1° Une
administration héritée de Philipe Auguste – Louis IX ne changea rien à
l’administration qu’avait mis en place son grand-père Philippe Auguste. Le
domaine royal, qui s’étendait sur la moitié du territoire français, resta
divisé en prévôtés et bailliages
Rappelons que les baillis
avaient pour fonction de rendre la justice (leur décision ne pouvait être
cassée que par le roi), lever les impôts ou commander les armées.
Les baillis, bénéficiant
d’une importante rémunération (une livre mensuelle alors que les chevaliers
ne recevaient que 10 sous),
étaient soumis à une contrôle très strict.
Ils étaient assistés par des
prévôts, chargés des affaires locales. Ces derniers pouvaient juger les
roturiers mais pas les nobles, privilège des baillis (ces derniers pouvaient
casser la décision des prévôts). En outre, certains cas leur échappaient,
comme le meurtre et la trahison.
A noter que les baillis
n’étaient pas des fonctionnaires permanents. Ainsi, ils ne pouvaient ni
acquérir de biens, ni emprunter, ni marier leurs enfants dans leur
circonscription. Ne restant que trois ans en charge, ils devaient rendre des
comptes en sortant et restaient cinquante jours dans leurs provinces pour
répondre aux plaintes formulées par leurs administrés.
Afin de renforcer les
contrôles sur les fonctionnaires royaux, Louis IX établit des tournées
d’inspection, confiées à des enquesteurs. Ces derniers furent
choisis de préférence parmi les membres de l’Ordre des frères mineurs
(franciscains.) ou de l’Ordre des Prêcheurs (dominicains.).
2° Réforme de
la justice – Louis IX était très préoccupé par les questions
judiciaires. Les chroniques disent qu’il aimait rendre justice par lui même,
sous un chêne au bois de Vincennes.
Toutefois, au-delà de ces images
d’Epinal, le roi de France procéda à une importante réforme du système
judiciaire.
Saint Louis rendant la justice,
par Alexandre CABANEL,
1874,
le Panthéon, Paris.
Ainsi, Louis IX promulgua en
1258 un édit abolissant les ordalies, (précisons toutefois que ces
pratiques étaient sur la sellette depuis le XI° siècle).
L’ordalie, aussi appelée
jugement de Dieu, était une vieille pratique héritée des invasions
barbares. Si un tribunal ne parvenait pas à établir un verdict, l’accusé
devait se soumettre à une épreuve physique.
L’ordalie pouvait être
bilatérale, afin de départager deux plaignants : ces derniers livraient
alors un combat judiciaire, le vainqueur, choisi par Dieu, étant
innocenté. A noter que les femmes et les ecclésiastiques, dispensés de
participer au combat, pouvaient se faire remplacer par un champion.
Mais il existait aussi de
nombreuses ordalies unilatérales : l’accusé devait plonger sa main dans le
l’eau bouillante, et s’il n’avait pas de séquelles, il était innocenté (il
existait une variante avec un fer chauffé à blanc) ; l’accusé était plongé
dans une rivière, s’il flottait, il était coupable, mais s’il coulait, il
était innocenté ; l’accusé était gavé de pain et de fromage, s’il ne pouvait
pas avaler, il était coupable ; etc.
Le système des ordalies
persista encore quelques années, surtout dans le Languedoc, ou l’Inquisition
continua à faire appel au jugement de Dieu jusqu’au XIV° siècle.
La noblesse, quant à elle,
utilisa le duel judiciaire pendant encore plusieurs siècles.
L’abolition des ordalies fut
une révolution au sein de la justice. Le duel judiciaire fut remplacé par l’instruction
de la cause, c’est à dire une enquête sérieuse des faits, conduite
suivant les règles empruntées soit aux tribunaux ecclésiastiques, soit aux
anciens tribunaux romains.
Pour juger, il fallait
maintenant connaître non seulement les diverses coutumes de France, mais
aussi la loi romaine. Les grands seigneurs, qui n’étaient que des guerriers,
ne tardèrent pas à s’y perdre. On leur donna donc des auxiliaires à ces
derniers, soit de simples clercs, soit des petits nobles ou des bourgeois.
Ces hommes de loi, baptisés
légistes, acquirent rapidement, sous Louis IX même, une place
importante. Ainsi se formait une nouvelle classe de la société.
Les légistes, dévoués à la
royauté, contribuèrent à étendre ses droits et ses prérogatives, contribuant
à l’essor de la monarchie centralisée.
