CHAPITRE DEUXIEME :
Des Etats Généraux à l’Assemblée
constituante (printemps à hiver 1789)
I : Les Etats
Généraux (mai à juillet 1789)
1° Les députés arrivent à Paris,
séance inaugurale des Etats Généraux (1er au 5 mai 1789) –
Les députés des trois ordres arrivèrent à Versailles[1]
le 2 mai 1789. Pour la présentation des députés, Louis XVI décida de
suivre la tradition, ce qui fut perçu comme une offense aux yeux du tiers
état. En effet, le clergé et la noblesse furent reçus dans le cabinet du
roi, alors que les députés du tiers durent défiler dans la chambre à
coucher.
Messieurs du Tiers avant la séance
royale du 23 juin 1789, par
Lucien MELINGUE, XIX° siècle, musée
Lambinet, Versailles.
Le
4 mai, une procession eut lieu à Versailles, sur le parvis de l’église Notre
Dame. L’on pouvait y trouver Louis XVI et Marie Antoinette ; les frères
cadet du roi, Louis, comte de Provence, et Charles, comte d’Artois (futurs
Louis XVIII et Charles X.). ; Louis Philippe II, duc
d’Orléans et cousin du roi, accompagné par son fils Louis Philippe,
duc de Chartres (futur Louis Philippe I°[2].).
Procession de l'ouverture des Etats Généraux, 4 mai 1789,
salle du jeu de paume, Versailles.
De gauche à droite : Louis XVI, par Antoine François CALLET, XVIII° siècle, musée Carnavalet,
Paris ; Louis, comte de Provence, par Joseph DUPLESSIS,
XVIII° siècle, château de Chantilly, Chantilly ; Charles, comte d'Artois.
L’ouverture des Etats Généraux eut finalement lieu le 5 mai 1789.
Ouverture des Etats Généraux à Versailles, le 5 mai 1789, par Isidore HELMAN,
salle du jeu de paume, Versailles.
Le roi de
France fut le premier à parler, suivi de près par le garde des sceaux,
Charles Louis François de Paule de Barentin. Ce dernier prononça alors
un discours particulièrement rébarbatif, prévenant les députés contre tout
esprit d’innovation. Enfin, Necker, contrôleur général des finances, prit à
son tour la parole. Ce dernier, qui n’avait rien d’un orateur[3],
annonça aux députés que le déficit de l’Etat s’élevait à 56 millions.
L’objectif n’était donc non pas de réformer le pays, mais de simplement
recevoir l’autorisation des députés de mettre en place de nouveaux impôts.
Les députés du tiers état furent particulièrement déçus de cette décision,
pensant qu’ils avaient été convoqués afin de mettre en place d’importantes
réformes.
2° Les députés du tiers état affirment leur indépendance (mai
à juillet 1789) – Les députés du tiers état, installés dans la
salle des Menus Plaisirs[4],
refusèrent de travailler si les trois ordres étaient séparés. Les députés du
clergé proposèrent alors que soit mise en place une commission qui
rassemblerait les trois ordres.
Les conférences commencèrent à la fin mai, en présence du garde des sceaux,
le roi souhaitant adopter un rôle de médiateur entre les trois ordres. Les
députés de la noblesse, voulant éviter que la question des privilèges ne
soit abordée, firent en sorte de ralentir le rythme de ces réunions.
A
noter que le 4 juin, le dauphin Louis Joseph, fils aîné du roi,
mourut à l’âge de 7 ans de la tuberculose.
Le dauphin Louis Joseph, école française du XVIII° siècle,
château de Versailles, Versailles.
a)
La création de l’Assemblée nationale, le serment du jeu de paume (juin
1789) : le 10 juin, l’abbé Emmanuel
Joseph Sieyès[5],
voyant que les commissions n’aboutissaient à rien, proposa de mettre un
terme à ces réunions et d’inviter les deux ordres privilégiés à se réunir
afin de procéder à une vérification des pouvoirs.
Buste d'Emmanuel Joseph Sieyès,
par Charles VITAL CORNU, XIX° siècle, salle du jeu de paume, Versailles.
La
noblesse et le clergé décidèrent alors de ne pas répondre à cet appel, mais
une petite vingtaine de prêtres décida de se joindre aux députés du tiers
état.
Sieyès, le 17 juin 1789, proposa que les députés réunis adoptent le nom d’Assemblée
nationale. En outre, il rejeta le pouvoir les deux autres ordres,
argumentant que le tiers état représentait 96% de la population française.
Le
19 juin, Necker tenait une réunion avec les représentants de la noblesse et
du clergé. Le contrôleur général des finances plaida alors pour l’égalité
fiscale, l’accès pour tous aux charges publiques, et le vote par tête.
