Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

adblocktest

 

Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre XXVIII - Rome, de 207 à 205

1. Campagnes d'Espagne et de Grèce - 207 ([XXVIII, 1] à [XXVIII, 8])

 

Situation en Espagne (automne)

[XXVIII, 1]

(1) Alors que le passage d'Hasdrubal en Italie, faisant peser sur ce pays une partie de la guerre, semblait avoir d'autant soulagé les Espagnes, on vit soudain renaître là une guerre égale à la première. (2) Les Espagnes, à ce moment, étaient occupées par les Romains et les Carthaginois de la façon suivante: Hasdrubal, fils de Gisgon, s'était retiré jusqu'à la côte la plus reculée de l'Océan et à Gadès; (3) le rivage de notre mer et presque toute l'Espagne, du côté tourné vers l'Orient, étaient sous les ordres de Scipion et de Rome. (4) Un nouveau général, Hannon - venu d'Afrique, à la place d'Hasdrubal descendant de Barca, avec une nouvelle armée, et uni à Magon - ayant dans la Celtibérie, qui se trouve au centre, entre les deux mers, armé rapidement un grand nombre d'hommes, (5) Scipion envoya contre lui Marcus Silanus avec dix mille hommes au plus, et cinq cents cavaliers.

(6) Silanus, grâce à des étapes aussi longues que possible, quoique gêné par le mauvais état des chemins et par des gorges au milieu de bois épais, comme il arrive le plus souvent en Espagne, devança non seulement les messagers, mais le bruit même de son arrivée, et, guidé par des déserteurs de cette même région, de Celtibérie, parvint à l'ennemi. (7) On apprit aussi de ces guides, alors que l'on était à dix milles environ de l'ennemi, qu'il y avait deux camps près de la route qu'on suivait: à gauche celui des Celtibères, troupe récente de plus de neuf mille hommes, à droite celui des Carthaginois. (8) Ce dernier, des postes, des sentinelles, tout un service de garde régulier le rendaient sûr et solide; l'autre était indiscipliné et négligé, comme il est naturel avec des barbares, des recrues, des gens qui ont moins de craintes à la pensée qu'ils sont sur leur terre. (9) Pensant que c'était le premier à attaquer, Silanus ordonne à ses troupes d'appuyer le plus possible à gauche, de peur d'être aperçu par quelque poste carthaginois; et lui-même, après avoir envoyé des éclaireurs, se dirige rapidement vers l'ennemi.

Silanus bat et met en fuite l'armée de Magon

[XXVIII, 2]

(1) Il était à trois milles environ des ennemis, qu'aucun d'eux ne s'en était encore aperçu. Le pays était difficile, occupé par des collines couvertes de broussailles; (2) là, dans une vallée profonde, et, pour cela, cachée aux regards, il ordonne à ses soldats de faire halte et de manger. Cependant les éclaireurs revinrent, confirmant les dires des déserteurs. (3) Alors, ayant entassé sur place leurs bagages, les Romains prennent les armes, et, en formation régulière, marchent au combat. Ils étaient à mille pas quand l'ennemi les aperçut, et commença à s'agiter; de son côté Magon, au galop, arrive de son camp au premier cri, au premier tumulte.

