Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

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Les Valois

 

CHAPITRE PREMIER : Les premiers Valois et la guerre de Cent Ans

 

II : Jean II le Bon, la guerre de Cent Ans s'enlise

           

            1° Jean II le Bon monte sur un trône convoité – Philippe VI, de son mariage avec Jeanne de Bourgogne (sœur de Marguerite de Bourgogne, la première épouse de Louis X.), eut plusieurs fils et filles (dont un grand nombre moururent en bas âge.).

Conformément  la loi salique, ce fut l’aîné, Jean II (né en avril 1319.), qui monta sur le trône.

Le sacre de Jean II, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, France, XIV° siècle.

Il fut surnommé le Bon pour son esprit chevaleresque. Cependant, bien qu’étant courageux au combat, le nouveau souverain était toutefois peu cultivé, trop irréfléchi et passionné, ce qui lui causa bien des torts par la suite.

Portrait du roi Jean II le Bon, anonyme, musée du Louvre, Paris.

Jean II fut sacré roi à Reims avec sa seconde épouse Jeanne d’Auvergne en septembre 1350 (sa première femme, Bonne de Luxembourg[1], était décédé de la peste en 1349.).

Le sacre de Jean II, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

La cérémonie du sacre fut l’occasion de fêtes fastueuses… alors que le pays était économiquement au plus mal.

 

a) Manigances  d’Edouard III : à noter que Jean II se fit couronner rapidement, car Edouard III voulait profiter de la mort de Philippe VI pour se faire sacrer roi.

Afin d’accomplir son objectif, le roi d’Angleterre rassembla une flotte et tenta de débarquer en France. Cependant, la flotte française, commandée par Charles de la Cerda[2], favori du roi, parvint à intercepter Edouard III.

Les deux flottes livrèrent la bataille de Winchelsea, à l’issue de laquelle les Anglais furent vainqueurs, mais au prix de lourdes pertes.

Néanmoins, les Français réussirent au moins à contrecarrer les plans du roi d’Angleterre.

 

b) Manigances de Charles le Mauvais : cependant, Edouard III n’était pas le seul à vouloir s’emparer de la couronne de France. C’était aussi le cas de Charles II le Mauvais, roi de Navarre et comte d’Evreux (il était le fils de Jeanne II de Navarre, fille du défunt roi de France Louis X.).

A cette époque, le prestige des Valois était battu en brèche, et Charles le Mauvais décida d’en profiter.

Maître de la Navarre et d’importants territoires en Normandie et dans la vallée de la Seine (de par sa possession du comté d’Evreux.), Charles tenta de rassembler les mécontents de la nouvelle dynastie autour de sa personne.

 

Le roi de Navarre parvint en outre à recevoir encore plus de soutiens en novembre 1350. A cette date, Jean II fit exécuter le connétable[3] Raoul II de Brienne, comte d’Eu et de Guines.

Ce dernier avait été fait prisonnier par les Anglais lors du siège de Caen, en 1346. Lors de sa libération à l’automne 1350, l’on informa Jean II que le connétable avait négocié sa remise en liberté avec Edouard III[4] : en effet, Raoul II aurait rendu hommage au roi d’Angleterre, s’engageant à lui offrir la forteresse de Guines.

Jean II décida alors de faire arrêter le connétable pour haute trahison, l’enfermant dans un cachot du Louvre. Le lendemain, Raoul II fut décapité sans procès, et ses biens furent confisqués.

Le Louvre au XIV° siècle, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Maquette du Louvre médiéval, musée du Louvre, Paris.

Suite à cette affaire, de nombreux seigneurs de Normandie et du nord ouest se rapprochèrent de Charles le Mauvais, effrayés par le sort que le roi réservait à ceux qui négociaient avec l’Angleterre.

Enfin, le roi en profita pour ajouter le comté de Guines au domaine royal, et nomma connétable son favori Charles de la Cerda (1351.).

 

c) La rivalité entre Charles de la Cerda et Charles le Mauvais : Fraichement nommé connétable, Charles de la Cerda épousa Marguerite de Blois, fille de Charles de Blois (candidat à la succession du duché de Bretagne[5].). Cela lui valut le soutien de nombreux seigneurs bretons (dont le fameux Bertrand Du Guesclin.).

En effet, Charles de la Cerda tentait de s’attirer les sympathies des grands seigneurs, sachant que Charles le Mauvais tentait d’en faire de même afin de déstabiliser la royauté.

Jean II confia de nombreuses missions diplomatiques et commandement militaires à son favori, qui s’en sortit honorablement. En 1351, Charles de la Cerda s’empara de Saint Jean d’Angely lors d’une campagne en Poitou.

En outre, Jean II donna le comté d’Angoulême au connétable, que Charles le Mauvais convoitait lui aussi.

 

Cependant, bien que comblant Charles de la Cerda de faveurs, Jean II tenta aussi de s’attirer les bonnes grâces de Charles le Mauvais, le nommant lieutenant général du Languedoc. Le Navarrais s’acquitta correctement de sa tâche, mais revint à Paris quatre mois après sa prise de fonctions.

En outre, en avril 1352, Jean II donna la main de sa fille Jeanne[6] à Charles le Mauvais. Ce dernier avait conscience que ce mariage ne le rapprochait pas du trône, mais il devait néanmoins une dot considérable : les terres de Pontoise et de Beaumont (cependant, après plus d’une année de mariage, Charles le Mauvais n’avait toujours rien reçu, ce qui ne fit qu’attiser sa rancœur à l’encontre de Jean II et de Charles de la Cerda.).

 

d) Premières mesures de Jean II le Bon : suite à la création de l’Ordre de la Jarretière par Edouard III, en 1348[7], