1° Le retour du roi et la Terreur
blanche de 1815 – Suite à la bataille de Waterloo, Napoléon fut
contraint d’abdiquer une seconde fois, puis fut déporté par l’Angleterre sur
l’île de Sainte Hélène[1].
a)
Louis XVIII rentre à Paris : en juillet 1815, Louis XVIII profita de
l’exil de l’Empereur déchu et rentra à Paris.
Le retour de Louis XVIII aux Tuileries.
Il rencontra alors Charles
Maurice de Talleyrand-Périgord et Joseph Fouché (les deux hommes,
actifs lors de la révolution et de l’Empire, s’étaient toutefois détachés de
Napoléon vers la fin de son règne.).
Charles Maurice de
Talleyrand-Périgord, prince de Bénévent,
par Pierre Paul PRUD'HON, 1807, musée Carnavalet, Paris (à gauche.) ; Joseph Fouché
(à droite.).
Louis XVIII n’appréciait guère les deux personnages, mais il savait que
Talleyrand était un des seuls diplomates français capable de faire face aux
puissances européennes. Ce dernier fut alors nommé premier ministre, à la
tête d’un gouvernement composé entre autres de Fouché (ministère de la
Police.), Laurent Gouvion[2](ministère de la guerre.), Joseph Dominique, baron Louis[3](ministère des Finances.), et Etienne Denis Pasquier (ministère
de la Justice.).
Laurent Gouvion,
capitaine au 1er bataillon de chasseurs de Paris en 1792, par
ROUGET, château de Versailles, Versailles ; le baron Louis ; et Etienne Denis Pasquier.
b)
La Terreur blanche de 1815 : alors qu’à Paris la situation était
encore délicate, l’on vit apparaitre en province une nouvelle Terreur
blanche, similaire aux évènements de l’été 1795[4].
Les exactions se déclenchèrent principalement dans la région du Rhône et en
Vendée.
Dans le sud de la France, des dizaines de soldats de la Grande armée furent
assassinés ; à Marseille, les Mamelouks qui avaient accompagné Napoléon dans
toutes ses campagnes furent massacrés par la foule ; à Avignon, le maréchal
Guillaume Marie Anne Brune fut lynché par les habitants de la ville.
Le maréchal Guillaume Brune, par Rose Jeanne FAJON, 1834,
musée des Invalides, Paris.
A
Toulouse, les Verdets, membres de compagnies royalistes,
multiplièrent alors les exactions au nom de la couronne (les rubans vert
qu’ils arboraient rappelaient les couleurs de Charles, comte d’Artois, frère
cadet de Louis XVIII.).
A
noter par ailleurs que les protestants furent victimes d’exactions (comme
par exemple à Nîmes.), de nombreux royalistes n’appréciant gère la tolérance
religieuse (qui était considérée comme un des idéaux de la Révolution
française.).
2° Les nouveaux partis politiques – A l’été 1815, l’on
assista à l’apparition de plusieurs partis sur la scène politique.
Le
parti royaliste, tout d’abord, était favorable au rétablissement de la
monarchie, tout en condamnant la période révolutionnaire et bonapartiste. A
noter toutefois qu’un important courant de ce parti était l’ultraroyalisme
(en effet, les Ultras considéraient que le roi était établi par Dieu,
et que le peuple devait donc se soumettre à la volonté divine[5].).
Les membres de ce parti appartenaient en majorité à la noblesse de l’Ancien
régime.
Le
parti libéral, au contraire, réunissait des hommes hostiles à la monarchie
absolue (mais pas à une monarchie constitutionnelle.). Toutefois, en raison
de leur fortune importante, ces derniers considéraient qu’une démocratie
était impossible, estimant que seuls les plus instruits étaient capables de
gérer les affaires de l’Etat.
Les libéraux, contrairement à leurs adversaires politiques, étaient
généralement des bourgeois, des avocats ou des banquiers, soucieux de ne pas
subir à nouveau le joug de l’aristocratie.
A
noter qu’il existait un troisième parti : les doctrinaires. Ces
derniers, guère appréciés par les royalistes et les libéraux, étaient
favorables au maintien des acquis de la révolution. Toutefois, bien qu’étant
peu nombreux, les doctrinaires jouèrent un grand rôle dans l’évolution des
idées politiques.