(4) Il y avait dans les troupes celtibères quatre mille hommes armés de boucliers longs et deux cents cavaliers; cette légion régulière - force de cette armée - Magon la met en première ligne; les autres soldats, l'infanterie légère, il les place en réserve. (5) Comme il les faisait, ainsi rangés, sortir du camp, à peine avaient-ils franchi le retranchement que les Romains lancèrent sur eux leurs javelots; (6) les Espagnols se baissent devant les javelots envoyés par l'ennemi, puis se lèvent pour envoyer les leurs; les Romains les ayant reçus, comme d'habitude, en se serrant, sur leurs boucliers rapprochés, on engagea le combat pied à pied, et l'on commença à se battre à l'épée. (7) Mais les difficultés du terrain rendaient inutile l'agilité des Celtibères, accoutumés, dans la bataille, à courir tantôt sur un point, tantôt sur un autre, et n'était nullement défavorable aux Romains, habitués au combat de pied ferme, (8) si ce n'est que l'étroitesse des passages, et les buissons qui y poussaient, rompaient les rangs, et forçaient de combattre un à un ou deux à deux, comme entre adversaires appariés. (9) Les difficultés qui empêchaient l'ennemi de fuir l'offraient, comme enchaîné, au carnage; (10) et déjà, presque tous les Celtibères armés de boucliers longs ayant été tués, les troupes légères, et les Carthaginois qui, de l'autre camp, étaient venus à leurs secours, repoussés, étaient massacrés. (11) Deux mille fantassins au plus, et toute la cavalerie - celle-ci alors que le combat était à peine engagé - s'enfuirent avec Magon; Hannon, l'autre général, fut pris vivant avec les troupes arrivées les dernières, quand la bataille était déjà perdue; (12) Magon, que, dans sa fuite, presque toute la cavalerie et les vétérans de l'infanterie avaient suivis, arriva neuf jours après dans la province de Gadès, auprès d'Hasdrubal; les Celtibères, soldats novices, après s'être dispersés dans les forêts les plus proches, se réfugièrent ensuite chacun chez eux. (13) Cette victoire si opportune avait étouffé moins une guerre déjà formée que les éléments de la guerre qui aurait eu lieu, si l'on avait laissé les Carthaginois, après avoir soulevé la nation celtibère, appeler aux armes d'autres peuples encore. (14) Aussi, après avoir félicité de grand coeur Silanus, Scipion, trouvant là un espoir de terminer la guerre, à condition de ne pas l'écarter lui-même par ses hésitations, marche vers les restes de la guerre, vers l'extrémité de l'Espagne, contre Hasdrubal. (15) Le Carthaginois, qui se trouvait alors avoir son camp dans la Bétique pour maintenir ses alliés dans la fidélité, part brusquement et emmène ses troupes, en fuite plutôt qu'en marche, jusqu'au fond de l'Espagne, à l'Océan et à Gadès. (16) Mais pensant que tant qu'il tiendra son armée rassemblée, il sera pour les Romains un objectif de guerre, sans attendre de passer le détroit de Gadès, il la répartit toute, çà et là, dans des villes, pour que leurs murs en même temps la protègent et soient protégés par ses armes.

Prise d'Orongis (fin de l'été 207)

[XXVIII, 3]

(1) Quand Scipion s'aperçoit que l'objet de la guerre s'est ainsi dispersé, et qu'aller assiéger des villes l'une après l'autre, c'est une opération plus longue que difficile, il rebrousse chemin. (2) Cependant, pour ne pas abandonner cette région aux ennemis, il envoie son frère Lucius Scipion, avec dix mille fantassins et mille cavaliers, attaquer la ville la plus riche de ces contrées - les barbares l'appellent Orongis. (3) Elle se trouve dans le pays des Maesessi, [peuple espagnol], territoire fertile; ses habitants retirent en outre du sol de l'argent. Elle avait servi de citadelle à Hasdrubal pour faire des expéditions sur les confins des peuples de l'intérieur. (4) L. Scipion, ayant établi son camp près de la ville, sans l'investir encore d'un retranchement, envoya vers ses portes des émissaires pour sonder les sentiments des habitants, en leur parlant de près, et leur conseiller d'éprouver l'amitié plutôt que la force des Romains. (8) N'obtenant aucune réponse pacifique, il divisa, après avoir entouré la ville d'un fossé et d'une double palissade, son armée en trois parties, de sorte que l'une attaquât toujours la ville pendant que deux se reposaient. (6) Quand la première division entreprit l'attaque, la lutte fut affreuse et incertaine: il n'était facile ni d'arriver au pied des remparts, ni d'y apporter des échelles, à cause des traits qui tombaient; (7) même ceux qui avaient dressé des échelles contre le mur, les uns étaient renversés avec des fourches faites pour cela, les autres voyaient s'abattre sur eux des grappins de fer, qui les mettaient en danger d'être soulevés et tirés à l'intérieur des murs. (8) Alors, L. Scipion, remarquant que le trop petit nombre des siens rendait la lutte égale, et que même l'ennemi avait l'avantage parce qu'il se battait du haut de ses murs, attaqua avec deux divisions à la fois, après avoir retiré la première. (9) Cela inspira tant d'épouvante aux assiégés, déjà fatigués par le combat avec les premiers assaillants, que les gens de la ville, s'enfuyant soudain, abandonnèrent les remparts, et que la garnison punique, craignant qu'une trahison n'eût déjà livré la place, abandonna ses divers postes pour se rassembler. (10) Puis la crainte saisit les assiégés que, si l'ennemi entrait dans la ville, il ne massacrât, sans distinction de Carthaginois ou d'Espagnols, tous ceux qu'il rencontrerait çà et là; (11) aussi, par une porte brusquement ouverte, ils se jetèrent en grand nombre hors de la place, tenant devant eux leurs boucliers pour éviter que, de loin, on ne leur lançât des traits, et montrant avec insistance leur main droite nue, pour qu'on vît bien qu'ils avaient jeté leurs épées. (12) Le vit-on mal de loin, ou soupçonna-t-on là une ruse, ce point n'est pas éclairci; on chargea ces déserteurs, on les massacra comme une troupe ennemie; et par la porte par où ils étaient sortis, les enseignes, comme pour une attaque, pénétrèrent dans la ville. (13) Sur d'autres points, les haches et les dolabres coupaient et brisaient les portes, et chaque cavalier, sitôt entré, allait au galop - suivant l'ordre reçu - occuper le forum. (14) On avait ajouté aux cavaliers un corps de triaires; les légionnaires se répandent dans le reste de la ville. Ils s'abstinrent de piller, et de tuer les personnes qu'ils rencontraient, sauf celles qui résistaient les armes à la main. (15) Tous les Carthaginois furent emprisonnés, et aussi trois cents habitants environ, qui avaient fermé les portes; aux autres, on confia l'administration de leur ville, on rendit leurs biens.(16) Il tomba à l'attaque de cette place environ deux mille ennemis, et quatre-vingt-dix Romains au plus.

La flotte romaine ravage le littoral africain (courant de l'été 207)

[XXVIII, 4]

(1) Agréable fut la prise de cette ville à ceux qui l'emportèrent comme au général en chef et au reste de l'armée; brillante aussi fut l'arrivée des vainqueurs, à cause de la foule de prisonniers qu'ils poussaient devant eux. (2) Ayant comblé son frère d'éloges en égalant - honneur le plus grand qu'il pût lui accorder en paroles - à la prise de Carthagène, accomplie par lui, la prise d'Orongis accomplie par son frère, (3) Scipion, comme l'approche de l'hiver ne rendait possible ni tentative sur Gadès, ni poursuite de l'armée d'Hasdrubal dispersée çà et là dans la province, ramena toutes ses troupes dans l'Espagne citérieure; (4) puis, après avoir réparti ses légions dans leurs cantonnements d'hiver et envoyé à Rome son frère, Lucius Scipion, avec le général ennemi Hannon et les autres prisonniers nobles, il se retira lui-même à Tarragone.

(5) La même année, la flotte romaine commandée par le proconsul Marcus Valerius Laevinus, étant passée de Sicile en Afrique, dévasta sur une large étendue les territoires d'Utique et de Carthage. Aux frontières de Carthage, autour des murs mêmes d'Utique, on enleva du butin. (6) Comme les Romains regagnaient la Sicile, la flotte punique - elle comptait soixante-dix vaisseaux de guerre - se présenta. On lui prit dix-sept navires, on en coula quatre; on dispersa et mit en fuite le reste de la flotte. (7) Vainqueur sur terre et sur mer, le Romain, avec un important butin de toute sorte, regagne Lilybée. Par la mer désormais sûre, les navires ennemis ayant été chassés, de grands convois de blé furent amenés à Rome.

