I.
L’an trois cent soixante-cinq de la fondation et la première
année de la prise de Rome, on changea les magistratures, et au lieu des deux
consuls on nomma des tribuns militaires, investis du pouvoir consulaire. Dès
lors, la puissance romaine commença à prendre de l’accroissement. En effet,
Camille vainquit, cette année-là, les Volsques, qui avaient soutenu la guerre
pendant soixante-dix ans; il prit aussi la ville des Èques et celle des Sutrins,
détruisit leurs armées et obtint trois triomphes à la fois. A son exemple, Titus
Quintius Cincinnatus repoussa les Prénestins, qui étaient venus en armes
jusqu’aux portes de Rome, les battit auprès du fleuve Allia, soumit aux Romains
les villes alliées de Préneste, l’attaqua bientôt elle-même et reçut sa
soumission. En vingt jours il fit toutes ces conquêtes, et on lui décerna le
triomphe. Toutefois, la dignité des tribuns milliaires ne fut pas de longue
durée; en effet, peu de temps après, elle fut abolie et quatre ans se passèrent
à Rome sans qu’il y eût des magistrats supérieurs. Cependant les tribuns
militaires reprirent, avec la puissance consulaire, leur titre qu’ils
conservèrent encore trois années. Puis les consuls furent nommés de nouveau.
II.
Sous le consulat de L. Génucius et de Q. Servilius mourut
Camile qui fat honoré comme un second Ro-mulus. T. Quintius créé dictateur, fut
envoyé contre les Gaulois qui avaient envahi l’Italie. Ils s’étaient arrêtés à
quatre milles de Rome, au delà du fleuve Anio. Là, un jeune sénateur, de la plus
haute distinction, T. Manlius, provoqué par un Gaulois à un combat singulier,
l’attaqua, le tua, lui enleva son collier d’or et le mit à son cou, ce qui fit
donner à jamais à lui et à ses descendants le surnom de Torquatus. Les Gaulois
furent chassés, et bientôt battus encore par le dictateur C. Sulpitius. Peu de
temps après, les Toscans furent vaincus par C. Martius, et huit mille de leurs
prisonniers furent conduits en triomphe.
III.
On fit encore une fois le cens; et comme les Latins, soumis
par le peuple de Rome, refusaient de fournir des soldats, le tirage eut lieu
seulement parmi les Romains; on forma dix légions, ce qui portait à plus de
soixante mille hommes le nombre des soldats: tant l’empire de Rome, malgré ses
faibles ressources, déployait déjà d’héroïsme pour la guerre ! Ces troupes
partirent contre les Gaulois, sous la conduite de L. Furius; et l’un des
barbares ayant défié au combat le plus brave des Romains, M. Valérius, tribun
militaire, se présenta; comme il s’avançait tout armé, un corbeau se posa sur
son bras droit; puis, pendant le combat livré contre le Gaulois, le même corbeau
frappa de ses ailes et de ses serres les yeux du barbare, pour l’empêcher de
fixer devant lui ses regards. Ainsi le Gaulois, tué par le tribun Valérius, lui
laissa et la victoire, et le surnom de Corvinus qu’on lui donna dans la suite;
de plus, cette action d’éclat le fit nommer consul à vingt-trois ans. Les
Latins, qui avaient refusé de fournir des soldats, exigèrent bientôt des Romains
que l’un des consuls fût choisi parmi eux, et l’autre dans le peuple de Rome. On
rejeta leur demande, on leur fit la guerre, ils furent vaincus dans une grande
bataille, et leur entière défaite fournit un nouveau triomphe. En reconnaissance
de cette vic-toire, des statues furent élevées aux consuls sur la place des
Rostres. [Cette même année, Alexandre de Macédoine fonda Alexandrie.]
IV.
Déjà la puissance romaine commençait à s’étendre; en effet, à
cent trente milles de Rome à peu près, on faisait la guerre dans le pays des
Samnites, qui tiennent le milieu entre le Picénum, la Campanie et l’Apulie.
Lucius Papinus Cursor partit en qualité de dictateur pour cette expédition;
obligé de revenir à Rome, il enjoi-gnit à Q. Fabius Maximus, maître de la
cavalerie, qu’il laissait à la tête de l’armée, de ne pas livrer bataille en son
absence. Toutefois Fabius, trouvant une occasion favorable, combattit avec le
plus heureux succès, et défit les Samnites. Pour le punir de cette infraction à
ses ordres, le dictateur le condamna à mort; mais l’armée et le peuple sa
prononcèrent énergiquement en faveur de Fabius, le délivrèrent, et il s’éleva
contre Papinus une telle sédition, qu’il fut lui-même presque en danger d’être
tué. Dans la suite, les Samnites, sous le consulat de T. Vétunius et de Sp.
Postumius, firent essuyer aux Romains la plus honteuse défaite, et les forcèrent
de passer sous le joug. Cependant le sénat et le peuple rompirent le traité de
paix que la nécessité avait fait conclure avec les ennemis, qui bientôt furent
vaincus par le consul L. Papinus sept mille d’entre eux passèrent sous le joug,
et Papinus triompha des Samnites. A cette époque, le censeur Appius Claudius fit
construire l’aqueduc Claudien et paver la voie Appienne.
V.
Les Samnites, ayant recommencé la guerre, battirent Q. Fabius
Maximus et lui tuèrent trois mille hommes. Mais ensuite on lui donna pour
lieutenant son père, Fabius Maximus, qui défit les Samnites et leur prit
plusieurs villes de guerre. Enfin P. Cornélius Rufinus et Manius Curius Dentatus,
tous deux consuls, envoyés contre les Samnites, les écrasèrent dans de grandes
batailles. Ils terminèrent ainsi une guerre qui avait duré quarante-neuf ans;
aucun ennemi, au sein de l’Italie, ne mit à de plus rudes épreuves la valeur
romaine. Après quelques années d’intervalle, une nouvelle armée de Gaulois se
joignit contre les Romains aux Toscans et aux Samnites; mais, tandis qu’elle
marchait vers Rome, elle fut détruite par le consul Cn. Cornélius Dolabella.
VI.
A la même époque, Rome, pour venger l’injure faite à ses
ambassadeurs, déclara la guerre aux Tarentins, qui habitent les extrémités de
l’Italie. Ce peuple appela à son secours, contre les Romains, Pyrrhus, roi
d’Épire et issu du sang d’Achille. Le prince arriva bientôt en Italie, et, pour
la première fois alors, les Romains combattirent un ennemi d’outre-mer. On
envoya contre lui le consul P. Valérius Lévinus, qui, ayant saisi des espions de
Pyrrhus, les fit conduire par tout le camp, leur fit voir l’armée entière, et
ensuite les laissa partir, pour qu’ils pussent informer le roi de tout ce qui se
passait chez les Romains. Bientôt on livra bataille, et déjà Pyrrhus fuyait,
lorsque le secours de ses éléphants lui donna la victoire: les Romains
tremblèrent à la vue de ces animaux qu’ils ne connaissaient pas; la nuit vint
mettre fin au combat. Cependant Lévinus s’enfuit à la faveur de l’obscurité.
Pyrrhus fit dix-huit cents prisonniers romains, les traita avec la plus haute
distinction, et fit ensevelir les morts. En les voyant étendus, blessés tous par
devant, et l’air terrible encore, même après le trépas, il leva, dit-on, les
mains au ciel et s’écria: « Qu’il me serait facile de soumettre l’univers, si je
commandais de tels guerriers ! »
VII.
