois, si le texte fut validé par les députés, le Sénat y fut hostile.
Blum, désavoué une fois de plus, décida alors de démissionner le 10 avril
1938.
14° Le gouvernement Daladier, la
marche vers la guerre (avril 1938 à septembre 1939) –
suite à la démission de Blum, Lebrun décida de confier la charge de
président du conseil à Daladier (12 avril 1938.).
Ce
dernier, privé du soutien des socialistes, élabora donc un gouvernement
composé de membres du PRRRS et de l’USR.
Daladier, conservant le ministère de la Défense nationale, nomma Chautemps à
la vice-président du conseil ; Sarraut reçut le ministère de l’Intérieur,
Paul Reynaud eut les Finances.
a)
La remise en question des réformes du Front populaire : face une
menace allemande grandissante, le gouvernement Daladier décida de prendre
des mesures afin d’accroitre la production industrielle.
Le
2 mai, les impôts furent augmentés de 8% ; courant juin, la semaine des 40
heures fut assouplie[77]
(42 heures de travail en moyenne en 1939.).
Une forte reprise de l’activité fut constatée en 1939 ; toutefois, elle
passa inaperçue en raison du déclenchement de la seconde guerre mondiale.
b)
La crise des Sudètes et les accords de Munich (septembre 1938):
Hitler, profitant de l’impassibilité franco-britannique, réclama à l’automne
1938 le rattachement des Sudètes à l’Allemagne.
Les Sudètes étaient à l’origine une chaîne montagneuse au nord-est de
l’actuelle république tchèque, peuplée majoritairement d’Allemands. Mais par
extension, furent surnommés Sudètes tous les habitants germanophone de
Tchécoslovaquie.
Après avoir obtenue son indépendance vis-à-vis de l’Empire austro-hongrois
pendant l’hiver 1918[78],
la république de Tchécoslovaquie avait été officiellement reconnue lors du
traité de Saint-Germain-en-Laye, signé en septembre 1919.
Toutefois, la construction de ce pays était largement artificielle, la
Tchécoslovaquie étant composé de nombreuses nationalités. Ainsi, outre les
Tchèques et les Slovaques, représentant à peine 50% de la population, l’on
retrouvait des Allemands, des Polonais, des Hongrois, etc.
Si
pendant plusieurs années, les députés germanophones participèrent à la vie
politique de la Tchécoslovaquie, leur ton évolua radicalement suite à
l’intense propagande nazie propagée par le troisième Reich.
Hitler, reprenant à son compte le concept de la liberté des peuples à
disposer d’eux mêmes, annonça pendant l’été 1938 son intention d’annexer
les Sudètes, se déclarant prêt à la guerre.
Côté français, la situation était préoccupante, d’autant plus que la France
s’était engagé à défendre la petite entente, alliance militaire unissant la
Tchécoslovaquie, la Roumanie et la Yougoslavie.
Le
3 septembre 1938, le gouvernement français rappela 100 000 hommes sous les
drapeaux ; en Angleterre, des exercices de défense furent organisés ; le 23
septembre, la mobilisation générale fut décrétée en Tchécoslovaquie.
Mussolini, ne souhaitant pas le déclenchement d’un conflit mondial, décida
alors de jouer un rôle de médiateur entre la France et l’Allemagne.
C’est ainsi qu’une conférence fut organisée à Munich, les 29 et 30 septembre
1938. Y participèrent Hitler, Mussolini, Daladier et Arthur Chamberlain (ne
furent pas invité les représentants du gouvernement américain ; Staline,
dirigeant de l’URSS ; et Edvard Benès, président de la république
tchécoslovaque.).
France et Angleterre, afin de préserver la paix mondiale, décidèrent donc de
signer les accords de Munich. Hitler était autorisé à occuper le
territoire des Sudètes, toutefois, un plébiscite en faveur du rattachement à
l’Allemagne devait y être organisé.
Signature des accords de Munich. L'on peut apercevoir, de gauche à droite,
Chamberlain, Mussolini, Hitler, et Daladier.
