III : La fin du conflit languedocien (1241 à 1244)
1°
Petite histoire de la guerre du Languedoc (1209 à 1240) – En 1209, le
pape Innocent III avait prêché en faveur d’une croisade contre les
cathares, qui s’étaient considérablement développés dans le Midi.
a) L’hérésie cathare :
les cathares (appelés aussi Albigeois[1])
étaient les héritiers des manichéens[2],
qui reconnaissaient deux dieux de puissance égale, l’un représentant le bien
(associé à l’âme.) et l’autre représentant le mal (associé au corps.).
Les adeptes de ce culte se
divisaient en deux catégories : les fidèles de base et les parfaits[3].
Contrairement aux fidèles, les parfaits menaient une vie ascétique et
chaste, mortifiant leur corps (assimilé au mal.).
Les cathares ne
reconnaissaient pas les sacrements de l’Eglise, rejetant donc son autorité
(contrairement à la religion catholique, très hiérarchisée, les églises
cathares étaient indépendantes l’une de l’autre). Ces derniers niaient aussi
la nature humaine de Jésus (qui en aurait fait une divinité souillée par le
mal), le considérant comme un pur esprit.
b) La guerre du Languedoc
sous Philippe Auguste (1209 à 1223) : Raymond VI, comte de
Toulouse, accusé de protéger les cathares, fut excommunié par l’Eglise et
dépossédé de ses Etats. Ces derniers, en 1215, furent cédés à Simon V de
Montfort, un des chefs de la croisade contre les cathares.
Toutefois, le pape Innocent
III décida de laisser le comté de Provence à Raymond VII, fils du
comte de Toulouse.
Le jeune homme, en l’espace
de quelques années, réussit à regagner le territoire perdu, prenant Toulouse
en 1217. Simon de Montfort, soucieux de récupérer sa capitale, trouva la
mort lors du siège de la ville, pendant l’été 1218.
Son fils, Amaury VI,
ne fut pas en mesure de défendre ses Etats, qui fondirent comme peau de
chagrin sous les attaques de Raymond VII.
En fin d’année 1223, Amaury
VI ne détenait plus que Carcassonne, qui fut assiégée à cette date par son
rival. Contraint de signer une trêve en janvier 1224, le fils de Simon de
Montfort quitta le Midi quelques jours après, souhaitant réclamer de l’aide
auprès du roi de France[4].
c) La guerre du Languedoc
sous Louis VIII (1223 à 1226) : Louis VIII, quant à lui, refusa
d’accorder de l’aide à Amaury VI, lui proposant au contraire de lui céder
ses droits sur le Languedoc.
Alors que la victoire de
Raymond VII avait poussé le pape Honorius III à entamer des négociations de
paix, la cession des droits d’Amaury VI au roi de France bouleversait la
donne.
En novembre 1225, un concile
fut réuni à Bourges, afin de régler l’affaire du Languedoc.
Ce dernier décida de la mise
en place d’une nouvelle croisade, excommuniant Raymond VII.
Louis VIII, descendant la
vallée du Rhône, reçut la soumission de plusieurs villes et seigneurs de la
région. En juin 1226, il assiégea Avignon, qui, à court de vivres, n’ouvrit
ses portes qu’en septembre.
Par la suite, le roi de
France s’empara des anciennes possessions de Simon de Montfort (Béziers,
Carcassonne et Albi), puis marcha vers Toulouse.
L’hiver approchant, Louis
VIII décida de rentrer à Paris. Ce dernier nomma gouverneur du Languedoc son
cousin Humbert V[5],
seigneur de Beaujeu[6].
d) La guerre du Languedoc
sous la régence (1226 à 1240) : suite à la mort du roi, Raymond VII
tenta de reconquérir le terrain perdu. Toutefois, Humbert V ne resta pas
inactif.
En l’espace de quelques
années, le Languedoc assista à l’apparition d’un équilibre des forces entre
les deux belligérants.
Le pape Grégoire IX, voyant
que la situation n’évoluait guère, se rapprocha de Blanche de Castille afin
d’établir des pourparlers. C’est ainsi que fut organisée une conférence à
Meaux, en mars 1229, qui s’acheva sur la signature du traité de Paris.
Raymond VII fut reconnu
comte de Toulouse, mais en échange il devait céder les vicomtés de Béziers,
Carcassonne et Albi au roi de France, et le comtat Venaissin à l’Eglise[7].
Par ailleurs, Raymond VII
devait marier sa fille unique à Alphonse, frère cadet de Louis IX,
qui récupérerait le comté de Toulouse à la mort de son beau-père.