Ensuite Pyrrhus, après s’être adjoint les Samnites, les
Lucaniens et les Bruttiens, marcha vers Rome, mit tout à feu et à sang, dévasta
la Campanie, et arriva devant Préneste, à dix-huit milles de Rome. Mais la
crainte de l’armée romaine, qui le suivait avec le consul, le força bientôt de
se retirer dans la Campanie. On lui envoya des députés pour le rachat des
prisonniers; il les reçut avec honneur, et renvoya les captifs sans rançon. L’un
des ambassadeurs romains, Fabricius, lui inspira une admiration si profonde,
que, le sachant pauvre, il lui offrit, s’il passait à lui, le quart de son
royaume; mais Fabricius méprisa ses offres. Aussi Pyrrhus, pénétré d’une vive
admiration pour les Romains, envoya demander la paix, à des conditions
équitables, par un ambassadeur nommé Cinéas, l’un des premiers de sa cour; il se
réservait la partie de l’Italie dont ses armes l’avaient déjà rendu maître. Ses
propositions ne furent point acceptées, et le sénat lui fit annoncer qu’il ne
pourrait avoir la paix avec les Romains, à moins de quitter l’Italie. Alors tous
les prisonniers rendus par Pyrrhus furent déclarés infâmes pour s’être laissé
prendre les armes à la main: et ils ne purent être réhabilités, avant d’avoir
rapporté les dépouilles de deux ennemis tués par eux. Ainsi s’en revint
l’ambassadeur de Pyrrhus, qui lui demanda comment il avait trouvé Rome: « J’ai
vu la patrie des rois, répondit Cinéas: en effet, presque tous les hommes sont
là aussi grands que Pyrrhus seul le paraît dans l’Épire et dans le reste de la
Grèce. »
VIII.
On envoya contre Pyrrhus, avec une armée, les consuls P.
Sulpicius et Décius Mus. Dans la bataille qui eut lieu, Pyrrhus fut blessé, ses
éléphants furent tués, vingt mille ennemis taillés en pièces, et les Romains
perdirent seulement cinq mille hommes: Pyrrhus fut mis en fuite. L’année d’après
on envoya contre lui Fabricius, qui, lors de la députation, n’avait pu être
gagné par la promesse de posséder le quart du royaume d’Épire. Comme son camp se
trouvait voisin de celui du roi, le médecin de Pyrrhus vint pendant la nuit
proposer à Fabricius d’empoisonner le prince, si on lui assurait quelque
récompense; Fabricius le fit charger de chaînes, et ramener à son maître, en lui
découvrant toute sa trahison. Pénétré d’admiration, Pyrrhus alors s’écria:
« C’est bien là ce Fabricius qu’il est plus difficile de détourner du chemin de
l’honneur, que de faire dévier le soleil de son cours. » Pyrrhus partit alors
pour la Sicile: Fabricius, après avoir battu les Samnites et les Lucaniens,
obtint le grand triomphe. Ensuite les consuls Curius Dentatus et Cornélius
Lentulus furent envoyés contre Pyrrhus. Curius lui livra un combat, tailla en
pièces son armée, l’obligea de s’enfuir à Tarente, et prit son camp. Dans cette
journée, l’ennemi perdit vingt-trois mille hommes. Curius triompha pendant son
consulat: le premier il amena à Rome quatre éléphants. Bientôt Pyrrhus quitta
Tarente même, et fut tué dans un faubourg d’Argos, ville de la Grèce.
IX.
Sous le consulat de C. Fabricius Luscinus et de C. Claudius
Cinna, l’an quatre cent soixante et un de la fondation de Rome, des députés
d’Alexandrie, envoyés par Ptolémée, vinrent à Rome demander l’amitié des
Romains, et l’obtinrent. Sous le consulat de Quintius Gulon et de C. Fabius
Pictor, les habitants du Picénum prirent les armes contre Rome, et furent
vaincus par les consuls de l’année suivante, P. Sempronius et Appius Claudius;
nouveau triomphe dans Rome. Les Romains fondèrent deux villes, Ariminum dans la
Gaule, et Bé-névent dans le Samnium. Sous le consulat de M. Attilius Régulus et
de L. Junius Libon, l’on déclara la guerre aux Salentins, peuplade de l’Apulie:
Brundusium et ses habitants furent pris; encore un triomphe.
X.
L’an quatre cent soixante douze, bien que le nom romain fut
déjà, cependant les armes de Rome n’avaient pas été portées hors de l’Italie.