Événements de Grèce (207)

[XXVIII, 5]

(1) Au début de la campagne d'été où se passèrent ces événements, le proconsul. Publius Sulpicius et le roi Attale, ayant hiverné (comme on l'a dit) à Égine, passèrent à Lemnos avec leurs flottes réunies - vingt-cinq quinquérèmes romaines et trente-cinq royales. (2) Philippe, lui, pour être prêt - qu'il dût aller à l'ennemi par terre ou par mer - à tous les efforts, descendit vers la mer, à Démétriade; il fixa à son armée une date pour se rassembler à Larissa. (3) De tous côtés, au bruit de la venue du roi, des délégations de ses alliés affluèrent à Démétriade. (4) En effet, les Étoliens avaient repris courage grâce à l'alliance de Rome, et surtout après l'arrivée d'Attale, et ils pillaient les peuples voisins; (5) non seulement les Acarnaniens, les Béotiens et les habitants de l'Eubée éprouvaient de grandes craintes, mais aussi les Achéens, qu'effrayait, outre la guerre avec les Étoliens, Machanidas, tyran de Lacédémone, avec son camp établi non loin de la frontière Argienne. (6) Tous ces députés, exposant chacun quels dangers, sur terre et sur mer, s'annonçaient ainsi pour sa ville, demandaient du secours au roi. (7) Son royaume même, d'après les nouvelles, n'était pas tranquille: Scerdilaedus et Pleuratus s'étaient soulevés, et, parmi les Thraces, les Maedi, en particulier, étaient prêts, si quelque guerre lointaine retenait le roi, à faire des incursions sur les confins de la Macédoine. (8) En tout cas, les Béotiens et les peuples de l'intérieur de la Grèce annonçaient que le défilé des Thermopyles, où une gorge resserrée rétrécit le chemin, avait été coupé par les Étoliens d'un fossé et d'un retranchement, pour ne pas livrer passage à Philippe allant protéger les villes de ses alliés.

(9) Même un général sans énergie aurait pu être poussé à l'action en voyant tant de soulèvements s'étendre autour de lui. Philippe renvoie les ambassades en leur promettant, dans la mesure où les circonstances et la situation le permettraient, de porter secours à tous; (10) pour le moment - c'était le plus urgent - il envoie des troupes à Peparethus, à la ville d'où on lui annonçait qu'Attale, venu de Lemnos avec sa flotte, avait dévasté tout le territoire alentour. (11) Il envoie Polyphantas avec un petit détachement en Béotie, et aussi un certain Ménippe - un de ses généraux - avec mille peltastes (la pelta ne diffère guère de la cetra) à Chalcis; (12) on ajouta à ceux-ci cinq cents Agriani, pour pouvoir défendre toutes les parties de l'île. Le roi lui-même partit pour Scotusa, où il fit passer aussi, de Larissa, les troupes macédoniennes. (13) Là, on lui annonça qu'une assemblée des Étoliens était convoquée à Héraclée, et que le roi Attale y viendrait délibérer sur l'ensemble des opérations. (14) Pour troubler cette réunion par son arrivée soudaine, il conduit son armée à grandes étapes vers Héraclée. (15) L'assemblée était déjà dispersée quand il y arriva; il dévaste cependant les moissons, qui étaient déjà presque mûres, surtout dans le golfe des Aeniani, puis ramène ses troupes à Scotusa. Laissant là toute l'armée, il se retire avec la garde royale à Démétriade. (16) Puis, pour pouvoir accourir à tout mouvement de l'ennemi, il envoie en Phocide, en Eubée et à Peparethus choisir des sommets, d'où des feux allumés soient visibles; (17) il établit lui-même sur le Tisaeus - montagne dont la cime s'élève très haut - un observatoire, afin de recevoir en un moment un signal, grâce aux feux qui s'élèveraient au loin, quand les ennemis entreprendraient quelque opération.

(18) Le général en chef romain et le roi Attale firent passer leurs forces de Peparethus à Nicée; de là ils envoient leur flotte en Eubée prés de la ville d'Oreus: pour qui gagne, du golfe de Démétriade, Chalcis et l'Euripe, c'est, sur la gauche, la première des villes de l'Eubée. (19) Il fut convenu entre Attale et Sulpicius que les Romains l'attaqueraient par la mer, les gens du roi par la terre.