3° La Terreur blanche dite « légale » – Le 24 juillet,
Louis XVIII promulgua une ordonnance en réalité rédigée par Joseph Fouché.
Il s’agissait en réalité d’une liste de proscription, visant à interpeller
les individus ayant participé aux Cent-Jours.
C’est ainsi que plusieurs officiers de la Grande armée, comme par exemple le
maréchal Michel Ney, furent arrêtés et emprisonnés.
Le maréchal Ney.
Peu de temps après, le ministre des finances Joseph Dominique Louis publia
une ordonnance reconnaissant que les caisses de l’Etat étaient vides ; début
août, un décret cassa toutes les promotions accordées aux militaires lors
des Cent-Jours.
a)
Les assemblées de la seconde restauration, les élections de l’été 1815 :
lors de la première restauration, Louis XVIII avait créé deux nouvelles
assemblées, la Chambre des Pairs et la Chambre des députés des
départements (ces dernières remplaçaient le Sénat conservateur,
le Corps législatif et le Tribunat, assemblées impériales.).
Toutefois, si la Chambre des Pairs était composée d’aristocrates nommés à
vie par le roi (leur charge était héréditaire.), la Chambre des députés
était élue par le peuple et renouvelée d’un cinquième chaque année.
Rappelons que pour être électeur, il fallait avoir au moins trente ans, et
payer 300 francs d’impôts directs ; pour être député, quarante ans et mille
francs d’impôts directs. Ainsi, dans la France de 1815, l’on ne comptait que
100 000 électeurs et 15 000 candidats éligibles.
Les élections législatives, qui se déroulèrent à la mi-août 1815, se firent
avec peu de participants et beaucoup d’illégalités. Dans les régions
occupées, le vote fut contrôlé par les armées ennemies ; dans le sud du
pays, les votes s’effectuèrent sous la menace de la Terreur blanche ; dans
certains départements, seuls les électeurs favorables au régime furent
convoqués.
b)
La chambre introuvable : ce climat délétère entraîna l’arrivée de
nombreux députés ultraroyalisteslors des élections législatives
d’août 1815. Cette nouvelle assemblée, dont la composition fut une surprise
pour le roi de France, fut ainsi surnommée la chambre introuvable.
Les députés de la chambre introuvable.
Cependant, les nouveaux élus n’étaient pas tous des vieux émigrés,
nostalgiques de l’Ancien régime. En effet, certains d’entre eux étaient des
bourgeois, dont quelques uns avaient été anoblis sous l’Empire. Le reste des
députés étaient des aristocrates, dont une partie avait émigré lors de la
Révolution française.
Par ailleurs, la grande majorité de ces élus avaient moins de 40 ans, ce qui
signifie que ces derniers n’étaient pas nés lors du couronnement de Louis
XVI. Enfin, ces nouveaux députés n’avaient aucune expérience politique, car
une cinquantaine d’entre eux seulement avaient déjà siégé au sein d’une
assemblée.
c)
L’action du duc de Richelieu : alors que les négociations du second
traité de Paris allaient bon train, Louis XVIII décida de se séparer de
Talleyrand et de Fouché, les deux hommes ayant un passé bien trop « chargé »
aux yeux des Ultras.
Toutefois, afin de faire face à la chambre introuvable, le roi de France
décida de confier le poste de premier ministre à un modéré : Armand
Emmanuel du Plessis, duc de Richelieu[6].
Portrait d'Armand Emmanuel du Plessis,
duc de Richelieu.
Né
à Paris en septembre 1766, le nouveau venu avait émigré lors de la
Révolution française, puis s’était présenté à la cour du tsar Alexandre I°.
Ce dernier lui avait alors confié le gouvernement d’Odessa, cité de Crimée
récemment prise à l’Empire ottoman.
La
nomination du duc de Richelieu avait vraisemblablement comme objectif de
négocier un traité de paix plus avantageux pour la France, le nouveau
premier ministre étant un proche du tsar (Talleyrand, au contraire, était
plus favorable à l’alliance anglaise.).