Aussi pour connaître l’état des forces romaines, on fit un dénombrement et il se
trouva deux cent quatre-vingt douze mille trois cent trente quatre citoyens,
quoique, depuis la fondation de Rome, les guerres n’eussent jamais cessé. Alors
on entreprit la première guerre contre les Africains, sous le consulat d’Appius
Claudius et de Q. Fulvius. On combattit contre eux en Sicile et Appius Claudius
triompha des Africains et de Hiéron roi de Sicile. L’année suivante sous le
consulat de Valérius Marcus et d’Oraclius, les Romains firent de brillants
exploits en Sicile. Les habitants de Tauromenitanus, de Catane, et cinquante
autres villes envoyèrent leur soumission. La troisième année, on termina en
Sicile, la guerre contre Hiéron: ce prince, avec toute la noblesse de Syracuse,
obtint la paix des Romains, et donna deux cents talents d’argent. Les Africains
furent vaincus en Sicile, et pour la seconde fois on en triompha à Rome. La
cinquième année de la guerre punique, entreprise contre les Africains, les
Romains, sous le consulat de C. Duillius et de Cn. Cornélius Asina, livrèrent
leur premier combat naval, avec des vaisseaux à éperons, qu’on appelle
Liburniens. Le consul Cornélius se laissa surprendre; Duillius livra bataille,
défit le général carthaginois, prit trente et un vaisseaux, en coula à fond
quatorze, fit sept mille prisonniers, et tua trois mille ennemis. Jamais
victoire ne fut plus agréable aux Romains, qui, invincibles sur terre, se
voyaient déjà fort redoutables sur mer. Sous le consulat de C. Aquilius Florus
et de L. Scipion, ce dernier ravagea la Corse et la Sardaigne, en ramena
plusieurs milliers de prisonniers, et obtint le grand triomphe.
XI.
Sous le consulat de L. Manlius Volson et de M. Attilius
Régulus, la guerre fut transportée en Afrique: et Amilcar, général carthaginois,
contre lequel on livra un combat naval, fut vaincu. En effet, il se retira après
avoir perdu soixante-quatre vaisseaux, les Romains en perdirent vingt-deux. Mais
ils passèrent en Afrique, et reçurent la soumission de Clypée, l’une des
principales villes de ce pays. Les consuls s’avancèrent jusqu’à Car-thage: et
après avoir saccagé plusieurs places fortes, Manlius revint vainqueur à Rome,
suivi de vingt-sept mille captifs. Attilius Régulus resta en Afrique, où il
continua la guerre; il eut à combattre trois chefs carthaginois qu’il vainquit,
leur tua dix-huit mille hommes, fit cinq mille prisonniers, s’empara de dix-huit
éléphants, et reçut la soumission de soixante quatorze villes. Alors les
Carthaginois vaincus demandèrent la paix aux Romains: mais comme Régulus ne
voulait l’accorder qu’aux plus dures conditions, les Africains implorèrent le
secours des Lacédémoniens, et le général Xanthippe, qu’ils envoyèrent, fit
éprouver au général romain Régulus un échec irréparable. En effet, il ne resta
que deux mille hommes de toute l’armée romaine; quinze mille furent faits
prisonniers avec leur général Régulus, trente mille furent tués; Régulus
lui-même fut jeté dans les fers.
XII.
Les deux consuls, M. Emilius Paulus et Servius Fulvius
Nobilior, partirent pour l’Afrique avec une flotte de trois cents vaisseaux, et
ils remportent d’abord une victoire, navale sur les Carthaginois. Le consul
Emilius coula à fond cent quatre vaisseaux ennemis, en prit trente avec leurs
combattants, tua ou fit prisonniers quinze mille hommes, et enrichit ses soldats
d’un immense butin. Certes alors l’Afrique eût été subjuguée sans une horrible
famine qui ne permit pas à l’armée de rester plus longtemps. Les consuls,
revenant avec leur flotte victorieuse, firent naufrage sur les côtes de la
Sicile, et il s’éleva alors une tempête si furieuse, que de quatre cent
soixante-quatre vaisseaux, quatre-vingts purent à peine être sauvés; jamais, en
aucun temps, ou n’entendit parler d’un si grand désastre maritime. Cependant les
Romains remirent tout de suite à flot deux cents navires, et ce revers ne put en
rien abattre leur courage.
XIII.
Cn. Servilius Cépion et C. Sempronius Blésus, nommés consuls,
partirent pour l’Afrique avec deux cent soixante vaisseaux: ils prirent quelques
villes, mais, lorsqu’ils revenaient avec un riche butin, ils firent aussi
naufrage. Enfin, comme les Romains étaient fatigués de ces malheurs continuels,
le sénat décréta la suspension des batailles navales, et l’entretien de soixante
vaisseaux seulement, pour la défense de l’Italie. Sous le consulat de L.
