Considérés comme des
divinités ou bien comme des créatures sataniques, les chats n'ont
jamais laissé nos ancêtres indifférents. Ce dossier, comme son nom
l'indique, nous permettra d'en savoir plus sur l'histoire de ces
petits félins depuis les débuts de leur domestication.
1° De la préhistoire à l'aube
de l'humanité – Les
paléontologues hésitent quant à l'ancêtre du chat domestique.
Certains scientifiques pensent qu'il s'agirait du
Proailurus lemanensis,
un félin ayant vécu en Eurasie il y à 25 millions d'années (ce
dernier pesait une quinzaine de kilos.). Plus tard, environ cinq
millions d'années avant notre ère, le groupe des félidés se divisa
entre grands et petits félins.
Le
Proailurus lemanensis.
Pendant plusieurs décennies, les
historiens pensaient que la domestication des chats était apparue en
Egypte, vers 2 000 avant Jésus Christ. Toutefois, des archéologues
découvrirent à Chypre en 2004 une tombe datant de 7 000 avant notre
ère, contenant les restes d'un
chat à côté de ceux d'un humain.
A l'aune de cette découverte, il
semblerait que le début de la domestication du chat serait survenue
plus tôt, vers 10 000 ans avant notre ère. En effet,
à l'époque du développement de l'agriculture,
les entrepôts de grains ne tardèrent pas à
attirer rats et souris. Les hommes, se rendant compte que le chat
était le prédateur naturel des rongeurs, décidèrent alors d'adopter
le petit félin.
2° Le chat dans l'Antiquité –
Dans l'Egypte antique, le chat fut divinisé en raison de ces
multiples qualités. Associé à la déesse Bastet[1],
le Miw[2]
devint un animal sacré : tuer un félin était puni de mort ; au décès
du chat, ce dernier était momifié et placé dans un sarcophage.
Momies de chats, musée du Louvre,
Paris.
Ainsi, les Egyptiens les plus aisés
offraient à leur animal domestique des colliers ou des boucles
d'oreille.
L'historien grec Hérodote relate
dans ses récits l'attachement excessif que les Egyptiens portaient à
leurs animaux : ainsi, lorsque le roi de Perse Cambyse II
attaqua l'Egypte, en 525 avant Jésus Christ, il fit graver des
motifs à tête de chat sur
les boucliers de ses troupes ; les Egyptiens, par respect pour cet
animal sacré, n’auraient alors pas osé attaquer leurs ennemis.
Plus tard, alors que les Perses poursuivaient les Egyptiens,
Cambyse II avait fait attacher des cages remplies de chats sur son
cheval, afin que personne ne lui tire dessus[3].
Les Grecs de l'époque classique, ne
disposant pas de chats, utilisaient des belettes ou des fouines afin
de défendre les récoltes. Selon la légende, les Grecs souhaitaient
acheter des félins aux Egyptiens, mais ceux ci refusaient de se
séparer de leurs animaux sacrés. Les Grecs décidèrent alors de
lancer une expédition secrète vers l'Egypte, et parvinrent ainsi à
voler un couple de chats.
A l'origine, le chat fut considéré comme
un jouet coûteux, car il n'était guère répandu. Ce n'est qu'au fil
des années que le chat se fit accepter par les Grecs, étant plus
efficace et plus propre que les fouines et les belettes. A noter
toutefois que les félins n'eurent jamais en Grèce la position divine
qu'il occupaient en Egypte.
Les chats connurent un destin semblable à Rome.
Animal coûteux et à l'origine réservé aux patriciens[4],
les félins ne tardèrent pas à se multiplier. Bon chasseur et facile
à vivre, le chat fut rapidement adopté par les citoyens de Rome (le
culte de Bastet fut alors associé à celui de Diane[5].).
Puis, en raison de l'expansion de l'Empire
romain, les félins se répandirent sur tout le pourtour du bassin
méditerranéen.
L'Empire romain au II° siècle
après Jésus Christ.
3° Le chat au Moyen âge –
Malgré la disparition des cultes païens, suite à l'apparition du
christianisme, le chat ne fut pas rejeté pour autant. Pendant une
bonne partie du Moyen âge, les félins étaient toujours appréciés
pour leurs talents de chasseurs.
Ce n'est qu'à partir du XIV° siècle que le
chat commença à être associé à Satan et aux flammes de l'Enfer.
Ainsi, en raison de leur vision nocturne, de leur besoin de sommeil
et de leur appétit sexuel, les chats furent considérés comme des
créatures maléfiques.
Réputés avoir neuf vies et être les
animaux de compagnie des sorcières, de nombreux félins furent alors jugés[6]
et condamnés au bûcher.
Chats condamnés au bûcher.
A cette époque, posséder un chat (surtout
s'il était noir.) était passible de la peine de mort.
A noter par ailleurs que certains historiens
considèrent que l'élimination massive des chats eut pour conséquence
le développement foudroyant de l'épidémie de peste noire (1347 à
1350.). C'est ainsi que les rats porteurs du virus, sans la menace
de leur prédateur naturel, purent propager la maladie à travers
toute l'Europe[7].
4° Le chat à l'époque moderne
– Le retour en grâce du chat
s'opéra à partir de la fin de la Renaissance, mais sa réhabilitation
totale n'eut lieu qu'après plusieurs siècles d'attente. Ainsi, le
cardinal de Richelieu, principal ministre de Louis XIII[8],
portait une affection particulière envers les petits félins (ce
dernier possédait 14 chats à sa mort.). Louis XIV, quant à
lui, décida d'interdire en 1648 de jeter des chats dans les bûchers
de la Saint Jean[9].
A partir du siècle des Lumières,
les philosophes commencèrent à tourner en dérision les superstitions
religieuses liées à la nature maléfique du chat, même si ce dernier
n'était encore guère apprécié.
5° Le chat à l'époque
contemporaine –
Au cours du XIX° siècle, la science
démontra que les maladies n'étaient pas transmises par les sorcières
ou par le diable, mais bien par les microbes. Le chat, animal très
propre, fut alors mis en exergue pour son hygiène.
C'est à partir de cette époque que les
félins, outre leurs talents de chasseurs, furent appréciés pour leur
grâce et leur féminité (comme au cours de l'Antiquité.).
Aujourd'hui, le chat semble être
totalement réhabilité, près de neuf millions d'entre eux ayant élu
domicile en France[10].
Toutefois, les
superstitions ont la peau dure : croiser la route d'un chat noir
n'est il pas synonyme de malchance ?
Gageons que le chat conservera encore longtemps cette aura
mystérieuse qui fait de lui un animal si particulier...
[3] Pour en
savoir plus sur la conquête perse, voir le 6, section II, chapitre
neuvième, histoire de l'Egypte antique.
[4] Les
patriciens formaient l'aristocratie de la Rome antique.
[5] La déesse
romaine Diane était l'équivalent de la déesse grecque Artémis.
Pour en savoir plus sur le panthéon grec,
cliquez ici.
[6] Aussi
invraisemblable que cela puisse paraître, il existait des tribunaux
pour animaux au cours du Moyen âge.
[7] Pour en
savoir plus sur la peste noire, voir le c), 6, section I, chapitre
premier, les Valois.
[8] Pour en
savoir plus sur le règne de Louis XIII,
cliquez ici.
[9] La fête de la
Saint Jean (ou plutôt Saint Jean-Baptiste.) est célébrée le 24 juin.
Cette dernière est traditionnellement accompagnée de grands feux,
rappelant ses origines païennes.