VIII : La guerre de succession
d’Espagne (1701 à 1714)
1° La difficile succession de
Charles II – Le roi d’Espagne Charles II, bien que marié à deux
reprises, n’avait pas d’enfants. En outre, étant de constitution fragile, il
était plus que probable que le souverain espagnol s’éteigne de façon
précoce.
a)
Bourbons et Habsbourg, les deux prétendants au trône d’Espagne : les
deux principaux prétendants à la succession étaient les Bourbons de France,
ainsi que les Habsbourg d’Autriche.
Louis XIV, bien qu’ayant fait la guerre à l’Espagne à de nombreuses
reprises, était un proche parent de feu Charles II. En effet, le roi de
France était le fils d’Anne d’Autriche, et avait épousé Marie Thérèse (la
première était la tante de Charles II, la seconde était sa sœur.).
Ainsi, Louis XIV était le cousin et le beau frère du défunt souverain.
Le
roi soleil avait eu un fils, Louis (dit le grand dauphin.), et ce
dernier avait eu trois enfants : Louis (héritier présomptif de la
couronne de France.), Philippe (prétendant à la couronne d’Espagne.),
et Charles.
Philippe, duc d'Anjou (futur Philippe V), château de
Chantilly, Chantilly.
L’Empereur germanique Léopold I°, quant à lui, était le fils de Marie
Anne, et avait épousé Marguerite Thérèse (la première était une
autre tante de Charles II, la seconde était sa sœur.).
Léopold I°, à l’instar de Louis XIV, était lui aussi le cousin et le beau
frère du souverain espagnol.
Suite à la disparition de son épouse, l’Empereur germanique se remaria avecEléonore de Neubourg (cette dernière était la sœur de Marie Anne de
Neubourg, la seconde épouse de Charles II[1].). Deux enfants naquirent de
cette union, Joseph I° (appelé à recevoir la couronne impériale.) et
Charles (prétendant à la couronne d’Espagne.).
Joseph I° (à gauche) et Charles VI (à droite), par Paul STRUDEL, vers 1700, Deutsches historisches museum, Berlin.
b)
Une Espagne en déclin mais toujours dotée d’un important Empire colonial
: à noter toutefois que le royaume espagnol, bien qu’en déclin depuis
maintenant plusieurs décennies (pertes du Portugal, des Provinces Unies, de
la Franche Comté, etc.), était toujours particulièrement étendu.
En
effet, outre les royaumes de Castille et d’Aragon, le roi d’Espagne était à
la tête des Pays Bas espagnols, du duché de Milan, du grand duché de
Toscane, du royaume des Deux Siciles (c'est-à-dire Naples et la Sicile.), de
la Sardaigne, de toute l’Amérique du sud (excepté le Brésil, entre les mains
du Portugal.), des Philippines, ainsi que de plusieurs territoires en
Afrique.
c)
Les négociations de 1698-1700, le testament de Charles II : à
plusieurs reprises, les principales puissances européennes se rencontrèrent
afin de discuter de la succession d’Espagne (entre 1698 et 1700.).
L’objectif était alors de découper le royaume d’Espagne suite à la mort de
Charles II, et de le distribuer aux principaux intéressés.
Toutefois, ces négociations coupèrent court lorsque les puissances
européennes eurent connaissance du testament de Charles II, ce dernier étant
décédé en novembre 1700.
En
effet, le défunt souverain léguait son royaume entier à Philippe, second
fils du grand dauphin.
La renommée du roi, par Antoine COYSEVOX, vers 1701, musée du
Louvre, Paris (sur un des boucliers figure une allégorie symbolisant
l'accession de Philippe V au trône d'Espagne.).
Ce
texte embarrassait Louis XIV autant qu’il mécontentait les souverains
d’Europe. Le roi soleil, à cette date, avait le choix entre deux solutions :
soit il acceptait le testament et cédait la couronne d’Espagne à son petit
fils ; soit il y renonçait et se conformait aux accords signés entre 1698 et
1700.
Louis XIV, roi de France et de Navarre, 1705, musée des
Invalides, Paris.
2° Le déclenchement de la guerre de succession d’Espagne –
Louis XIV, après avoir recueilli l’avis de ses proches, décida finalement
d’accepter le testament de Charles II.
Le
petit fils du roi soleil fut alors sacré roi sous le nom de Philippe V,
et arriva à Madrid en janvier 1701.