Cécilius Métellus et de C. Furius Pacillus, Métellus défit en Sicile le général
africain qui s’avançait contre lui avec cent trente éléphants et une armée
formidable: il tailla en pièces vingt mille ennemis, prit vingt-six éléphants,
et avec l’aide des Numides, ses auxiliaires, rassembla les autres qui erraient
çà et là, et les emmena tous à Rome en grande pompe; car le nombre de cent
trente éléphants remplissait tous les chemins.
XIV.
Après de tels revers, les Carthaginois engagèrent le général
Régulus, leur prisonnier, à partir pour Rome, afin d’obtenir la paix des
Romains, et de faire l’échange des captifs. Arrivé à Rome, et introduit dans le
sénat, il ne voulut plus agir en qualité de Romain, et dit que, « du jour où il
était tombé au pouvoir des Africains, il avait cessé d’être citoyen de Rome. »
Aussi il se refusa aux embrassements de sa femme, et conseilla aux Romains de ne
point faire la paix avec les Carthaginois. « Accablés, dit-il, par tant de
désastres, ils n’ont plus d’espérance: la vie de Régulus n’est pas assez
précieuse, pour qu’on rende tant de milliers de captifs en échange d’en seul
vieillard et du petit nombre de Romains qui ont été fait prisonniers. » On
suivit ses conseils, et personne n’écouta les propositions de paix des
Africains. Régulus retourna donc à Carthage; et comme les Romains lui offraient
de le retenir à Rome, il refusa de rester dans une ville où il ne pouvait que
conserver la dignité d’honorable citoyen, après avoir été l’esclave des
Carthaginois. Aussi, à son retour en Afrique, on le fit périr au milieu de mille
supplices.
XV.
Sous le consulat de P. Claudius Pulcher et de C. Junius,
Claudius combattit, malgré les auspices, et fut vaincu par les Carthaginois: il
avait deux cent vingt vaisseaux, il s’enfuit avec trente quatre-vingt dix furent
pris avec les combattants, les autres coulés à fond. Son collègue perdit aussi
sa flotte dans un naufrage; il put cependant sauver l’armée, à cause de la
proximité du rivage.
XVI.
Sous le consulat de C. Lutatius Catulus et de A. Postumius
Albinus, la vingt-troisième année de la guerre punique, on confia à Catulus le
soin de combattre les Africains. Il passa en Sicile avec trois cents vaisseaux;
les Africains lui en opposèrent quatre cents. [Jamais bataille navale ne fit
déployer tant de forces.] Lutatius Catulus s’embarqua, bien que malade encore,
car il avait été blessé dans un combat précédent. Les Romains firent des
prodiges de valeur dans un engagement vis-à-vis de Lilybée, ville de Sicile.
Soixante-treize vaisseaux carthaginois furent pris, cent vingt-cinq coulés à
fond, trente-deux mille hommes faits prisonniers, treize mille tués; une immense
quantité d’or et d’argent devint la proie du vainqueur; douze vaisseaux
seulement de la flotte romaine furent coulés. Ce combat eut lieu le six des ides
de mars. Les Carthaginois demandèrent aussitôt la paix, qui leur fut accordée;
ils rendirent les prisonniers romains qui étaient en leur pouvoir, et
demandèrent aussi qu’on leur permît de racheter les captifs carthaginois dont
les Romains étaient maîtres. Le sénat leur fit rendre sans rançon ceux qu’on
gardait dans la prison publique: quant aux autres, devenus esclaves des
particuliers, avant de retourner à Carthage, ils durent payer à leurs maîtres
une rançon; mais elle fut prise sur le trésor plutôt que sur les fonds des
Carthaginois. Q. Lutatius, A. Manlius, nommés consuls, firent la guerre aux
Falisques, dont la ville était autrefois une des plus riches cités de l’Italie:
l’expédition fut terminée six jours après l’arrivée des deux consuls, quinze
mille ennemis furent taillés en pièces, la paix fut accordée aux autres; on leur
enleva cependant la moitié de leur territoire.