Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

adblocktest

 

Les mensonges de l'Histoire

 


La course aux armements

La course aux armements nucléaires opposa les Etats-Unis et l'URSS, à l'époque de la Guerre froide. Ce terme (« Cold war »), qui fit pour la première fois son apparition dès 1945 sous la plume du journaliste britannique George Orwell[1], fut rapidement repris par les médias occidentaux. Cette période, qui dura de la fin de la seconde guerre mondiale à la chute du régime soviétique, fut le théâtre d'un affrontement politique et idéologique entre les deux grandes puissances. Cependant, malgré plusieurs épisodes particulièrement tendus (Blocus de Berlin, en 1948 ; Guerre de Corée, de 1950 à 1953 ; crise des missiles de Cuba, en 1962 ; guerre du Vietnam, de 1954 à 1975 ; etc.), la Guerre froide ne déboucha jamais sur un conflit ouvert.

Dessin représentant les deux protagoniste de la guerre froide : les Etats-Unis, à gauche, et l'URSS, à droite.

Etats-Unis et URSS, refusant d'être militairement dépassés par l'ennemi, participèrent alors à la course aux armements nucléaires (à l'instar de plusieurs autres pays, qui s'équipèrent progressivement de l'arme atomique : France, Angleterre, Chine, Inde, Pakistan).

Toutefois, si la réalité de la course aux armements nucléaires ne peut être niée, il convient de préciser que cette dernière fut motivée, côté américain, par le missile gap (ou « écart des missiles » en français), théorie selon laquelle l'URSS détenait bien plus d'armes atomiques que les Américains (l'objectif était donc de corriger cet  « écart »).

 

Pendant la seconde guerre mondiale, deux pays travaillaient sur l'arme atomique : les Etats-Unis (le projet Manhattan) et l'Allemagne nazie (l'Uranprojekt, ou « projet Uranium »). Cependant, les scientifiques allemands ne purent mener leur projet à bien, en raison de la défaite des forces de l'Axe[2]. En août 1945, les Etats-Unis lancèrent deux bombes A sur Hiroshima et Nagasaki, au Japon, devenant le premier pays à posséder l'arme nucléaire.

Le palais d'exposition industrielle d'Hiroshima peu de temps après l'explosion, août 1945, Mémorial Leclerc, Paris.

L'URSS, n'acceptant guère cette suprématie, commença à travailler à son tour sur l'arme atomique, parvenant à concevoir la RDS-1 (Reaktivnyi Dvigatel Specialnyi, ou « réacteur spécial ») dès 1949, une bombe A inspirée du modèle américain.

Bombe RDS-1.

Les progrès soviétiques firent grand bruit aux Etats-Unis, d'autant que les experts américains estimaient que l'URSS ne parviendrait à s'équiper de l'arme atomique qu'à compter des années 1950. Ainsi, pendant plus d'une décennie, les deux grandes puissances travaillèrent sur l'élaboration d'armes atomiques de plus en plus puissantes : en novembre 1952, les Etats-Unis inventèrent la bombe H, en théorie mille fois plus puissante que la bombe A (à cette date, Ivy Mike, d'une puissance de 10 mégatonnes, fut lancé sur un atoll des îles Marshall) ; en 1955, les soviétiques expérimentèrent à leur tour la bombe A, lançant la Tsar Bomba, d'une puissance de 57 mégatonnes[3], sur l'archipel de la Nouvelle-Zemble (1961).

Explosion de la bombe Ivy Mike, 1952.

Par ailleurs, les années 1950 virent arriver de nouveaux vecteurs, en parallèle des progrès réalisés dans l'aérospatiale. Ainsi, alors qu'à l'origine les bombes atomiques étaient transportées par avion (garantissant la sanctuarisation du sol américain), les missiles balistiques intercontinentaux vinrent bouleverser la donne : en octobre 1957, les Soviétiques lancèrent la fusée R-7 Semiorka, qui plaça le satellite Spoutnik dans l'espace[4] ; rapidement suivis par les Américains, qui firent décoller le missile SM-75 Atlas au mois de décembre.

Missile balistique SM-75 Atlas.

Désormais, les Etats-Unis n'étaient plus à l'abri d'une attaque nucléaire, ce qui entraîna une modification complète de la stratégie militaire américaine.   

 

C'est ainsi qu'apparut la théorie du missile gap, idée selon laquelle les Etats-Unis étaient largement devancés par l'URSS dans la course aux armements. Le président américain Dwight Eisenhower, au pouvoir de 1953 à 1961, doutait de l'existence d'un tel écart. Pendant les élections présidentielles de 1960, le démocrate John Fitzgerald Kennedy, souvent présenté (à tort) comme un pacifiste, dénonça l'existence du missile gap, critiquant ouvertement la politique militaire d'Eisenhower. A cette occasion, ce dernier déclara : la nation est en train de perdre la course aux missiles intercontinentaux avec l'URSS en raison d'erreurs de calculs complaisants, d'économies de bouts de chandelles, de coupes budgétaires, d'une mauvaise gestion incroyablement confuse, et de rivalités et jalousies inutiles... nous faisons face à un écart et nous jouons avec notre survie.

Prévisions alarmistes du missile gap.

Suite à son élection, Kennedy s'engagea dans la course aux armements, accordant d'important crédits à l'armée américaine, à une époque où les deux grandes puissances étaient dans l'incapacité de connaitre le matériel balistique de l'adversaire. Ainsi, alors que Nikita Khrouchtchev, dirigeant de l'URSS, se vantait de produire des missiles balistiques à la chaîne, « comme des saucisses », les services de renseignement américains avancèrent des chiffres grossièrement exagérés. Ces derniers estimaient entre 100 et 1 500 le nombre de missiles soviétiques au début des années 1960, alors qu'en réalité, l'URSS n'en possédait que quatre, prototypes y compris.

