1° Réformes administratives –
Les députés de l’Assemblée constituante, rassemblés depuis l’été
1789, mirent en place d’importantes réformes en l’espace de quelques mois.
En décembre 1789, les députés décidèrent de
réformer les circonscriptions administratives de l’ancien régime, ces
dernières étant particulièrement complexes. C’est ainsi que furent créés les
communes, cantons, districts et départements.
La commune, plus petite circonscription
administrative, remplaçait ainsi les paroisses, généralités et diocèses.
En outre, chaque municipalité devait être dirigée par un maire, élu par ses
administrés.
L’objectif était de mettre un terme à
l’hétérogénéité qui régnait dans le royaume de France, chaque cité ayant un
dirigeant possédant un nom et des fonctions différentes. Sous l’Ancien
régime, les villes étaient dirigées par des échevins au nord, des consuls au
sud, des jurats à Bordeaux et des capitouls à Toulouse.
A noter en outre que ces derniers n’étaient pas
élus, le pouvoir restant généralement entre les mains de quelques familles
bourgeoises.
Les départements, au nombre de 83, constituaient des circonscriptions
administratives, fiscales, judiciaires et religieuses. Le nom de ses
nouveaux secteurs fut déterminé par la géographie physique (fleuves,
montagnes, mers, etc.). A noter que les députés tentèrent de tenir compte
des anciennes provinces lors de la création des départements (les
nouvelles administrations furent élues à partir de l’été 1790.).
Par ailleurs, l'assemblée constituante vota un décret le 12 septembre 1790,
créant les Archives nationales. Sous la monarchie, l'objectif était de
regrouper dans un même centre les documents issus des institutions
supprimées (ordres religieux, corporations, etc.), ainsi que les archives
privées des émigrés.
Suite à la mort de Louis XVI, la totalité des documents de la couronne
furent versés aux Archives nationales.
Loi créant les Archives nationales, 12 septembre 1790,
musée des Archives
Nationales, Paris.
2° Réformes économiques et judiciaires – Afin de favoriser
le commerce et donc les rentrées d’argent, les députés votèrent en juin 1791
la loi Le Chapelier (du nom de son instigateur, Isaac Le Chapelier.).
Le
texte prévoyait la suppression des guildes, des corporations, ainsi que des
syndicats ouvriers comme patronaux. La loi Le Chapelier interdisait aussi le
droit de grève.
Buste d'Isaac Le Chapelier, par Charles GAUTHIER,
salle du jeu de paume, Versailles.
En
ce qui concerne les autorités judiciaires, de grands changements furent mis
en place. Le vote de la nuit du 4 août ayant proclamé la suppression de la
vénalité des charges, les juges seraient dorénavant élus. Par ailleurs, les
parlementaires furent mis en congé en novembre 1789. En réalité, l’Assemblée
constituante venait de dissoudre le Parlement de Paris, ce que la royauté
n’avait pas eu le cran de faire au cours de ces dernières décennies.
Par ailleurs, outre la présomption d’innocence garantie par la Déclaration
des droits de l’Homme et du Citoyen, les députés décidèrent de créer le
jury, chargé de délibérer sur l’innocence ou la culpabilité de l’accusé.
Enfin, toute condamnation à mort nécessiterait une majorité de quatre
cinquième parmi les juges.
3° Réformes religieuses – Suite à la suppression des
privilèges, survenue lors de la nuit du 4 août 1789, la dîme fut supprimée
sans compensation.
a)
La vente des biens de l’Eglise, les assignats : au mois de novembre,
les biens du clergé furent mis à disposition de la Nation afin de résorber
la dette publique. A la mi-décembre 1789, les députés créèrent la Caisse
de l’Extraordinaire afin de gérer cet important patrimoine.
Toutefois, la vente de tels biens prenait beaucoup de temps, et il fallait
remplir les caisses de l’Etat au plus vite. Ainsi, les membres de la
constituante décidèrent de créer les assignats, dont la valeur serait
assignée sur les biens du clergé.
Assignats de sommes diverses, vers 1792-1795, Deutsches historisches museum, Berlin.
En
pratique, lorsqu’un individu souhaitait acheter les biens du clergé, il
donnait à l’Etat une certaine somme d’argent, contre laquelle il recevait un
assignat. Plus tard, lorsque la vente était conclue, l’acheteur rendait
l’assignat à l’Etat afin qu’il soit détruit.
Cette tactique permettait au gouvernement de faire rentrer de l’argent frais
rapidement, avant même que la vente des biens du clergé ne soit effectuée.
Les premiers assignats étaient d’une valeur de mille livres, et le montant
total de cette première émission s’élevait à 400 millions de livres.
A
noter que plusieurs députés de l’assemblée constituante étaient hostiles à
ce système. En effet, ces derniers prenaient comme exemple le
système de Law,
qui s’était conclu par un échec patent.
En
août 1790, il fut décidé de transformer les assignats en papier monnaie ; à
partir de cette date, l’Etat ne détruisit plus les assignats récupérés, mais
au contraire en imprima de nouveaux. Necker, contrôleur général des
finances, fut scandalisé par ces réformes, décidant de donner sa démission
en septembre 1790.
Entre 1790 et 1793, les assignats perdirent 60% de leur valeur
(à noter en outre que de nombreux faussaires parvinrent à émettre de faux
assignats, diminuant ainsi la valeur des vrais billets.).
b)
La constitution civile du clergé : la confiscation des biens du
clergé entraîna les députés à se poser des questions quant à la rémunération
des ecclésiastiques.
Dans un premier temps, les députés votèrent la loi sur l’abolition des vœux
monastiques (13 février 1790.). L’on estime ainsi que 100 000 moines et
moniales (soit environ les deux tiers du clergé français.) durent quitter
leurs monastères et couvents.
Par la suite, l’Assemblée constituante vota constitution civile du clergé
(12 juillet 1790.), et le texte fut ratifié par le roi en août 1791.
La
carte des évêchés fut réformée, sur la base d’un par département ; les
évêques et les prêtres seraient désormais élus par le peuple, et rémunérés
par l’Etat ; tous les religieux étaient dotés de droits civiques. Enfin, le
texte prévoyait aussi des mesures de tolérance vis-à-vis des protestants et
des juifs.
Bien qu’adoptant une doctrine identique à celle de Rome, le clergé français
était dès lors indépendant vis-à-vis du pape. A noter que cette mesure
s’inscrivait évidemment dans la tradition gallicane française.
En
novembre 1790, les députés décidèrent que prêtres, chaque dimanche à la
sortie de la messe, devraient prêter serment à la Nation, à la loi, au
roi. Mais au printemps, le pape Pie VI, furieux, condamna la
constitution civile du clergé, qu’il considérait comme hérétique,
schismatique et sacrilège.
Pie VI, par Pompeo BATONI, XVIII° siècle, musée du Vatican, Rome.
Au
final, l’on estime qu’une grosse moitié des prêtres refusa de prêter
serment, contre la quasi-totalité des évêques.
Les disparités furent notables en fonction de la classe sociale (les
évêques, en règle générale issus de la noblesse, étaient plutôt hostiles aux
réformes ; alors que les prêtres, plus proches du peuple, étaient plus
enclins à prêter serment.), mais aussi en fonction des zones géographiques
(le clergé du bassin parisien, favorable aux idées des Lumières, accepta de
prêter serment ; par contre, les ecclésiastiques du sud de la France,
d’Alsace et de Bretagne, où les particularismes locaux étaient encore forts,
se méfiaient de la capitale.).
Drapeau révolutionnaire, vers 1789-1793, Deutsches historisches museum, Berlin.
La
constitution civile du clergé causa de graves torts dans le pays, divisant
les Français entre jureurs (ceux qui avaient prêté serment.)
et réfractaires (ceux qui n’avaient pas prêté serment.).
Si
dans un premier temps, les réfractaires furent simplement remplacés, ils
furent pourchassés à partir d’août 1791.
4° Réforme de la peine de mort –
Sous l’Ancien régime, les condamnés à mort subissaient des peines capitales
aussi diverses que variées : les aristocrates étaient décapités à la hache
ou à l'épée, les voleurs étaient pendus, les hérétiques étaient brûlés, les
assassins étaient roués vifs,
les faux monnayeurs étaient ébouillantés, les régicides étaient écartelés,
etc.
Joseph Ignace Guillotin, député de
l’Assemblée constituante, proposa alors que tous les condamnés à mort soient
exécutés selon le même mode opératoire. L'objectif était double : d'une
part, égaliser les châtiments entre nobles et roturiers ; d'autre part,
mettre en place une peine capitale plus "humaine" et plus rapide.
Le docteur Joseph Ignace Guillotin, école française, vers
1784, musée Carnavalet, Paris.
En
octobre 1791, l'Assemblée législative vota une loi déclarant que tout
condamné à mort aurait la tête tranchée.
La
guillotine
fut utilisée pour la première fois en avril1792. Les Parisiens, rassemblés
sur la place de l’Hôtel de Grève (actuellement place de l'Hôtel de Ville.)
furent particulièrement déçus de voir un condamné à mort mourir aussi
rapidement. Toutefois, le défunt ne fut que le premier d'une
longue série...
Une exécution capitale sur la place de la révolution, par
Pierre Antoine DEMACHY, fin du XVIII° siècle, musée Carnavalet, Paris.
|