Louis XIV confère à Philippe V la couronne d'Espagne, par Antoine TROUVAIN,
1700, Deutsches historisches museum, Berlin.
Toutefois, plutôt que d’apaiser les principales puissances européennes,
inquiétées par une telle hégémonie du royaume de France, Louis XIV accumula
les erreurs.
En
février 1701, le Parlement de Paris reconnut les droits de Philippe V à la
couronne de France ; au cours du même mois, Louis XIV envoya des troupes
françaises s’installer dans les forteresses des Pays Bas espagnols ; enfin,
de nombreux aristocrates français s’installèrent à Madrid afin d’occuper des
postes à responsabilité.
A
noter par ailleurs que
Philippe d’Orléans, le frère du roi, mourut suite à un
excès de colère, en juin 1701.
Buste de Philippe d'Orléans, copie d'après l'original, 1841, église Saint
Denis.
Léopold I°, qui le premier dénonça le testament de Charles II, se rapprocha
de l’Angleterre et des Provinces Unies en septembre 1701, formant la
Grande Alliance de La Haye (le Brandebourg, le Piémont et le Portugal
firent eux aussi partie de la coalition.).
Louis XIV, bien qu’isolé, parvint toutefois à trouver plusieurs alliés, à
commencer par les princes électeurs de Bavière et de Cologne. Jacques III
(prétendant Stuart[2]
à la couronne d’Angleterre depuis la disparition de son père Jacques II en
septembre 1701.) et le pape Clément XI (qui souhaitait contrecarrer
les ambitions de pays protestants tels que l’Angleterre et les Provinces
Unies.) s’allièrent eux aussi au roi de France.
Le pape Clément XI, par Angelo DE ROSSI,
1701, Bode museum, Berlin.
3° La France accumule les revers en Italie (1701 à 1702) –
Bien qu’ayant mené plusieurs guerres avec succès (guerre de dévolution,
guerre de Hollande, guerre de la ligue d’Augsbourg, etc.), Louis XIV ne
parvint pas à prendre l’avantage.
Au
contraire, les membres de la Grande Alliance remportèrent de nombreuses
victoires face aux Français.
Déclaration de guerre de l'Empereur Léopold I° contre la France, 1702-1703, Deutsches historisches museum, Berlin.
a)
Premier échec, la bataille de Carpi (juillet 1701) : au cours de l’été
1701, les coalisés décidèrent d’envoyer des troupes en Italie, afin de
s’emparer des possessions espagnoles situées dans la péninsule.
Venise ayant décidé de rester neutre au cours du conflit, le commandant de
l’armée de la Grande Alliance, Eugène
Maurice de Savoie[3],
comte de Soissons, parvint à descendre vers le sud sans encombre.
Eugène Maurice de Savoie, par Jacob VAN SCHUPPEN, première
moitié du XVIII° siècle, Deutsches historisches museum, Berlin.
Le
maréchal Nicolas de Catinat, pensant que l’ennemi souhaitait s’attaquer aux
territoires espagnols situés au sud du Pô, décida d’installer ses soldats
dans cette zone.
Toutefois, en juillet 1701, Eugène de Savoie décida de s’attaquer à Carpi,
un point de passage peu défendu par les Français, situé sur l’Adige.
Les soldats de l’armée royale, étonnés par cette attaque surprise, furent
rapidement vaincus par l’ennemi au cours de la bataille de Carpi.
Catinat, préférant temporiser, décida alors de faire reculer ses troupes.
Au
soir de l’affrontement, les coalisés étaient maîtres de la moitié nord est
de l’Italie.
b)
Second échec, la bataille de Chiari (fin août 1701) : suite à la
bataille de Carpi, Catinat tomba en disgrâce et fut remplacé par le maréchal
Louis Nicolas de Neufville, duc de Villeroy (rappelons que ce dernier, plus
courtisan qu’homme de guerre, était un ami d’enfance de Louis XIV[4].).
Le
commandant de l’armée française, soucieux d’en découdre avec les coalisés,
décida alors de marcher vers Chiari, où s’était réfugié Eugène de Savoie
(fin août 1701.).
A
la tête d’un contingent bien supérieur en nombre (45 000 soldats du côté
français contre 30 000 soldats pour les coalisés.), le maréchal ordonna à
ses troupes de prendre d’assaut la position ennemie.
