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Mythologie
 
 

 

 

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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre XXX - Rome, de 205 à 204

2. Opérations en Gaule et en Italie - 203 ([XXX, 18] à [XXX, 26])

 

Victoire romaine en Gaule; Magon est blessé (fin de l'été)

[XXX, 18]

(1) Dans la même campagne où ces décrets furent rendus à Rome et ces succès obtenus en Afrique, le préteur Publius Quinctilius Varus et le proconsul Marcus Cornélius Céthégus livrèrent bataille au Carthaginois Magon, sur le territoire des Gaulois Insubres. (2) Les légions du préteur formaient la première ligne; Cornélius laissa les siennes à la réserve, et s'avança lui-même à cheval jusqu'aux premiers rangs. À la tête des deux ailes, le préteur et le proconsul exhortèrent leurs soldats à attaquer vigoureusement les Carthaginois.

(3) Comme les ennemis ne s'ébranlaient pas, Quinctilius dit à Cornélius: "Le combat languit, comme vous le voyez; les ennemis qui tremblaient d'abord se sont enhardis par une résistance inespérée, et je crains que leur confiance ne se change en audace. (4) Il faut que notre cavalerie tombe sur eux comme une tempête, si nous voulons porter le trouble et le désordre dans leurs rangs. Soutenez donc le combat en tête des premières lignes, et j'amènerai, moi, la cavalerie sur le terrain, ou bien je me chargerai de combattre ici au premier rang et vous ferez avancer contre l'ennemi la cavalerie des quatre légions."

(5) Le proconsul accepta le rôle que lui laisserait le choix du préteur: alors Quinctilius Varus, avec son fils, nommé Marcus, jeune homme plein d'ardeur, se porta vers les cavaliers, leur ordonna de monter à cheval, et les lança tout à coup sur l'ennemi. (6) Au désordre produit par cette charge s'ajouta le cri formidable des légions: l'armée ennemie n'aurait pu tenir si, au premier mouvement de la cavalerie, Magon, qui avait ses éléphants tout prêts, ne les eût fait avancer. (7) Leurs cris aigus, leur odeur, leur aspect effarouchèrent les chevaux et rendirent vaine cette charge de cavalerie: et si, dans la mêlée, les cavaliers romains avaient l'avantage lorsqu'ils combattaient de près et pouvaient faire usage de la pique et de l'épée, en ce moment emportés bien loin par leurs chevaux qui étaient épouvantés, ils se trouvaient par leur éloignement plus exposés aux traits des Numides. (8) Cependant l'infanterie de la douzième légion, massacrée presque tout entière, gardait ses rangs par pudeur plus que par le sentiment de ses forces; (9) mais elle n'aurait pas tenu plus longtemps si la treizième légion ne se fût avancée de la réserve au front de la bataille et n'eût rétabli le combat qui devenait douteux. À cette légion toute fraîche, Magon opposa aussi des Gaulois de sa réserve.

(10) Ceux-ci furent culbutés sans peine par les hastats de la onzième légion, qui se formèrent ensuite en colonnes serrées, et attaquèrent les éléphants qui portaient déjà le désordre dans les rangs de l'infanterie. (11) Comme ces animaux étaient pressés les uns contre les autres, les traits lancés par les Romains portèrent presque tous, et les forcèrent à se replier sur l'armée carthaginoise; quatre d'entre eux tombèrent percés de coups.

(12) Alors la première ligne des ennemis s'ébranla; bientôt l'infanterie se débanda tout entière, quand elle vit les éléphants qui tournaient le dos, et augmenta ainsi la frayeur et le désordre. Mais, tant que Magon se tint à la tête de ses soldats, ils ne reculèrent que pas à pas en conservant toujours leurs rangs: (13) dès qu'ils virent que leur général, blessé à la cuisse, tombait à terre et qu'on l'emportait presque sans vie hors du champ de bataille, ils se mirent tous aussitôt à fuir.

Ce jour-là les ennemis perdirent près de cinq mille hommes; on leur prit vingt-deux enseignes. (14) La victoire coûta aussi du sang aux Romains: l'armée du préteur perdit deux mille trois cents hommes, et ce fut la douzième légion qui souffrit le plus; (15) elle eut à regretter aussi deux tribuns militaires, Marcus Cosconius et Marcus Maevius; la treizième légion, qui avait donné vers la fin de l'action, vit tomber le tribun militaire Gaius Helvius au moment où il cherchait à rétablir le combat: environ vingt-deux chevaliers des plus illustres furent écrasés par les éléphants et périrent avec quelques centurions; encore la lutte se serait-elle prolongée, si la blessure du général ennemi n'eût livré la victoire.

