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Mythologie
 
 

 

 

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Éloge de la nouvelle chevalerie

Chapitre XI - Le Sépulcre

 

18. De tous les lieux saints, celui qui tient la première place en quelque sorte, qu’on désire le plus voir et où l’on ressent je ne sais quel redoublement de piété, c’est celui où le Christ reposa après sa mort plutôt que ceux où il vécut. La pensée de sa mort plus encore que celle de sa vie réveille notre piété. Je pense que cela vient de ce que l’une paraît plus austère et l’autre plus douce et que le repos et la sécurité de la mort sourient plus à la faiblesse humaine que les fatigues et la rectitude de la vie. La vie du Christ m’indique de quelle manière je dois vivre, sa mort, au contraire, me rachète de la mort ; l’une règle ma vie, l’autre est le rachat de la mort. Sa vie fut laborieuse sans doute, mais sa mort est précieuse, sans que l’une toutefois ait été moins nécessaire que l’autre. En effet, à quoi aurait servi la mort du Christ à celui qui vit mal, et sa vie à celui qui meurt en damné ? Est-ce que la mort du Sauveur peut, de nos jours, sauver de la mort éternelle ceux qui vivent dans le mal jusqu’à la mort, ou sa sainte vie a-t-elle pu sauver les saints Pères qui sont morts avant sa venue, selon ces paroles : " Quel homme pourra vivre sans mourir un jour et qui pourra soustraire son âme à la puissance de l’enfer ? " (Ps LXXXVIII, 49). Mais comme il nous est également nécessaire de vivre saintement et de mourir en pleine sécurité, il est venu par sa vie nous apprendre à vivre, et, par sa mort, rendre la sécurité à la nôtre ; il est mort pour ressusciter et nous a ainsi donné l’espérance de ressusciter aussi après notre mort. A ces deux bienfaits, il en ajouta même un troisième, sans lequel les deux autres ne pouvaient sous servir : il a effacé nos péchés. En effet, ne fussions-nous souillés que du seul péché originel, à quoi nous servirait, par rapport à la vraie et suprême félicité, la vie la plus sainte et la plus longue qui se puisse voir ? Dès que le péché est entré dans notre âme il faut que la mort le suive ; si l’homme ne l’avait point commis, il n’aurait jamais connu la mort.
 

19. C’est donc par le péché qu’il a perdu la vie et mérité la mort : Dieu le lui avait prédit, et il était juste par conséquent qu’il mourût s’il péchait ; est-il, en effet, rien de plus juste que la peine du talion ? De même que l’âme est la vie du corps, Dieu est la vie de l’âme ; en péchant volontairement il a perdu volontairement la vie, mais c’est bien contre son gré qu’il a perdu en même temps le pouvoir d’entretenir même la vie. Il a spontanément repoussé la vie quand il n’a plus voulu vivre, il ne pourra plus désormais la donner à qui que ce soit quand même il le voudrait. L’âme n’a plus voulu être gouvernée par Dieu, elle ne pourra plus désormais gouverner elle-même son corps ; si elle ne veut pas se soumettre à son supérieur, pourquoi son esclave lui obéirait-il ? Le Créateur a trouvé la créature rebelle à ses volontés, n’est-il pas juste que la créature trouve sa servante révoltée contre elle ? L’homme a transgressé la loi de Dieu, il doit trouver maintenant dans ses membres une loi qui se trouve en révolte ouverte contre celle de l’esprit et qui la captive elle-même sous la loi du péché. Or, il est dit (Is LIX) que le péché élève une séparation entre Dieu et nous, il s’ensuit que la mort, à son tour, met aussi une séparation entre notre corps et nous. C’est le péché qui a séparé notre âme de Dieu, de même la mort la sépare de notre corps. En quoi donc la vengeance est-elle plus sévère que la faute, puisque l’âme ne souffre de son esclave que ce qu’elle s’est permis la première de faire souffrir à son auteur ? Pour moi je ne trouve rien de plus juste que la mort engendre la mort, que la mort de l’esprit entraîne celle du corps, la mort du péché celle du châtiment, la mort qui est née de notre volonté celle qui s’impose à notre volonté.
 

