L'Angleterre
sous les Plantagenêts (XII° - XIV° siècle)
CHAPITRE
SIXIÈME :
Edouard III (1327 - 1377) et Richard
II (1377 - 1400), les derniers Plantagenêts
V : Seconde
phase du conflit : la guerre Caroline (1369 à 1389) |
1° Les conflits périphériques –
En signant le
traité de Brétigny, l’Angleterre et la France s’étaient engagés à ne pas
porter les armes l’un contre l’autre. Cependant, les deux pays rivaux
s’affrontèrent indirectement, au cours de conflits opposant leurs alliés
respectifs.
a) La
troisième
phase de la
guerre de succession de Bretagne (1364 à 1365)
: la guerre
de succession de Bretagne avait éclaté en 1341, suite à la mort de Jean
III, duc de Bretagne, mort sans héritier.
Un violent affrontement avait alors
opposé Jean de Montfort (demi-frère de Jean III et soutenu par les
Anglais.) à Charles de Blois (époux de Jeanne de Penthièvre, fille de
Guy de Penthièvre, frère du défunt.). Cependant, après plus de vingt
années de guerre, le conflit n’était toujours pas terminé .
En 1364, peu de temps après avoir été
couronné roi, Charles V décida d’attaquer Jean IV, le fils de
Jean de Montfort (ce dernier était décédé en 1344.). Il confia cette
tâche à son meilleur général, Bertrand du Guesclin (à noter que
ce dernier était accompagné par Charles de Blois .).
Bertrand du Guesclin, gravure
issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT,
France, 1875.
Début 1364,
Jean IV, accompagné par son lieutenant l’anglais John Chandos,
parvinrent à s’emparer d’Auray, une forteresse appartenant aux partisans
de Charles de Blois depuis 1342.
Rapidement
entourés par les Français, les vivres ne tardèrent pas à manquer, et il
fut décidé d’organiser une bataille rangée entre les deux armées
(septembre 1364.).
Tout le monde
souhaitait que cette bataille soit décisive et mette fin à une guerre
qui durait depuis plus de vingt ans. Il fut alors donné l’ordre de ne
pas faire de quartiers.
Les troupes
de Du Guesclin affrontèrent donc celles de John Chandos, au cours de la
bataille d’Auray. L’affrontement opposa les cavaleries des deux
armées, dans un combat semblable à ceux qui avaient lieu au XIII°
siècle.
Au cours de la bataille, Charles de
Blois tomba à terre et fut achevé par un cavalier anglais
; du Guesclin, ayant cassé son épée, décida de se rendre à John Chandos.
Quelques mois
plus tard fut donc signé le traité de Guérande (avril 1365.) :
Jean IV fut alors reconnu comme héritier légitime, mais ne repoussa pas
totalement les prétentions des Penthièvre. En effet, si les Montfort
venaient à ne pas avoir d’héritiers mâles, la succession échoirait à la
descendance mâle des Penthièvre.
Jean IV, bien
que vainqueur et prêtant hommage au roi de France, restait néanmoins un
allié des Anglais. Edouard III était satisfait de voir la victoire de
son allié ; quant à Charles V, il était encore trop faible pour refuser
de valider cette paix.
b) La guerre en Espagne (1366 à 1369)
: à cette époque, Henri II de Trastamare revendiquait la
couronne de Castille, appartenant à son demi-frère Pierre I° .
Ce dernier,
né en août 1334, monta sur le trône en 1350. A cette époque, le
souverain étant encore jeune, et ses ministres lui firent épouser en 1352
une française, Blanche de Bourbon, afin de resserrer les liens
entre la Castille et la France.
Cependant,
Pierre I°, infidèle, répudia la jeune femme au bout de quelques mois.
Ce
comportement ne plut pas au pape Innocent VI, qui excommunia le roi. En
outre, les barons ne tardèrent guère à se révolter, soutenus dans leur
lutte par les demi-frères de Pierre I°, qui avait été évincés du
pouvoir.
Pendant près
de dix ans, le roi de Castille lutta contre ses demi-frères, parvenant à
les éliminer les uns après les autres. C’est alors que l’un d’entre eux,
Henri II de Trastamare, fit appel au roi de France.
Charles V
répondit favorablement, et envoya du Guesclin en Espagne, à la tête
d’une armée de mercenaires (l’objectif était de débarrasser la France
des grandes compagnies qui terrorisaient le pays.). Pierre le Justicier,
voyant arriver les troupes françaises, décida d’abandonner ses Etats et
se réfugia auprès de son oncle Pierre I° de Portugal.
