1° La
renaissance carolingienne – Si, suite à la chute de l’Empire romain,
les peuples germains n’avaient pas cherché à détruire toute trace de la
civilisation antique, force est de constater que la Gaule avait connu un
certain appauvrissement culturel en l’espace de plusieurs siècles.
Ainsi, les écoles
publiques fermèrent à compter du VI° siècle, principalement en raison du
déclin des villes. En effet, les vieilles cités romaines s’étaient
dépeuplés, en raison d’un déplacement des centres de pouvoirs ; mais
aussi de la peste de Justinien, qui avait frappé le bassin
méditerranéen entre le VI° et le VIII° siècle.
Relief tombal décrivant un scène d'école, vers 200 après Jésus Christ,
Deutsches historisches museum, Berlin.
En parallèle de la
fermeture des vieilles écoles publiques, l’Eglise ouvrit peu à peu des
écoles épiscopales et monastiques, ces dernières étant cependant
réservées aux jeunes se destinant à la vie ecclésiastique.
Charlemagne dut
s’adresser à l’Italie et à la Grande Bretagne pour trouver des lettrés
(ces deux pays étaient reconnus pour leurs écoles monastiques) : il fit
venir d’Angleterre le moine Alcuin ; et d’Italie le grammairien
Pierre de Pise, ainsi que le moine Paul Diacre, auteur de
l’Histoire des Lombards.
Charlemagne s’entoura
aussi de Francs, reconnus pour leur savoir : Angilbert, élève
d’Alcuin et gouverneur de Pépin ; Eginhard, orfèvre et architecte (futur
historien des Carolingiens) ; Leidrade, bibliothécaire du roi et
évêque de Lyon ; Théodulfe, évêque d’Orléans ; etc.
2° Ecoles
chrétiennes – Pour mettre l’enseignement à la portée de tous,
Charlemagne fit promulguer le capitulaire Admonitio generalis (ou
exhortation générale) en 789 : chaque évêché et chaque monastère
devait ouvrir une double école ; l’une intérieure, l’autre
extérieure.
La première était
réservée aux clercs et aux moines. Le cercle des études était assez
étendu ; on y enseignait la théologie, le droit canon,
les sept arts libéraux
(les manuels permettant l’apprentissage de ces matières étaient soit
contemporains, soit antiques).
Au contraire, l’école
extérieure était ouverte gratuitement à tout venant ; on y enseignait la
foi, les prières, les psaumes, le chant, la grammaire, la lecture et
l’écriture.
Théodulfe, évêque
d’Orléans, alla plus loin que ne le demandait l’ordonnance royale ; il
ouvrit, dans chaque paroisse de son diocèse, une école gratuite que
devait être dirigée par un prêtre.
Par ailleurs,
Charlemagne demanda aux évêques que les clercs fussent bien formés au
chant, mais aussi à la calligraphie, art indispensable pour la
conservation du savoir (c’est ainsi que se développèrent les
scriptoria, ateliers d’écriture dans lesquels travaillaient les
moines copistes).
A noter qu’à la fin du
VIII°, la grande majorité des fonctionnaires étaient des clercs, en
raison de la fermeture progressive des anciennes écoles romaines. Ainsi,
un autre objectif du roi des Francs était d’améliorer la formation de
son personnel.
Par ailleurs, afin que
les fonctionnaires puissent travailler dans chaque province de l’Empire,
où une grande diversité de dialectes étaient employés, le latin fut
choisi comme langue officielle.
3°
Académie Palatine – Charlemagne eut l’idée, assez originale pour
l’époque, de former avec les professeurs de sa cour, une sorte de cercle
littéraire, l’académie palatine. Cette dernière comptait neuf
membres (dont Charlemagne, Alcuin, Angilbert, Paul Diacre, Théodulphe,
etc.), chacun portant le titre de comte palatin.
Dans la chronique
d’Eginhard, Charlemagne est présenté comme un souverain très cultivé,
qui parlait le latin, comprenait le grec, et avait quelques notions de
syriaque. Le roi des Francs, envieux d’apprendre, aurait étudié la
grammaire avec Pierre de Pise, la rhétorique avec Alcuin, mais aussi la
dialectique et l’astronomie. Il s’essaya aussi à la calligraphie à un
âge tardif, mais sans grand succès.
Par ailleurs,
Charlemagne contribua à la diffusion de la minuscule caroline,
créée par le moine Alcuin.
Cette réforme de
l’orthographe eut un important succès car elle introduisait des lettres
minuscules arrondies, séparées d’un espace (à l’époque mérovingienne,
les mots étaient écrits en majuscule, et n’étaient pas toujours
séparés).
4° Ecole
palatine – Selon la chronique Vie de Charlemagne, du moine
Nokter le Bègue, le roi des Francs aurait aussi ouvert dans son
propre palais une école palatine. Cette dernière était en
principe réservée aux enfants de l’aristocratie, mais Charles se
plaisait à y introduire des enfants d’humble condition.
Charlemagne rend visite aux écoliers, par Paul Lehugeur,
XIX° siècle.
Toujours selon cette
même chronique, Charlemagne fit un jour subir aux élèves une sorte
d’examen. Les enfants sans fortune avaient travaillé ferme, et ils
répondirent bien. Quant aux autres, les fils des comtes et des ducs, ils
échouèrent. Charles les admonesta, vantant les mérites de leurs jeunes
compagnons qui, eux, avaient réussi.
Les enfants sans fortune
furent plus tard nommés à de hauts emplois, devenant évêques, abbés ou
ministres du roi.
En réalité, il
semblerait que cette école palatine fut en réalité bien différente.
Ainsi, plutôt qu’une école au sens moderne, avec maîtres, cours et
examens, cette dernière était vraisemblablement composée de copistes, de
chantres
et de scribes, dont certains étaient en phase d’apprentissage.
A noter par ailleurs
qu’il existe une confusion dans les sources d’époque entre école
palatine et académie palatine (il n’y eut peut être qu’une seule entité
et non deux).
5° Une
renaissance carolingienne limitée – A noter que le terme de
renaissance carolingienne ne fut employé qu’à compter du XIX° siècle. A
l’époque de Charlemagne, le terme généralement utilisé pour désigner ce
mouvement intellectuel était renovatio (ou renouvellement
en latin).
Ainsi, contrairement à
la Renaissance, qui fut un mouvement intellectuel laïc, amplifié par
l’apparition de l’imprimerie, la renovatio fut purement
religieuse, ne touchant qu’un public restreint.
Ainsi, les livres
réalisés par les copistes, richement enluminés, furent plus souvent
considérés comme un bien économique que comme un bien culturel.
La renaissance
carolingienne ne prit toutefois pas fin à la mort de Charlemagne,
continuant son essor sous le règne de son fils Louis. Cependant, elle
s’éteignit vers la fin du IX° siècle, en raison de la guerre civile et
de l’affaiblissement du pouvoir royal.
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