Les croisades (1095 -
1270) et la colonisation franque en Orient
CHAPITRE
PREMIER :
Les croisades
I :
Première croisade (1095 – 1099)
1° Cause des croisades – La Terre Sainte, à la fin du XI° siècle, date à
laquelle eut lieu la première croisade, n’appartenait plus aux chrétiens
depuis bien longtemps. Les musulmans, partis d’Arabie Saoudite, s’en étaient
emparée au VII° siècle. De nombreuses exactions furent commises à l’égard
des non musulmans au cours de cette expansion musulmane (par exemple, tous
les temples juifs et chrétiens d’Arabie Saoudite furent détruits, et leurs
propriétaires éliminés.).
La progression de l'islam en Arabie au VII° siècle après Jésus Christ.
Période d’accalmie dans les relations entre
chrétiens et musulmans, le règne d’Haroun el Rachid (786 – 809.). Ce
dernier, contemporain de Charlemagne[1],
envoya plusieurs ambassades vers l’Empereur, allant même jusqu’à lui offrir
un éléphant ! Mais surtout, ce calife permit aux chrétiens, en échange d’un
faible tribut, de faire un pèlerinage à Jérusalem. A partir de ce moment là,
nombreux furent ceux qui se rendirent en Terre Sainte pour visiter le
tombeau du christ.
L’Empire Byzantin, à cette
époque, était en perte de vitesse, perdant en Orient la Syrie, la Palestine
et l’Arménie. Mais l’Empire décida de lancer une contre attaque, entre 950
et 1031, au cours de la dynastie des Macédoniens. Les Byzantins
reprirent les régions qui constituèrent plus tard la base des Etats croisé
(Chypre, Edesse et la Cilicie.). Cette reconquête se fit dans un esprit de
pré croisade : les Empereurs collectèrent les saintes reliques, tentèrent de
convertir les musulmans, essayèrent de délivrer Jérusalem.
L'Empire byzantin en 1025.
Cependant, à partir du XI°
siècle, les dirigeants byzantins ne furent plus des militaires mais des
civils, ce qui fut préjudiciable à l’Empire. Par exemple, il fut décidé de
remplacer l’armée nationale de réserve par des mercenaires (ces derniers ne
combattant pas pour l’Empire mais pour l’argent.).
En 1071, les Turcs
seldjoukides écrasèrent les Byzantins à la bataille de Mantzikert,
puis s’emparèrent de l’Arménie et de l’Asie mineure jusqu'à Nicée. Dès lors,
Constantinople était à nouveau menacée.
L'Empire byzantin en 1081.
On parle beaucoup de la fameuse
tolérance musulmane vis à vis des cultes chrétiens. Qu’en était il
réellement ? Un document important nous apprend comment vivaient les juifs
et chrétiens de l’époque : le pacte d’Omar de 641 (Omar était le
deuxième des quatre califes qui ont succédé à Mahomet, qui régna de 634 à
644.). Le calife Omar et ses successeurs accordaient aux juifs et aux
chrétiens le statut de dhimmi (les protégés.), et s’engageaient à
reconnaître à ces derniers le droit de pratiquer leur religion. Cependant,
juifs et chrétiens devaient respecter plusieurs conditions :
Il devaient payer une taxe sur les personnes,
la jizia (chaque chrétien devait payer un impôt pour sa tête.) ; ils
devaient payer un impôt foncier, le kharaj ; ils n’avaient pas le
droit de construire ou même d’entretenir leurs lieux de culte ; il leur
était interdit de mettre des selles sur leurs chevaux, de porter l’épée, de
vendre des boissons fermentées ; ils devaient tondre le devant de leur tête
et s’habiller toujours de la même manière, etc[2].
