1° Le second ministère de
Richelieu (février 1820 à décembre 1821) – Suite au départ de Decazes,
Louis XVIII décida de rappeler le duc de Richelieu, qui avait été approché
au cours des jours précédents.
Ce
dernier, connu pour sa modération, souhaitait mettre en place un ministère
de consensus (rappelons que l’objectif du roi n’était pas de mettre en place
un gouvernement contrôlé par les Ultras.).
Pasquier conservait le ministère des Affaires étrangères ; le comte de Serre
retrouvait le portefeuille de la Justice ; Marie Charles César Florimond
de Fay, comte de Latour-Maubourg et Pierre Barthélémy, baron
Portal, étaient confirmés à la Guerre et à la Marine ; les Finances étaient
cédées à Antoine, comte Roy ; l’Intérieur à Joseph Jérôme,
comte Siméon.
Bien que s’étant ralliés à l’Empire lors du règne de Napoléon, les ministres
promulguèrent une série de lois conservatrices : la loi sur la liberté
individuelle (28 mars 1820.), permettant de détenir en prison les
personnes suspectées de comploter contre le roi ou la sûreté de l’Etat ;
loi sur les journaux (30 mars 1820.), remettant en place le système de
l’autorisation préalable,
et contraignant les journalistes à présenter leurs textes devant une
commission de censure avant toute publication ; loi du double vote
(30 juin 1820.), quant à elle, permettait aux électeurs payant le cens le
plus élevé de voter deux fois.
Ces quelques mesures furent particulièrement mal appréciées par les libéraux
et une partie de la population. Ainsi, la loi sur la presse condamnait à
court terme les journaux les plus hostiles au pouvoir ; la loi sur le double
vote favorisait les Ultras, qui le nouveau mode de scrutin favorisant les
plus riches.
C’est à partir de cette date que les contestations se firent de plus en plus
véhémentes, libéraux, bonapartistes et républicains n’acceptant plus de
servir un régime bafouant la charte de 1814.
De
nombreux contestataires se rapprochèrent alors de Marie-Joseph Paul Yves
Roch Gilbert du Motier, marquis de La Fayette.
Ce dernier, bien que n’ayant pas de responsabilité politiques, restait dans
les mémoires comme le vainqueur de la
guerre d’indépendance américaine
et l’homme providentiel des débuts de la Révolution française.
Le marquis de La Fayette, 1824.
La
Fayette fut ainsi associé à plusieurs sociétés secrètes, telles que les
Amis de la vérité, l’Association de janvier, etc.
Malgré les contestations engendrées par les mesures votées précédemment, les
élections de novembre 1820 entraînèrent l’arrivée de nombreux Ultras au sein
de l’assemblée (à noter que certains électeurs, défavorables au
gouvernement, furent exemptés d’impôts afin de les empêcher de voter.).
Suite à ces élections, le duc de Richelieu décida de faire rentrer Jean
Baptiste Villèle au sein du gouvernement, mais ne lui confia pas de
portefeuille (l’objectif était de ce concilier les faveurs des Ultras, dont
le nouveau ministre était un des chefs.).
Preuve de la supériorité des Ultras au sein de la Chambre des députés, fut
votée en avril 1821 une loi interdisant à un député de prendre la parole
dans le cas où il aurait été appelé deux fois à l’ordre par le président.
Alors que les séances à l’assemblée étaient de plus en plus houleuses, les
députés apprirent la mort de Napoléon dans le courant de l’été (l’Empereur
déchu, exilé à Sainte Hélène, était décédé le 5 mai 1821.). Cette nouvelle
rapprocha les libéraux des bonapartistes, qui devinrent dès lors plus
conciliants.
Procession funèbre sur l'île de Sainte Hélène, suite au décès de Napoléon.
Le
duc de Richelieu, alors en position délicate, ne tarda guère à voir son
assise vaciller. Ainsi, Villèle décida de quitter le gouvernement en juillet
1821, le premier ministre ayant refusé de leur confier un poste ; en octobre
de la même année, les élections législatives furent une victoire pour les
Ultras, qui parvinrent à l’emporter face aux candidats du gouvernement ;
enfin, les ultraroyalistes décidèrent de s’allier avec les libéraux les plus
révolutionnaires afin de faire tomber le ministère.
Face à une chambre des députés de plus en plus ingouvernable, Richelieu
menaça les députés d’une dissolution. Toutefois, le premier ministre n’étant
pas soutenu par Louis XVIII, il décida de démissionner une seconde fois, le
13 décembre 1821.