A
leur retour, Daladier et Chamberlain, qui s’attendaient à être hués par la
foule, furent au contraire applaudis en tant que « sauveurs de la paix[79]. »
En
France, la grande majorité de la Chambre des députés, se déclarant
munichoise, approuva le texte signé en Allemagne (555 voix contre 75.).
Toutefois, les communistes affichèrent leur hostilité, ainsi que quelques
députés disséminés à droite et à gauche.
Côté anglais, accords de Munich furent là aussi bien accueillis ; toutefois,
le député conservateur Winston Churchill, résolument antimunichois,
déclara : vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre. Vous avez
choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre.
Caricature de la conférence de Munich (les émissaires français et
britanniques servent la Tchécoslovaquie sur un plateau au loup allemand,
sous le regard intéressé de l'oncle Sam).
A
l’étranger, la décision franco-anglaise d’abandonner la Tchécoslovaquie
entre les mains du troisième Reich, ne fit que ternir un peu plus l’image de
ces deux pays. Ainsi, plusieurs pays d’Europe de l’est, tels que la Pologne
ou la Roumanie, s’inquiétèrent quant à leurs alliances avec les démocraties
occidentales ; Staline, outré de ne pas avoir été invité à la conférence,
considéra comme un aveu de faiblesse la politique conciliatrice menée par la
France et l’Angleterre.
A
noter qu’en octobre 1938, Hitler annula le plébiscite prévu dans le
territoire des Sudètes ; en mars 1939, la république tchèque fut transformée
en protectorat de Bohême-Moravie ; la moitié sud et est de la
Slovaquie furent rétrocédées à la Hongrie ; enfin, la république slovaque
fut autorisée à conserver son indépendance, à condition d’adopter une
politique pangermaniste.
Le démembrement de la Tchécoslovaquie (1938 à 1939)
c)
L’assassinat d’Ernst vom Rath et la nuit de Cristal (novembre 1938) :
le 7 novembre 1938, Ernst vom Rath, troisième conseiller à
l’ambassade d’Allemagne, fut tué par Herschel Grynszpan.
L’assassin était un jeune juif, né en 1921 au sein d’une famille polonaise
résidant en Allemagne, qui était venu vivre à Paris à l’été 1936.
Ne
tentant pas de s’enfuir après avoir accompli son forfait, Grynszpan expliqua
aux forces de l’ordre chargées de l’enquête qu’il voulait se venger des
« sales boches », sa famille ayant été expulsée d’Allemagne en octobre 1938
(à l’instar de 12 000 juifs polonais.).
Rapidement incarcéré, le procès de Grynszpan fut indéfiniment reporté en
raison du déclenchement de la guerre[80].
Ironie de l’Histoire, vom Rath, bien qu’ayant adhéré au NSDAP par
opportunisme, était hostile à la politique raciste et anticléricale du
troisième Reich.
Le
soir de l’assassinat de vom Rath, le troisième Reich organisa la
nuit de Cristal[81],
pogrom de grande ampleur dirigé contre les juifs d’Allemagne. Toutefois, si
cet évènement fut officiellement présenté comme une réaction spontanée du
peuple allemand suite à l’assassinat, en réalité, le pogrom fut en réalité
ordonné par Hitler[82].
A
partir de 22 heures, les chefs de la SA (rappelons que cette milice comptait
quatre millions de membres en 1934.) donnèrent des instructions par
téléphone à leur subordonnés, Hitler ayant donné l’ordre à la police de ne
pas intervenir.
Les SA, appuyés par la SS et les populations civiles, commencèrent les actes
de violence peu avant minuit. C’est ainsi que plus de 250 de synagogues
furent saccagés ; des centaines de cimetières juifs furent profanés ; 7 500
entreprises et commerces juifs furent pillés et détruits ; outre plusieurs
viols, une centaine de juifs furent assassinés en Allemagne et en Autriche ;
enfin, 25 000 personnes furent arrêtés et déportés en camp de concentration.