Certains historiens estiment que ce texte aurait été plutôt rédigé par une autre
personne, le calife Omar II (qui régna de 717 à 720.). Cependant,
même en privilégiant cette théorie, il convient de préciser que les exactions commises à l’encontre des chrétiens n’ont
pas commencé au VIII° siècle…
En Occident, au contraire, nous assistions au phénomène inverse, les
chrétiens l’emportant sur les musulmans. Ces derniers avaient été repoussés
en Espagne, en Italie, en Sicile, etc.
Mais le Saint Siège voyait avec
tristesse l’état dans lequel se trouvait la Terre Sainte. L’idée d’une
croisade contre les musulmans mit plus d’un siècle à se concrétiser.
Le premier à avoir pensé à une
telle expédition fut le pape Sylvestre II, dès l’an 1000. Mais ce
dernier mourut trop tôt, sans avoir eu le temps de concrétiser ses projets.
Grégoire VII,
un des plus grands papes du moyen âge, y avait songé aussi. Cependant, sa
lutte contre l’Empereur de Germanie absorba toute son activité[3].
Le conflit qui opposa l’Empire et la papauté durant plus de deux siècles,
deux siècles au cours desquels le Saint Siège dut ajourner sans cesse son
idée de croisade en Orient.
C’est le pape Urbain II,
qui prêcha en 1095 la première croisade, au cours du concile de Clermont. En
effet, deux ans auparavant, le pape s’était allié aux Normands afin de
lutter contre l’Empereur Henri IV, et l’avaient vaincu en 1093. Urbain II
avait donc dès lors les mains libres.
Mais l’appellation ‘croisade’ ne fut pas réservée aux expéditions menées en
Orient par les chrétiens. Les ennemis de l’Eglise étaient de toute sorte :
Slaves, musulmans d’Espagne, hérétiques, chrétiens orthodoxes, ennemis
politiques du pape. Au moyen âge, nous assistâmes donc à de multiples
croisades, menées aux quatre coins du monde connu (Espagne, Afrique du Nord,
proche Orient, pays baltes, sud de la France, etc.)
2° Conciles de Plaisance et de Clermont (1095) – Comme Urbain II venait de
l’emporter sur son rival, l’Empereur Henri IV, il tint un concile à
Plaisance, au début de l’année 1095 (réunissant ecclésiastiques et
laïques.). Il y exposa son projet d’expédition en Terre Sainte, auquel tous
firent un accueil plutôt chaleureux. Mais lorsqu’il fallut aborder la
question de la mise en pratique, les enthousiasmes se refroidirent. Urbain
II comprit alors qu’il fallait s’adresser ailleurs.
Il se dirigea alors vers la
France, où il tint un concile, en novembre 1095, dans la capitale de
l’Auvergne, Clermont. De nombreux évêques et chevaliers étaient présents
dans la ville, tant et si bien qu’il fallut que certains campent en plein
champ, malgré le froid.
Le pape commença par faire
parler un moine, Pierre l’Ermite, originaire du diocèse d’Amiens, et
qui rentrait de Terre Sainte. Il raconta donc ce qu’il avait vu au cours de
son pèlerinage : les problèmes qu’y rencontraient les chrétiens, l’état de
déliquescence dans lequel était la Palestine, etc.
Urbain II prêche la croisade, par Jean Fouquet, enluminure issue de
l'ouvrage Grandes chroniques de France, Paris, France,
XV°siècle.
Urbain II prêche la croisade, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par
François GUIZOT, France, 1875.
Tous s’enthousiasmèrent en
entendant ce discours, et il fut alors décidé de monter une expédition à
laquelle tous participeraient ; chevaliers, paysans, brigands, moines, etc.
Tous n’avaient qu’une idée en tête : combattre les musulmans et délivrer le
tombeau du christ.
Statue d'Urbain II sur la place de la Victoire de Clermont-Ferrand.
3° La croisade populaire (mars 1096) – L’on avait fixé le départ pour la
croisade au mois d’août 1096, mais ce délai parut trop long aux impatients.