Magon s'embarque pour l'Afrique et meurt au cours de la traversée

[XXX, 19]

(1) Magon partit à la faveur de la nuit suivante, allongeant sa marche autant que sa blessure lui permettait de supporter la fatigue; il arriva au bord de la mer chez les Ligures Ingaunes. (2) II y reçut une députation de Carthage, qui avait abordé peu de jours auparavant dans le golfe de Gaule, et qui lui apportait l'ordre de passer au plus tôt en Afrique. (3) "Son frère Hannibal, lui dit-on, devait en faire autant; des députés étaient allés aussi lui en porter l'ordre. La situation des affaires de Carthage ne leur permettait plus l'occupation armée de la Gaule et de l'Italie.

(4) Magon, alarmé des ordres du sénat et du péril de sa patrie, craignait d'ailleurs de voir, s'il tardait, l'ennemi vainqueur s'acharner à sa poursuite, et les Ligures, quand ils sauraient que les Carthaginois abandonnaient l'Italie, se soumettre à ceux qui devaient bientôt être leurs maîtres; (5) il espérait que le mouvement de la traversée serait moins douloureux pour sa blessure que celui d'un voyage par terre, et qu'il aurait plus de commodités de toute espèce pour sa guérison. Il embarqua donc ses troupes et partit; mais à peine avait-il dépassé la Sardaigne qu'il mourut des suites de sa blessure; quelques vaisseaux carthaginois, dispersés en pleine mer, furent pris par la flotte romaine qui croisait sur les côtes de Sardaigne. (6) Tels furent les événements qui s'accomplirent sur terre et sur mer dans la partie de l'Italie située au pied des Alpes.

Le consul Gaius Servilius Géminus ne se signala par aucun exploit dans sa province d'Étrurie ni dans la Gaule, car il avait poussé jusque-là, (7) mais il se fit rendre, après seize ans de servitude, son père Gaius Servilius et Gaius Lutatius, qui avaient été pris par les Boïens au bourg de Tannétum; il rentra à Rome ayant d'un côté son père, et de l'autre Lutatius, trophée plus cher à sa famille qu'au pays. (9) On proposa au peuple de ne pas faire un crime à Gaius Servilius, fils d'un citoyen qui avait exercé des magistratures curules, d'avoir accepté du vivant de son père, qu'il croyait mort, les fonctions de tribun du peuple et d'édile plébéien, ce qui était contraire aux lois. Cette proposition adoptée, Servilius retourna dans sa province.

(10) Le consul Gnaeus Servilius Caepio, qui était dans le Bruttium, traita avec ceux de Consentia, d'Aufugum, de Bergae, de Bésidiae, d'Ocriculum, de Lymphaeum, d'Argentanum, de Clampétia, et avec beaucoup d'autres peuples obscurs, qui, voyant les Carthaginois ne plus agir qu'avec mollesse, passèrent aux Romains. (11) Le même consul livra bataille à Hannibal sur le territoire de Crotone. On n'a que des détails insuffisants sur cette journée. Valérius Antias parle de cinq mille hommes tués: ce chiffre est tellement élevé qu'il a été impudemment inventé ou qu'il a dû échapper à la négligence de l'historien. (12) Ce qui est sûr c'est qu'Hannibal ne fit désormais plus rien en Italie; car le hasard voulut que les envoyés de Carthage chargés de le rappeler en Afrique arrivassent auprès de lui vers le même jour que l'ambassade destinée à Magon.

Hannibal quitte l'Italie sur ordre du sénat de Carthage (fin de l'été 203)

[XXX, 20]

(1) Ce fut, dit-on, avec des frémissements de rage, avec de profonds soupirs et les yeux pleins de larmes qu'Hannibal (2) entendit les paroles des envoyés: "Ce n'est plus par des moyens indirects, mais bien ouvertement qu'on me rappelle, après avoir depuis si longtemps voulu m'arracher à l'Italie, en me refusant des armes et des subsides. (3) Voilà donc Hannibal vaincu, non par le peuple romain, qu'il a tant de fois taillé en pièces et mis en fuite, mais par le sénat de Carthage, instrument de la calomnie et de l'envie. (4) La honte de mon retour donnera moins de joie et d'orgueil à Scipion, qu'à cet Hannon, qui pour abattre notre famille, n'a pas craint, à défaut d'autre vengeance, de sacrifier Carthage."