Le
nouveau gouvernement fut entre autres composé d’Elie
Decazes[7](ministère de la Police.),
Louis Emmanuel Corvetto[8](ministère des Finances.), Henry
Clarke (ministère de la Guerre.), Vincent Marie Viénot, comte de
Vaublanc (ministre de l’Intérieur.), le duc de Richelieu occupant en outre
le poste de ministre des affaires étrangères.
Portrait d'Elie Decazes.
Peu de temps après la formation du ministère Richelieu, la Chambre des
députés promulgua une série de décrets réactionnaires : la loi de sûreté
générale (29 octobre 1815.), permettant d’emprisonner sans jugement tout
individu suspecté de comploter contre la sûreté de l’Etat ; loi sur les
discours et les écrits séditieux (9 novembre 1815.), rétablissant la
censure ; loi sur les cours prévôtales (27 décembre 1815.), ces
dernières fonctionnant sans jury et sans appel, et punissant de mort les
rebelles[9] ;
loi sur le divorce (2 janvier 1816.), interdisant cette pratique[10]
et autorisant l’Eglise à recevoir des donations ; loi d’amnistie (12
janvier 1816.), bannissant les régicides[11].
Grâce à cette série de décrets, près de 70 000 personnes furent
interpellées, et environ 5 000 opposants politiques furent emprisonnés.
Plusieurs généraux de Napoléon, ainsi que le maréchal Michel Ney, furent
exécutés en raison de leur participation aux Cent-Jours.
Le 7 décembre 1815 à neuf heures du matin, l'exécution du maréchal Ney,
par Jean Léon GEROME, 1868, Sheffield galleries and museums trust,
Sheffield, Angleterre.
Caveau de la famille Ney, cimetière du Père Lachaise, Paris.
En
outre, plus d’une centaine de régicides furent bannis, et une épuration
massive eut lieu au sein de la fonction publique (près d’un quart des
fonctionnaires, soit environ 60 000 personnes, furent ainsi licenciés.).
L'exécution du colonel La Bédoyère, 19 août 1815.
4° Le second traité de Paris (novembre 1815) – Les
puissances européennes n’avaient guère apprécié le retour de Napoléon lors
des Cent-Jours. Ainsi, la victoire des coalisés lors de la bataille de
Waterloo leur permit d’imposer à la France un traité encore plus sévère
que celui de 1814.
Le
second traité de Paris, signé en novembre 1815, enleva à la France la
Savoie et la Sarre[12],
ainsi que plusieurs villes au nord du pays (Landau, Philippeville, et
Mariembourg.).
Par ailleurs, et contrairement à 1814, une occupation de la France fut
décidée par les puissances européennes. Les Français devaient payer 700
millions de francs d’indemnités et subvenir aux besoins d’une force
d’occupation d’environ 150 000 hommes.
Les troupes russes campent sur les Champs Elysées.
Les puissances européennes souhaitant occuper le pays afin de statuer sur la
progression de la situation intérieure en France, des congrès se
dérouleraient périodiquement afin de surveiller l’évolution du pays.
Zone d'occupation de la France (1815).
A
noter que le duc de Richelieu, grâce à son amitié avec le tsar Alexandre,
parvint à conserver plusieurs cités (Condé, Givet, Charlemont, les forts de
Joux et de l’Ecluse.), et à faire diminuer l’indemnité de guerre (qui était
de 800 millions à l’origine.).
Alexandre I°, Empereur de Russie, par François GERARD, 1814,
musée du château de Malmaison, Rueil-Malmaison.
La
France, non signataire du second traité de Paris (elle avait participé aux
négociations en 1814.), aurait pu toutefois perdre davantage de territoires.
En effet, la Prusse aurait voulu mettre la main sur les territoires de l’est
de la France, mais l’Autriche et l’Angleterre, se méfiant de
l’expansionnisme prussien, décidèrent de s’y opposer.
Les rédacteurs du traité, aussi bien hostiles à la Révolution française qu’à
Napoléon, confirmèrent par ailleurs les décisions prises lors du congrès
de Vienne[13].
5° La dissolution de la chambre introuvable (avril 1816) –
Très rapidement, les diplomates des puissances européennes conseillèrent
à Louis XVIII de ne pas conserver la chambre introuvable, craignant que ses
décrets réactionnaires n’entrainent des émeutes.
