CHAPITRE QUATRIÈME : Les fils de Clotaire
(561 à 613)
V : De la mort de Gontran à la mort de Brunehaut (593 à 613)
1°
L’incursion de Wintrio (593), mort de Childebert II (596) – Comme nous
venons de le voir, Childebert s’était emparé de l’héritage de son oncle
Gontran, conformément aux clauses du pacte d’Andelot : outre l’Austrasie, il
était désormais maître de la Bourgogne, Paris, Orléans et d’une partie de
l’Aquitaine.
a) L’incursion de Wintrio
en Neustrie (593) : suite à la mort de Gontran, Childebert II chargea
Wintrio, chef des leudes d’Austrasie, de lancer une offensive contre la
Neustrie.
Mais, après avoir pillé la
Champagne, les Austrasiens furent défaits lors de la bataille de Trucy,
près de Laon, et Wintrio fut contraint de sonner la retraite.
b) La mort de Childebert
II (596) : trois années après l’offensive de Wintrio, Childebert II
mourut. Le roi d’Austrasie fut vraisemblablement empoisonné, car son épouse
Faileuba expira au même moment (Frédégonde fut-elle l’instigatrice de
ce crime ?).
Agé seulement de 26 ans, le
défunt laissait comme héritiers deux enfants en bas-âge, Théodebert II
(né en 585) et Thierry II (ou Théodoric, né en 587).
Conformément aux usages en
vigueur, le royaume du défunt fut partagé entre ses deux fils, l’aîné
recevant l’Austrasie, le cadet la Burgondie.
Le partage du royaume de Childebert II entre
ses fils, en 596.
A cette date, l’on comptait
trois rois mineurs. Cependant, si ces derniers étaient bien épaulés par
leurs aïeules (Frédégonde en Neustrie et Brunehaut en Austrasie), les trois
souverains ne purent s’opposer à la montée en puissance des maires du
palais, qui d’une fonction de domestique obtinrent progressivement un
pouvoir de ministre.
c) La bataille de Laffaux
(596) : suite à la mort de Childebert II, Frédégonde lança une offensive
contre l’Austrasie. S’emparant de Paris, l’armée de Neustrie remporta
ensuite la victoire lors de la bataille de Laffaux, entre Soissons et
Laon.
Battus, les leudes
austrasiens ne purent empêcher Clotaire II d’agrandir son territoire vers
l’est.
La même année, les Avars
envahirent la Thuringe. Brunehaut, ne pouvant pas envoyer une armée dans la
région, fut alors contrainte d’acheter le départ des envahisseurs.
2° Mort de
Frédégonde (597) – En 597, Frédégonde mourut, laissant Clotaire II
gouverner seul. Elle fut inhumée à Paris, aux côtés de son époux.
Gisant de la reine Frédégonde, réalisé vers
1160, église Saint Denis,Paris.
Jamais dans l’Histoire de
France une reine ne laissa une si cruelle renommée, Frédégonde étant
aujourd’hui suspectée d’avoir fait tuer sa rivale Galsuinthe ; le roi
Sigebert I° et son fils Childebert II ; la reine Audovère, première épouse
de Chilpéric, ainsi que ses deux fils, Mérovée et Clovis ; mais aussi
Prétextat, évêque de Rouen.
Il est toutefois intéressant
de noter que le profil de la reine diffère selon les chroniqueurs. Ainsi,
Saint Grégoire de Tours présente Frédégonde comme une manipulatrice sans
scrupules ; au contraire, la chronique de Frédégaire rejette la
culpabilité de nombreux crimes sur Brunehaut.
Cependant, si Saint Grégoire
rédigea son ouvrage vers 590 ; Frédégaire, au contraire, écrivit au cours du
VII° siècle, à une époque où régnaient les descendants de Clotaire II (et
donc de Frédégonde). Ainsi, cet auteur ne pouvait pas se permettre de
critiquer l’aïeule des souverains de son époque.
3° Revers de
Clotaire II – Quelques années après la mort de Frédégonde, en 600,
Théodebert II et Thierry II décidèrent d’attaquer leur cousin.
a) Le partage de la
Neustrie (600) : les Austrasiens remportèrent la victoire lors de la
bataille de Dormelles, près de Sens. Clotaire II, dont l’armée était
très affaiblie, fut alors contraint de négocier.
Ce dernier abandonna
l’Auvergne et l’Aquitaine à ses cousins, ne conservant plus que l’ancien
territoire des Francs, dans le nord de la Gaule.
En 604, Clotaire II profita
de l’animosité que ressentaient les leudes burgondes contre Bertaut,
maire du palais de Burgondie (ce dernier avait levé des impôts dans les
nouvelles provinces annexées). Le roi de Neustrie tenta donc d’attaquer
l’Auvergne, mais l’expédition se solda sur un échec et la mort de Mérovée,
fils aîné du roi. Bertaut, le maire du palais, trouva lui aussi la mort
pendant la bataille.
A noter que Thierry II
n’apprécia guère de ne pas recevoir le soutien de son frère pendant cette
guerre. Le roi de Burgondie, qui avait accueilli sa grand-mère Brunehaut,
chassée de Metz par les leudes d’Austrasie, fut alors poussé à se venger par
son aïeule.
Cependant, les leudes
d’Austrasie et de Burgondie poussèrent les deux frères à se réconcilier, les
deux hommes faisant la paix en 607.
b) Rapprochement de
Clotaire II et Thierry II, le mariage avorté de Thierry II (607) : peu
de temps après, le roi de Neustrie décida de se rapprocher de Thierry II,
roi de Burgondie. Ainsi, en 607, Clotaire II assista au baptême de son
neveu, Mérovée[1],
étant choisi comme parrain.