A
l’étranger, la nuit de Cristal fut unanimement réprouvée, que ce soit par la
France, l’Angleterre, les Etats-Unis ou l’Italie.
Toutefois, si la majorité des pays occidentaux établirent un boycott des
produits allemands, aucune mesure ne fut adoptée quant à l’accueil des juifs
en provenance d’Allemagne.
A
l’issue des évènements, le troisième Reich décida de radicaliser sa
politique antisémite. De ce fait, les gérants des commerces dévastés lors de
la nuit de Cristal, qui souscrivaient à une assurance, apprirent que leurs
cotisations seraient versées directement à l’Etat ; les enfants juifs furent
chassés des écoles allemandes ; les Allemands de confession juive furent
privés de leurs aides sociales ; enfin, toute activité commerciale fut
interdite aux juifs.
A
noter enfin que si les auteurs de meurtres ne furent pas inquiétés par la
justice allemande, ceux qui s’étaient rendus coupables de viols furent
sévèrement punis.
d)
Les élections présidentielles d’avril 1939 : le mandat d’Albert
Lebrun arrivant à son terme, de nouvelles élections présidentielles furent
organisées au printemps 1939[83].
Malgré la montée des tensions avec l’Allemagne et la perspective d’une
guerre, Lebrun décida de se représenter.
Toutefois, le président sortant étant membre de l’AD, la gauche présenta ses
propres candidats. Les radicaux, très divisés, présentèrent plusieurs
candidats, contribuant à un net éparpillement des voix : Edouard Herriot,
Fernand Bouisson, et Justin Godard[84].
Au contraire, la SFIO et le PC présentèrent chacun un candidat unique,
respectivement Albert Bedouch[85]
et Marcel Cachin.
A
l’issue du premier tour du scrutin, organisé début avril 1939, Lebrun arriva
en tête des suffrages avec 55% des voix (il fut donc élu dès le premier
tour.).
Derrière lui, l’on retrouvait le socialiste Albert Bedouch, obtenant 16.5%
des voix ; Cachin, se présentant pour la troisième fois, obtenait son
meilleur score, obtenant 8% des suffrages. Les candidats PRRRS, quant à eux,
réalisaient une véritable contre-performance, Herriot obtenant 6% ; Godard,
5.5% ; Bouisson, 1.7%. Enfin, arrivé en dernière position,
François Piétri[86],
candidat de l’AD, récupérait 1% des voix.
e)
Une prise de conscience franco-anglaise ? L’alliance avec la Pologne
(printemps 1939) : Chamberlain, malgré la signature des accords de
Munich, décida d’accélérer la politique de réarmement britannique.
L'Europe en 1939.
En
fin d’année 1938, il se rendit à Paris afin de se renseigner sur la
politique militaire française ; puis à Rome afin de demander à Mussolini de
jouer un rôle de médiateur avec l’Allemagne.
Ce
revirement du gouvernement britannique, qui depuis près d’une décennie
pratiquait une politique d’apaisement, se confirma suite à la nuit de
Cristal (novembre 1938.) et à l’invasion de la Tchécoslovaquie par le
troisième Reich (mars 1939[87].).
A
cette occasion, Chamberlain prononça le discours suivant lors d’une visite à
Birmingham :il n'y aurait pas
pire erreur que de croire que parce qu'elle considère la guerre comme chose
cruelle et dépourvue de sens, la nation [britannique] a perdu sa
fibre guerrière au point qu'elle ne consacrera pas ses efforts jusqu'au
dernier à résister à un tel défi s'il devait jamais être lancé.
Le 24 avril, la Chambre des communes[88]
vota en faveur du rétablissement de la conscription.
Côté français, Daladier travaillait depuis plusieurs mois déjà à accroitre
la productivité des usines militaires. Ainsi, Paul Raynaud débloqua le 19
mars 1939 la somme de 56 milliards, destinée à la Défense nationale ; un
décret adopté le 21 mars instaura la semaine de 60 heures dans les usines de
guerre ; le 21 avril, le temps de travail fut allongé à 45 heures, et un
impôt fut instauré sur les bénéfices industriels ; le 29 juillet, en raison
des vives tensions internationales, les pouvoirs de la Chambre des députés
(arrivant à expiration en juin 1940.) furent prorogés de deux ans.
Cependant, ces mesures étaient bien trop tardives pour avoir un effet
significatif
En mars 1939, alors qu’Hitler avait ouvert des
négociations avec la Pologne, au sujet du corridor de Dantzig, il réclama à
la Lituanie la ville de Memel, située au nord de la Prusse orientale.
France et Angleterre, face à la menace allemande,
tentèrent donc de développer un réseau d’alliances défensives en Europe.
C’est ainsi que les deux pays garantirent l’intégrité
de la Belgique, de la Suisse et des Pays-Bas, le 23 mars 1939 ; en
juin, France et Angleterre s’allièrent avec la Turquie ;
le 25 août, une alliance militaire tripartite fut signée entre la
France, l’Angleterre et Pologne (les deux grandes puissances occidentales
s’engageaient à intervenir militairement si le territoire polonais était
attaqué.).
A
noter que Mussolini, abandonnant définitivement son rôle d’arbitre, ordonna
l’invasion de l’Albanie le 7 avril 1939. Le souverain albanais,
Zog I°[89],
fut alors contraint de s’exiler
f)
Le pacte germano-soviétique (août 1939) : alors que l’URSS était liée
à la France par traité franco-soviétique d'assistance mutuelle, signé en
1935[90],
Staline était inquiet de la politique conciliatrice des capitales
occidentales vis-à-vis de l’Allemagne (viol des clauses du traité de
Versailles, remilitarisation de la Rhénanie, anschluss, annexion des
Sudètes, invasion de la Tchécoslovaquie, etc.).
A
l’été 1939, alors que Staline se rapprochait de l’Allemagne nazie, des
négociations avec la France et l’Angleterre avaient encore lieu. Mais
Staline, demandant à pouvoir occuper les pays baltes et de traverser la
Pologne en cas offensive nazie, fit échouer les pourparlers.
Côté allemand, Hitler avait planifié pour la fin août l’invasion de la
Pologne. Toutefois, ses généraux l’incitèrent à conclure une alliance avec
Staline, afin de s’assurer de la neutralité de l’URSS.
C’est ainsi que fut signé à Moscou le traité de non-agression entre
l'Allemagne et l'Union des républiques socialistes soviétiques, appelé
communément pacte germano-soviétique (23 août 1939.).
Le
texte ne prévoyait aucune alliance militaire, mais établissait au contraire
un accord de paix entre les deux pays, Allemagne et Union soviétique
s’engageant à adopter une position de neutralité en cas d’attaque ennemie.
Par ailleurs, le pacte germano-soviétique comportait une série de clauses
secrètes, délimitant les sphères d’influences allemandes et soviétiques en
Europe de l’est. Etait aussi prévue une ligne de partage de la Pologne.
Enfin, la Gestapo[91]s’engageait à livrer au
NKVD[92]
les réfugiés russes présents sur le territoire allemand ; en contrepartie,
l’URSS livrerait au troisième Reich les dissidents antifascistes, Allemands
ou Autrichiens, installés en Union soviétique.
Si
côté allemand, le pacte permit à Hitler de rapatrier un grand nombre de
divisions sur la frontière française ; côté soviétique, les quelques années
de répits accordées à l’URSS furent mises à contribution, Staline ordonnant
la relocalisation des entreprises russes en Sibérie, très loin de la
frontière.
En
France et en Angleterre, c’est avec effarement que fut annoncée la signature
du pacte germano-soviétique. En représailles, Daladier décréta une
mobilisation partielle à la fin août 1939.
Cette alliance eut aussi d’importantes répercussions politiques et
économiques, car les partis communistes de France et d’Angleterre, suivant
les directives du Komintern, refusèrent de participer aux préparatifs de
guerre contre l’Allemagne[93].
Ainsi, lors du déclenchement du second conflit mondial, de nombreux
communistes firent grève, commirent des actes de sabotage dans les usines
d’armement, ou désertèrent.
g)
L’invasion de la Pologne par le troisième Reich déclenche la seconde
guerre mondiale (septembre 1939) : Daladier ayant adjuré Hitler
d’organiser un règlement pacifique de la question de Dantzig, le Führer
accepta de négocier, à condition que lui soient cédés immédiatement Dantzig
et le corridor.
Le
30 août, la Pologne décréta la mobilisation générale ; le 1er
septembre, Hitler, convaincu que les démocraties occidentales ne
riposteraient pas, ordonna l’invasion de la Pologne, qui s’effectua sans
déclaration de guerre.
Conformément à leurs engagements, France et Angleterre décidèrent de
déclarer la guerre à l’Allemagne deux jours plus tard, à l’instar de la
Nouvelle-Zélande et de l’Australie.
Ordre de mobilisation générale, septembre 1939, musée des Invalides, Paris.
Commençait ainsi la Drôle de guerre, stratégie militaire prônant une
attitude purement défensive, première phase du second conflit mondial.
[1]
Bouisson, né en juin 1874, fut élu maire d’Aubagne en 1906. Elu
député SFIO en 1909, il se rapprocha toutefois peu à peu des
radicaux.
[2]
Comme nous l’avons vu en b), 6, section II,
chapitre cinquième, la troisième république.
[3]
Cette arme chimique, qui prenait la forme d’un nuage jaunâtre,
pouvait brûler les voies respiratoires, attaquant même le tissu et
le caoutchouc.
[4]
50 voix pour, une voix contre (celle de l’Italie.), et deux
abstentions (l’Autriche et la Hongrie.).
[10]
L’USR, fondé en 1935, était un parti situé sur l’aile droite de la
SFIO, rassemblant le PRS (parti républicain-socialiste.), le PSF
(parti socialiste français.), et le parti socialiste de France –
Union Jean Jaurès (né d’une scission avec la SFIO en 1933.).
[11]
Né en mai 1856 à Oran, au sein d’une famille légitimiste, Franchet
d’Espérey sortit de Saint Cyr en 1876. Par la suite, se dernier fut
envoyé en Tunisie, au Tonkin, puis en Chine. Il fut nommé général en
1903. Participant à la première guerre mondiale, il commanda le
front d’Orient, chargé de la lutte contre la Bulgarie.
[12]
Le Front populaire était une coalition regroupant tout les partis de
gauche (PRRRS, USR, SFIO, PC.). Si cette union est présentée
aujourd’hui par la gauche française comme un mouvement hostile au
fascisme français, né des évènements du 6 février 1934, le Front
populaire ne se concrétisa réellement qu’à l’été 1935.
[13]
Rappelons que ce territoire était démilitarisé depuis le traité de
Versailles.
[14]
Ce qui signifie « exercice d’hiver » en français.
[15]
Courant 1935, le terme « Wehrmacht » (« force de défense » en
français.) avait remplacé celui de « Reichswehr », qui était utilisé
depuis la création de la république de Weimar. A noter que la
Wehrmacht était composée de trois éléments : la Heer (armée
de terre.), la Luftwaffe (armée de l’air.) et la Kriegsmarine
(marine militaire.).
[16]
A cette date, l’armée allemande était bien inférieure à l’armée
française.
[17] Pour en savoir plus
sur ce traité, voir le a), 9, section II, chapitre cinquième, la
troisième république.
[18]
A noter que ces élections législatives furent les dernières
organisées sous la troisième république.
[19]
Rappelons que l’USR, fondé en 1935, rassemblait le PRS (parti
républicain-socialiste.), le PSF (parti socialiste français.), et le
parti socialiste de France – Union Jean Jaurès.
[21]
La gauche indépendante, mouvement fondé en 1936, regroupait le parti
d’unité prolétarienne (né d’une scission avec le PC en 1930.),
plusieurs socialistes indépendants n’ayant pas rejoint l’USR, le
parti radical-socialiste Camille Pelletan (fondé en 1934, opposé
à la participation de membres du PRRRS au gouvernement Doumergue.),
le parti social-national (fondé en 1936.) et le parti
frontiste (fondé en 1936 et issu du mouvement Front commun
contre le fascisme.).
[23]
Les IAP étaient issus du groupe parlementaire les républicains du
centre. Il s’agissait d’élus originaires d’Alsace-Lorraine.
[24]
Les IR étaient nés d’une scission avec la FR.
[25]
Les RIAS regroupaient une grande partie de l’ancien parti
républicain et social. Ce mouvement était né d’une scission avec la
FR, dénonçant la dérive droitière de ce parti.
[26]
Qui avait fusionné avec la CGTU au printemps 1936.
[27]
La fonction de vice-président du conseil n’avait pas été utilisée
depuis 1871, à l’époque ou le chef de d’Etat présidait encore le
conseil des ministres.
[28]
A noter que pour la première fois était fait mention de la notion de
défense. C’est ainsi qu’au fil des années, le ministère de la Guerre
se transforma en ministère de la Défense.
[29]
Rappelons que ce dernier s’était présenté aux élections
présidentielles de mai 1932. Voir à ce sujet le 5, section II, chapitre
cinquième, la troisième république.
[30]
Salengro, né en mai 1890, participa à la première guerre mondiale.
Capturé en octobre 1915, il fut envoyé en Prusse, et ne rentra en
France qu’en avril 1918 pour raisons de santé. Militant à la SFIO,
Salengro fut élu maire de Lille en 1925, puis député en 1928.
[31]
Auriol était un avocat né en 1884. Député SFIO à compter de 1914, il
fut un temps pressenti pour prendre le poste de président du conseil
en 1936, mais Auriol préféra soutenir la nomination de Blum.
[32]
La CGPF, Confédération Générale de la Production Française, avait
été fondée en mars 1919. Cette organisation fut rebaptisée CNPF
(Conseil National du Patronat Français.) en décembre 1945, puis
MEDEF (Mouvement Des Entreprises De France.) en octobre 1998.
[33]
L’inspecteur du travail est un fonctionnaire chargé de veiller à la
bonne application du code du travail au sein d’une entreprise.
[34]
En diminuant la durée du temps de travail, l’objectif de Blum était
de pousser le patronat à embaucher plus, ce qui diminuerait le
chômage. La même théorie fut utilisée entre l’an 2000 lors du vote
de la loi des 35 heures.
[35]
Le repos hebdomadaire du dimanche avait été accordé en juillet 1906.
Pour en savoir plus à ce sujet, voir le b), 3, section II, chapitre
troisième, la troisième république.
[36]
Les congés payés n’existaient pas avant 1936.
[37]
A noter toutefois que la plupart des propriétaires d’usines
restèrent à la direction.
[38]Office national interprofessionnel des grandes cultures
depuis janvier 2006.
[39]
En 1940, sa mission fut étendue à toutes les céréales.
[40]
Contre 60 ans pour les femmes et 55 ans pour les hommes (France,
1930.).
[41]
La première république espagnole avait eu une durée de vie éphémère,
de 1873 à 1874.
[42]
Les carlistes étaient favorables à un rétablissement de la
monarchie.
[43]
La Phalange était un mouvement politique fondé en octobre 1933 par
José Primo de Rivera, fils du dictateur défunt.
[44]
Les « deux années noires » en français (à savoir 1934 et 1935, date
à laquelle l’Espagne fut particulièrement frappée par la crise
économique, ce qui entraîna de nombreux mécontentements à l’encontre
de la jeune république.).
[45]
La province des Asturies est située au nord de l’Espagne.