Louis XVI, un temps gagné aux arguments de Necker fut néanmoins contraint
par son épouse et par la Cour à revenir sur sa décision. Ainsi, le roi
décida de fermer la salle des Menus Plaisirs, lieu de réunion du tiers état.
Le
20 juin, les députés trouvèrent fermée la salle des Menus Plaisirs. Ils
décidèrent alors de s’installer dans la salle du jeu de paume, située
non loin de là.
Intérieur et extérieur de la salle du jeu de paume, 2011-2012,
Versailles.
L’abbé Sieyès rédigea à la hâte un court texte, le serment du jeu de
paume. Ce fut alors Jean Sylvain Bailly, doyen et président de
l’Assemblée nationale, qui fut chargé de le lire. A l’unanimité moins une
voix[6],
les députés jurèrent alors de délibérer partout où les circonstances
l’exigeront jusqu’à ce que la constitution du royaume soit établie et
affermie sur des fondations solides.
Le serment du jeu de paume, le 20 juin 1789, attribué à
Jacques Louis DAVID, musée Carnavalet, Paris.
Le
surlendemain, après avoir cherché dans Versailles un lieu de réunion plus
vaste, les députés du tiers état décidèrent finalement de s’installer dans
la nef de l’église Saint Louis. Ils y reçurent alors la visite de deux
nobles et de 150 ecclésiastiques, soucieux d’opérer la vérification des
pouvoirs.
Recueil des signatures du serment du jeu de paume, fac-similé moderne, salle
du jeu de paume, Versailles.
b)
Le tiers état tient tête au roi (juin à juillet 1789) : le 23 juin, les
Etats Généraux se réunirent dans la salle des Menus Plaisirs. Louis XVI, à
qui Marie Antoinette avait demandé d’opter pour la plus grande fermeté,
cassa les décisions du 17 juin, ordonna à ce que les trois ordres siègent
séparément, et menaça de dissoudre les Etats Généraux (à noter que Necker,
hostile à la décision du roi, avait décidé de ne pas siéger ce jour là.).
Louis XVI, suivi de près par son épouse triomphante, ordonna alors aux trois
ordres de se retirer et d’aller délibérer dans leurs chambres respectives.
Toutefois, si la noblesse et le clergé ne tardèrent pas à obéir, le tiers
état refusa de quitter la salle.
Henri Evrard, marquis de Dreux-Brézé, grand maître des cérémonies de
France, ordonna alors aux députés de bien vouloir quitter les lieux.
Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau, lui aurait alors répondu :
nous sommes ici par la volonté du peuple
et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes[7] !
Mirabeau face à Dreux-Brézé, fin du XVIII° siècle, salle du
jeu de paume, Versailles.
Louis XVI, courroucé, décida alors de fermer les yeux sur la désobéissance
du tiers état.
Les jours suivant, la majorité du clergé rejoignit l’Assemblée nationale,
bientôt suivie par une cinquantaine de députés, dont le duc d’Orléans. Le 27
juin, les derniers députés des deux ordres privilégiés décidèrent alors de
rejoindre l’Assemblée nationale.
Louis XVI, poussé par la reine, décida alors de faire venir des troupes
autour de la capitale, soit environ 30 000 hommes.
Le
9 juillet 1789, l’assemblée se proclama Assemblée constituante.
Mirabeau, quant à lui, dénonça ce mouvement de troupes qui menaçait Paris,
effrayant aussi bien les députés que les Parisiens. L’Assemblée constituante
invita alors le roi de France à faire reculer ces armées de la région
parisienne, mais Louis XVI leur répondit que ces troupes avaient comme
objectif de maintenir l’ordre et la liberté des Etats Généraux.
Honoré Riqueti, comte de Mirabeau, Ecole française du XVIII°
siècle, musée Carnavalet, Paris.
[1]
Les Etats Généraux se tirent non pas dans le château de Versailles
mais dans la ville de Versailles.
[2]
Ces quatre hommes, Louis XVI, Louis XVIII, Charles X et Louis
Philippe I°, furent les derniers rois de France.
[3]
Son accent suisse était fort maladroit aux yeux des députés.
[4]
L’hôtel des Menus Plaisirs fut érigé sous le règne de Louis XV. L’on
y entreposait les divertissements du roi : décors de théâtre,
maquettes, accessoires de sport, instruments de musique, etc.
[5]
Bien qu’étant un ecclésiastique, Sieyès était député du tiers état.
[6]Joseph Martin-Dauch de Castille ne prêta pas serment,
refusant de remettre en cause l’autorité royale.
[7]
A noter que Mirabeau n’a vraisemblablement pas lancé cette célèbre
apostrophe. De ce fait, il existe plusieurs variantes de la phrase
de Mirabeau, employées au gré de l’imagination des historiens.