Les croisades (1095 -
1270) et la colonisation franque en Orient
CHAPITRE
PREMIER :
Les croisades
III : Troisième croisade (1189 – 1192) |
1° Causes de la
troisième croisade –
L’Atâbeg Nour ed Dîn, avait eu peur de l’arrivée des croisés de la II°
croisade. Mais, constatant leur inefficacité, il décida de reprendre sa
politique de conquêtes. Le 26 juin 1149, à Fonz Murez, il battit les hommes
de Raymond VII de Poitiers, souverain d’Antioche, et le tua. Par la suite,
Nour ed Dîn s’empara d’une partie du territoire de la principauté
d’Antioche, à l’est de l’Oronte (principalement Hârim et Apamée.).
Plus tard, un lieutenant de ce
dernier, Saladin (de son vrai nom Salâh al Dîn.), fut appelé par le
calife d’Égypte afin de le défendre contre les attaques d’Amaury, roi de
Jérusalem. Saladin défendit alors l’Égypte, mais s’en empara aussi à son
profit, en 1170. A la mort de Nour ed Dîn, en 1178, il s’empara de ses
possessions.
Saladin, réunissant l’Égypte et
la Syrie, n’eut alors qu’une idée en tête : chasser les Francs de Terre
Sainte et rétablir l’islam partout.
A l’époque, Jérusalem avait pour
roi un lépreux, Baudouin IV, fils d’Amaury. Ce dernier, sentant sa fin
approcher, donna sa sœur Sybille en mariage à Gui de Lusignan. Ce dernier se
fit couronner roi à la mort de son beau-père, en 1186. Jeune et sans
expérience, il n’était pas le roi dont Jérusalem avait besoin à cette
époque.
Le 3 juillet 1187, près du lac de
Tibériade, sur la colline de Hattîn, son armée fut écrasée par celle de
Saladin (ce dernier s’empara du roi et de la vrai croix.). Ce dernier, après
avoir emporté les places du littoral, alla mettre le siège devant Jérusalem.
Prise de Jérusalem par Saladin, par Guillaume de Tyr, enluminure issue de
l'ouvrage Histoire
d'Outremer, XIII° siècle, bibliothèque nationale de France.
Bailan d’Ibelin défendait alors la ville, qui
opposa une résistance farouche à Saladin. Ce dernier, lorsqu’il reçut les
ambassadeurs de Jérusalem afin de négocier une reddition, leur annonça son
intention de les massacrer tous, comme l’avaient fait les croisés en 1099.
Bailan annonça alors qu’il tuerait tous les habitants de la ville,
détruirait tous les lieux saints, et mettrait le feu à la ville, de sorte
que Saladin ne trouve que ruine et désolation lorsqu’il pénétrait dans
Jérusalem.
C’est alors que ce dernier accepta d’accorder à
la ville une capitulation. Les conditions furent cependant dures : les
habitants durent racheter leur tête (10
besants
pour un homme, 5 pour une femme, 1 pour un enfant.), mais ceux qui ne le
purent pas furent réduits en esclavage. En outre, seuls les chrétiens grecs
eurent le droit de rester dans la ville, les latins durent partir. Ces
derniers défilèrent tous, la reine en tête, par la porte de David, puis ils
quittèrent la ville. Saladin s’engagea cependant à protéger le convoi
jusqu’à la mer.
Les habitants de Jérusalem défilant
devant Saladin, par A. DE NEUVILLE, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par Guizot.
Ce dernier rentra dans la ville
le 2 octobre 1187, juste après leur départ. Il fit briser les cloches,
abattre les croix, et convertir les églises en mosquées. Il respecta
cependant l’église du Saint Sépulcre.
Jérusalem était restée 88 ans
entre les mains des latins, qui ne
conservaient en Orient que trois places importantes : Antioche, Tripoli,
Tyr.
La nouvelle de la prise de la ville
sainte répandit la consternation en Europe. Certains contemporains dirent
même que le pape Urbain III en mourut de douleur. Une croisade fut décidée
par le pape Grégoire VIII, ce fut la troisième. Le roi de France,
Philippe II, et le nouveau roi d’Angleterre, Richard Cœur de Lion,
décidèrent alors de participer à cette nouvelle expédition.
Pour couvrir les frais de la nouvelle
expédition, ils créèrent dans leurs Etats un impôt spécial, appelé dîme
saladine. L’Empereur d’Allemagne, Frédéric I° Barberousse, prit
aussi la croix.