[46]
Ne pas confondre le Front populaire français et le Front populaire
espagnol.
[47]
Sanjurjo, né en mars 1872, avait participé à la guerre du Rif (voir
à ce sujet le a), 13, section I, chapitre cinquième, la troisième
république.). Participant au coup d’Etat de Primo de
Rivera, Sanjurjo fut toutefois un des premiers militaires à se
rallier à la seconde république espagnole. Cependant, outré par la
politique militaire menée par le gouvernement, Sanjurjo tenta un
coup d’Etat en 1932, qui se solda sur un échec. Il fut alors
contraint de se réfugier au Portugal.
[48]
Mola, né en juin 1887, fut promu général en 1927. N’appréciant pas
l’avènement de la république, il fut donc muté au Maroc au début des
années 1930. Il ne rentra en Espagne qu’en 1936, affecté à Pampelune
en tant que gouverneur militaire.
[49]
Goded, né en octobre 1882, avait participé à la guerre du Rif.
Partisan de Primo de Rivera, il vit d’un mauvais œil l’avènement de
la seconde république, et participa donc au coup d’Etat du général
Sanjurjo.
[50]
Fanjul, né en mai 1880, fut nommé général sous la dictature de Primo
de Rivera. Il complota avec Emilio Mola suite au rétablissement de
la république en Espagne.
[51]
Franco, né en décembre 1892, était le plus jeune des conspirateurs.
Participant à la guerre du Rif, il fut nommé général en 1926. Très
populaire, Franco ne participa pas au coup d’Etat de Sanjurjo en
1932.
[52]
Staline souhaitait faire de l’Espagne un Etat satellite de l’Union
soviétique. Dans cette optique, il n’hésita pas à s’attaquer aux
autres partis d’extrême-gauche présents en Espagne lui étant
hostiles.
[53]
Via la société Ford, dont le fondateur, Henri Ford, ne
cachait pas son admiration pour le troisième Reich.
[54]Parti ouvrier d’unification marxiste (ou Partido Obrero de
Unificación Marxista en espagnol.).
[55]
Ce journal d’extrême-droite avait été fondé en mars 1908.
[56]
Rappelons que l’Action française avait été dissoute en février
1936 ; plusieurs ligues d’extrême-droite en juin de la même année.
Voir à ce sujet le d), 11, section II,
chapitre cinquième, la troisième république.
[58]
Le Mandchoukouo, conquis en 1932, correspond à la pointe nord-est de
la Chine actuelle.
[59]
Il s’agissait d’une entreprise aéronautique fondée en juillet 1910
par les frères Morane (Léon et robert.) et
Raymond Saulnier, pionniers de l’aviation.
[60]
A noter que cette exposition universelle fut la dernière à avoir été
organisée à Paris.
[61]
L’arc de triomphe de l’Etoile avait été inauguré en catimini par
Adolphe Thiers en juillet 1836. Pour en savoir plus, voir le b), 2,
section II, chapitre troisième, la monarchie de juillet.
[62]
Voir à ce sujet le d), 8, section I, chapitre deuxième, la
troisième république.
[63]
Le palais d'Iéna est aujourd'hui le siège du conseil économique
et social ; le palais des musées d’Art moderne
fut rebaptisé plus tard palais de Tokyo.
[64]
Suite à l’exposition, la statue fut installée à Moscou, où elle se
trouve encore aujourd’hui.
[65] Pour en savoir plus à
ce sujet, voir le d), 15, section I, chapitre cinquième, la
troisième république.
[67]
Rappelons que la CGPF (Confédération Générale de la Production
Française.) était un mouvement regroupant les plus grands syndicats
patronaux de France.
[68]
Créé en 1864, le Comité des Forges était un organisme regroupant les
grands industriels de la sidérurgie.
[69]
Il s’agit d’une commune des Yvelines, située non loin de Versailles.
[70] Pour en savoir plus à
ce sujet, voir le g), 10, section II, chapitre cinquième, la
troisième république.