Plusieurs dizaines de milliers d’hommes se trouvaient sur les bords du Rhin
(la chronique nous dit 100 000, mais ce chiffre paraît exagéré.), pour la
plupart aventuriers ou paysans (la plupart avaient vendu leurs terres afin
de couvrir les frais du voyage.). Ces derniers attelaient leurs bœufs à des
chariots à deux roues, sur lesquels étaient chargés leurs minces provisions
et leurs jeunes enfants. Ces derniers demandaient, à chaque fois qu’ils
apercevaient un château, si c’était là Jérusalem.
Les croisés marchant vers Constantinople, par Paul Lehugeur,
XIX° siècle.
Ces bandes étaient menées un
chevalier du nom de Gautier Sans Avoir et par Pierre l’Ermite. Ce
flot humain commença alors à se diriger vers l’Asie Mineure, en passant par
la Serbie et la Thrace.
Pierre l'Ermite menant la
croisade populaire, enluminure issue de l'ouvrage Abreviamen de las
Estorias, XIV° siècle.
Les vivres commençant à manquer
bien rapidement, ces hommes commencèrent à piller les régions qu’ils
traversaient, ainsi qu’à tuer (de nombreux juifs furent massacrés.). Les
habitants des Etats traversés ne laissèrent pas ces crimes impunis, Bulgares
et Hongrois se vengèrent en tuant de même.
Les effectifs de ces croisés
étaient déjà bien réduits lorsqu’ils arrivèrent, en août 1096, sous les murs
de Constantinople. L’Empereur Alexis Comnène fut effrayé par ces
bandes affamées et indisciplinées. Comme les hommes de Pierre l’Ermite
exigeaient d’être transportés de l’autre côté du Bosphore, sans attendre les
chevaliers de la ‘vraie’ croisade, Alexis Comnène s’empressa alors de les
faire passer en Asie Mineure, après leur avoir donné quelques vivres et un
peu d’argent.
En débarquant, les croisés
furent massacrés par les Turcs. Très peu survécurent. Pierre l’Ermite
parvint cependant à s’échapper, partant chercher du secours dans les régions
avoisinantes.
Les Turcs
massacrant les Latins de la croisade populaire, enluminure du XV° siècle.
Deux autres armées, conduites par le prêtre allemand Gothescalc et
par le comte Emicon, furent encore plus cruelles, surtout vis à vis
des juifs, qui furent massacrés sans pitié. En passant sur les terres des
Bulgares et des Hongrois, ses derniers les attaquèrent eux aussi. Les deux
armées étaient fort réduites lorsqu’elles passèrent le Bosphore, elles aussi
se firent tuer par les Turcs sur l’autre rive.
4° La ‘vraie’ croisade (août 1096) – En août 1096, la véritable armée,
bien équipée, était prête à partir. Le départ se fit donc à la date convenue
lors du concile de Clermont.
Les croisés suivirent cependant
des routes différentes afin d’éviter l’encombrement, le point de rendez vous
étant Constantinople.
Un premier corps suivit la
vallée du Danube, commandé par Godefroi de Bouillon, duc de Basse
Moraine, son frère Baudouin de Boulogne, son cousin Baudouin du
Bourg.
Un deuxième corps passa par la
Lombardie, d’où il rejoignit ensuite le Danube. Il était dirigé par le comte
de Toulouse, Raymond IV de saint Gilles, et avait dans ses rangs le
légat du pape, Adhémar de Monteil.
Un troisième descendit la vallée
du Rhône et s’embarqua à Brindes, en direction de la Macédoine. Il était
commandé par le comte de Vermandois, Hugues, frère du roi de France
Philippe I°. Ce dernier était accompagné par le duc de Normandie, Robert
Courte Heuse, le comte de Flandre, Robert II, et le comte de
Blois, Etienne.
Dernier corps à se diriger vers
Constantinople : les Normands d’Italie, commandés par le prince de Tarente,
Bohémond, fils de Robert Guiscard. Ce dernier était assisté par son
cousin, Tancrède.