Toutefois, Eugène de Savoie décida de répliquer, utilisant son artillerie à
bon escient. Villeroy, comprenant que la position des coalisés était trop
bien défendue, décida finalement de reculer.
La
bataille de Chiari fut un nouvel échec pour les Français, qui
perdirent près de 3 000 hommes lors de l’affrontement (Eugène de Savoie, au
contraire, n’eut à déplorer qu’une grosse centaine de pertes humaines.).
c)
La bataille de Crémone (nuit du 31 janvier 1701) : suite à la bataille
de Chiari, Villeroy décida de se replier sur Crémone.
Bien que n’attaquant pas, la position des Français était un handicap pour
Eugène de Savoie. Ce dernier décida alors de s’avancer vers Crémone, et fit
ouvrir les portes de la ville par ruse (les coalisés utilisèrent un tunnel
afin d’atteindre une maison habitée par des adversaires de la France.).
Les Français, apprenant la nouvelle, décidèrent d’ériger des barricades dans
les rues de la ville afin de contenir l’ennemi. Eugène de Savoie, profitant
des évènements, rendit visite aux magistrats de la ville, mais ces derniers
refusèrent de se prononcer en sa faveur.
Finalement, les combats de rue tournèrent à l’avantage des Français, qui
parvinrent à repousser les coalisés.
Combats urbains dans Crémone, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
La
bataille de Crémone fut un échec pour Eugène de Savoie, mais ce
dernier parvint toutefois à s’emparer du maréchal de Villeroy lors de
l’affrontement. Le commandant de l’armée de la Grande Alliance décida alors
de s’attaquer à Mantoue[5].
d)
La bataille de Luzzara (août 1702) : apprenant la capture de Villeroy,
Louis XIV décida de confier le commandement de l’armée d’Italie à son cousin
Louis Joseph, duc de Vendôme.
Se
rendant rapidement à Crémone, ce dernier y fut rejoint par Philippe V, venu
défendre les possessions espagnoles en Italie. Les deux hommes furent alors
rejoints par Charles Henri de Lorraine[6],
prince de Vaudémont, gouverneur de Milan.
Le
duc de Vendôme, à la mi-août, décida de marcher en direction de l’ennemi.
Les deux belligérants s’affrontèrent alors au cours de la bataille de
Luzzara.
Les Français, bien que disposant d’une armée supérieure en nombre, ne
parvinrent pas à bousculer l’ennemi.
Finalement, le soir arrivant, les eux belligérants décidèrent de se replier,
chacun considérant avoir remporté la victoire.
4° Nouveaux revers en Allemagne (1702 à 1704) – N’ayant
pas réussi à l’emporter en Italie, Louis XIV décida d’ouvrir un nouveau
front de guerre en Allemagne.
a)
La bataille de Friedlingen (octobre 1702) : à l’automne 1702, le roi
soleil envoya le maréchal Claude Louis Hector de Villars en Allemagne
afin de consolider les possessions françaises outre Rhin.
Les Français, soucieux de faire jonction avec les troupes du duc de Bavière
Maximilien II, décidèrent de traverser la Souabe. Toutefois,
apprenant que l’armée de la Grande Alliance se trouvait à Friedlingen, le
maréchal de Villars décida de les attaquer (ce dernier avait l’avantage du
nombre.).
Toutefois, l’affrontement ne donna l’avantage à aucun des deux camps.
De haut en bas : fusil d'infanterie (modèle 1728.), fusil de rempart
(modèle 1717.), fusil d'infanterie (modèle 1717.), mousquet à mèche allemand
(vers 1650.).
La
bataille de Friedlingen, particulièrement violente, coûta près de
4 000 hommes aux Français (1 500 tués et 2 500 blessés.), pour seulement un
millier du côté des coalisés.
b)
La bataille de Blenheim (août 1704) : en août 1704, l’armée des
coalisés, menée par John Churchill, duc de Marlborough, et Eugène
Maurice de Savoie, comte de Soissons, parvint à intercepter une troupe
franco-bavaroise qui faisait route vers Vienne (il s’agissait de la capitale
de l’archiduché d’Autriche, appartenant à Léopold I°[7].).
John Churchill, duc de Marlborough.
Les franco-bavarois, attaqués par les coalisés, furent repoussés dans le
village de Blenheim, près de la cité d’Höchstädt.