Henri II et
du Guesclin surent profiter de l’antisémitisme qui régnait alors,
accusant Pierre le Justicier d’être un ami des juifs (ce dernier, plutôt
tolérant, faisait souvent appel à des financiers d’origine juive.).
Au cours de
l’été 1366, Pierre le Justicier appela à l’aide Edouard III, roi
d’Angleterre, qui envoya alors son fils le Prince Noir en Espagne.
En avril 1367, les deux belligérants
s’affrontèrent au cours de la bataille de Najera .
Du Guesclin, qui avait suffisamment affronté les troupes anglaises pour
connaître leur stratégie, préféra ne pas les attaquer de front.
La bataille de Najera, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques,
Paris, France, XV°siècle.
Cependant, Henri II n’écouta pas les conseils de son allié, et
décida de lancer la charge.
Très
rapidement, les troupes du castillan furent mises en pièces par les
redoutables archers anglais. En outre, du Guesclin fut capturé par
l’ennemi.
Les Anglais
venaient d’offrir la victoire à Pierre le Justicier, mais ce dernier
refusa de rembourser ses alliés qui avaient dépensé de grosses sommes
d’argent pour mettre sur pied toute une armée. Le Prince Noir et son
armée, frappés par la dysenterie, quittèrent alors l’Espagne,
abandonnant Pierre le Justicier à son sort.
C’est alors
que Henri II et du Guesclin (Charles V avait payé une forte rançon pour
sa libération.) attaquèrent Pierre I° une nouvelle fois. Début 1369, ce
dernier se réfugia dans la forteresse de Montiel, assisté de contingents
maures.
Les Français
mirent alors le siège devant le château, et en mars de la même année,
Pierre I° décida de négocier.
Se rendant
dans la tente de du Guesclin, Henri II affronta son rival en duel
singulier et le tua.
La mort de Pierre I°, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage
Chroniques, Paris, France, XV°siècle.
Par la suite,
Henri II fut couronné roi de Castille, et l’Angleterre perdit le
contrôle de la situation dans cette région.
c)
La fin de la
seconde guerre d’indépendance de l’Ecosse et le renouvellement de la
Vieille Alliance
: le roi d’Ecosse David II, qui avait été capturé suite à la bataille de
Neuville Cross, en 1346,
fut libéré onze années plus tard, en 1357.
Portrait de David II, par David
George JAMESON.
Conformément au traité de Berwick, les Ecossais devaient
payer une rançon de 100 000 marks à Edouard III en échange de la
libération de David II.
Cependant,
David II ne tarda guère à s’attirer les foudres de la population, taxant
lourdement un pays déjà ravagé par les guerres et la peste noire.
Le roi
d’Angleterre, quant à lui, occupé par la guerre de Cent Ans, avait alors
quasiment abandonné ses prétentions sur l’Ecosse (à noter que son allié
Edouard Balliol mourut sans enfants en 1364.). En outre, le conflit
contre la France devenant plus difficile sous le règne de Charles V,
Edouard III ne réclama pas la totalité de la rançon (au final, les
Ecossais ne payèrent que les trois quarts de la somme.).
En 1371,
Charles V et le roi d’Ecosse réactivèrent la Vieille Alliance,
s’engageant à ne plus signer de paix séparée avec l’Angleterre (comme
cela avait été le cas lors du traité de Brétigny.).
A noter que
Charles V décida en outre de soutenir Yvain de Galles, un
prétendant au trône gallois, réfugié en France.
2° Edouard
III incapable de résister à la stratégie de Charles V –
Au cours de ses dernières années de règne, Edouard III fut confronté à
un adversaire bien plus compétent que ses prédécesseurs : le roi de
France Charles V.
Charles V, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par
François GUIZOT, France, 1875.
Ce dernier,
parvenant à débarrasser la France de la menace des grandes compagnies,
mettant fin à la guerre de succession de Bretagne, et parvenant à se
débarrasser de Charles le Mauvais, ne tarda guère à reprendre la guerre
contre l’Angleterre.
a) Les
clauses du traité de Brétigny : suite à la signature du traité de
Brétigny, le roi d’Angleterre recevait plusieurs nouvelles possessions
en France (en gros la totalité du sud ouest de la France, soit un tiers
du royaume.) ; abandonnait ses prétentions sur la Normandie, la Flandre
et la Bretagne ; renonçait au titre de roi de France.
En outre, la
rançon de Jean II passait de quatre à trois millions d’écus (la rançon
ne fut jamais payée du fait du retour de Jean II en Angleterre.), et les
deux pays s’engageaient à ne plus prendre les armes pour s’affronter.