(5)Hannibal avait dès longtemps prévu ce rappel et ses vaisseaux étaient prêts: laissant donc tout ce qu'il avait de troupes inutiles dans le Bruttium pour garder le petit nombre des places de cette province qui lui restaient fidèles, plus par crainte que par attachement, (6) il embarqua pour l'Afrique l'élite de son armée. Beaucoup d'entre eux, Italiens de naissance, refusèrent de le suivre en Afrique, et cherchèrent un asile dans le temple de Junon Lacinia, demeuré jusqu'alors inviolable: il les fit impitoyablement massacrer dans le sanctuaire même. (7) Jamais, dit-on, un exilé forcé de quitter sa patrie ne s'éloigna avec plus de douleur qu'Hannibal n'en éprouvait à évacuer le sol ennemi. Il se retourna souvent vers les côtes de l'Italie, accusant les dieux et les hommes et se chargeant lui-même d'imprécations (8) pour n'avoir pas mené droit à Rome ses soldats encore tout couverts du sang des Romains tués à Cannes. Scipion avait bien osé marcher sur Carthage, bien que pendant son consulat il n'eût pas même vu les Carthaginois en Italie. (9) Et lui, Hannibal, qui avait tué cent mille hommes à Trasimène et à Cannes, il avait perdu toute sa vigueur à Casilinum, à Cumes, à Nole. Ce fut au milieu de ces plaintes et de ces regrets qu'il fut arraché de l'Italie, dont il était depuis longtemps en possession.

Réactions à Rome après la libération de l'Italie

[XXX, 21]

(1) Rome apprit en même temps le départ de Magon et celui d'Hannibal. C'était un double sujet de joie; mais on se félicita moins en pensant que les généraux avaient montré, pour les retenir, suivant les instructions du sénat, trop peu de courage, ou n'avaient pas eu assez de forces. (2) D'ailleurs on était inquiet du résultat d'une guerre qui allait retomber de tout son poids sur un seul général et sur une seule armée.

(3) À la même époque arrivèrent des députés de Sagonte: ils amenaient des Carthaginois qu'ils avaient saisis avec des sommes d'argent, et qui étaient passés en Espagne pour y soudoyer des auxiliaires. (4) Ils déposèrent deux cent cinquante livres d'or et huit cents d'argent dans le vestibule de la curie. (5) On reçut leurs captifs et on les mit en prison; on rendit l'or et l'argent, puis on adressa des remerciements aux députés; on leur fit des présents et on leur donna des vaisseaux pour retourner en Espagne.

(6) Les vieux sénateurs rappelèrent ensuite "qu'on était plus indifférent au bien qu'au mal. Quelle terreur, quelle épouvante avaient produit le passage d'Hannibal en Italie? Ils ne l'avaient pas oublié. Depuis, quels désastres, quelles calamités ils avaient soufferts ! (7) On avait vu le camp ennemi des remparts de la ville. Que de voeux formés alors par chacun en particulier et par tout le peuple ! Que de fois dans les assemblées, on avait entendu des citoyens s'écrier en levant les mains au ciel: (8) Viendrait-il enfin le jour où l'on verrait l'Italie délivrée de ses ennemis fleurir au sein d'une heureuse paix? (9) Les dieux l'avaient accordé au bout de seize ans, et personne ne proposait de leur rendre des actions de grâces: tant il était vrai que, loin d'être reconnaissant des bienfaits passés, on recevait avec indifférence même la faveur présente !"