20. L’homme donc se trouvant condamné à une double mort dans sa double nature, l’une spirituelle et volontaire, l’autre corporelle et forcée : l’Homme-Dieu a remédié à l’une et à l’autre avec autant de bonté que d’efficacité par sa mort corporelle et volontaire, et, en mourant une fois, il a tué nos deux morts. Il ne pouvait en être autrement ; car nos deux morts étant le fruit de notre péché et le payement de notre dette, le Christ, en prenant sur lui notre dette, sans participer à notre péché, nous a rendu en même temps, par sa mort volontaire et corporelle, la vie et la justice. S’il n’avait pas souffert corporellement, il n’aurait point acquitté notre dette ; et si sa mort n’avait point été volontaire, elle n’aurait eu aucun mérite. D’où il suit, s’il est vrai, comme il est dit, que la mort est la dette en même temps que la peine du péché ; que le Christ, en effaçant le péché et en mourant pour les pécheurs, a acquitté notre dette et subi notre peine.
 

21. Mais d’où vient au Christ le pouvoir de remettre les péchés ? Sans doute de ce qu’il est Dieu et qu’il peut tout ce qu’il veut. Mais à quoi reconnaissons-nous sa divinité ? C’est à ses miracles ; car il a fait des choses que nul autre que lui ne peut faire ; sans parler des oracles des prophètes et du témoignage que son Père lui a rendu du haut du ciel, au milieu de sa glorieuse transfiguration. Si nous avons Dieu pour nous, qui sera contre nous ? Si Dieu même nous justifie qui est-ce qui nous condamnera ? Si ce n’est qu’à lui que nous disons tous les jours : " J’ai péché contre toi, Seigneur " (Ps L, 5), qui mieux que lui ou plutôt quel autre que lui peut nous remettre le péché que nous avons fait contre lui ? Ou bien comment ne le pourrait-il pas, lui qui peut tout ? Après tout je puis, si bon me semble, pardonner les fautes qu’on a à se reprocher à mon égard, pourquoi Dieu ne pourrait-il pas en faire autant ? Si donc le Tout-Puissant peut, mais peut seul remettre les péchés commis contre lui, on doit proclamer bien heureux celui à qui il n’impute point son péché. Quoi qu’il en soit, c’est donc en vertu de sa divinité que le Christ a pu nous remettre nos péchés.
 

22. L’a-t-il voulu ? Qui peut en douter ? Comment croire que celui qui a voulu se revêtir de notre chair et subir la mort pour nous, nous refusera sa justice ? Après s’être incarné parce qu’il l’a voulu, avoir été crucifié parce qu’il l’a voulu, n’y a-t-il que sa justice qu’il ne voudra point nous communiquer ? Or il est certain qu’il a voulu en tant qu’homme ce qu’il a pu en tant que Dieu. Mais qui nous a dit qu’il a fait mourir la mort ? Nous le savons par cela seul qu’il a voulu la souffrir bien qu’il ne l’eût pas méritée. En effet à quel titre réclamera-t-on de nous le payement d’une dette qu’il a acquittée pour nous ? Celui qui a effacé la dette du péché en nous donnant sa justice, a acquitté en même temps la dette de la mort et nous a rendu la vie, car la vie reparaît à la mort de la mort, de même que la justice revit là où le péché disparaît. Or la mort est mise en fuite par la mort du Christ, d’où il suit que sa justice nous est imputée. Mais comment un Dieu a-t-il pu mourir ? Parce qu’il était homme. Et comment la mort de cet homme peut-elle profiter aux autres hommes ? C’est parce qu’il était juste. Il est bien certain qu’étant homme il a pu mourir, et qu’étant juste il est mort sans avoir mérité de mourir. Un pécheur ne saurait mourir pour un autre, puisqu’il est d’abord obligé de mourir pour lui-même ; mais celui qui n’a point à mourir pour soi, mourra-t-il inutilement pour les autres ? Non, et plus la mort de celui qui n’a point mérité de mourir est injuste, plus il est juste que celui pour lequel il meurt, vive.
 