Tous ces croisés furent bien
accueillis par les populations des régions qu’ils avaient traversées, car
les chefs avaient imposé à leurs hommes une discipline rigoureuse.
Lorsqu’ils arrivèrent à Constantinople, en octobre 1096, Alexis Comnène prit
peur en les voyant (comme nous dit la chronique.). Impossible de savoir
combien étaient ces croisés, rassemblés sous les murs de la capitale de
l’Empire Byzantin. La fille de l’Empereur, Anne Comnène, comparait
ces hommes aux grains de sable de la mer tant ils étaient nombreux.
Un accord fut trouvé entre les
chefs de la croisade et Alexis Comnène : celui ci assurait aux croisés le
financement de l’expédition et mettait à leur disposition sa flotte ; en
échange, ils s’engageaient à lui jurer fidélité et à lui rendre les terres
de l’Empire qu’ils reprendraient aux infidèles.
5° Siège de Nicée (1097) – Vers la fin avril 1097, les croisés
franchirent le Bosphore et mirent le siège devant Nicée, alors aux
mains des musulmans. De nombreux assauts furent lancés contre la ville, en
vain.
Les croisés s'emparent de
Nicée, par Guillaume de Tyr, enluminure issue de l'ouvrage Histoire
d'Outremer, XIII° siècle, bibliothèque nationale de France.
C’est au cours d’un dernier
assaut, en juin 1097, que les croisés virent flotter sur la ville un
étendard grec : l’Empereur avait négocié secrètement la capitulation. Les
cadeaux que fit Alexis Comnène aux soldats et aux chefs de la croisade
n’effacèrent pas leur mécontentement.
6° Bataille de Dorylée (1097) – Nicée prise, l’armée s’enfonça un peu
plus en Asie Mineure. Le 1er juillet 1097, l’avant garde,
commandée par Bohémond et Tancrède, débouchait dans les plaines de Dorylée,
quand elle fut attaquée par l’armée du sultan.
La bataille de Dorylée,
enluminure issue de l'ouvrage Histoire d'Outremer, XIV°
siècle, bibliothèque nationale de France.
Le combat était à l’avantage des
musulmans jusqu’à ce qu’arrive le reste de l’armée franque. Dès lors, la
victoire échappa aux Turcs, qui décidèrent de fuir.
7° Souffrance des croisés en Phrygie – La victoire de Dorylée fut suivie
de jours amers. Les croisés durent traverser la Phrygie, un territoire
désertique, savamment ruiné par l’ennemi. L’on manquait d’eau et de
fourrage, tant et si bien que de nombreux chevaux périrent lors de la
traversée de cette région. De nombreux chevaliers durent donc marcher comme
de simple fantassins, écrasés par le poids de leur armure, acceptant
parfois de revêtir un équipement grossier. Plusieurs centaines de croisés moururent
lors de leur passage en Phrygie.
Enfin, l’armée parvint à
atteindre la Cilicie, un territoire fertile, peuplé de prairies, de
ruisseaux et de forêts. Les croisés s’y reposèrent quelques jours.
C’est alors qu’en octobre 1097,
le frère de Godefroi, Baudouin, décida d’abandonner l’expédition et de se
diriger vers la ville d’Edesse (il fonda en mars 1098 le comté
d’Edesse, le premier Etat latin d’Orient.).
8° Siège d’Antioche, bataille d’Antioche (1097 – 1098) – Après la
défection de Baudouin, les croisés se mirent en route, en direction d’Antioche,
capitale de la Syrie. Cette ville possédait une enceinte immense et
d’épaisses murailles, flanquée de nombreuses tours de guet. Les croisés
savaient que la ville ne pourrait pas être prise d’assaut, alors ils en
firent le blocus.
Le siège, commencé le 21 octobre
1097, dura pendant des mois. L’armée, au cours de cette période, eut a
souffrir de la famine, qui fit beaucoup de victimes. En outre, amollis par
le climat et par l’inaction, de nombreux croisés furent capturés ou tués
suite à des attaques surprises que firent les assiégés.