Cette fois-ci, les chefs de la croisade
voulurent avoir une vraie armée, non une troupe de pèlerins. Ces derniers
ayant causé tant d’embarras lors des expéditions précédentes, la foule des
pauvres et des femmes fut donc écartée.
2° Croisade des Allemands (1189
– 1191) – Frédéric I° partit le premier, en mai 1189, accompagné de
plusieurs milliers de chevaliers. Il prit la route traditionnelle du Danube
jusqu’à Constantinople. Les Grecs se montrèrent hostiles une fois de plus,
et Barberousse s’empressa de passer en Asie Mineure.
Frédéric Barberousse quittant
ses fils et traversant la Hongrie, en route pour la troisième croisade, par
Pierre d'Eboli, enluminure issue de l'ouvrage Liber ad honorem augusti,
XIIIe siècle, Burgerbibliothek, Berne.
Les Germains étaient alors en Cilicie, et se
dirigeaient vers Qonya, la capitale des Turcs seldjoukides. Ces derniers
tentèrent de leur barrer le chemin, mais furent écrasés par les hommes de
Frédéric I°. Les croisés séjournèrent cinq jours dans Qonya, puis franchirent
le Taurus, en direction de la Syrie.
Saladin et ses hommes, pris de peur, décidèrent
de démanteler les fortifications de Sidon, Césarée et Jaffa, afin qu’elles
ne tombent pas entre les mains de l’ennemi.
Mais, le 10 juin 1190, l’Empereur eut la
mauvaise idée de passer à cheval le Selef, affluant du Cydnus, où Alexandre
avait failli trouver la mort. Le courant était plus fort qu’il ne l’avait
cru, son cheval fut emporté et il disparut avec lui. Quelques heures après,
l’on retirait de l’eau un cadavre.
A la nouvelle de la mort de Frédéric I°, l’armée
se débanda, désespérée. Seul un petit nombre de chevaliers, sous la conduite
de Frédéric de Souabe, fils de l’Empereur, parvinrent à gagner Antioche. Là,
l’Empereur fut enterré, puis les Allemands rejoignirent Gui de Lusignan qui
assiégeait Saint Jean d’Acre. Ce dernier avait été remis en liberté, et, roi
sans royaume, il mettait le siège devant la ville pour faire quelque chose.
Frédéric de Souabe mourut peu après, en janvier
1191, après avoir fondé l’ordre des chevaliers teutoniques.
3° Croisade des Français et des
Anglais (1190 – 1192) –
Frédéric I° et son fils étaient
morts alors que ni Philippe II ni Richard n’étaient apparus.
Ces derniers s’étaient rencontrés
en 1190 avec leurs troupes à Vézelay, et de là, étaient descendus ensemble
jusqu’à Lyon. Ils s’étaient ensuite séparés, afin d’aller embarquer, l’un à
Gênes, l’autre à Marseille. Le lieu de rendez vous était la Sicile, où ils
passèrent l’hiver 1190-1191. C’est là que se manifestèrent les premiers
signes de rivalité : Richard, qui s’était fiancé avec Adèle, sœur du roi de
France, l’abandonna pour épouser une princesse de Navarre. Philippe II
ressentit vivement cet affront. Sans doute que les qualités chevaleresques
de Richard excitèrent la jalousie du roi de France, tout comme sans doute
son attitude fière, insolente et brutale.
Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion se querellant à Messine,
enluminure issue des Grandes Chroniques de France, XIVe
siècle, bibliothèque nationale de France.
Cependant, ils se réconcilièrent
et se dirigèrent vers l’Orient.
Le roi de France, Philippe II,
arriva devant Saint Jean d’Acre en avril 1191. Le siège de la place durait
depuis deux ans, et le roi de France refusa que l’on donne l’assaut avant
que Richard n’arrive.
Ce dernier avait fait en chemin
la conquête de l’île de Chypre, en mai 1191 (qui appartenait aux
Byzantins.). Une fois Cœur de Lion arrivé à Saint Jean d’Acre, le siège put
reprendre sérieusement.
C’est à cette occasion que l’on
assista à ce que les historiens ont appelé la guerre chevaleresque.
Richard Cœur de Lion étant tombé malade, Saladin lui fit parvenir des
sorbets à la neige du Liban ; les enfants chrétiens et les enfants musulmans
jouaient ensemble sous les murs de la ville, entre deux assauts ; Saladin
racheta de ses propres deniers un enfant chrétien qui avait été enlevé et
vendu par ses hommes,etc.