[73]
Seyß-Inquart était un avocat né en juillet 1892. Co-fondateur du
NDSAP, il milita très tôt en faveur de l’anschluss.
[74]
Miklas, né en octobre 1872, avait été élu député en 1907, puis
président de la république en 1928.
[75]
Chamberlain, né en mars 1869, fut élu député en 1918, suivant les
traces de son père. Nommé plusieurs fois ministre de la Santé au
cours des années 1920, il reçut la charge de premier ministre en mai
1937.
[76]
Le scrutin ne fut probablement pas truqué ; toutefois, le vote ne
fut pas ni secret ni libre (de nombreux électeurs votèrent « oui »
de peur des représailles.).
[78]
Voir à ce sujet le b), 8, section VI, chapitre quatrième, la
troisième république.
[79]
S’étonnant d’être autant acclamé après avoir signé un traité peu
glorieux, Daladier se serait exclamé : « les cons, s’ils
savaient ! »
[80]
Suite à l’invasion allemande de l’été 1940, Grynszpan fut remis aux
autorités du troisième Reich. Déporté en Allemagne, il mourut
probablement entre 1944 et 1945.
[81]Kristallnachten allemand. A noter que l’utilisation de ce terme fait
débat en Allemagne, car trop jugé trop consensuel et minimaliste. Il
est parfois remplacé par le terme Pogromnacht, « nuit du
pogrom. »
[82]
Certains historiens avancent la thèse selon laquelle la nuit de
Cristal était en réalité planifiée depuis plusieurs semaines.
[83]
Ce furent les dernières élections présidentielles organisées sous la
troisième république.
[84]
Godard était un avocat né en novembre 1871. Elu député en 1906, puis
sénateur en 1926, il se consacra sa carrière politique aux questions
sociales : santé, hygiène, etc.
[85]
Bedouch, né en janvier 1869, fut élu maire de Toulouse et député
SFIO en 1906. Entre 1936 et 1937, il fut ministre à deux reprises
sous le Front populaire.
[86]
Piétri, né en août 1882, fut élu député en 1924. Il fut nommé
plusieurs fois ministre entre 1929 et 1936.
[87] Voir à ce sujet le b),
14, section II, chapitre cinquième, la troisième république.
[88]
La Chambre des communes est l’équivalent de notre actuelle assemblée
nationale.
[89]
De son vrai nom Ahmet Muhtar Bej Zogolli, né en octobre 1895.
Ce dernier, membre du parti progressif (extrême-droite.),
s’était emparé du pouvoir en décembre 1924, suite à un coup d’Etat.
Mettant en place une république autoritaire, il interdit les partis
politiques, instaura la censure, réforma l’administration et tenta
de moderniser le pays. En 1928, après avoir réformé la constitution,
il se proclama roi d’Albanie. A compter de 1934, le pays tomba sous
domination économique de l’Italie.
[90] Pour en savoir plus
sur ce traité, voir le a), 9, section II, chapitre cinquième, la
troisième république.
[91]
La Gestapo (acronyme de Geheime Staatspolizei.)
était une police politique fondée en 1933. Exerçant uniquement en
Prusse à l’origine, son pouvoir s’étendit ensuite à l’ensemble du
Reich et aux territoires occupés.
[92]
Le NKVD (Народный
комиссариат внутренних дел en russe, ou
Commissariat du peuple aux affaires intérieures.) était une
police secrète soviétique, fondée en 1934. Cette organisation
remplaçait la Guépéou (Государственное Политическое
Управление en russe, ou Direction Politique d’État.), qui
avait elle-même remplacé la Tchéka (Всероссийская
чрезвычайная комиссия по борьбе с контрреволюцией и саботажемen russe, ou commission extraordinaire panrusse pour
la répression de la contre-révolution et du sabotage.) en 1922.
[93]
C’est ainsi que le journal d’extrême-gauche l’Humanité, qui
avait approuvé le pacte germano-soviétique, fut interdit à la vente.