2° Le gouvernement de Villèle sous Louis XVIII (décembre 1821
à septembre 1824) – A l’annonce du départ de Richelieu, Charles, comte
d’Artois (le frère cadet de Louis XVIII.), fut chargé de constituer un
nouveau gouvernement. Ce dernier accorda donc sa confiance à Jean Baptiste
Villèle, membre influent des Ultras.
Portrait de Jean Baptiste Villèle.
a) La constitution d’un nouveau gouvernement : le nouveau ministère
fut particulièrement différent du précédent, tous les anciens ministres
ayant été renvoyés. Ainsi, Villèle récupéra le portefeuille des Finances ;
Mathieu Jean Félicité,
duc de Montmorency-Laval, reçut les Affaires étrangères ; Jacques Joseph,
comte de Corbière, eut l’Intérieur ; Pierre Denis, comte de
Peyronnet, la Justice ;
Aimé Marie Gaspard,
vicomte de Clermont-Tonnerre, la Marine ; et
Claude Victor Perrin,
la Guerre.
Le
25 mars 1822, la Chambre des députés vota une nouvelle loi sur la presse,
augmentant le nombre de délits ainsi que les peines encourues. Ainsi, afin
d’éviter de nombreux procès, les journaux hostiles au gouvernement furent
contraints de modérer considérablement leurs propos.
Puis, le 17 août 1822, Villèle reçut le titre de comte des mains de Louis
XVIII (l’objectif était vraisemblablement de rabrouer Clermont-Tonnerre, qui
n’était que vicomte, et qui n’appréciait guère obéir à Villèle.).
b)
Villèle contre la charbonnerie : dès le début de son mandat, le comte
de Villèle s’attaqua à la charbonnerie, un mouvement français
d’origine italienne (à l’origine, les carbonari souhaitaient
l’indépendance et l’unification de la péninsule italique.).
Cette société secrète était composée en majorité de jeunes, de bonapartistes
et libéraux. Ces derniers, avocats, médecins, commerçants ou militaires,
n’appréciaient ni la restauration, ni le traité de 1815. L’objectif des
conjurés était donc de renverser les Bourbons, mettre en place une assemblée
constituante, rétablir la liberté de la presse et des cultes.
A
Paris, la charbonnerie réunissait près de 4 000 personnes, mais était aussi
présente en Province (est, nord et région du Rhône.). Toutefois, le
mouvement ne fut jamais guère dangereux, les conspirations échouant en
raison de l’inexpérience des conjurés.
C’est en septembre 1822 que furent inculpés les quatre sergents de La
Rochelle, de jeunes militaires
hostiles à la restauration et membres de la charbonnerie. Les quatre
prévenus, déclarés coupables de haute trahison, furent alors guillotinés sur
la place de l’Hôtel de Ville.
L'exécution des quatre sergents de La Rochelle.
De
nombreux militaires et civils étant incarcérés en raison de leurs liens avec
la charbonnerie, le mouvement finir par s’éteindre au fil des mois.
c)
Villèle contre les universités : lors de la rentrée de septembre
1822, Villèle décida de s’attaquer aux universités. En effet, de nombreux
étudiants, conspuant l’autorité royale, avait fait preuve d’un trop grand
attachement au libéralisme.
Ainsi, l’école de médecine et l’école de droit furent fermées en novembre ;
l’école normale supérieure fut supprimée (elle n’ouvrit à nouveau ses portes
qu’en 1826.) ; enfin, le corps enseignant fut épuré (Villèle fit alors
rentrer de nombreux ecclésiastiques au sein des universités.).
En
novembre 1822, les élections législatives donnèrent la victoire aux
candidats du gouvernement, Villèle ayant ordonné de faire pression sur les
électeurs.
3° La campagne d’Espagne (1822 à 1823) – Suite à la
défaite de Napoléon, le roi d’Espagne Ferdinand VII avait finalement
retrouvé son trône. Toutefois, alors qu’il souhaitait mettre en place une
monarchie absolue, de nombreux libéraux souhaitaient remettre en vigueur la
constitution de mars 1812
(qui avait été votée lors du règne de Joseph I°, frère aîné de
Napoléon.)
Dans un premier temps, Ferdinand VII tenta de résister ; puis, acculé, il
décidé de faire appel à la Sainte Alliance.
a)
Tergiversations en France (été 1822) : si le vicomte de
Clermont-Tonnerre, faisant passer des armes et de l’argent aux royalistes
espagnols, Villèle était opposé à une intervention de la France dans ce
conflit.
Ainsi, le premier ministre savait que cette nouvelle campagne, en plus
d’être incertaine (développement de la charbonnerie au sein de l’armée.),
serait particulièrement couteuse. Par ailleurs, Villèle redoutait qu’une
intervention en Espagne ne soit impopulaire.