Prise d'Oréos. Les Romains renoncent à attaquer Chalcis

[XXVIII, 6]

(1) Quatre jours après que la flotte eut abordé, ils assaillirent la ville: ce délai avait été employé à des conciliabules secrets avec Plator, mis par Philippe à la tête de la ville. (2) La place a deux citadelles, l'une dominant la mer; l'autre est au milieu de l'agglomération. De là, par un tunnel, un chemin mène à la mer; du côté de la mer, une tour à cinq étages, défense exceptionnelle, le barrait. (3) C'est là que s'engagea d'abord une lutte terrible, la tour étant pourvue de projectiles de toute sorte, et des machines de jet et de siège ayant été débarquées des vaisseaux pour l'attaquer. (4) Comme ce combat avait attiré l'attention et les regards de tous, par la porte de la citadelle située au bord de la mer Plator fit entrer les Romains, et en un moment cette citadelle fut prise. Les habitants chassés de là se dirigèrent vers le milieu de la ville, du côté de l'autre citadelle; (5à il y avait encore là des hommes postés pour leur en fermer les portes. Laissés ainsi à l'extérieur, les habitants sont massacrés ou pris sur la voie publique. (6) La garnison macédonienne, groupée au pied du mur de la citadelle, résista, sans prendre la fuite en désordre, sans engager non plus un combat très acharné. (7) Plator, avec la permission de Sulpicius, fit monter ces troupes sur des bateaux et les débarqua à Demetrium de Phthiotide; lui-même se retira auprès d'Attale.

(8) Sulpicius, emporté par le succès si facile d'Oréos, part tout droit de là pour Chalcis avec sa flotte victorieuse; mais l'événement n'y répondit pas du tout à ses espoirs. (9) Après s'être étendue largement des deux côtés, la mer, resserrée à cet endroit en un défilé, peut offrir d'abord à qui la regarde l'aspect d'un port double, tourné vers deux entrées; mais il serait difficile de trouver un mouillage plus dangereux pour une flotte; (10) car les vents, venant des montagnes très élevées des deux terres qui le bordent, s'abattent en tempêtes soudaines, et par lui-même, le détroit de l'Euripe ne voit pas sept fois par jour, comme on le raconte, monter et descendre la marée; mais, au hasard, la mer, à la façon d'un vent tournant tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, s'y précipite, comme un torrent roulant du haut d'une montagne escarpée. Ainsi ni jour, ni nuit elle ne laisse de repos aux navires. (11) Ce mouillage si dangereux reçut la flotte; quant à la ville, d'un côté fermée par la mer, de l'autre, du côté de la terre, remarquablement fortifiée et fermement défendue par une forte garnison, et surtout par la loyauté des chefs militaires et des notables, qui avait été flottante et trompeuse à Oréos, elle était solide et inexpugnable. (12) Étant donnée la témérité de l'entreprise, le Romain agit du moins prudemment en ceci, qu'ayant vu ses difficultés, il l'abandonna rapidement pour ne pas y perdre son temps, et fit passer de là sa flotte à Cynus de Locride - c'est le marché de la ville des Opuntii, qui est située à mille pas de la mer.

Vains efforts de Philippe pour contrôler la situation en Grèce

[XXVIII, 7]