Toutefois, deux débats entraînèrent une opposition croissante entre Louis
XVIII et la Chambre des députés, concernant le Cens et la dette publique.
A
la mi mars, l’assemblée décida d’abaisser le Cens, qui passerait de 300
francs à seulement 50. L’objectif des Ultras, menés par Jean-Baptiste
Guillaume Marie Anne Séraphin Joseph de Villèle[14],
était de récupérer les voix de la riche paysannerie, plus favorable à la
contre-révolution que la bourgeoisie (proche des libéraux.).
Au
contraire, Elie Decazes, royaliste modéré, était hostile à une diminution du
cens, ne souhaitant pas que les ultraroyalistes trouvent de nouveaux
électeurs.
Finalement, Louis XVIII et Richelieu firent casser ce vote par la Chambre
des pairs.
Plus tard, un nouveau conflit éclata entre le gouvernement Richelieu et la
Chambre des députés, cette fois ci à cause du vote du budget.
En
effet, afin de faire face aux dépenses occasionnées par l’occupation, le
ministre des finances Louis Emmanuel Corvettoproposa de reconnaitre
les dettes des régimes précédents, et de vendre des hectares de forêt
appartenant à l’Etat (autrefois à l’Eglise.).
Toutefois, les députés repoussèrent de projet de loi, considérant que le roi
de France n’avait pas à s’acquitter de dettes contractées par Napoléon, via
des biens « volés » au clergé lors de la révolution. Ainsi, Louis XVIII fut
contraint de contracter un emprunt de 100 millions francs afin de payer les
frais d’occupation.
Suite à ce vote houleux, le gouvernement décida de prononcer la clôture de
la session (29 avril 1816.), et la chambre introuvable fut dissoute par
Louis XVIII le 20 août (la décision étant tenue secrète, les députés ne
furent pas mis au courant des intentions du roi.).
A
noter que Clarke et le comte de Vaublanc, respectivement ministres de la
Guerre et de l’Intérieur, furent renvoyés par le duc de Richelieu car jugés
trop proches des Ultras (en septembre, ils furent remplacés par Laurent
Gouvion et Joseph Henri Joachim, vicomte Laîné.).
Joseph Henri Joachim, vicomte Laîné.
Le
25 août 1816, le concordat de 1801 fut abrogé[15] ;
le concordat de Bologne, datant de 1516, fut alors rétabli[16].
Par ailleurs, l’été 1816 vit l’apparition du parti constitutionnel,
branche du parti royaliste, opposé aux Ultras. Les membres de ce courant
pensaient en effet que la Terreur blanche et le retour à la monarchie
absolue ne ferait qu’attiser les tensions (ses principaux membres étaient le
duc de Richelieu, Elie Decazes, Etienne Denis Pasquier, etc.).
[2]
Ce dernier fut fait marquis de Saint Cyr en 1817 par Louis XVIII.
[3]
Joseph Dominique Louis, fait baron par Napoléon Bonaparte, avait
intégré le conseil d’Etat en 1811.
[4]
Pour en savoir plus sur la Terreur blanche de 1795, voir le 4,
section III, chapitre quatrième, la Révolution française.
[5]
A noter que les Ultras étaient plus royalistes que le roi,
Louis XVIII étant hostile à une suppression pure et simple des
acquis de la révolution et de l’Empire.
[6]
Le duc de Richelieu était le descendant du cardinal de Richelieu,
premier ministre de Louis XIII.
[7]
Decazes, né en septembre 1780, ne tarda guère à devenir un des
favoris de Louis XVIII.
[15]
Le concordat de 1801 fut signé entre Napoléon Bonaparte et le pape
Pie VII. Le texte, mettant fin à la déchristianisation
souhaitée par les révolutionnaires, consacrait le catholicisme comme
principale religion des Français. Pour en savoir plus,
cliquez ici.
[16]
Le concordat de Bologne fut signé entre François I° et le
pape Léon X en 1516. L’objectif était de mettre fin à la
Pragmatique sanction de Bourges, qui consacrait l’indépendance
du clergé français. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le 3,
section II, chapitre premier, les Valois-Angoulême.