Bien qu’ayant l’avantage du nombre, les Français furent toutefois vaincus
par l’ennemi. Accusant des pertes sévères (10 000 tués et plus de 15 000
prisonniers.) au cours de la bataille de Blenheim, les
franco-bavarois furent alors contraints de se retirer.
La bataille de Blenheim, par Jan VAN VIANEN, vers 1705, Deutsches historisches museum, Berlin.
Cette sanglante défaite permit aux coalisés de chasser les Français
d’Allemagne, et d’occuper sans coup férir le duché de Bavière.
5° Les Français reprennent pied en Italie (1705) – Au
cours de l’été 1705, le duc de Vendôme décida de s’attaquer à Victor Amédée
II, duc de Savoie, ce dernier ayant décidé de rejoindre le camp des
coalisés.
Eugène de Savoie, apprenant que les Français étaient passés à l’offensive,
décida alors de porter assistance à son allié. Les deux belligérants, en
août 1705, s’affrontèrent alors au cours de la bataille de Cassano
(chaque camp disposait d’environ 30 000 soldats.).
Les combats furent particulièrement violents, mais au final les coalisés
durent s’incliner. Eugène de Savoie perdit plus de 10 000 hommes lors de
l’affrontement (6 500 tués et 4 500 blessés.), contre environ 2 000 soldats
pour le duc de Vendôme.
Victorieux, les Français s’emparèrent de Nice peu de temps après, occupant
presque tous les territoires du duc de Savoie.
Toutefois, en septembre 1706, l’armée royale échoua à prendre Turin, qui
resta entre les mains de Victor Amédée II.
6° Nouveaux revers en Flandres (1706 à 1709) – suite à
la bataille de Blenheim, en août 1704, les membres de la Grande Alliance
avaient réussi à mettre un terme aux attaques françaises en Allemagne.
Deux années plus tard, en mai 1706, les coalisés décidèrent d’intervenir
dans les Pays Bas espagnols, espérant pouvoir en chasser les armées de Louis
XIV et mettre la main sur les principales places fortes de la région.
a)
Echec en Flandres, la bataille de Ramillies (mai 1706) : Louis Nicolas
de Neufville, duc de Villeroy[8],
apprenant les intentions de l’ennemi, parvint à stopper ces derniers près de
Ramillies.
Les deux armées se firent face à face pendant un temps (chacune possédait
environ 60 000 soldats.), puis décidèrent finalement d’attaquer. Le duc de
Marlborough, commandant les coalisés, attaqua alors l’armée de Villeroy sur
le flanc droit. Afin de porter assistance à ses troupes, le Français décida
de dégarnir son flanc gauche, sans se douter que ce faisant, il tombait dans
le piège de Marlborough.
Ce
dernier, désorganisant les troupes franco-bavaroises, parvint finalement à
remporter la bataille de Ramillies (Villeroy perdit ainsi 20 000
hommes, soit 15 000 tués et 5 000 prisonniers.).
En
février 1707, Vauban proposa la création d’un nouvel impôt, la dîme
royale. Tous les Français, du plus pauvre au plus riche, du paysan à
l’aristocrate, devraient verser un dixième de leurs revenus à l’Etat.
L’objectif était louable, mais Louis XIV refusa, afin de ne pas perturber
l’opinion en pleine guerre (Vauban mourut peu de temps après, fin mars
1707.).
Tombe de Vauban, Dôme des Invalides, Paris.
A
noter qu’au cours de l’été 1707, les Français décidèrent de saborder leur
flotte dans le port de Toulon afin d’empêcher les coalisés de s’emparer de
la cité.
La résistance de Toulon, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
b)
Nouvel échec en Flandres, la bataille d’Audenarde (juillet 1708) : Louis
XIV, en 1708, décida de mettre en place une intervention militaire dans les
Flandres, afin de reconquérir le terrain perdu depuis le début de la guerre.
Rassemblant une armée de 100 000 hommes[9],
le roi soleil en confia le commandement à Louis Joseph, duc de Vendôme, et à
Louis, duc de Bourgogne (ce dernier était le petit fils de Louis XIV.).
A
cette date, Marlborough et Eugène de Savoie étaient séparés (l’un se
trouvait dans les Pays Bas espagnols, l’autre sur les rives du Rhin.),
chacun à la tête d’une armée bien inférieure en nombre à celle des Français.