23. Mais, direz-vous, où est la justice quand un innocent meurt pour un coupable ? Je vous répondrai : il n’y a pas là justice mais miséricorde ; s’il y avait justice, c’est qu’il ne mourrait pas pour rien, mais pour acquitter sa dette ; or s’il mourait parce qu’il doit mourir, il mourrait effectivement, et celui pour qui il mourrait n’en vivrait pas plus pour cela. Mais s’il n’y a pas justice, du moins il n’y a pas non plus injustice qu’il meure, autrement il ne pourrait jamais être en même temps juste et miséricordieux. Mais s’il n’y a rien d’injuste à ce qu’un innocent satisfasse pour un coupable, comment un seul pourra-t-il le faire pour plusieurs ? Il semble que la justice exige que s’il n’y a qu’un seul qui meure il meure pour un seul. A cela l’Apôtre répond : " De même que c’est par le péché d’un seul que tous les hommes sont tombés dans la condamnation, ainsi c’est par la justice d’un seul que tous les hommes reçoivent la justification et la vie ; car comme plusieurs sont devenus pécheurs par la désobéissance d’un seul, ainsi plusieurs seront rendus justes par l’obéissance d’un seul " (Rm V, 19). Mais si un seul a pu rendre la justice à plusieurs peut-être n’a-t-il pas pu leur rendre la vie. L’Apôtre répond : " Comme la mort est venue par un homme, la résurrection des morts doit venir également par un homme, et si tous meurent en Adam, tous aussi revivront en Jésus-Christ " (1 Co XV, 22). En effet, quand un seul a péché, et que tous sont réputés pécheurs, pourquoi la justice d’un seul ne serait-elle imputée qu’à lui ? Le péché d’un seul aurait causé la mort de tous, et la justice d’un seul ne rendrait la vie qu’à un ? La justice de Dieu tendrait donc plus à condamner qu’à absoudre ? Ou faut-il croire qu’Adam fut plus puissant pour le mal que le Christ pour le bien ? On m’imputera la faute d’Adam et la justice du Christ ne me sera comptée pour rien ? L’un aura pu me perdre par sa désobéissance et l’autre ne pourra me sauver par son obéissance ?
 

24. Vous me direz sans doute qu’il est juste que le péché d’Adam passe en nous tous, puisque nous avons tous péché en lui, attendu que, lorsqu’il a péché, nous étions tous en lui et que c’est de lui que nous descendons par la concupiscence de la chair. Mais nous descendons encore bien plus directement de Dieu selon l’esprit que d’Adam selon la chair ; car selon l’esprit nous étions en Jésus-Christ bien avant que nous fussions en Adam par la chair, si pourtant nous pouvons nous flatter d’être de ceux dont l’Apôtre voulait parler quand il disait : " Il (c’est-à-dire Dieu le Père) nous a élus en lui, – en son Fils, – avant la création du monde " (Ep XII). Pour ce qui est d’être nés de Dieu même, l’Evangéliste saint Jean ne nous permet pas d’en douter quand il dit : " Ils ne sont pas nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu même " (Jn I, 12) et ailleurs (1 Jn III, 8) : " Celui qui est né de Dieu ne pèche pas, parce que son origine céleste le conserve ". Mais, reprenez-vous, la concupiscence de la chair montre assez que nous sommes nés de la chair, et le péché que nous sentons dans la chair prouve jusqu’à l’évidence que selon la chair nous descendons d’un pécheur. Cela n’empêche pas que leur génération spirituelle ne soit sentie, sinon dans la chair, du moins dans le cœur, par ceux qui peuvent dire avec saint Paul : " Pour nous, nous avons l’esprit de Jésus-Christ " (1 Co II, 16), dans lequel ils ont fait tant de progrès qu’ils peuvent ajouter en toute confiance : " L’Esprit de Dieu même rend témoignage à notre esprit que nous sommes ses enfants " (Rm VIII, 16) et encore : " Nous n’avons point reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit de Dieu, afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits " (1 Co II, 12). L’Esprit de Dieu a donc répandu la charité dans nos cœurs, de même que notre origine charnelle d’Adam a fait couler la concupiscence dans nos membres, et de même que celle-ci, qui a sa source dans le père de nos corps, se retrouve en toute chair mortelle en cette vie ; ainsi celle-là, qui vient du Père des esprits, n’est jamais absente du cœur des enfants parfaits de Dieu.
 