Le moral chuta au sein de
l’armée, et même les chefs commencèrent à douter. Robert Courte Heuse prit
même la fuite, et ne fut ramené qu’à grand peine. Pierre l’Ermite lui même
tenta de fuir !
Cependant, les choses
s’améliorèrent au printemps. Le climat se fit meilleur, et surtout, les
croisés défirent deux armées musulmanes qui avaient tenté de secourir
Antioche.
Le 13 juin 1098, la ville tenait
toujours. C’est alors que la nuit venue, elle fut livrée au croisés par un
traître, un renégat qui regrettait de s’être converti à l’islam. L’armée
pénétra dans la ville endormie, surprenant leurs ennemis. Antioche fut alors
donnée à Bohémond, comme il était convenu.
Le lendemain, 14 juin 1098, un
prêtre de Marseille, Pierre Barthélemy, trouva la Sainte lance, appelée
aussi lance de Longin (du nom du légionnaire Longinus, qui
perça le flanc du christ avec sa lance.). La légende disait que quiconque
portait le fer sacré devenait invincible.
La chronique nous informe que ce même jour, les croisés, exténués par neuf
mois de siège, écrasèrent, grâce à la Sainte lance, une armée musulmane
venue secourir la ville.
La prise d'Antioche par les
croisés, par Guillaume de Tyr, enluminure issue de l'ouvrage Histoire
d'Outremer, XIII° siècle, bibliothèque municipale, Lyon.
Ce fut après la prise d’Antioche que l’accord
avec les Byzantins fut annulé. Les croisés ne voulurent pas rendre la ville
à l’Empereur de Constantinople, prétextant la défection des troupes
byzantines.
9° Prise de Jérusalem, bataille d’Ascalon (1099) – Maintenant que la
ville était prise, les soldats voulaient marcher sur Jérusalem, mais les
chefs furent contre. Ils préféraient laisser passer les grandes chaleurs et
attendre l’automne.
Cependant, dans l’intervalle,
une terrible épidémie survint, qui fit des milliers de morts. Adhémar de
Monteil, le légat du pape, fit partie de ces victimes. Il mourut le 1er
août 1098.
Au bout de quelques mois,
l’armée se remit en route. Les croisés suivirent une route le long de la
Méditerranée, riche en vivres. A mesure que ces derniers avançaient, les
musulmans se repliaient sur Jérusalem, non sans avoir auparavant saccagé la
région.
Les croisés en Palestine, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par
François GUIZOT, France, 1875.
Le 7 juin 1099, les croisés
arrivèrent enfin sous les murs de Jérusalem, mais la ville était bien
défendue. Par ailleurs, les machines de siège manquaient, l’armée souffrait de la
soif, et les vivres commençaient à s'amenuiser dangereusement. Nombreux furent ceux qui
recommencèrent à douter, comme sous les murs d’Antioche.
C’est alors qu’apparut une
flotte génoise dans les eaux de Joppé, apportant des vivres et tout ce qu’il
fallait pour construire des machines de siège. Le moral revint au sein de
l’armée, et les croisés se mirent alors à l’œuvre.
Le camp des croisés lors du siège de Jérusalem, par Sébastien MAMEROT,
enluminure issue de l'ouvrage Les Passages d'outremer faits par les
François contre les Turcs depuis Charlemagne jusqu'en 1462, France,
1475, Bibliothèque Nationale de France.
Au mois de juillet 1099, les chrétiens étaient
prêts à engager le combat. Les affrontements furent violents, les assiégés
faisant pleuvoir sur leurs ennemis pierres et lances. Finalement, le 15
juillet 1099, une tour roulante laissa tomber son pont-levis sur les
murailles, et en sortirent Godefroi de Bouillon et ses hommes. Enfonçant les
lignes ennemies, ils brisèrent les portes à coups de hache, faisant pénétrer
le reste de l’armée dans la ville. Les croisés passèrent tous les musulmans
de la ville par le fil de l’épée, mais les juifs ne furent pas en reste non
plus. Les chrétiens pénétrèrent dans la mosquée d’Omar afin de tuer ceux qui
s’y étaient réfugiés. Le soir du 15 août, des flots de sang coulaient dans
Jérusalem[4].