La même année, Thierry II
entreprit de se marier avec Ermenberge, fille du roi des Wisigoths
Wittéric.
Toutefois, alors que la
jeune femme était arrivée à Chalon-sur-Saône, Thierry refusa de célébrer le
mariage, et renvoya sa promise à Tolède.
Outré, Wittéric décida alors
de contracter une alliance contre Thierry II, réunissant Clotaire II,
Théodebert II, mais aussi Agilulf, roi des Lombards.
Aujourd’hui, l’on ne sait
pas vraiment pour quelles raisons le roi de Burgondie refusa de célébrer le
mariage. La chronique de Frédégaire nous indique que Thierry II fut monté
contre Ermenberge par Brunehaut, mais rappelons que ce chroniqueur était
hostile à la vieille reine.
Il y eut quelques combats
dans le Languedoc, suite à cette alliance, mais qui n’eurent
vraisemblablement pas un grand impact.
4° Guerre
entre l’Austrasie et la Burgondie (610 à 613) – Si les deux frères
avaient réussi à s’entendre lors de l’offensive contre la Neustrie, ils
prirent les armes au sujet de l’Alsace, territoire qui avait été cédé à
Thierry II lors du partage de 596.
a) L’invasion de
l’Alsace, l’entrevue de Seltz (610) : en 610, Théodebert marcha en
direction de l’Alsace, qui fut pillée par les troupes austrasiennes.
Son frère demanda alors
qu’une entrevue soir organisée à Seltz, dans le Bas-Rhin. Toutefois,
arrivant sur place avec une armée inférieure en nombre à celle de Théodebert,
Thierry II fut contraint de céder l’Alsace, mais aussi la Champagne.
Marri d’être tombé dans un
guet-apens, Thierry II se rapprocha de son cousin Clotaire, lui proposant de
lui rendre la Normandie (conquise par Théodebert suite à l’offensive de
600), si ce dernier acceptait de s’allier avec la Burgondie.
Par ailleurs, Thierry II
s’assura de la neutralité de Wittéric, qui lui était hostile.
b) La campagne de 612 :
ayant fourbi ses armes pendant deux années, le roi de Burgondie lança une
grande offensive contre l’Austrasie en 612.
Envahissant les terres de
son frère, Thierry II s’empara de Naix-aux-Forges, puis de Toul, en
Lorraine. Théodebert, soucieux de défendre son territoire, tenta de
repousser son frère hors d’Asutrasie, mais fut vaincu lors de la bataille
de Toul.
Vaincu, Théodebert fut
contraint de reculer en direction de Metz, sa capitale, suivi de près par
les troupes burgondes. Thierry II s’emparant de cette cité, traversa la
forêt des Ardennes, affrontant une nouvelle fois son frère lors de la
bataille de Tolbiac.
Vaincu à nouveau, Théodebert
se sauva de l’autre côté du Rhin, mais les différentes chroniques diffèrent
sur la suite des évènements.
Frédégaire ne précise pas ce
qu’il advient du roi d’Austrasie ; d’autres chroniqueurs affirment que
Théodebert aurait été tondu et enfermé dans un monastère, ou encore qu’il
aurait été mis à mort par les habitants de Cologne.
Les territoires de Thierry II, suite à la mort
de son frère Théodebert, en 612.
c) La mort de Thierry II
(613) : s’étant arrogé les Etats de son frère (et rendu la Normandie à
Clotaire II), Thierry II mourut l’année suivante, en 613.
Certaines chroniques
évoquent des « excès précoces », mais il fut vraisemblablement frappé par la
dysenterie.
Agé de 26 ans, le défunt fut
inhumé à Metz. De ses différentes épouses (dont les noms ne nous sont pas
connus), il avait eu quatre fils : Sigebert II, Corbus,
Childebert et Mérovée.
5° le court
règne de Sigebert II (613) – Suite à la mort de Thierry II, Brunehaut
fit aussitôt proclamer Sigebert II, l’aîné du défunt (né vers 602). Par
ailleurs, afin de maintenir unies l’Austrasie et la Burgondie, les trois
autres fils de Thierry furent écartés du trône, contrairement à la tradition
franque.
Suite au couronnement de
Sigebert II, Brunehaut chargea Warnachaire, maire du palais de
Burgondie, de lancer une offensive contre la Neustrie.
Toutefois, ce dernier fit
échouer l’opération (il craignait d’être assassiné par la vieille reine),
s’alliant avec les leudes de Burgondie.
Brunehaut envoya alors une
armée punir les rebelles, les enfants de Thierry II participant eux aussi à
l’expédition.
Toutefois, Clotaire II,
allié aux insurgés, parvint à capturer Sigebert II et ses frères, qui furent
mis à mort (à l’exception de Mérovée, filleul du roi de Neustrie, qui fut
tondu et enfermé dans un monastère).
Brunehaut, abandonnée, fut
alors contrainte de fuir dans les montagnes du Jura. Là, elle fut faite
prisonnière et livrée au roi de Neustrie.
La vieille reine comparut
devant le tribunal de son neveu, Clotaire II, qui n’eut aucune pitié pour
elle. Accusée d’un demi-siècle de crimes (dont la plupart avaient été commis
par la reine Frédégonde), Brunehaut fut torturée trois jours durant, et
exposée nue devant les troupes. Finalement, le roi ordonna qu’elle soit
attachée à la queue d’un cheval indompté. Le corps brisé de la défunte reine
fut alors incinéré, puis inhumé à Autun.
Le supplice de Brunehaut, enluminure issue des Grandes Chroniques de France, XIV°,
Bibliothèque Nationale, Paris.
Le supplice de Brunehaut, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par
François GUIZOT, France, 1875.