L’objectif du duc de Vendôme était d’assiéger une place forte entre les
mains des coalisés, afin de forcer Marlborough à attaquer. Toutefois, le
jeune duc de Bourgogne, qui n’avait encore jamais commandé d’armées, préféra
s’attaquer aux Flandres, conformément aux ordres de Louis XIV.
Ainsi, pendant que les Français s’emparaient de Bruges et de Gand,
Marlborough put faire jonction avec les troupes d’Eugène de Savoie.
S’emparant de toute la vallée de l’Escaut, les Français se dirigèrent vers
Audenarde, la seule cité restée entre les mains des coalisés.
Dans un premier temps, le duc de Vendôme ordonna à l’avant-garde de
traverser la rivière, mais les Français furent repoussés par les coalisés.
Le duc de Bourgogne, apprenant la nouvelle, décida alors de contre-attaquer,
chargeant l’ennemi sans attendre.
Vendôme, constatant que les troupes du duc de Bourgogne ne tarderaient pas à
être repoussés, demanda l’autorisation d’intervenir, en vain.
La
nuit tombant, l’armée royale fut contrainte de reculer, abandonnant près de
15 000 hommes (10 000 prisonniers et 5 000 tués.) suite à la bataille
d’Audenarde.
A
noter que les pertes françaises ne furent pas particulièrement importantes,
pour la simple raison que seule une partie de l’armée combattit ce jour-là.
Suite à cet affrontement, les coalisés marchèrent sur le sud, s’emparant de
Lille (octobre 1708.), puis de Gand (décembre 1708.). A la fin de l’année,
Louis XIV avait perdu tous ses acquis dans les Flandres.
La défense de Lille par les Français, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
c)
La bataille de Malplaquet, une victoire à la Pyrrhus (septembre 1709) :
en 1709, Louis XIV décida de se rapprocher des membres de la Grande Alliance
afin de trouver une issue au conflit. Ces derniers demandèrent alors au roi
soleil de reconnaitre Charles comme roi d’Espagne, et de destituer son petit
fils Philippe V. Si les propositions étaient acceptées, une trêve de deux
mois serait signée.
Le
souverain français, indigné, décida de mettre un terme aux pourparlers. Au
final, les coalisés perdirent beaucoup en exigeant trop…
Au
cours de l’été 1709, les coalisés décidèrent de reprendre l’offensive, afin
de pérenniser leurs acquis de l’année dernière.
Fin juillet, ils s’emparèrent de Tournai, puis, en septembre, ils
assiégèrent Mons.
Apprenant la nouvelle, Louis XIV envoya contre les coalisés le maréchal
Claude Louis Hector de Villars, ce dernier étant à la tête d’une armée de
80 000 hommes.
Progressant jusqu’aux alentours de Mons, l’armée française fut arrêté près
du hameau de Malplaquet.
Marlborough, disposant de plus de 100 000 soldats sous ses ordres, décida de
fortifier un de ses flancs afin d’écraser sous le poids l’aile gauche
française.
Les Français, bien que finalement contraints de se replier, infligèrent
toutefois d’importantes pertes à l’ennemi lors de la bataille de
Malplaquet. En effet, si Villars perdit plus de 10 000 hommes (environ
4 000 tués et 8 000 blessés.), les coalisés furent décimés, perdant près de
25 000 hommes (10 000 tués et 15 000 blessés.).
A
noter que Marlborough lui-même fut blessé lors de la bataille (il fut
destitué en rentrant en Angleterre sous la pression des pacifistes.).
Cet affrontement fut au final une victoire à la Pyrrhus pour l’armée
de la Grande Alliance. En effet, alors que les Français se repliaient vers
Valenciennes, les coalisés durent faire rebrousse chemin, ne disposant plus
d’une armée suffisamment puissante.
En
rentrant à Versailles, Villars aurait dit à Louis XIV : encore une
défaite comme ça, sire, et nous avons gagné la guerre.
Louis XIV sur les hauteurs de Satory devant une vue du château de
Versailles, par Adam Frans van der MEULEN, XVII° siècle, château de
Versailles, Versailles.
6° La guerre de Succession d’Espagne se poursuit en Espagne
(1710 à 1711) – Charles, le prétendant Habsbourg à la couronne
espagnole, fut sacré roi d’Espagne à Vienne, en 1703 (à noter qu’il
s’agissait d’une investiture purement nominale.).
Le
royaume d’Aragon (composé de Valence et de la Catalogne.), décida alors de
reconnaitre Charles comme le légitime souverain d’Espagne.
La
marine britannique, portant assistance au prétendant Habsbourg, était
parvenue à s’emparer de Gibraltar en août 1704. A cette date, la flotte
méditerranéenne de Louis XIV était coupée de l’Atlantique. Louis XIV envoya
alors une flotte vers Gibraltar, qui affronta l’ennemi au cours de la
bataille navale de Velez Melaga. Au final, les coalisés furent vaincus,
mais les Anglais restaient maîtres de Gibraltar.
Vaisseaux espagnols devant Gibraltar,
école anglaise, XVIII° siècle, musée de la Marine, Paris.
Cependant, en 1707, l’armée des coalisés fut vaincue lors de la bataille
d’Almanza.
Toutefois, si Philippe V remporta l’affrontement, il ne gagna pas la guerre,
et Charles put ainsi se réfugier en Catalogne.
a)
En Espagne comme en France, les Bourbons accumulent les revers : en
juillet 1710, Philippe V décida de s’attaquer au prétendant Habsbourg,
attaquant la Catalogne. Rencontrant l’armée des coalisés lors de la
bataille d’Almenar, le souverain Bourbon fut contraint de reculer,
l’ennemi ayant réussi à percer sa ligne de défense.
Peu de temps après, en août 1710, l’armée de la Grande Alliance rencontra
une nouvelle fois l’armée espagnole vaincue. La bataille de Saragosse
(elle se déroula en effet non loin des murs de la cité.) fut un échec pour
les franco-espagnols, écrasés une fois de plus par les coalisés.
Suite à ces deux victoires consécutives, la route vers la capitale du
royaume espagnol était libre. Ainsi, Charles rentra dans Madrid en septembre
1710 (à noter que la ville avait été en grande partie désertée par sa
population.).
b)
Vendôme rétablit la situation : apprenant que les armées de Philippe V
avait accumulé les revers, Louis XIV décida d’envoyer le duc de Vendôme en
Espagne. Ce dernier marcha alors vers Madrid, à la tête d’une armée
d’environ 20 000 hommes.
A
noter toutefois qu’à cette date, les coalisés se trouvaient dans une
situation difficile. En effet, suite aux batailles d’Almenar et de
Saragosse, à cause des maladies et des attaques menées par les guérilleros,
l’armée des coalisés avait perdu plusieurs milliers d’hommes.
Incapable d’occuper la Castille, Charles décida de se retirer en Catalogne.
En novembre 1710, 2 000 soldats furent laissés dans la capitale, et l’armée
fut divisée en deux corps. Le général autrichien Guido Wald Rüdiger,
comte de Starhemberg, à la tête d’un convoi de 12 000 hommes partit le
premier ; suivi 24 heures après par un second convoi de 5 000 hommes,
commandé par l’Anglais James Stanhope.
Apprenant le mouvement opéré par l’ennemi, le duc de Vendôme décida de
s’attaquer à l’armée de Stanhope. Ce dernier, réfugié à Brihuega, résista
autant que possible aux soldats français pourtant largement supérieurs en
nombre (8 décembre 1710.).
Finalement, à l’issue de la bataille de Brihuega, Stanhope et ses
hommes furent contraints de se rendre.
Le
comte de Starhemberg, quant à lui, se trouvait non loin de là lorsqu’il
apprit le coup de force opéré par le duc de Vendôme. L’Autrichien décida
alors de faire rebrousse chemin afin d’en découdre avec les Français.
Les deux belligérants s’affrontèrent finalement lors de la bataille de
Villaviciosa, le 10 décembre 1710. Le duc de Vendôme, bien que disposant
d’un net avantage numérique, perdit autant d’hommes que Starhemberg (environ
3 000 soldats dans chaque camp.).
La bataille de Villaviciosa,
par Jean ALAUX, XIX° siècle, château de Versailles, Versailles.
A
l’issue du conflit, les coalisés se retirèrent vers la Catalogne, harcelés
par les guérilleros. Arrivant à Barcelone en janvier 1711, l’armée de
Starhemberg ne comptait plus que 6 000 hommes.