(10) Ce ne fut alors qu'un cri de toutes les parties du sénat pour que le préteur Publius Aelius fît une motion à ce sujet. On décréta cinq jours de supplications à tous les autels, et un sacrifice de cent vingt grandes victimes. (11) On avait déjà congédié Laelius et les envoyés de Masinissa, lorsqu'on apprit que les députés de Carthage, qui venaient pour traiter de la paix avec le sénat, avaient été vus à Pouzzoles et qu'ils feraient le reste du voyage par terre. On arrêta que Laelius serait rappelé, pour assister à la discussion. (12) Quintus Fulvius Gillo, lieutenant de Scipion, amena les Carthaginois à Rome; on leur défendit d'entrer dans la ville et on leur assigna un logement dans une villa de l'état; le sénat leur donna audience dans le temple de Bellone.

Réception de la délégation carthaginoise

[XXX, 22]

(1) Ils tinrent à peu près le même langage qu'en présence de Scipion, rejetant au nom de la nation toute la responsabilité de la guerre sur Hannibal. (2) "C'était lui qui, sans l'ordre du sénat, avait passé les Alpes, et même l'Èbre; qui de son autorité privée avait déclaré la guerre aux Romains, et avant eux aux Sagontins. (3) Le sénat et le peuple carthaginois n'avaient pas encore, à vrai dire, enfreint leur traité d'alliance avec Rome. (4) L'ambassade n'avait donc pour mission que de demander le maintien de la paix qui avait été conclue en dernier lieu avec le consul Gaius Lutatius."

(5) Conformément aux usages, le préteur ayant autorisé les sénateurs à adresser aux députés les questions qu'ils jugeraient à propos, les plus vieux de l'assemblée, qui avaient assisté aux négociations, les interrogèrent sur divers points. Mais les députés, pour la plupart jeunes encore, répondirent que leur âge ne leur permettait point de s'en souvenir: (6) alors de tous les côtés de la curie ce ne fut qu'un cri: "c'était un trait de foi punique, que d'avoir choisi pour réclamer une paix ancienne des hommes qui ne s'en rappelaient pas les conditions."

Discussion au sénat sur l'opportunité de conclure la paix

[XXX, 23]

(1) On fit ensuite retirer les députés et l'on alla aux voix. Marcus Livius était d'avis de mander le consul Gaius Servilius Géminus, qui était le plus voisin de Rome, pour le faire assister à la délibération. (2) "On ne saurait, disait-il, discuter une affaire plus importante que celle dont il était question; il ne croyait pas qu'on pût s'en occuper en l'absence de l'un des consuls, ou de tous les deux, sans compromettre la dignité du peuple romain." (3) Quintus Caecilius Métellus qui, trois ans auparavant, avait été consul et dictateur, rappelait "que c'était Publius Scipion qui, par la destruction des armées ennemies et la dévastation du territoire, avait réduit les Carthaginois à demander la paix en suppliants; (4) et que personne n'était plus en état d'apprécier avec justesse l'intention qui dictait cette demande que celui qui faisait la guerre aux portes de Carthage; il voulait donc que ce fût Scipion, et nul autre, qui décidât s'il fallait accorder ou refuser la paix."

(5) Marcus Valérius Laevinus, qui avait été deux fois consul, "voyait dans ces hommes des espions et non des députés; il fallait leur intimer l'ordre de quitter l'Italie, les faire escorter jusqu'à leurs vaisseaux et écrire à Scipion de continuer la guerre sans relâche." (6) Laelius et Fulvius ajoutèrent "que Scipion faisait reposer toutes les espérances de paix sur la supposition qu'Hannibal et Magon ne seraient pas rappelés d'Italie; que les Carthaginois mettraient en jeu toutes les manoeuvres possibles, tant qu'ils attendraient ces généraux et leurs armées; qu'ensuite, sans s'inquiéter des traités, même les plus récents, ni des dieux qui en sont garants, ils feraient la guerre." (8) Ce fut un motif de plus pour adopter la proposition de Lévinus. On congédia les députés sans leur accorder la paix et presque sans leur donner de réponse.

Rupture de la trêve

[XXX, 24]

(1) Vers le même temps, le consul Gnaeus Servilius Caepio, persuadé que la gloire d'avoir pacifié l'Italie lui appartenait, se mit à la poursuite d'Hannibal, comme si c'était lui qui l'eût chassé, et passa en Sicile, pour de là se transporter ensuite en Afrique. (2) Quand la nouvelle en arriva à Rome, les sénateurs décidèrent d'abord que le préteur écrirait au consul pour lui ordonner de la part du sénat de revenir en Italie; (3) mais sur l'observation du préteur que le consul ne tiendrait pas compte de sa dépêche, on créa tout exprès dictateur Publius Sulpicius Galba, qui, en vertu de son pouvoir supérieur, rappela le consul en Italie. (4) Il passa le reste de l'année avec Marcus Servilius Géminus, son maître de la cavalerie, à visiter les villes d'Italie que la guerre avait détachées de Rome, et à régler le sort de chacune d'elles.