Les Ultras, au contraire, voyaient là une occasion de redorer le blason des
Bourbons, ainsi que de réussir où Napoléon avait échoué.
En
octobre 1822, les puissances européennes se réunirent lors du Congrès de
Vérone. La France, qui jusque là s’était contentée de déployer des
forces sur la frontière pyrénéenne, fut alors chargée d’intervenir en
Espagne.
b)
La nouvelle campagne d’Espagne (printemps à automne 1823) : Villèle
et Louis XVIII, ayant constaté que les membres du gouvernement étaient
favorables à une intervention, décidèrent alors de mettre en place une
expédition vers l’Espagne.
Le
commandement de la campagne fut alors confié à Louis Antoine d’Artois,
duc d’Angoulême (ce dernier était le fils aîné de Charles, comte d’Artois,
frère cadet de Louis XVIII.).
Louis Antoine d'Artois, duc d'Angoulême, début du XIX° siècle,
musée de la Marine, Paris.
Traversant les Pyrénées à la tête de 80 000 hommes le 7 avril 1823, le duc
d’Angoulême fut bien accueilli par les espagnols royalistes, le clergé et la
paysannerie (ceux-là même qui avaient lutté contre Napoléon dix années
auparavant.).
L’armée des libéraux, constatant l’avance des Français, décida alors de
reculer.
Le
24 mai, les Français entrèrent dans Madrid au terme d’une simple promenade
militaire. Ferdinand VII, quant à lui, avait été capturé par les libéraux et
emmené avec eux à Séville. Toutefois, voyant les Français approcher une fois
de plus, les insurgés décidèrent de se replier vers Cadix, emportant avec
eux leur souverain prisonnier.
Arrivant devant Cadix, le duc d’Angoulême décida d’assiéger la cité (30 août
1823.). Pendant plusieurs jours, les assiégés tentèrent de résister, mais
l’arrivée des navires français dans la rade de Cadix enleva tout espoir de
victoire aux libéraux.
Résignés, ces derniers décidèrent de capituler le 20 septembre 1823.
Ferdinand VII fut alors restauré, et décida alors de mettre en place une
Terreur blanche. Le duc d’Angoulême, soucieux d’éviter une nouvelle guerre
civile, proposa au souverain espagnol de promulguer une amnistie, en vain.
Louis Antoine d’Artois décida alors de rentrer à Paris, alors que Ferdinand
VII annulait tous les décrets adoptés de force lors de sa captivité (dont la
reconnaissance de la constitution de 1812.).
Lieutenant général en tenue de société, 1822-1830, musée des Invalides,
Paris.
A
noter cependant que si Cadix était tombée, de nombreuses cités étaient
encore entre les mains des libéraux à l’automne 1823. Ainsi, manquant de
matériel de siège, les Français ne prirent certaines villes du nord du pays
qu’au cours de l’hiver (Pampelune, Saint Sébastien, Barcelone, etc.).
La
campagne d’Espagne avait été victorieuse, mais il fut toutefois décidé de
laisser en place un corps d’occupation de 45 000 hommes (à noter que la
péninsule ibérique ne fut évacuée qu’à partir de 1828.).
4° La mort de Louis XVIII (septembre 1824) – En décembre
1823, Villèle décida de dissoudre la Chambre des députés. Les élections
législatives de février 1824, conformément aux attentes du gouvernement,
furent alors un succès.
Ainsi, les royalistes et les Ultras remportèrent la grande majorité des
sièges, les libéraux devant s’en contenter d’une quinzaine.
Par ailleurs, les bonapartistes furent moins hostiles en raison de la
campagne d’Espagne (expédition qui avait rallié l’armée aux Bourbons.) ; La
Fayette, parti visiter les Etats Unis, avait emporté avec lui son goût pour
la conspiration.
Enfin, c’est à partir de cette date que l’opposition, peu présente au sein
de l’assemblée, commença à se faire plus présente dans la presse.
Le
9 juin, les députés de la chambre
retrouvée
(selon les mots de Louis XVIII.),
votèrent une loi prévoyant le renouvellement total de l’assemblée tous les
sept ans. Puis, à la mi-août, la censure fut renforcée, entraînant la
suppression de nombreux journaux.
Louis XVIII, qui avait toujours tenté de préserver les acquis de la
Révolution française et de l’Empire, était alors en très mauvaise santé. Ce
dernier, souffrant l’hydropisie et l’artériosclérose, fut contraint de
s’aliter en septembre 1824.
A
l’issue d’une agonie longue de trois jours, le roi de France expira le 16
septembre 1824.
La mort de Louis XVIII.
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