Les victoires de Vendôme sur les coalisés permirent à Philippe V de sauver
sa couronne.
En
avril 1711, l’Empereur germanique Joseph I° (fils de Léopold I°, il avait
succédé à son père en 1705.) mourut. Ce fut alors son frère Charles VI, qui
était déjà prétendant à la couronne d’Espagne, qui monta sur le trône.
Toutefois, si l’Angleterre et les Provinces Unies avaient déclenché le conflit
afin de lutter contre l’hégémonie française, elles ne souhaitaient cependant
pas assister au retour de l’hégémonie autrichienne.
Ainsi, dès la fin de l’année 1711, des pourparlers réunirent les principales
puissances européennes afin de trouver une issue au conflit.
Le sacre impérial de Charles VI, vers 1711, Deutsches historisches museum, Berlin.
7° La France reprend l’avantage (1712 à 1714) – Suite à
la campagne victorieuse de Vendôme en Espagne, Louis XIV confia une nouvelle
armée au maréchal de Villars.
A
noter qu’à cette date, les places fortes des Pays Bas espagnols étaient
toutes tombées entre les mains des coalisés. Suite à la bataille de
Malplaquet, en septembre 1709, ces derniers furent victorieux, mais
souffrant d’importantes pertes, ils ne purent mener à bien leur offensive
dans le nord de la France.
En
début d’année 1712, Eugène de Savoie décida de lancer une nouvelle offensive
contre la France (à noter qu’à cette date l’Angleterre avait retiré ses
hommes du continent.). Au mois de mai, les coalisés s’emparèrent de Denain,
puis de Quesnoy en juin.
Villars décida alors d’en découdre avec les coalisés, bloquant les ponts et
marchant sur Landrecies, où se trouvait Eugène de Savoie. Les coalisés
décidèrent alors de renforcer la cité en appelant en renforts des troupes
stationnées à Denain.
L’ennemi étant tombé dans le piège, les Français se dirigèrent vers Denain,
qui était dès lors dégarnie.
Les coalisés, surpris, furent repoussés, et Eugène de Savoie ne se rendit
compte que trop tard qu’il avait été joué.
La bataille de Denain, par Jean ALAUX, XIX° siècle, château de
Versailles, Versailles.
La
bataille de Denain, au cours de laquelle l’armée de la Grande
Alliance perdit près de 8 000 hommes, fut un franc succès pour l’armée du
roi de France (24 juillet 1712.).
L’année suivante, en octobre 1713, les Français traversèrent le Rhin et
s’emparèrent de Fribourg.
En
fin d’année, Villars et Eugène se rencontrèrent au château de Rastadt, où
ils entreprirent la rédaction d’un projet de paix.
La rencontre de Villars et d'Eugène de Savoie, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
8° Le traité d’Utrecht (1713) – Réunis depuis 1712 à
Utrecht, les principaux belligérants tentaient de trouver une issue au
conflit, qui sévissait maintenant depuis plus d’une décennie.
La
victoire de Denain permit à la France de négocier in extremis dans
des conditions favorables (à noter que le traité d’Utrecht fut rédigé en
Français, qui fut considérée comme langue diplomatique par excellence
jusqu’au début du XX° siècle.).
Un
premier traité fut signé entre la France et l’Angleterre, en avril 1713 ;
puis un autre entre l’Espagne et l’Angleterre, en juillet 1713.
L’Espagne fut la grande perdante de la guerre, sacrifiée par le roi soleil
au profit des puissances européennes.
En
effet, l’Autriche récupéra les Pays Bas espagnols, le duché de Milan, le
royaume de Naples et la Sardaigne ; le duché de Savoie, par contre, récupéra
la Sicile ainsi que quelques territoires dans les Alpes (peu de temps après,
l’Autriche échangea la Sardaigne contre la Sicile avec le duc de Savoie.).
Enfin, l’Angleterre récupéra Gibraltar[10]
et Minorque.
En
contrepartie, Philippe V fut reconnu comme roi d’Espagne, et ce dernier
renonça à ses droits sur la couronne de France. Les Habsbourg renoncèrent
alors à leurs droits au trône d’Espagne. Les électeurs de Cologne et de
Brandebourg, alliés à Louis XIV et privés de leurs territoires lors de la
guerre, retrouvèrent leurs Etats.