25. Mais si nous sommes nés de Dieu et choisis en Jésus-Christ, où serait la justice que notre origine humaine et terrestre l’emportât sur notre origine céleste et divine, que notre héritage charnel prévalût sur l’élection de Dieu, et que la concupiscence de la chair, qui nous vient d’une source temporelle, prescrivît contre ses éternels desseins ? Ou plutôt, si la mort a pu venir jusqu’à nous par le fait d’un homme, pourquoi la vie n’y viendrait-elle pas à plus forte raison également par un homme, et surtout par un tel homme ? Pourquoi enfin, si nous mourons tous en Adam, ne serions-nous pas plus sûrement vivifiés en Jésus-Christ ? " Enfin, s’il n’en est pas de la grâce de Dieu comme du mal arrivé par un seul homme qui a péché, car nous avons été condamnés au jugement de Dieu pour un seul péché, au lieu que nous sommes justifiés, par la grâce de Jésus-Christ, après plusieurs péchés " (Rm V, 15). Le Christ a donc pu nous remettre nos péchés parce qu’il est Dieu ; mourir, puisqu’il est homme, et payer, en mourant, notre dette à la mort, parce qu’il est juste. Et, d’un autre côté, la vie et la justice d’un seul ont pu suffire à tout par la même raison que le péché et la mort ont pu passer d’un seul homme dans tous les hommes.
 

26. Mais ce n’est pas sans nécessité que l’Homme-Dieu retarda sa mort et vécut pendant quelque temps parmi les hommes ; c’était pour les exciter aux choses invisibles par de nombreux entretiens où il leur faisait entendre les paroles de la vérité, pour établir la foi dans leur âme par la vue de ses œuvres merveilleuses et pour les former à la vertu, par l’exemple de sa conduite. L’Homme-Dieu a donc mené sous nos yeux une vie de tempérance, de justice et de piété, enseigné la vérité, opéré des merveilles, souffert des tourments qu’il n’avait pas mérités, aussi que nous a-t-il manqué pour le salut de ce côté ? Si à cela s’ajoute la rémission de nos péchés, je veux dire une rémission gratuite, il est évident que l’œuvre de notre salut est complète. Il n’y a pas à craindre que pour remettre ainsi nos péchés la puissance ou la volonté manquent à Dieu et surtout à un Dieu qui a souffert et tant souffert pour les pécheurs, pourvu qu’il nous trouve disposés à imiter, comme il est juste, les exemples qu’il nous a donnés, à respecter les miracles qu’il a faits, à croire à sa doctrine et à lui témoigner notre reconnaissance pour tout ce qu’il a souffert.
 

27. Ainsi, en Jésus-Christ, tout nous a servi, tout a été salutaire pour ne nous, tout nous fut nécessaire, et sa faiblesse ne nous a pas été moins a utile que sa grandeur; car si la vertu de sa divinité a écarté le joug du péché qui pesait sur nos têtes, c'est la faiblesse de la chair qui lui permit, par sa mort, de rompre la puissance de la mort. C'est ce qui faisait dire avec tant de raison à l'Apôtre : «Ce qui paraît une faiblesse en Dieu est une force plus grande que celle de tous les hommes (I Corinth., I, 25). » Et cette folie par laquelle il lui a plu de sauver le monde, afin de confondre en même temps la sagesse et les sages du monde, quand, par exemple, tout Dieu et tout égal à Dieu qu'il fût formellement, il s'asa baissa jusqu'à prendre la forme d'un esclave; tout riche, grand, élevé et puissant qu'il fût, il se fit pour nous, pauvre, petit, humble et faible; quand il eut faim et soif, quand il ressentit la fatigue des voyages et le reste, non parce qu'il y était contraint, mais parce qu'il l'a bien voulu, cette espèce de folie de sa part, ne fut-elle point pour nous la voie de la sagesse, la forme de la justice et l'exemple de la sainteté? Voilà pourquoi encore le même Apôtre a dit aussi : «Ce qui semble en Dieu de la folie, est plus sage que toute la sagesse des hommes (Ibid., 25). » C'est dont la mort qui nous a sauvés de la mort, c'est la vie qui nous a au tirés de l'erreur, c'est la grâce qui nous a délivrés du péché. Or c'est par sa justice que la mort a remporté la victoire; car en payant une et dette qu'il n'avait point contractée, le juste a acquis le droit de reprendre ce qu'il avait perdu. Quant à la vie, elle a accompli ce qui la du concerne, par la sagesse qui est pour nous le miroir et la leçon de la vie et de la morale; et pour ce qui est de la grâce, elle a effacé nos péchés, comme je l'ai déjà dit, par la vertu de cette puissance qui fait tout ce qu'il lui plaît. Ainsi la mort du Christ fut la mort de notre mort, puisqu'il n'est mort que pour nous assurer la vie. Comment en effet pourrait ne pas vivre celui pour qui la Vie même est morte? Qui pourra faire fausse route dans les voies de la morale, ou dans les sentiers de la foi, s'il est guidé par la Sagesse elle-même ? Et enfin, qui pourra voir un coupable en celui que la justice par excellence a absous? Or Jésus-Christ lui-même, dans son Évangile, se présente comme étant la vie, en disant : «Je suis la vie (Joan., XIV, 6). » Pour les deux autres titres, l'Apôtre les lui attribue en ces termes : « Il nous a été donné de Dieu le Père pour être notre sagesse et notre justice (I Corinth., I, 30).»
 