Néanmoins, le
traité prévoyait que la suzeraineté du roi d’Angleterre sur ses
nouvelles possessions ne serait effective qu’après la remise de
celles-ci par Charles V (la renonciation d’Edouard III à la couronne de
France interviendrait au même moment.). Cependant, Charles V ne cessait
de retarder le transfert des territoires, et les Anglais ne pouvaient
donc pas prendre les armes contre le roi de France pour le contraindre à
accélérer le processus.
b)
L’erreur du prince noir : comme nous l’avons vu précédemment,
le Prince Noir (sous les ordres du roi de Castille Pierre le Justicier.)
avait affronté les armées franco-castillanes (commandées par Henri II de
Trastamare et Bertrand du Guesclin.) au cours de la bataille de Najera,
en 1367.
Remportant la bataille, le Prince Noir, malade, ne fut pas remboursé
par Pierre I°, et dut rentrer précipitamment en France.
Incapable de payer ses troupes, Edouard
leva alors un fouage
en Aquitaine en janvier 1368. Cependant, Jean I°, comte
d’Armagnac, proche de Jean II, qui avait dut servir à contre cœur son
nouveau suzerain le Prince Noir lors du conflit en Castille, réclama la
solde de ses hommes. Edouard, exaspéré, lâcha alors ses compagnies en
Rouergue, possessions de Jean d’Armagnac.
Ce
dernier en appela alors à Edouard III, argumentant que le Prince
Noir, en tant que suzerain, aurait du protéger le Rouergue des
compagnies. Mais comme le roi d’Angleterre ne répondit pas, Jean I°
fit alors appel à Charles V, en mai 1368.
Le roi de
France rappela alors au roi d’Angleterre que le transfert de suzeraineté
ne s’effectuerait que lors de la remise des territoires par le roi de
France, ce qui n’avait pas encore été effectué.
Dès lors, le
Prince Noir avait commis une faute en levant un impôt sur en Aquitaine,
une terre qui ne lui appartenait pas encore. La cour de Justice mit
alors en place une procédure pour condamner Edouard et remettre en cause
le traité de Brétigny.
Pendant ce
temps, Charles V tenta par la diplomatie de s’allier avec les seigneurs
gascons, indignés par le sort que le Prince Noir et son père avaient
réservé à Jean d’Armagnac.
Le roi
d’Angleterre, s’apercevant du plan de Charles V, décida alors de se
proclamer roi de France en juin 1368. Le Valois, de son côté, confisqua
alors l’Aquitaine.
Le conflit
reprit une nouvelle fois, mais Charles V, en fin tacticien, avait le bon
droit avec lui.
A ce sujet,
Jean de Gand, duc de Lancastre, plaisantait avec son père Edouard
III : notre adversaire n’est pas un sage prince. Ce n’est qu’un
avocat. Ayant appris ce qu’il se disait sur lui à Londres, le roi de
France répondit : si nous sommes avocat, nous allons bâtir des procès
dont la sentence ennuiera les Anglais.
c) Les
Anglais en perte de vitesse (1369 à 1371) : en quelques mois, de
nombreuses ville, échaudées par le sort du comte d’Armagnac, acceptèrent
de rallier Charles V.
Quelques
garnisons anglaises tentèrent cependant de résister à ses révoltes
populaires, mais elles ne purent lutter efficacement, séparées les unes
des autres.
Edouard III
demanda alors au parlement des subsides afin de mener la guerre sur le
continent, mais il ne reçut rien d’autre que l’autorisation de lancer de
nouvelles chevauchées en France (le système était peu onéreux, mais il
était impossible de tenir le pays de cette manière.).
En août 1369,
Jean de Gand (une des fils d’Edouard III.) débarqua à Calais. Ravageant
l’Artois, il se rendit ensuite en Haute Normandie, où Philippe de
Bourgogne (un des fils de Jean II.) refusa de le combattre. Par la
suite, Jean de Gand parvint à mettre fin aux préparatifs d’un
débarquement français en Angleterre, et détruisit Harfleur.
Jean de Gand.
Doté d’un
important butin et d’importants prisonniers français, l’Anglais décida
de retourner à Calais.
Cependant, ce
système de chevauchées, s’il ne coûtait rien aux Anglais, entrainait la
haine des Français à leur égard. En outre, cette anglophobie était
amplifiée par le fait qu’Edouard III, en 1361, avait décidé de faire de
l’anglais la langue nationale, alors qu’auparavant le français était la
langue utilisée par la noblesse anglaise.
En novembre
1369, protestant contre la chevauchée de Jean de Gand, Charles V
confisqua la Guyenne. Cependant, il fallait encore rendre la sentence
exécutoire.
Le mois
d’après, John Chandos (l’anglais avait été fait sénéchal du Poitou par
le Prince Noir.) dévasta la Creuse, poussant même jusqu’à la Loire. Mais
sur le chemin du retour, Chandos fut tué par un groupe de routiers
français.
L’année
suivante, en 1370, Charles V s’empara de nombreuses cités se trouvant
dans les plaines de la Garonne. Le duc de Berry (un des fils de Jean
II.), quant à lui, s’empara de Limoges en août. Mais il quitta la
ville au bout d’un jour, ne laissant derrière lui qu’une petite troupe
dirigée par des chefs inexpérimentés.
Cependant, à
la même époque, Robert Knowles, un chef de guerre anglais, se
lança dans une chevauchée en partant de Calais. Pillant l’Artois et la
Picardie, les Anglais mirent la main sur un important butin.
En
apprenant la soumission de Limoges au roi de France, Knowles décida de
faire un exemple. La cité tomba entre les mains des Anglais en
septembre, et ces derniers en profitèrent pour la piller sans vergogne.
La population fut massacré, les monuments furent détruits, les femmes
furent violées, etc.
Les Anglais
pensaient ainsi dissuader les cités de rejoindre le camp de Charles V ;
cependant, c’est l’effet inverse qui se produisit, cette exaction
renforçant l’anglophobie des populations françaises.
Peu de temps
après, Knowles et ses hommes arrivèrent sous les murs de Paris.
Olivier de Clisson,
nommé connétable par Charles V, décida de suivre la tactique du roi qui
consistait à ne pas livrer de batailles rangées contre les Anglais.
Cependant, du Guesclin rentrant victorieux de Castille (il fut alors
fait connétable en octobre.), il reçut l’ordre d’harceler les troupes de
Robert Knowles.
Bertrand du Guesclin nommé connétable par Charles V, par Jean Fouquet,
enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques
de France,
Paris, France, XV°siècle.
En décembre
1370, les Français attaquèrent par surprise le campement anglais, basé
alors à Pontvallain. L’assaut fut un franc succès, les troupes de Robert
Knowles se retirant dans le désordre.
En janvier
1371, le Prince Noir, malade et déçu par ces revers anglais, décida de
quitter la France (il n’y revint jamais, mourant quatre années plus
tard, peu de temps avant son père Edouard III.)
En juillet
1371, le duc de Bretagne Jean IV rencontra le roi d’Angleterre à
Londres, passant avec lui un traité d’alliance. Cependant, cet accord
qui devait rester secret ne tarda pas à être ébruité.
Cela
n’arrangea pas les affaire de Jean IV, car ce dernier avait prêté
hommage au roi de France : sa bienveillance à l’égard d’Edouard III
pouvait être considérée comme de la félonie et punie par une
confiscation de ses Etats.
Charles V ne
tarda pas à apprendre le double jeu de son vassal, et envoya Olivier de
Clisson et du Guesclin en Bretagne afin de s’emparer du duché. En avril
1372, Jean IV, vaincu, s’embarqua pour l’Angleterre.
Les Anglais
furent peu à peu repoussés dans cette région, et ne conservèrent que
Brest.
d) Les
Anglais chassés du continent (1372 à 1375) : après une année plus
calme, au cours de laquelle les Anglais n’osèrent pas mettre le pied sur
le territoire français, le conflit rebondit en 1372, avec le conflit en
Castille.
En effet,
Jean de Gand avait épousé en 1371 Constance de Castille, fille de
feu Pierre le Justicier, ancien roi de Castille détrôné par Henri II de
Trastamare, allié aux Français.
Les Anglais
mirent une flotte sur pied, bien décidés à en découdre avec les
Castillans. Cependant, bien qu’en infériorité numérique, ces derniers
n’hésitèrent pas à attaquer les navires anglais au cours de la
bataille de La Rochelle, en juin 1372.
La bataille de La Rochelle, par Jean Froissart, enluminure issue de
l'ouvrage Chroniques,
Paris, France, XV°siècle.
Les
Castillans, bien que possédant moins de navires, avaient cependant un
tirant d’eau moins important (ils pouvaient donc s’approcher des côtes
plus facilement que les navires anglais.). En outre, les Castillans
disposaient de canons et du feu grégeois, ce qui leur conféra un
avantage non négligeable.
Au final,
l’expédition fut un franc succès pour les Castillans, qui parvinrent à
capturer de nombreux seigneurs anglais.
La bataille
de La Rochelle fut un désastre pour les Anglais. Non seulement ils
perdirent la maîtrise des mers, mais en plus ils étaient privés de tout
soutien logistique sur le continent.
De ce fait,
Charles V put relancer la campagne pour reconquérir le Poitou, l’Aunis,
la Saintonge et l’Angoumois.
Cette
reconquête fut moins aisée que la première, de nombreux seigneurs ayant
des liens économiques très forts avec l’Angleterre (exportations de
sel.).
Devant ces
échecs successifs, les Anglais décidèrent de se lancer dans une nouvelle
chevauchée. Le Prince Noir, malade, ne put y participer, et ce fut son
frère Jean de Gand qui fut à la tête de cette expédition.
Débarquant à
Calais en juillet 1373, l’objectif des Anglais était de délivrer les
forteresses du Poitou, de Bretagne et de Normandie. Dans le courant du
mois d’août, progressant lentement pour ne pas être attaqué par
surprise, Jean de Gand traversa la Somme, le Vermandois, la Champagne et
la Bourgogne. Evidemment, les Anglais ne se privèrent pas pour piller et
dévaster tout ce qui se trouvait sur leur chemin.
Charles V,
quant à lui, décida de s’en tenir à la stratégie de la terre déserte.
Mieux vaut pays pillé que pays perdu, argumentaient de Clisson et du
Guesclin, au grand dam des frères du roi.
Les deux
connétables ne se privèrent cependant pas pour harceler les troupes de
Jean de Gand, qui avaient obliqué vers le sud, en direction de
l’Auvergne.
Souffrant des
rigueurs de l’hiver et des escarmouches lancées par les Français, les
Anglais parvinrent à rejoindre Bordeaux, très diminués et n’ayant
remporté qu’un faible butin.
A la fin de
l’année, le pape Grégoire XI parvint à convaincre les deux
belligérants de signer une trêve.
En juin 1374,
la trêve expira, et Charles V repartit à l’attaque. Louis d’Anjou
(le frère du roi.) marcha
sur l’Aquitaine (il échoua cependant à s’emparer de Bayonne.) ; du
Guesclin attaqua la Guyenne, progressant jusqu'aux environs de Bordeaux.
Cependant, au
printemps 1375, les Anglais contre-attaquèrent en débarquant en
Bretagne. Mais l’expédition fut un échec, et une trêve fut signée au
mois de juin.
A cette
époque, Edouard III ne détenait plus en France que Calais, Bordeaux et
Bayonne.
Par la suite,
quelques tentatives de paix furent menées, entre 1375 et 1377, mais
elles n’aboutirent pas.
En
Angleterre, Edouard III et le prince noir étant gravement malades, le
pouvoir était exercé de fait par Jean de Gand, un des fils du roi
d’Angleterre.
A cette
époque, un scandale de corruption au sein de la cour emmena Edouard III
à réunir le Parlement (avril à juillet 1376.). Afin de mettre fin aux
mécontentements, les parlementaires décidèrent de prendre plusieurs
décisions : le conseil privé du roi fut assaini (certains conseillers,
soupçonnés de détournement d’argent, furent emprisonnés.) ; Alice
Perrers, la maîtresse du roi, fut condamnée à l’isolement car jugée
trop envahissante ; et de nouveaux conseillers furent choisis.
Ce fut à
cette occasion que le prince noir fit reconnaitre son fils Richard II
comme légitime héritier du trône d’Angleterre. Edouard III et Jean de
Gand reconnurent le jeune garçon, ainsi que le Parlement peu de temps
après.
A noter que
cette assemblée fut surnommée le Bon Parlement, de par les
mesures qu’elle avait prises.
Peu de temps
après, en juin 1376, le Prince Noir mourut.
Tombe du Prince Noir, cathédrale de
Canterbury, Londres.
Jean de Gand,
apprenant la nouvelle, ne tarda pas à dissoudre ce Parlement qu’il
n’aimait guère (en effet, le prince noir avait été un partisan de cette
assemblée.). Par la suite, le fils d’Edouard III décida de convoquer une
nouvelle assemblée, surnommée le Mauvais Parlement (janvier à
mars 1377.), afin d’annuler toutes les dispositions qui avaient été
prises par le Bon Parlement (à noter que les parlementaires votèrent
l’adoption d’une nouvelle taxe, qui fut évidemment bien mal accueillie
par la population.).
Un an après
la mort du prince noir, en juin 1377, ce fut au tour d’Edouard III de
rendre l’âme. Ainsi, ce fut donc Richard II qui monta sur le trône,
conformément à ce qui avait été prévu précédemment.