Louis XIV, quant à lui, fut contraint de rendre Fribourg, Brisach et Kehl,
cités dont les Français s’étaient emparés lors du conflit. Le roi soleil
devait en outre démolir les fortifications de Dunkerque, et cesser de
soutenir Jacques III, prétendant Stuart à la couronne d’Angleterre.
Enfin, le roi de France dut abandonner l’Acadie et l’île Saint Christophe
aux Anglais, consacrant un peu plus leur domination sur le nouveau monde.
Toutefois, Louis XIV récupéra la vallée de l’Ubaye, dans les Alpes, en
échange de la vallée de Suse.
Le royaume de France en 1713.
Le
traité d’Utrecht, bien que consacrant la victoire de la Grande Alliance,
n’entraina pas les mêmes conséquences dans tous les pays de la coalition. En
effet, si l’Angleterre sortait grand vainqueur de l’affrontement, les
Provinces Unies sortaient ruinées de la guerre, concurrencées
commercialement par la France et la Grande Bretagne. L’Autriche, quant à
elle, remportait plusieurs territoires[11],
mais dut faire face à la montée en puissance du duché de Prusse, érigé en
royaume par Frédéric I° en 1701, en échange de son soutien à l’Empereur
germanique Léopold I° (à noter que le souverain prussien était aussi
margrave de Brandebourg sous le nom de Frédéric III[12].).
L'Autriche à son apogée, suite au traité
d'Utrecht (1720).
Frédéric I°, roi de Prusse,
par Johann WENTZEL, vers 1701, château de Charlottenburg, Berlin (à gauche)
; Allégorie de l'accession à la
royauté de Frédéric I° (ce dernier, debout sur un piédestal, est
entouré de deux femmes, personnifiant le Brandebourg et la Prusse), par
Samuel GERICKE, vers 1713, Deutsches historisches museum, Berlin.
Enfin, le duché de Savoie, récupérant la Sardaigne, parvint à prendre son
autonomie vis-à-vis de la France, agissant comme une grande puissance
européenne[13].
Côté français, le traité d’Utrecht n’était pas une réussite, mais il n’était
pas non plus un désastre. En effet, Louis XIV restait à la tête de la plus
puissante armée européenne, et les frontières de la France, comme celle de
son Empire colonial, étaient préservées.
A
noter qu’un dernier évènement mit fin à la guerre de succession d’Espagne :
la prise de Barcelone par les armées de Philippe V en septembre 1714.
[1]
Charles II rappela plusieurs fois à sa seconde épouse qu'il lui
préférait, et de loin, sa première femme.
[2]
A noter que le « titre » de prétendant Stuart à la couronne
d’Angleterre se perpétue encore de nos jours.
[3]
A noter qu’Eugène Maurice de Savoie était le fils d’une nièce de
Mazarin. Louis XIV refusant de confier un commandement à ce jeune
homme aux mœurs homosexuelles, Eugène Maurice décida de quitter la
France et de se mettre au service de l’archiduché d’Autriche.
[4]
A noter que le maréchal de Villeroy ne gagna pas une seule bataille
au cours de sa carrière.
[5]
A noter que le roi d’Angleterre Guillaume III mourut en mars 1702
des suites d’une chute de cheval. Ce fut alors sa belle sœur Anne,
fille de Jacques II, qui s’empara du pouvoir. Toutefois, cette
dernière étant de santé fragile, elle laissa le pouvoir à ses
principaux favoris.
[6]
Le prince de Vaudémont était le fils de Charles III (ou IV ?), duc
de Lorraine, qui s’était opposé au roi de France.
[7]
A noter que Léopold I° mourut en mai 1705. Ce fut alors son fils
Joseph I° qui lui succéda.
[8]
Ce dernier avait été relâché suite à sa capture au cours de la
bataille de Crémone.
[9]
Il ne s’était pas rassemblé des armées aussi importantes depuis
l’Antiquité, à l’époque de l’Empire romain.
[10]
Aujourd’hui, l’Angleterre détient toujours Gibraltar.
[11]
L’Autriche fut toutefois contrainte de rendre Naples et la Sicile à
l’Espagne en 1738
[12]
Le Brandebourg faisait partie du Saint Empire romain germanique,
mais pas la Prusse.
[13]
A noter que ce furent les membres de la maison de Savoie qui
unifièrent l’Italie au cours du XIX° siècle.