(5) Pendant la trêve, la Sardaigne vit aussi partir sous les ordres du préteur Publius Lentulus cent vaisseaux de charge, avec des provisions et une escorte de vingt navires à éperons, qui abordèrent en Afrique sans avoir rencontré d'ennemis ni éprouvé de tempêtes. (6) Gnaeus Octavius qui avec deux cents vaisseaux de charge et trente vaisseaux longs fit voile de la Sicile, n'eut pas le même bonheur.(7) Sa traversée avait été heureuse jusqu'à ce qu'il fût à peu près en vue de l'Afrique: là, le vent tomba d'abord; puis il tourna et, soufflant de terre, il bouleversa et dispersa la flotte. (8) Le commandant avec ses vaisseaux de guerre lutta à force de rames contre la violence des flots, et aborda au promontoire d'Apollon. (9) Les bâtiments de transport furent poussés les uns sur l'île d'Égimure, qui ferme du côté de la pleine mer le golfe de Carthage, à trente milles environ de la ville; les autres en face même de la ville à la hauteur des Eaux-Chaudes.

(10) On voyait tout cela de Carthage: aussi courut-on en foule de toute la ville à la place publique. Les magistrats convoquèrent le sénat et l'on entendait dans le vestibule de la curie le peuple qui demandait d'un ton menaçant qu'on ne laissât pas échapper cette proie si belle qu'on avait sous les yeux et presque entre les mains. (11) Vainement les uns objectaient la paix qu'on sollicitait, et d'autres la trêve, dont le terme n'était pas encore expiré. Le sénat et le peuple, pour ainsi dire confondus, décidèrent qu'Hasdrubal passerait dans l'île d'Égimure avec une flotte de cinquante vaisseaux, et que de là il parcourrait les côtes et les ports pour recueillir les navires romains dispersés par la tempête. (12) Abandonnés par leurs équipages, qui avaient pris la fuite, les bâtiments de transport furent remorqués d'Égimure d'abord, puis des Eaux-Chaudes à Carthage.

Reprise de la guerre. Hannibal débarque près de Leptis (premiers mois de l'an 202)

[XXX, 25]

(1) Les députés n'étaient pas encore revenus de Rome, et l'on ignorait le parti qu'avait pris le sénat romain, sur la question de la guerre ou de la paix; la trêve n'était pas d'ailleurs expirée: (2) aussi Publius Scipion n'en fut-il que plus indigné contre ces perfides, qui avaient demandé la paix et une trêve et qui détruisaient eux-mêmes leurs espérances en violant leur parole; il envoya sur-le-champ comme ambassadeurs à Carthage Lucius Baebius, Lucius Sergius et Lucius Fabius. (3) Comme la multitude ameutée les avait presque insultés, ils craignirent que leur retour ne fût pas assuré, et demandèrent aux magistrats, dont l'intervention les avait sauvés de toute violence, d'envoyer des vaisseaux pour les escorter. (4) On leur donna deux trirèmes, qui, parvenues à l'embouchure de la Bagradas, d'où l'on apercevait le camp romain, revinrent à Carthage.

(5) La flotte carthaginoise était mouillée devant Utique: trois quadrirèmes s'en détachèrent, soit qu'un courrier de Carthage leur en eût secrètement porté l'ordre, soit qu'Hasdrubal, qui commandait la flotte, eût agi sans consulter la nation, et au moment où la quinquérème romaine doublait le cap, elles l'attaquèrent à l'improviste; (6) mais les Carthaginois ne purent atteindre de leurs éperons la galère qui fuyait rapidement, ni sauter à l'abordage, parce que leurs bâtiments étaient moins élevés. (7) Les Romains se défendirent avec vigueur tant qu'ils eurent des traits à bord; cette ressource épuisée, il n'y avait plus que le voisinage de la terre et la foule accourue du camp sur le rivage, qui pût les protéger. (8) En faisant force de rames, ils allèrent s'échouer à terre; le vaisseau seul périt; pour eux, ils échappèrent sains et saufs.