Ces derniers, étudiant la
loi romaine, en adoptèrent les principes. Sous l’Empire, la loi disait :
l’Empereur est la loi vivante. Les légistes, reprenant cette formule,
dirent : si veut le roi, si veut la loi. Cette maxime fut
particulièrement employée par les successeurs de Louis IX, qui donnèrent peu
à peu naissance à une monarchie absolue.
3° Louis IX
et l’aristocratie – Sans chercher à détruire la féodalité, Louis IX
s’attacha à corriger plusieurs de ses abus.
a) Le droit de guerre, la
quarantaine-le-roi : l’un des plus graves était celui des guerres
privées, que l’Eglise avait réprimé en partie par la Trêve de Dieu.
En effet, tout seigneur ayant été offensé avait le droit de prendre les
armes pour se venger. Il en résultait de graves troubles, dont les paysans
étaient les premières victimes.
Philippe Auguste avait
établit la quarantaine-le-roi, qui fut renouvelée par une ordonnance
promulguée par Louis IX en 1245 : avant d’en appeler aux armes,
l’offensé devait attendre 40 jours. Quiconque ne respectait pas cette trêve
était considéré comme traître et était passible de la peine de mort.
Dans l’intervalle, les
agents royaux arrêtaient l’agresseur, le jugeaient, et la querelle était
considérée comme terminée.
Cependant, si l’accusé était
absous, il demeurait sous la protection du roi, et l’attaquer équivalait à
attaquer le roi lui même.
La quarantaine fut d’abord
instaurée dans le domaine royal, puis dans tout le royaume, mais cette fois
plus lentement. En effet, les seigneurs n’appréciaient guère cette nouvelle
réforme.
b) Le droit de justice,
l’appel : les seigneurs, petits et grands, abusaient aussi parfois de
leur droit de justice. Louis IX prit un soin particulier à surveiller
ce droit et à le soumettre à un contrôle rigoureux.
Ainsi, le roi de France
décida d’instaurer le système des appels.
Autrefois, un noble,
condamné, ne pouvait faire appel de la décision d’un juge qu’en le défiant à
l’épée (il s’agissait d’une ordalie, dans la mesure où le vainqueur, choisi
par Dieu, était donc innocent).
Louis IX décida qu’il était
dès lors possible de faire appel d’un jugement, non seulement sur le domaine
royal, mais aussi dans tout le royaume.
Enfin, Saint Louis accrut le
nombre de cas royaux, c’est à dire le nombre de causes qui ne
pouvaient être que jugées par la cour du roi : sacrilège, fausse monnaie,
concussion,
simonie,
etc.
c) Le droit de battre
monnaie : après le droit de guerre privée et le droit de justice, Louis
IX s’attaqua à un autre privilège régalien, celui de battre monnaie.
Il y avait à cette époque,
en France, plus de 80 hôtels de monnaie (c’était là que l’on battait la
monnaie.). Cette multitude de devises était pour le commerce un gêne
considérable, d’autant plus que les monnaies seigneuriales étaient souvent
altérées (l’on mélangeait des métaux moins précieux au cuivre qui
servait à fabriquer la pièce, cette dernière étant donc au dessous de sa
valeur nominale.).
Louis IX ne supprima pas les
hôtels de monnaie, mais déclara que seule la monnaie royale aurait cours
désormais dans le royaume, celle des seigneurs restant limitée à leur
domaine.
La monnaie royale, inspirant
beaucoup plus confiance que les autres, fut vite adoptée partout.
En outre, seul le roi eut
désormais le droit de frapper des monnaies en or ou en argent, les seigneurs
n’ayant plus que le droit de battre monnaie de cuivre ou de billon.
4° Les villes
et le commerce – Tout comme ses ancêtres, Louis IX favorisa les villes,
qui souhaitaient s’affranchir de l’autorité des seigneurs.
a) Villes prévôtales et
villes libres : à cette époque, l’on retrouvait deux catégories de
cités : les villes prévôtales, très nombreuses, sous la dépendance
immédiate de la couronne ; et les villes libres, appelées aussi
communes.
Ces dernières conservaient
leurs magistrats supérieurs ou maires, mais le roi se réservait la
faculté de désigner le maire sur une liste de trois candidats présentée par
les principaux bourgeois de la commune.
Les communes gardaient aussi
le droit de répartir elles mêmes leurs impôts, mais sous le contrôle du
pouvoir royal. Enfin, les maires, à la fin de leur mandat, étaient tenus de
rendre des comptes au roi.
b) L’industrie et le
commerce : depuis l’effondrement des villes, à la chute de l’Empire
romain, le principal revenu provenait de la terre. Toutefois, l’on assistait
depuis deux siècles à un nouvel essor du commerce international.