Cependant, le
sacre du nouveau souverain ne changea pas la situation des Anglais.
Richard II n’était alors qu’un enfant (né à Bordeaux en 1367, le jeune
roi n’avait alors que dix ans.), et en Angleterre le moral était au plus
bas.
3° Le Grand
Schisme d’Occident (1378) –
Depuis 1305,
les papes avaient quitté Rome et vivaient en Avignon. Le premier à avoir
fait ce choix, le Français Clément V, était un proche du roi de
France Philippe le Bel.
Depuis cette
date, tous les papes qui s’étaient succédés étaient d’origine française,
et avaient nommé de nombreux cardinaux, d’origine française eux aussi.
En 1377, Grégoire XI mourut, et l’année d’après fut élu Urbain VI
à Rome.
Le nouveau
pontife ne tarda guère à s’opposer aux cardinaux, qui, alliés avec le
royaume de Naples, élurent le Français Clément VII.
Les pays d’Europe soutinrent l’un des
deux papes au gré de leurs affinités diplomatiques avec leurs voisins :
l’Angleterre, l’Italie, la Hongrie et la Pologne soutinrent Urbain VI ;
au contraire, la France, le royaume de Naples ,
l’Ecosse, la Castille, les duchés de Lorraine, d’Autriche et de
Luxembourg soutinrent Clément VII.
Le Grand
Schisme d’Occident fut un problème très long à régler, car en effet
il dura pendant quarante ans.
4° Le règne
de Richard II (1377 à 1400) –
Le jeune Richard II étant mineur, trois conseils furent mis en place,
entre juin 1377 et janvier 1380. Cependant, le pouvoir était entre les
mains de Jean de Gand et de ses frères, Edmond de Langley, duc
d’York, et Thomas de Woodstock, duc de Gloucester.
Richard II, gravure issue de l'ouvrage Cassell's history of
England, Angleterre, 1902.
A noter que la situation était similaire
en France. En effet, Charles V mourut en septembre 1380, laissant le
pouvoir à son fils Charles VI. Ce dernier étant alors trop jeune
pour gouverner, la régence fut confiée à ses oncles, Louis d’Anjou,
Philippe de Bourgogne et Jean de Berry .
Gisant de Charles V, 1374, église saint Denis, Paris.
Cependant, peu de temps après le
couronnement de Charles VI, plusieurs révoltes éclatèrent dans le sud de
la France (les régents ayant décidé d’annuler la décision de Charles V
d’abolir les fouages .).
Une fois
de plus, la même situation survint en Angleterre, le jeune roi se
retrouvant confronté en 1381 à la révolte des paysans.
a) La
révolte des paysans (1381) : à cette époque, les Anglais avaient
perdu en France la plupart des territoires acquis suite au traité de
Brétigny, en 1360. En outre, suite à la bataille de La Rochelle, en
1372, les Anglais avaient aussi perdu la maîtrise des mers.
Richard II
étant encore très jeune (il était né en 1367.), il était impossible de
se lancer dans de nouvelles expéditions avant plusieurs années.
Cependant,
l’Angleterre était une nation alors très dépendante de son commerce
extérieur : aucune trêve n’ayant été signée, impossible d’acheter du sel
en Poitou et du vin de Guyenne, ou de vendre de la laine en Flandre.
Autre motif
de mécontentement, un nouvel impôt fut mis en place lors de la réunion
du Mauvais Parlement, dont furent exemptés la noblesse et le clergé.
Une révolte éclata donc en 1381 dans
l’Essex, mais ne tarda guère à prendre de l’ampleur. En outre, ce
mouvement de contestation contre l’autorité fut aussi un mouvement de
protestation religieuse : en effet, l’Eglise était alors en plein
schisme, et de nombreux prédicateurs, inspiré par les ordres mendiants,
souhaitaient ‘purifier’ la papauté (dénonciation de la corruption, de la
simonie ,
du népotisme,
de la richesse du clergé, etc.).
En juin 1381,
le mouvement, mené par Wat Tyler (un paysan ayant fait la guerre
en France.), aurait rassemblé près de 100 000 personnes selon les
sources de l’époque.
Le jeune roi
décida alors d’aller à la rencontre des insurgés, montant dans une
barque et traversant la Tamise. Cependant, voyant la foule des paysans
en colère, Richard II prit peur et décida de faire rebrousse chemin.
Richard II fuit devant Wat Tyler et les insurgés, par Jean Froissart,
enluminure issue de l'ouvrage Chroniques,
Paris, France, XV°siècle.
Wat Tyler
décida alors d’assiéger Londres, dont les citadins de la ville ouvrirent
rapidement les portes. Voyant l’ennemi pénétrer dans la capitale,
Richard II se réfugia à la tour de Londres. Cependant, les insurgés
s’emparèrent rapidement de la forteresse, et le roi d’Angleterre parvint
à s’enfuir une nouvelle fois.
Le roi
d’Angleterre, après avoir réuni quelques milliers de soldats en toute
hâte, accepta de rencontrer Wat Tyler. Ce dernier demanda au roi
d’abolir le servage et le nouvel impôt.
Cependant,
insulté par William Walworth, le maire de Londres, Wat Tyler tira
sa dague du fourreau et tenta de poignarder son adversaire. Cependant,
ce dernier étant protégé par une côte de maille, prit son épée en main
et tua Wat Tyler.
La mort de Wat Tyler, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques,
Paris, France, XV°siècle.
La mort de Wat Tyler, gravure issue de l'ouvrage Cassell's history of
England, Angleterre, 1902.
Richard II
décida alors de se rendre auprès des insurgés en disant que Tyler avait
tenté de l’assassiner, que leurs griefs seraient écoutés, et qu’ils
devaient se disperser.
Comme les
révoltés refusèrent d’écouter le roi, ce dernier ordonna à ses hommes de
donner l’assaut. Les paysans, bien qu’étant en large supériorité
numérique, furent cependant taillés en pièces par les soldats du roi.
La révolte
prit ainsi fin, sans que le servage et le nouvel impôt ne soient abolis.
b) La
crise de 1387 – 1388 : peu de temps après la révolte de Wat Tyler,
Richard II épousa Anne de Bohème, une fille de l’Empereur
germanique Charles IV (janvier 1383.).
Par la suite,
le jeune souverain décida alors de s’affranchir de la tutelle de ses
oncles, écartant aussi plusieurs barons du gouvernement.
Richard II décida alors de constituer un
nouveau conseil privé, réunissant ses plus proches favoris (tels que
Robert de Vere, comte d’Oxford, ou Michael de la Pole, comte
de Suffolk .).
Les nobles écartés du pouvoir décidèrent
alors de former un groupe, les Seigneurs Appelant ,
menés par Thomas de Woodstock, duc de Gloucester, et Richard FitzAlan,
comte d’Arundel.
Ces
derniers refusaient la politique pacifiste de Richard II vis-à-vis
de la France, et souhaitaient poursuivre la guerre (l’objectif était
pour eux d’augmenter leur richesses, non pas de préserver le bien de
la nation.).
Peu de temps
après, en 1386, le Parlement demanda au roi d’Angleterre de se séparer
de ses impopulaires favoris.
Richard II
refusa, et les parlementaires lui rappelèrent alors qu’il était encore
légalement mineur, et qu’un conseil de régence serait alors formé pour
régner en son nom.
Le roi fit
alors arrêter Richard FitzAlan en représailles. Cependant, les Seigneurs
Appelant ne l’entendirent pas de cette oreille et décidèrent d’affronter
l’armée du roi, dirigée par Robert de Vere.
Le favori du
roi, à la tête d’une petite armée de 5 000 hommes, décida d’en découdre
avec les rebelles, qui avaient bloqué les routes menant à Londres.
Cependant, alors qu’ils traversaient la Tamise, près de Radcot, de Vere
et ses hommes furent attaqués par les insurgés.
La bataille de Radcot, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques,
Bruges, Belgique, XV°siècle.
Le favori du
roi parvint à s’enfuir, mais ses hommes, apprenant la fuite de leur
chef, n’hésitèrent pas à se rendre.
La fuite de Robert de Vere, par Jean Froissart, enluminure issue de
l'ouvrage Chroniques,
Bruges, Belgique, XV°siècle.
Les Seigneurs
Appelant, suite à la bataille de Radcot, rentrèrent dans Londres
facilement, et enfermèrent Richard II à la tour de Londres. Par la
suite, en février 1388, les barons convoquèrent une nouvelle assemblée,
qui fut surnommée le Parlement Sans Merci.
Les
parlementaires décidèrent alors de s’en prendre aux proches du roi, qui
furent exilés ou exécutés (à noter que Robert de Vere et Michael de la
Pole s’étaient déjà enfuis lorsque la sentence fut rendue.).
Richard II,
dépouillé de son autorité, n’était plus qu’une marionnette entre les
mains des barons.
c) Le
second règne de Richard II (1389 à 1397) : alors que Richard II
se trouvait dans une situation difficile, son oncle Jean de Gand
était en Espagne, réclamant la couronne de Castille (en effet, ce
dernier avait épousé en 1371
Constance
de Castille,
fille de feu Pierre le Justicier.). Cependant, le pouvoir était à
l’époque entre les mains de Jean I°, le fils d’Henri II de
Trastamare.