La prise de Jérusalem, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Puis Godefroi de Bouillon se rendit pieds nus
à l’Eglise du Saint Sépulcre, suivi bientôt par le reste des croisés. La
vrai croix[5]
leur fut montrée, puis promenée dans la ville, au milieu des acclamations et
des sanglots. Le résultat, poursuivi après quatre années de souffrances,
était enfin atteint : la croix avait vaincu le croissant.
Une armée musulmane vint
cependant à l’encontre des croisés dix jours après la prise de la ville,
mais fut vaincue par ces derniers à Ascalon, en 1099.
10° Royaume de Jérusalem (1100) et autres principautés – Les croisés
voulurent relever l’ancien royaume d’Israël. Godefroi fut alors élu roi de
Jérusalem. Ce dernier accepta, mais refusa de porter le titre de roi, se
contentant de celui d’avoué du Saint Sépulcre.
Le royaume de Jérusalem fut
constitué à l’image des royaumes d’Europe, suivant les règles de la
féodalité. Il y eut quatre Etats latins : le royaume de Jérusalem, la
principauté d’Antioche, le comté de Tripoli, le comté d’Edesse. Ces
dernières furent dirigées par Godefroi de Bouillon, Bohémond de Tarente,
Raymond de Saint Gilles, Baudouin de Boulogne.
Ces derniers jouissaient de tous
les droits de la souveraineté, et étaient égaux entre eux (Godefroi avait
cependant un droit de suprématie sur les autres.). Chacun eut ses vassaux et
arrière-vassaux, dont les droits et les devoirs furent réglés conformément
au régime de la féodalité.
Les nouveaux souverains surent
doter leurs États d’institutions cohérentes, autorisant la transmission du
patrimoine par les femmes (ainsi, tout risque de crise successorale était
écarté.). Ils contrôlaient aussi le remariage des veuves (afin de mieux
gérer la transmission des fiefs)
En outre, vivant dans une région
où le danger était permanent, les souverains exigèrent de leurs hommes un
service illimité dans le temps et dans l’espace. Les indigènes, quant à eux,
conservèrent leur administration particulière, engendrant une cœxistence
pacifique.
La conquête affermie par la victoire d’Ascalon, les croisés songèrent au
retour. Un petit nombre resta avec Godefroi, dont Tancrède, qui avait fait
le vœu de ne pas quitter la Terre Sainte. Les autres prirent le chemin du
retour, où ils furent acclamés par les populations.
[1]
Plus de renseignements sur le règne de Charlemagne au chapitre
deuxième, les Carolingiens.
[2]
La liste complète des obligations auxquelles les non musulmans
étaient soumis est encore longue, je n’ai mis ici que les exemples
les plus éloquents.
[3]
La lutte opposant l’Empereur au pape dura environ 250 ans, de l’an
1000 jusqu’en 1250. Vous pouvez vous référer à la partie consacrée à
ce sujet : l’Empire et la papauté.
[4]
La chronique dit que dans le temple de Jérusalem, le sang s’élevait
jusqu’au mors des chevaux.
[5]
La vrai croix fait partie de ces objets légendaires ayant un lien
direct avec les derniers jours du Christ (comme le Saint Graal, le
linceul de Turin, la lance de Longin, etc.). On appelait ‘vrai
croix’ le bois sur lequel Jésus fut crucifié. Cependant, de nombreux
faussaires profitèrent de l’imagination fertile des chrétiens, et
les ‘vraies croix’ se multiplièrent au moyen âge. Impossible de dire
cependant si la croix promenée dans la ville ce jour là était vraie
ou fausse…