(1) Quant à Philippe, les signaux de feu d'Oréos l'avaient bien averti, mais, par la perfidie de Plator, ils avaient été émis trop tard de l'observatoire; d'autre part, l'infériorité de ses forces maritimes ne rendait pas facile à sa flotte l'accès de l'île; ainsi les retards firent abandonner l'affaire. (2) Pour Chalcis, au contraire, au premier signal, il marcha sans hésiter à son secours; car quoique Chalcis soit, elle aussi, une ville de la même île, elle est séparée par un bras de mer si étroit du continent, qu'un pont l'y rattache, et que l'accès en est plus facile par terre que par mer. (3) Donc Philippe, parti de Démétriade pour Scotusa, et de cette ville à la troisième veille, après avoir chassé les troupes, et dispersé les Étoliens établis dans le défilé des Thermopyles, refoulant ses ennemis sur Héraclée, gagna lui-même en un seul jour Elatia de Phocide, à plus de soixante milles de là. (4) À peu près le même jour, le roi Attale pillait la ville des Opuntii, qu'on avait prise: Sulpicius avait abandonné au roi ce butin, parce qu'Oréos, quelques jours avant, avait été pillé par les soldats romains, à l'exclusion de ceux du roi. (5) La flotte romaine s'était retirée à Oréos, et Attale, ignorant l'arrivée de Philippe, passait son temps à tirer de l'argent des notables; (6) l'arrivée de Philippe fut si imprévue que si certains Crétois, qui, par hasard, étaient allés assez loin de la ville faire du fourrage, n'avaient aperçu de loin l'armée ennemie, Attale aurait pu être surpris. (7) Sans armes, dans le désordre, il gagne en une fuite éperdue la mer et ses vaisseaux; tandis qu'on s'efforce de les éloigner du rivage, Philippe survient, et, même de la terre, inspire l'effroi aux marins. (8) De là, il revint à Oponte, accusant dieux et hommes de lui avoir fait perdre l'occasion d'une affaire si importante, qu'on lui avait ravie presque à ses yeux. (9) La même colère lui fit blâmer aussi les Opuntii, car, au lieu de faire traîner le siège jusqu'à son arrivée - comme ils le pouvaient, d'après lui - sitôt vu l'ennemi, ils en étaient presque venus à une capitulation volontaire.

Après avoir réglé les affaires de la région d'Oponte, Philippe partit pour Toronè. (10) Attale, lui, partit d'abord pour Oréos; puis, au bruit que Prusias, roi de Bithynie, avait envahi son royaume, laissant ses opérations contre les Romains et la guerre d'Étolie, il passa en Asie. (11) Sulpicius aussi retira sa flotte, à Égine, d'où il était parti au début du printemps. Sans avoir à lutter beaucoup plus qu'Attale pour prendre Oponte, Philippe prit Toronè. (12) Cette ville avait pour habitants des réfugiés de Thèbes en Phthiotide: leur patrie prise par Philippe, ils étaient venus se mettre sous la protection des Étoliens, qui leur avaient donné comme séjour cette ville dévastée et dépeuplée par la première guerre du même Philippe. (13) Puis de Toronè, prise à nouveau, comme on l'a dit plus haut, il partit, et prit Tithronion et Drumias, petites places peu connues de la Doride.

De là il vint à Elatia, où on avait dit aux ambassadeurs de Ptolémée et des Rhodiens de l'attendre. (14) Comme on y parlait de terminer la guerre étolienne, - ces ambassadeurs venaient d'assister à Héraclée à l'assemblée des Romains et des Étoliens - on apporte la nouvelle que Machanidas, tandis que les Éléens préparent la solennité des Jeux Olympiques, a décidé de les attaquer. (15) Pensant que cette affaire devait passer avant les autres, Philippe, ayant renvoyé les ambassadeurs avec cette réponse favorable "qu'il n'avait pas été cause de cette guerre, et ne retarderait pas la paix, pourvu qu'il fût permis de la faire à des conditions équitables et honorables", (16) partit avec une colonne légère, descendit à travers la Béotie à Mégare, puis à Corinthe, d'où, après avoir pris des vivres, il gagne Phlionte et Phénée. (17) Il était déjà arrivé à Heraea, quand il entend dire que Machanidas, effrayé par la nouvelle de sa venue, s'est réfugié à Lacédémone; il se rend à Aegium à l'assemblée des Achéens, pensant en même temps trouver là la flotte punique qu'il avait demandée pour avoir aussi quelque force sur mer. (18) Quelques jours avant, les Carthaginois étaient passés aux îles d'Oxeae; de là ils avaient gagné les ports des Acarnaniens, en apprenant qu'Attale et les Romains étaient partis d'Oréos, de peur qu'on ne marchât contre eux et qu'on ne les surprît dans le détroit de Rhium - c'est l'embouchure du golfe de Corinthe.