En effet, l’industrie
française était assez active à l’époque, et ses produits déjà fort
recherchés (draps, cuirs, bijoux, vins, etc.). Les ouvriers d’un même
métier, dans une même ville, se groupaient en corporations ou
jurandes. Ces dernières, protégées par l’Eglise, étaient pénétrées par
l’esprit chrétien : chacune avait son Saint, ses fêtes, sa bannière.
On comptait 150 corporations
à Paris. Ces dernières durent présenter leurs statuts au prévôt de la ville,
qui réglaient les droits et les devoirs des maîtres et des ouvriers, les
conditions et la durée de l’apprentissage, les mises de fonds dans la caisse
commune, les dépenses de la corporation, les procédés de fabrication, les
redevances payées à la couronne, etc.
La réunion de ces statuts
forma le Livre des métiers, rédigé en 1268.
Le commerce, quant à lui, se
faisait en général par associations, appelées compagnies, guildes,
ou hanses.
On en comptait deux dans le
nord de la France : la compagnie des marchands d’eau de Paris, à qui
Louis IX accorda le monopole de l’approvisionnement de la capitale par voie
fluviale
; et la compagnie des marchands d’eau de Rouen. Les deux compagnies,
opérant sur la seine, étaient rivales. En 1170, Philippe Auguste avait
décidé que les marchands de Paris avaient autorité de Paris à Mantes ; les
marchands de Rouen, de Mantes à la Manche.
Il arrivait que les villes
se regroupent entre elles, comme se fut le cas de 17 villes de Champagne, de
Picardie et de Flandre, qui formèrent la Hanse des XVII villes (cette
association drapière commerçait principalement avec Londres, mais aussi avec
la Méditerranée).
5°
Embellissement de Paris – Paris s’était considérablement agrandie sous
le règne de Philippe II. Ainsi, alors que la capitale ne comptait que 25 000
habitants en 1180, en abritait le double lorsque Louis IX monta sur le
trône.
Le roi de France, confirmant
les privilèges de la compagnie des marchands d’eau de Paris, ôta toutefois
la prévôté des mains des marchands, la confia à un proche, Etienne
Boileau (ce dernier fut l’auteur du Livre des métiers, que nous avons
évoqué plus tôt).
Toutefois, quelques années
plus tard, en 1263, les marchands reçurent l’autorisation d’élire un
prévôt des marchands, chargé uniquement des affaires commerciales. Mais
au fil des siècles, ce dernier prit de plus en plus d’importance vis-à-vis
du prévôt de Paris.
Bénéficiant d’importantes
rentrées d’argent, le roi de France en profita pour multiplier les aumônes
et mettre sur pied des établissements charitables.
Louis IX fit ériger dans la
capitale la Sainte-Chapelle, où furent placés différentes reliques de la
passion ramenées de Terre Sainte (1242) ; La Sorbonne, dans le
quartier latin,
du nom de son chapelain, Robert de Sorbon (1253) ; et l’hôpital des
Quinze-Vingt, destiné à recevoir 300 chevaliers revenus de croisade, soit 15
x 20 (1260).
Par ailleurs, la
Conciergerie, résidence royale depuis le X° siècle, fut restaurée et
agrandie.
Enfin, ce fut sous le règne
de Louis IX que fut érigée la cathédrale d’Amiens, la plus vaste de France
par sa superficie (1269). En outre, se poursuivirent les travaux d’érection
des cathédrales de Paris, Auxerre, Beauvais et Rouen.
6° Louis IX,
un roi saint ? – Louis IX, de par sa politique pacifique et ses
arbitrages de conciliations, était considéré comme un saint de son vivant.
Ainsi, la légende s’empara de bonne heure de la figure de ce souverain.
La chronique de Joinville
nous raconte que ce souverain marqua l’esprit de ses contemporains par son
abstinence, ses jeûnes, ses flagellations, et ses nombreuses veillées de
prières.
Par ailleurs, la légende
veut qu’il nourrissait les pauvres dans son propre palais, les servait, leur
lavait les pieds, assisté par sa femme Marguerite.
A la mort de Louis IX, de
nombreux prélats français se rapprochèrent du pape Grégoire X, élu en
décembre 1271, afin de procéder à la canonisation du défunt.
Toutefois, la procédure fut
longue, à une époque ou le Saint siège était corrompu par le pouvoir. La
canonisation du roi fut finalement promulguée en 1297 par le pape
Boniface VIII.
C’est ainsi qu’aujourd’hui,
Louis IX est plus connu sous le nom de Saint Louis.
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