(9) Ces deux attentats, qui avaient eu lieu coup sur coup, avaient évidemment rompu la trêve, lorsque Laelius et Fulvius arrivèrent de Rome avec les députés carthaginois. (10) Scipion leur déclara que "malgré la perfidie des Carthaginois, qui avaient violé la sainteté de la trêve et le droit des gens dans la personne de ses députés, il ne leur ferait souffrir aucun traitement qui fût contraire aux usages du peuple romain et à son propre caractère." Puis il congédia les députés et se disposa pour la guerre.

(11) Cependant Hannibal approchait de la côte; il enjoignit à l'un de ses matelots de monter au haut du mât pour examiner dans quels parages il était; mais apprenant que la proue était tournée vers un tombeau en ruines, (12) il eut horreur de ce présage, ordonna au pilote de passer outre, et aborda à Leptis, où il débarqua ses troupes.

Bilan de l'année 203

[XXX, 26]

(1) Voilà ce qui se passa cette année en Afrique. Les opérations ultérieures tombèrent sur l'année où Marcus Servilius Géminus; qui était alors maître de la cavalerie, et Tibérius Claudius Néron furent nommés consuls. (2) À la fin de l'année précédente, une ambassade des villes alliées de la Grèce était venue se plaindre des dévastations commises par les troupes de Philippe et du refus qu'avait fait ce roi de donner audience aux députés chargés de lui demander une réparation; (3) elle avait annoncé aussi que quatre mille hommes, sous la conduite de Sopater, étaient, disait-on, passés en Afrique pour aller au secours de Carthage, et qu'on y avait envoyé en même temps des sommes assez considérables. (4) Le sénat fut d'avis de députer vers le roi, pour lui faire savoir qu'on regardait ces actes comme contraires aux traités. On choisit pour cette mission Gaius Térentius Varron, Gaius Mamilius, Marcus Aurélius: on leur donna trois quinquérèmes.

(5) Cette année fut signalée par un vaste incendie qui dévora jusqu'aux fondements tous les édifices de la rue Publicius; il y eut aussi un débordement du fleuve; les grains furent néanmoins à bas prix: outre que la paix avait ouvert tous les ports de l'Italie, (6) une grande quantité de blé avait été expédiée d'Espagne, et les édiles Marcus Valérius Falto ainsi que Marcus Fabius Butéo le distribuèrent par quartiers au peuple, à raison de quatre as la mesure.

(7) La même année mourut Quintus Fabius Maximus; il était fort âgé, s'il est vrai qu'il avait été soixante-deux ans augure, comme l'assurent certains auteurs. (8) C'était un homme bien digne du surnom qu'il portait, quand même il en eût été le premier honoré. Il avait été dans la carrière des honneurs plus loin que son père, aussi loin que son aïeul. Les victoires de son aïeul Rullus étaient plus nombreuses, les batailles qu'il avait livrées plus importantes; mais la lutte soutenue contre Hannibal valait à elle seule tous ces exploits. (9) On a plus vanté toutefois sa prudence que son activité; on ne saurait décider s'il fut temporisateur par caractère, ou si c'était un système qui convenait particulièrement à la guerre dont il était chargé; mais ce qu'il y a de certain c'est qu'il fut le seul général qui eût rétabli nos affaires en temporisant, comme l'a dit Ennius. (10) Il fut remplacé dans ses fonctions d'augure par Quintus Fabius Maximus, son fils; Servius Sulpicius Galba lui succéda comme pontife, car il cumulait deux sacerdoces. (11) Les Jeux Romains furent célébrés pendant un jour, et les Jeux Plébéiens pendant trois jours par les soins des édiles Marcus Sextius Sabinus et Gnaeus Trémillius Flacco: ces deux magistrats furent nommés préteurs, avec Gaius Livius Salinator et Gaius Aurélius Cotta. (12) On ne sait pas si les comices de cette année furent tenus par le consul Gaius Servilius Géminus, ou bien si, retenu en Étrurie, où il informait en vertu d'un sénatus-consulte sur les complots des principaux citoyens, il nomma dictateur pour les présider Publius Sulpicius Galba; c'est un point sur lequel les auteurs sont partagés.


 

 
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