Philippe à l'assemblée des Achéens

[XXVIII, 8]

(1) Philippe était, à la vérité, chagrin et anxieux en voyant que, malgré sa rapidité à marcher en toutes circonstances, il n'était arrivé à temps pour aucune affaire, et que la fortune, lui ravissant toutes les occasions sous ses yeux, s'était jouée de sa célérité; (2) mais, à l'assemblée, dissimulant son dépit, il parla avec une fière assurance, attestant les dieux et les hommes qu'en aucun lieu, à aucun moment, il n'avait manqué, là où résonnaient les armes ennemies, d'aller le plus vite possible; (3) mais on avait peine, ajouta-t-il, à calculer si, dans cette guerre, c'était lui qui montrait plus d'audace, ou les ennemis plus d'ardeur à la fuite; ainsi d'Oponte s'était échappé Attale, ainsi Sulpicius de Chalcis, ainsi, ces derniers jours, Machanidas lui avait échappé des mains. (4) Mais la fuite n'était pas toujours heureuse, et l'on ne devait pas tenir pour difficile une guerre dans laquelle, à condition de rencontrer l'ennemi, on était vainqueur. (5) L'essentiel, c'était que les ennemis avouaient ne pas être égaux à lui; bientôt il aurait une victoire indiscutable, et ses adversaires n'obtiendraient pas, de leur lutte contre lui, de meilleurs résultats qu'ils n'en espéraient.

Avec plaisir, les alliés écoutèrent le roi. (6) Il rendit ensuite aux Achéens Heraea et Triphylia; quant à Aliphera, il la restitua aux Megalopolitains, parce qu'ils prouvaient clairement qu'elle avait appartenu à leur territoire. (7) Ensuite, ayant reçu des Achéens des bateaux - trois quadrirèmes et autant de birèmes - il passa à Anticyre.

(8) Puis, avec sept quinquérèmes et plus de vingt barques (qu'il avait envoyées, pour s'y joindre à la flotte carthaginoise, dans le golfe de Corinthe), étant parti pour Erythrae des Étoliens, près d'Eupalium, il y fit une descente. (9) Il ne trompa pas les Étoliens: ce qu'il y avait d'hommes dans les champs ou dans les châteaux forts voisins de Potidania et d'Apollonia se réfugia dans les forêts et les montagnes; (10) mais les troupeaux, qu'ils n'avaient pu emmener dans leur hâte, furent enlevés et poussés dans les bateaux. Après avoir envoyé, avec eux et le reste du butin, Nicias, préteur des Achéens, à Aegium, Philippe, ayant gagné Corinthe, fit emmener de là, par terre, son infanterie à travers la Béotie; (11) lui-même, de Cenchrei, longeant en bateau l'Attique et remontant au-delà du cap Sunium, en traversant presque les flottes ennemies, parvint à Chalcis. (12) Puis, après avoir comblé d'éloges la loyauté et le courage des habitants, dont ni la crainte, ni l'espoir n'avait fait fléchir les âmes, et les avoir exhortés à rester, à l'avenir, aussi fidèles à l'alliance, s'ils préféraient leur sort à celui des Oritani et des Opontii, (13) il va par mer de Chalcis à Oréos; et, ayant remis à ceux des notables qui, après la prise de leur cité, avaient mieux aimé fuir que se livrer aux Romains, l'ensemble des affaires et la garde de leur ville, il passa lui-même d'Eubée à Démétriade, premier point d'où il était parti pour secourir ses alliés. (14) Ensuite, après avoir mis en chantier, à Cassandrea, cent coques de bateaux de guerre, et réuni pour ce travail une foule d'ouvriers navals, comme la situation, en Grèce, était tranquille grâce au départ d'Attale, et à l'aide que lui-même il avait portée, à temps, à ses alliés dans la peine, il retourna dans son royaume, pour porter la guerre chez les Dardani.

 

 
Publicités
 
Partenaires

  Rois & PrésidentsEgypte-Ancienne

Rois et Reines Historia Nostra

Egypte

 

 Histoire Généalogie