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La seconde république (1848 - 1852)

CHAPITRE TROISIEME : La commission exécutive (mai à juin 1848) 

 

II : Une assemblée contestée (mai à juin 1848)

           

            1° La manifestation du 15 mai 1848 – Comme nous l’avons vu précédemment, les élections d’avril 1848 avaient entrainé l’élection de nombreux républicains du lendemain, hostiles aux réformes sociales.

 

A cette date, de nombreux républicains de la veille n’acceptaient pas l’attitude conservatrice de nombreux députés, pas plus que l’immobilisme du ministère des Affaires étrangères face aux insurrections qui avaient éclaté dans toute l’Europe[1].

 

a) D’une manifestation pacifique à une violente insurrection : les républicains les plus radicaux décidèrent alors d’organiser une manifestation le 15 mai 1848, accompagnés de nombreuses délégations étrangères (Italiens, Polonais, etc.).

150 000 manifestants, réunis à la Bastille, marchèrent donc vers la place de la Concorde, sous le prétexte de présenter une pétition à l’assemblée demandant le soutien aux patriotes polonais.

 

Mais vers 13 heures, les manifestants envahirent le Palais Bourbon, siège de l’assemblée. Ces derniers, ne rencontrant pas d’opposition armée, envahirent alors les lieux dans un chaos indescriptible. Lamartine, tentant de rétablir l’ordre, fut alors hué, certains émeutiers réclamèrent le rétablissement de la Terreur, l’envoi d’une armée pour la Pologne, ainsi que la création d’un impôt sur les riches.

Toutefois, les députés refusant de délibérer avant que le Palais Bourbon soit évacué, un des manifestants, nommé Louis Huber, proclama la dissolution de l’assemblée.

 

Les manifestants formèrent alors à la hâte un gouvernement insurrectionnel (composé d’Armand Barbès, Louis Blanc, Ferdinand Flocon, Alexandre Martin (dit l’ouvrier Albert.), et Alexandre Ledru-Rollin[2].), puis se rendirent à l’Hôtel de ville.

 Armand Barbès et l'ouvrier Albert.

 

Toutefois, Lamartine et Ledru-Rollin, membres de la commission exécutive, envoyèrent la Garde nationale déloger les manifestants de l’Hôtel de ville.

Shako et tunique de la Garde nationale, 1848-1851, musée des Invalides, Paris.

Ainsi, les principaux chefs républicains furent arrêtés (Louis Huber, l’ouvrier Albert, Louis Auguste Blanqui[3] et François Vincent Raspail furent condamnés à de lourdes peines de prison.) ; Marc Caussidière, préfet de Paris et républicain de la veille, fut démis de ses fonctions ; enfin, le vicomte Amable Gaspard Henri de Courtais, commandant de la Garde nationale, fut écroué pour n’avoir pas réprimé plus tôt la manifestation. 

 

b) Bilan de la journée du 15 mai : au final, la journée du 15 mai ne fit que fortifier la majorité dans la haine des manifestations ; ainsi, les républicains modérés se rapprochèrent des conservateurs, laissant les socialistes sur la sellette. Mais ce faisant, l’assemblée se coupait du peuple de Paris… une rupture qui profitera plus tard à la propagande bonapartiste.

 

            2° Les élections législatives complémentaires (4 juin 1848) – Peu de temps après les incidents du 15 mai 1848, furent organisées des élections législatives complémentaires (l’objectif était d’élire 40 députés supplémentaires.).

 

Toutefois, si ce scrutin entraina l’élection de nombreux royalistes, le parti bonapartiste, mené par Louis Napoléon Bonaparte[4], recueillit de plusieurs sièges à l’assemblée. Mais le leader de ce mouvement, bien qu’élu à Paris et dans plusieurs département, préféra néanmoins rester en Angleterre[5].

Louis Napoléon Bonaparte.

 

            3° Les journées de juin 1848 – La violente manifestation de mai 1848 avait révélé à la classe politique que de nombreux ouvriers des ateliers nationaux (créés en février 1848 afin de lutter contre le chômage dans la capitale.) avaient participé à l’émeute.

 

a) La fermeture des ateliers nationaux (23 juin 1848) : en juin 1848, l’idée d’une dissolution des ateliers nationaux semblait faire le consensus entre l’assemblée, la commission exécutive et le gouvernement. En effet, les ateliers coutaient cher (près de 150 000 francs par jour[6].), et comme il n’y avait pas assez de travail pour tous, de nombreux ouvriers étaient pratiquement payés à ne rien faire.

Si, dans un premier temps, l’assemblée se contenta de renvoyer en province les ouvriers installés dans la capitale depuis moins de trois mois, afin de diminuer les effectifs des ateliers, les conservateurs décidèrent de ne pas baisser les bras.

 

Finalement, après avoir voté une loi contre les attroupements le 7 juin (les manifestants étaient désormais contraints de se disperser à la première somation.), l’assemblée décida le 21 juin de dissoudre les ateliers nationaux.

 

Il fut alors décidé d’envoyer sous les drapeaux tous les jeunes de 17 à 25 ans ; les plus âgés, quant à eux, devaient se rendre en province pour y effectuer des travaux de terrassement.

Ainsi, un premier convoi devait se diriger vers la Sologne, afin de défricher les marais de la région.

 

Cette mesure ne tarda guère à entrainer de nombreuses contestations, et les premières barricades firent leur apparition dans les rues de Paris dès le 23 juin 1848.

Barricades érigées dans la rue de Saint Maur, lors des journées de juin 1848.

 

b) Le déclenchement d’une nouvelle insurrection (24 au 26 juin 1848) : apprenant que des centaines de barricades avaient été érigées dans les rues de Paris, Arago, président du conseil, tenta de parlementer avec les insurgés, mais en vain.

Campement de troupes, sur le boulevard du Temple, pendant les journées de juin 1848, par JOSQUIN, XIX° siècle, musée CARNAVALET, Paris.

Les émeutiers, ayant réclamé la réouverture des ateliers nationaux et la dissolution de l’assemblée, cette dernière répondit en se déclarant en permanence[7]. Puis, le 24 juin, les députés proclamèrent l’état de siège, démirent la commission exécutive, et confièrent tous les pouvoirs au général Louis Eugène Cavaignac[8].

Le général Louis Eugène Cavaignac, par Jean Baptiste Adolphe LAFOSSE, XIX° siècle, musée des Invalides, Paris.

 

Ce dernier décida alors de riposter brutalement, s’appuyant sur la Garde nationale et l’armée. Cavaignac, soucieux de ne pas commettre les mêmes erreurs que le maréchal Auguste de Marmont en 1830[9], d’agir avec méthode.

Ainsi, partant de quartiers calmes, il s’avança en emporta chaque rue l’une après l’autre, fusillant et faisant le vide derrière lui.

Combats autour du Panthéon, le 24 juin 1848, par Nicolas Edward GABE, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

Le 26 juin, les insurgés du quartier Saint Antoine demandèrent une amnistie à Cavaignac, qui exigea une capitulation sans conditions. Ainsi, les combats recommencèrent, et au final les émeutiers furent contraints de se rendre.

Insurgé blessé, près d'une barricade, en juin 1848, par Tony JOHANNOT, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

 

En trois jours, l’insurrection avait été matée, mais la victoire contraignit l’assemblée à s’acquitter d’un bien lourd tribut.

Ainsi, les forces de l’ordre perdirent près d’un millier d’homme, pour environ 4 000 du côté des rebelles. S’ajoutèrent à cela 1 500 exécutions, 25 000 arrestations et près de 11 000 condamnations à des peines de prison ou à la déportation en Algérie.

A noter en outre que certains hommes politiques de gauche, tels que Louis Blanc, furent contraint de s’exiler afin d’éviter la prison.

Caricature de Louis Blanc, 1878 (la légende indique : "les vrais grands hommes sont ceux qui ne gouvernent qu'après leur mort.").

 

La province, quant à elle, ne s’agita pas, mais il y eut deux insurrections de grande importance à Marseille et Rouen, qui furent rapidement matées. 

Les journées de juin 1848 permirent ainsi au gouvernement, qui n’avait plus de républicain que le nom, de mettre un terme aux acquis sociaux accordés aux travailleurs suite à la révolution de février. Ainsi, certains clubs furent fermés, onze journaux furent saisis, et la Garde nationale des quartiers insurgés fut dissoute.

 

Au final, la violence de la répression entraîna une crise de confiance envers le gouvernement, de nombreux Français n’ayant guère apprécié voir la jeune république tirer sur des manifestants.

Autant de griefs que Louis Napoléon Bonaparte sut plus tard exploiter à son avantage, se posant comme l’héritier des acquis de la Révolution française, mais aussi en tant que garant de l’ordre.

Cérémonie funèbre, sur la place de la Concorde, en l'honneur des victimes des journées de juin 1848, le 6 juillet 1848, par Jean Jacques CHAMPIN, XIX° siècle, musée CARNAVALET, Paris.

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[1] Voir à ce sujet le 2, section II, chapitre second, la seconde république.

[2] A noter que les cinq hommes avaient tous participé au gouvernement provisoire, en février 1848.

[3] Blanqui avait participé à une première insurrection républicaine contre Louis Philippe en mai 1839. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le c), section I, chapitre quatrième, la monarchie de Juillet

[4] Né en 1808, Louis Napoléon Bonaparte était le fils de Louis Bonaparte, frère cadet de Napoléon. Louis avait épousé Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine de Beauharnais (cette dernière avait eut deux enfants avant d’épouser Napoléon.). Louis Napoléon était donc le neveu de Napoléon, mais aussi son petit fils par alliance.

[5] Rappelons qu’en août 1840, Louis Napoléon Bonaparte avait été arrêté pour avoir tenté de soulever Boulogne sur Mer. Il fut alors retenu captif au fort de Ham, mais parvint à s’échapper après six ans de détention. Par la suite, Louis Napoléon décida de se réfugier en Angleterre.

[6] En comparaison, le salaire journalier moyen d’un ouvrier s’élevait entre 1.5 et 2 francs.

[7] C'est-à-dire qu’elle ne se séparerait pas jusqu’à ce que la crise soit réglée.

[8] Cavaignac, né en octobre 1802, participa à la campagne de Morée. Ecarté suite à la révolution de 1830 en raison de ses idées républicaines, il fut envoyé en Algérie, où il participa à plusieurs expéditions. Suite à la révolution de 1848, Cavaignac fut nommé général et gouverneur de l’Algérie.

[9] Pour en savoir plus sur la révolution de juillet 1830, cliquez ici.

 
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