Jean de Gand reçevant la reddition des habitants de Saint Jacques de
Compostelle , par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques,
Bruges, Belgique, XV°siècle.
En 1387, les
deux belligérants finirent cependant par trouver un arrangement :
Henri III (le fils de Jean I°.) épousant Catherine (la fille
de Jean de Gand et Constance de Castille.).
En 1389, Jean
de Gand rentra finalement en Angleterre, et décida de restaurer
l’autorité de Richard II.
Le jeune
souverain, une fois revenu au pouvoir, décida de ménager ses sujets,
organisant des tournois, favorisant les arts et les lettres, etc.
Cependant, nombreux furent les barons
qui comparèrent Richard II à son aïeul Edouard II, en raison de son peu
de goût pour la guerre. En effet, le roi d'Angleterre fut particulièrement
critiqué pour avoir signé une paix de 28 ans avec la France en mars 1396
(à cette occasion, le roi d’Angleterre épousa Isabelle de Valois,
fille de Charles VI .).
A noter
qu’en décembre de la même année, Richard II vendit Brest au duc de
Bretagne Jean IV.
Cependant, Richard II ne tarda guère à
vouloir transformer la monarchie anglaise en monarchie absolue, basée
sur le système français (faisant fi de la Grande Charte, signée par le
roi Jean en 1215 .).
c) La
déposition de Richard II (1397 à 1400) : finalement, quand il jugea
que l’heure était arrivée, le roi d’Angleterre décida de se débarrasser
des encombrants Seigneurs Appelants.
Prétextant un
complot, Richard II fit exécuter Richard FitzAlan, comte d’Arundel, et
emprisonna Thomas de Woodstock, comte de Gloucester (ce dernier mourut
en prison en 1397, sans doute assassiné.).
L'assassinat de Thomas de Woodstock, par Jean Froissart, enluminure
issue de l'ouvrage Chroniques,
Bruges, Belgique, XV°siècle.
Richard II, à
cette époque, n’avait toujours pas d’héritiers, bien qu’ayant été marié
deux fois. Son héritier présumé était donc Roger Mortimer, comte
de March (ce dernier était le fils de Philippa, fille de Lionel
d’Anvers, second fils d’Edouard III.). Puis, à la mort de Roger
Mortimer, l’héritier présumé de la couronne revint à son jeune fils
Edmond Mortimer.
Cependant, l’attention de Richard II se
porta plutôt sur son cousin Henri, duc d’Hereford (ce dernier
était le fils aîné de Jean de Gand.). En 1398, suite à une querelle avec
Thomas de Mowbray, duc de Norfolk, Richard II décida d’exiler les
deux barons (Henri décida alors de se réfugier à la cour du roi de
France .).
La querelle entre Henri d'Hereford et Thomas de Mowbray, par Jean
Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques,
Bruges, Belgique, XV°siècle.
Jean de
Gand accepta cette décision, et, après son décès en 1399, le roi
d’Angleterre décida en outre de confisquer les biens d’Henri.
Par la suite,
Richard II partit faire la guerre à l’Irlande. Profitant de l’absence de
son cousin, Henri décida de débarquer dans le Yorkshire, à la tête d’une
petite armée financée par la France. Recevant le soutien de la
population et de la noblesse, il marcha sur Londres afin de réclamer son
héritage.
Dans un
premier temps, Henri ne souhaitait pas renverser Richard II. Cependant,
comme le roi mit plusieurs semaines à rentrer d’Irlande, de nombreuses
voix s’élevèrent en faveur d’Henri, incitant ce dernier à s’assoir sur
le trône.
Richard II,
capturé alors qu’il se trouvait au Pays de Galles (juillet 1399.), fut
alors destitué par le Parlement et enfermé au château de Pontefract.
L'abdication de Richard II, par Jean Froissart, enluminure issue de
l'ouvrage Chroniques,
Bruges, Belgique, XV°siècle.
Le
duc d’Hereford, quant à lui, fut alors couronné roi sous le nom d’Henri
IV.
Couronnement d'Henri IV et mort de Richard
II, par Jean de Wavrin, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques d'Angleterre,
Belgique, XV° siècle.
A noter que
Richard II, à l’instar de son aïeul Edouard II, ne survécu pas longtemps
suite à sa destitution, mourant en février 1400 (peut être mourut il de
faim.).
Ainsi prenait fin la dynastie des Plantagenêts.
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