Du côté de l’Eglise,
Grégoire IX continua la lutte contre les cathares, instaurant, en 1231, un
tribunal chargé de rechercher et de punir les hérétiques. Ce tribunal, nommé
inquisition, fut confié aux dominicains.
Cependant, les exactions
commises contre les cathares engendrèrent des contestations dans le
Languedoc. En 1240, Raymond II Trencavel[8],
qui s’était exilé en Aragon, traversa les Pyrénées en direction de
Carcassonne (ce dernier était le neveu (et vassal) de Raymond VI de
Toulouse, qui avait été dépossédé des vicomtés de Béziers et de Carcassonne
en 1209).
Mais plutôt que d’assiéger
la cité, Raymond II ravagea la campagne environnante, laissant le temps à
Guillaume des Ormes, sénéchal[9]de Carcassonne, de préparer une contre -attaque.
Raymond II, reculant vers la
forteresse de Montréal, fit alors soumission, recevant l’autorisation de
gagner l’Aragon.
2° Le
mariage d’Alphonse de Poitiers, la révolte d’Hugues X de Lusignan (1241 à
1242) – Le mariage de d’Alphonse avec Jeanne, fille du comte de
Toulouse, fut célébré à Saumur en mars 1241.
Louis IX, participant à la
cérémonie, investit son frère du Poitou et de l’Auvergne[10].
Pendant l’été, les deux
hommes se rendirent à Poitiers, où le nouveau comte devait tenir sa Cour et
recevoir l’hommage de ses vassaux.
La région, conquise par
Philippe Auguste, avait connu une longue période d’autonomie sous la
monarchie anglaise, et de nombreux seigneurs craignaient la domination des
Capétiens.
L’un d’eux, Hugues X de
Lusignan, connu pour son passé de comploteur[11],
refusa de rendre l’hommage. Excité par sa femme Isabelle, mère du roi
d’Angleterre (cette dernière menaça son époux de privation sexuelle s’il ne
se révoltait pas), il osa défier publiquement le comte dans son palais, et
brûla la maison dans lequel ce dernier avait séjourné à Poitiers (Noël
1241).
Seul, Hugues X était peu
dangereux. Ainsi, au printemps 1242, l’armée royale fut réunie par Louis IX
à Chinon. Ce dernier, au mois de mai, assiégea Montreuil, capitale d’Hugues
X, qui ouvrit rapidement ses portes.
Toutefois, le comte de
Lusignan avait contracté plusieurs alliances avec les ennemis de la
couronne, bénéficiant ainsi du soutien de Raymond VII de Toulouse et d’Henri
III d’Angleterre.
3° Nouvelle
révolte du Languedoc (1242) – Alors que Louis IX combattait dans le
Poitou, le Languedoc se révolta à son tour. En mai 1242, plusieurs
inquisiteurs furent assassinés à Avignonet, ce qui fut le signal de la
révolte.
Raymond VII, à la tête des
conjurés, bénéficiait du soutien de Raymond II Trencavel ; de Roger IV,
comte de Foix ; et d’Amalric I°, vicomte de Narbonne. Toutefois,
Pierre Mauclerc, régent de Bretagne, ne bougea pas, à l’instar de Raymond
Bérenger IV de Provence.
a) Guerre contre Henri
III, les batailles de Taillebourg et de Saintes (juillet 1242) :
apprenant qu’Henri III avait débarqué à Royan (qui rejoignit Hugues X à
Pons), Louis IX décida de marcher vers la Saintonge.
Ce dernier s’installa au
château de Taillebourg, qui surplombait un pont traversant la Charente.
Le 19 juillet, les deux
armées se firent face, chaque camp hésitant à attaquer.
Louis IX, ne parvenant pas à
trouver un passage à gué qui aurait permis de prendre l’ennemi à revers,
lança alors l’assaut le 21 juillet.
La bataille de Taillebourg, enluminure issue de l'ouvrage Grandes
Chroniques de France, Paris, France, XIV°siècle.
La bataille de
Taillebourg, mêlée confuse, donna la victoire aux Français, qui
bénéficiaient d’une petite supériorité numérique.
La bataille de Taillebourg, par
Eugène DELACROIX, 1837, château de Versailles, Versailles.
Henri III, sonnant la
retraite, recula vers Saintes, qui fut le théâtre d’un nouvel affrontement
le 23 juillet.
Les Anglais étant vaincus
une fois encore, Henri III signa une trêve de cinq ans à Pons, le 1er
août 1242 ; puis il rentra précipitamment à Bordeaux.
b) Guerre contre Raymond
VII (janvier 1243) : Louis IX, quant à lui, descendit en direction du
Languedoc, où il reçut la soumission de Raymond VII, en janvier 1243. Ce
dernier fut alors rapidement imité par le comte de Foix et le vicomte de
Narbonne.