4° Prise de Saint
Jean d’Acre et exploits de Richard Cœur de Lion – La ville tomba le 13
juillet 1091. Mais c’est alors que Richard recommença à se quereller avec
son homologue le roi de France, manquant même d’en venir aux mains. Philippe II prétexta alors l’affaiblissement de sa santé et rentra en France,
laissant en Terre Sainte 10 000 hommes et une grosse somme d’argent.
Philippe II, mécontent de
l’attitude du roi d’Angleterre, ne fut pas le seul à quitter ce dernier. Il
fut suivi par d’autres princes, froissés par Richard (comme Léopold, duc
d’Autriche.). Au final, le roi d’Angleterre resta à peu près seul en Terre
Sainte.
Philippe II Auguste et Richard Coeur de Lion reçoivent les clés de Saint
Jean d'Acre, enluminure issue des Grandes Chroniques de France,
Paris, France, XIV°
siècle,
bibliothèque nationale de France.
Richard III commença par faire
égorger les 3 000 prisonniers musulmans qu’il avait en sa possession à Acre.
Saladin devint furieux en apprenant la nouvelle, et se vengea sur ses
prisonniers chrétiens. Le roi d’Angleterre était certes un bon guerrier,
mais un mauvais politique.
Saladin faisant exécuter les prisonniers
musulmans suite à la prise de Saint Jean d'Acre, par A. DE NEUVILLE, gravure
issue de l'ouvrage Histoire de France, par Guizot.
Avec ses hommes, il se rendit ensuite à
Arsouf, cerné par les musulmans qui accablaient de flèches les croisés. En septembre
1191, parvenu à la Palmeraie située à proximité de la ville, Richard constata que
ses troupes étaient encerclées. Il décida donc de charger, et mit l’ennemi
en déroute.
Richard Coeur de Lion au combat, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Mais les musulmans adoptèrent la politique de
la ‘terre brûlée’, dévastant tout sur leur passage, afin de faire le vide
entre eux et les croisés. Ces derniers parvinrent cependant à prendre Jaffa,
puis à battre les hommes de Saladin sous les murs de la ville, peu de temps
après.
Croisés sortant d'une ville fortifiée, copie d'une peinture de la chapelle
des Templiers à Cressac, XII° siècle, Cité de l'architecture, Paris.
Cette campagne inspira les ménestrels pendant
des années. L’un d’entre eux raconte que la seule évocation du nom de
Richard faisait frémir les musulmans ; qu’un jour, le roi trancha un émir en
deux, d’un seul coup d’épée ; qu’au combat, il était si téméraire qu’il
revenait hérissé de flèches, semblable à une pelote d’aiguille, etc. Richard
était devenu en peu de temps le croquemitaine local, qu’évoquaient les mères
pour effrayer leurs enfants. Une fois de plus, comment faire la part des
choses entre réalité et légende ?
5° Trêve avec Saladin, retour de
Richard (1192) – Malgré ces victoires, Richard n’essaya pas de reprendre
Jérusalem, au grand dam des croisés. En fait,
recevant de mauvaises nouvelles d’Angleterre, il finit par accepter, en
septembre 1192, une trêve de trois ans et demi que lui proposait
Saladin. Il fut convenu
que Jérusalem resterait librement ouverte aux pèlerins chrétiens ; que les
chrétiens auraient toute la côte de Palestine depuis Joppé jusqu’à Tyr, sauf
Ascalon (la clef de l’Egypte, qui serait détruite.). C’est ce qui fut appelé
la paix de Jaffa.
Le roi d’Angleterre mit à la tête
de ce royaume mutilé Henri de
Champagne, et donna Chypre comme compensation à Guy de Lusignan. Sa
postérité parvint à s’y maintenir pendant 300 ans.
Puis Richard Cœur de Lion s’embarqua pour
l’Europe. Mais, jeté par une tempête sur les côtes d’Istrie, il fut mené
devant le duc Léopold. Ce dernier, se souvenant des outrages que l’Anglais
lui avait fait subir devant Saint Jean d’Acre, le vendit à l’Empereur Henri
VI. Ce dernier consentit à relâcher Richard sur les somations du pape, mais
en se faisant payer la somme importante de 150 000 marcs d’argent.
De son côté, Saladin se retira à
Damas, où il médita de grands projets contre les chrétiens d’Orient et
d’Occident. Sa mort, en 1193, mit fin à ses plans.
Cette III° croisade avait permit de stopper la
menace que représentait Saladin, mais n’avait pas atteint son but premier :
délivrer Jérusalem. En outre, le traité de Jaffa fit scandale, chrétiens
comme musulmans trouvant inacceptable que Richard et Saladin aient conclu un
pacte.
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