28. Mais si la loi de l'Esprit de vie nous a tous délivrés, en Jésus-Christ, de la loi de la mort et du péché, comment se fait-il que nous s sommes encore sujets à la mort au lieu d'être, dès maintenant, revêtus d'immortalité? Ce ne peut être que pour que la vérité de Dieu ; soit accomplie, car Dieu n'aime pas moins la vérité que la miséricorde; il faut donc que l'homme meure, puisque Dieu a dit qu'il mourra, mais il ressuscitera afin qu'on voie que Dieu n'a point oublié la miséricorde. Ainsi quoique la mort n'ait plus sur nous un empire éternel, elle en exerce encore un dans le temps, afin que la parole de Dieu s'accomplisse. Il en est de même du péché; quoiqu'il ne règne plus en maître, dans notre corps mortel, cependant il n'en est pas entièrement banni; c'est ce qui fait que saint Paul, loin de se glorifier d'être complètement délivré de la loi du péché et de la mort, se plaint, au contraire, d'être encore, en quelque chose, sous leur empire, quand il s'écrie, en parlant du péché : « Je sens une autre loi dans mes membres, etc. (Rom., VII, 23), » et qu'il gémit du poids qui l'accable encore; certainement il veut parler de la loi de la mort quand il dit qu'il attend la rédemption de son corps (II Corinth., V, 2).
 

29. Ces pensées et beaucoup d'autres du même genre que chacun peut avoir en pareille matière, naissent tout naturellement dans les âmes chrétiennes au souvenir du sépulcre de Jésus-Christ; mais je me là figure que l'âme de celui qui le contemple de ses propres yeux doit être touchée d'une bien douce émotion, et qu'il n'est pas indifférent de voir des yeux du corps la place où le Seigneur a reposé ses membres car, si son corps n'y est plus maintenant, il n'en est pas moins, pour nous, rempli d'heureux mystères, pour nous, dis-je, si toutefois nous tenons pour vrai avec autant d'amour que de foi ce que l'Apôtre nous dit en ces termes: « Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême, pour mourir au péché, afin que, comme Jésus-Christ est ressuscité d'entre les morts, par la gloire de son Père, nous marchions, nous aussi, dans les sentiers d'une vie nouvelle. Car si nous avons été entés sur lui par la ressemblance de sa mort, nous le serons également par la ressemblance de sa résurrection. (Rom., VI, 2). » Quel bonheur pour ces pèlerins quand, après les fatigues sans nombre d'un long voyage, et une foule de périls auxquels ils se sont vus exposés sur terre et sur mer, il leur est enfin permis de se reposer là même où ils savent qu'a reposé le corps du Seigneur! Il me semble que, dans l'excès de leur joie, ils ne sentent plus la fatigue et ne comptent plus pour rien les frais du voyage; mais, comme s'ils avaient enfin obtenu la récompense de leurs peines et remporté le prix de la course, pour me servir des expressions mêmes des saintes Écritures, ils sont inondés de bonheur d'être arrivés au tombeau du Sauveur. Il ne faut pas croire que c'est par hasard, subitement et comme par suite d'une sorte d'engouement populaire que ce sépulcre est devenu si fameux, car Isaïe longtemps d'avance en a parlé ainsi dans ses prophéties: « En ce temps-là, le rejeton de Jessé sera exposé aux yeux de tous les peuples comme un signe de ralliement, et les nations viendront lui offrir leurs prières; son tombeau sera glorieux (Isa., XI, 10). » L'oracle prophétique se vérifie maintenant, il est nouveau pour nous dans son accomplissement mais il est ancien dans les saintes Écritures, et si nous sommes heureux de le voir s'accomplir sous nos yeux, nous n'en avons que plus de respect pour son antiquité. Mais en voilà assez sur le tombeau du Sauveur.


 

 
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