Malade, le roi rentra alors
à Paris, mais il encouragea néanmoins la poursuite de la lutte contre les
cathares.
c) La fin de l’hérésie
cathare, conséquences de la guerre du Languedoc (1244) : les
inquisiteurs, chargés de combattre l’hérésie, éprouvaient beaucoup de
difficultés à éradiquer le catharisme, même si cette doctrine avait
néanmoins connu un net recul en l’espace de quelques années. Ainsi, en 1243,
les Albigeois étaient retranchés dans deux forteresses : Montségur et
Quéribus.
Au printemps 1243, Montségur
fut assiégée par Hugues des Arcis, sénéchal de Carcassonne. Après dix
mois de siège, des pourparlers furent mis en place entre les deux
belligérants. Ainsi, les assaillants promirent que les habitants de la ville
ne seraient punis que de peines légères, mais que les parfaits seraient
condamnés à mort s’ils n’abjuraient pas leur foi.
Les habitants de Montségur
acceptèrent les conditions et ouvrirent les portes du château le 16 mars
1244.
Hugues des Arcis, pénétrant
dans la ville, s’empara alors des parfaits, qui furent rapidement condamnés
à mort. 200 d’entre eux périrent sur le bûcher allumé le même jour.
La prise de Montségur
désorganisa considérablement l’Eglise cathare, et de nombreux fidèles se
réfugièrent en Italie. Toutefois, Quéribus ne tomba qu’en 1255, et
l’inquisition resta présente dans le Languedoc pendant encore un siècle.
Le comte de Toulouse, quant
à lui, resta toujours turbulent, soucieux d’échapper à la tutelle royale. En
1243, il épousa Marguerite, fille d’Hugues X de Lusignan (Raymond VII
voulait à tout prix un héritier mâle afin de ne pas céder ses Etats à la
couronne). Toutefois, cette union ne fut pas reconnue par la papauté.
Le comte de Toulouse mourut
en 1249, date à laquelle Louis IX était parti en croisade. N’ayant pas
d’héritiers, ses Etats revinrent à Alphonse de Poitiers, frère du roi de
France.
A noter enfin que la guerre
du Languedoc eut pour autre conséquence de réduire l’influence du roi
d’Aragon dans la région. Alors que ce dernier, au début du XIII° siècle,
possédait une série de comtés sur la frontière nord des Pyrénées (Comminges,
Foix et Carcassonne), ainsi que le comté de Gévaudan, la seigneurie de
Montpellier, et le comté de Provence ; à la fin du conflit, il ne détenait
plus que le Roussillon et Montpellier (le reste étant récupéré par le
royaume de France).
[2]Manès, fondateur du manichéisme, vécut
en Perse au III° siècle avant Jésus Christ.
[3] Le terme ‘Cathare’ vient du perse Katharos
qui signifie « pur. » Une fois encore, ce terme fut employé par
l’Eglise mais non par les cathares (qui se nommaient bon hommes
ou bons chrétiens).
[4] Pour en savoir plus sur le conflit
languedocien sous Philippe Auguste,
cliquez ici.
[5] Ce dernier était le cousin germain de Louis
VIII, sa mère Sybille étant la sœur cadette d’Isabelle de
Hainaut, mère du roi de France.
[6] La seigneurie de Beaujeu se situait au nord de
Lyon.
[7] Le comtat Venaissin resta possession de
l’Eglise jusqu’en 1791, date à laquelle il fut annexé par la France
révolutionnaire. Voir à ce sujet le a), 2, section III, chapitre
troisième, la Révolution française.
[8] Son père, Raymond Roger Trencavel,
était le neveu (et vassal) de Raymond VI de Toulouse. En 1209, il
avait été dépossédé des vicomtés de Béziers et de Carcassonne, qui
furent finalement cédés à la couronne lors de la conférence de
Meaux.
[9] Le sénéchal
était un seigneur local nommé par le roi, qui avait pour fonction de
rendre la justice (leur décision ne pouvait être cassée que par le
roi), lever les impôts ou commander les armées.
[10] La couronne avait hérité du Poitou suite à la
signature du traité de Chinon avec l’Angleterre, en 1216.
Voir à ce sujet le b), 4, section V, chapitre quatrième, les
Capétiens.
[11] Ce dernier avait comploté à plusieurs
reprises contre Blanche de Castille. Voir à ce sujet la section I,
chapitre cinquième, les Capétien.