Caricature des relations tendues entre Kennedy et Khrouchtchev, présentés en train de faire un bras de fer, assis sur deux engins atomiques.

 

En 1961, suite à la prise de fonction de Kennedy, l'on comptait près de 30 000 têtes nucléaires côté américain, alors que les Soviétiques en détenait à peine 4 000. En URSS, le nouveau président américain fut considéré comme un militariste, idée renforcée par le débarquement de la baie des Cochons, en avril 1961 (l'objectif de cette opération américaine était de renverser Fidel Castro, qui avait pris le pouvoir à Cuba en 1959. Toutefois, le débarquement fut un échec, et fut la conséquence directe de la crise des missiles de 1962, que nous avons évoqué plus tôt).

Graphique présentant l'évolution du stock de têtes nucléaires des Etats-Unis et de l'URSS, de 1945 jusqu'aux années 2000.

Comme nous pouvons le constater, le fameux missile gap n'a jamais existé, ou du moins pas du côté américain. Cette course aux armements nucléaires fut vivement critiquée en Occident, comme nous le montre le film Docteur Folamour ou : comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe, sorti en salles en 1964. Dans cette fiction, une flotte de bombardiers B-52 reçoit par erreur l'ordre de bombarder l'URSS. Toutefois, l'on apprend que les soviétiques ont mis en place une « machine infernale », destinée à éradiquer toute forme de vie sur la planète en cas d'attaque ennemie. Le président américain décide alors de consulter le docteur Folamour, expert nucléaire et ancien nazi (clin d'œil à l'opération Paperclip[5]). Ce dernier préconise alors d'enfouir le peuple américain sous terre, avec un ratio de dix femmes pour un homme, ce qui permettra de repeupler la surface au bout d'un siècle, lorsque les radiations radioactives auront disparu. A cette occasion, un des généraux prévient que les Soviétiques feront de même, et dénonce alors un éventuel mineshaft gap (ou « écart de puits de mines »).

Docteur Folamour (interprété par Peter Seller) refreinant une "mauvais habitude" héritée de l'Allemagne nazie.

 

A compter de la fin des années 1960, Etats-Unis et URSS s'engagèrent dans la voie de la Détente, période au cours de laquelle les deux grandes puissances signèrent les accords SALT (Strategic Armements Limitation Talks, ou « négociations sur la limitation des armes stratégiques »), en 1972.

Signature des accords SALT 1 par Richard Nixon, président américain, et Léonid Brejnev, dirigeant de l'Union soviétique.

Toutefois, si les accords SALT prévoyaient une limitation de l'arsenal atomique, il ne précisait pas le nombre de têtes nucléaires embarquées dans chaque missile balistique. Les Soviétiques profitèrent donc de cette faille pour s'équiper en MIRV (Multiple Independently targeted Reentry Vehicle, ou « véhicule de rentrée à cibles multiples et indépendantes »). Ainsi, c'est en 1975 que l'arsenal soviétique dépassa celui des Etats-Unis (diminué à environ 25 000 pièces), atteignant les 40 000 têtes nucléaires en 1985. 

Schéma représentant le fonctionnement d'un missile MIRV.

En conséquence, la menace d'un second missile gap fut parfois brandie par des universitaires ou des journalistes, à une époque où le gouvernement américain savait que l'URSS était aux portes de l'asphyxie économique. Toutefois, le président américain Ronald Reagan, élu en janvier 1981, élabora le Strategic Defense Initiative (ou « initiative de défense stratégique »), prévoyant la mise en place d'un réseau de satellites permettant de détecter et de détruire d'éventuels missiles lancés contre les Etats-Unis. Cependant, le projet Guerre des étoiles, trop onéreux, fut finalement abandonné en 1994

Schéma représentant le fonctionnement du projet Guerre des étoiles.

 

Depuis la chute de l'Union soviétique, les anciennes puissances rivales se sont engagées dans un processus de désarmement nucléaire. En avril 2010, les Etats-Unis et la Russie ont signé le traité START III (Strategic Arms Reduction Treaty,  ou « traité de réduction des armes stratégiques »), prévoyant de limiter à 1 500 le nombre d'engins nucléaires dans les deux pays.

Toutefois, de nombreux sites de production de plutonium ou de tests nucléaires restent encore pollués par les radiations, qui ne devraient disparaître qu'au bout d'un demi-siècle...

___________________________________________________________________________________________
comments powered by Disqus  

[1] Orwell (de son vrai nom Eric Blair) naquit en Inde en juin 1903, au sein d'une famille de la bourgeoisie britannique. Ecrivain engagé, il participa à la guerre d'Espagne en 1936. Aussi bien outré par les milices de Franco que par les malversations des communistes, il écrivit Hommage à la catalogne en 1938. En 1944, il fit publier La ferme des animaux, critique de l'URSS, puis 1984, en 1949, roman dystopique dénonçant le totalitarisme. Orwell mourut peu de temps après, en janvier 1950.

[2] Rappelons que l'Axe était une alliance unissant l'Allemagne, l'Italie et le Japon, créée en septembre 1940.

[3] A noter que la Tsar Bomba, plus gros engin explosif de l'histoire de l'humanité, devait à l'origine être doté d'une puissance de 100 mégatonnes.

[4] Nous reviendrons sur Spoutnik et la course à l'espace lors du chapitre suivant (cliquez ici).

[5] L'opération Paperclip, conduite entre 1945 et 1957, favorisa l’exil des cerveaux allemands vers les Etats-Unis. C'est ainsi que l'Etat-major américain s'empara des scientifiques ayant travaillé sur les fusées V2, le projet allemand d’arme atomique, les gaz de combat, etc.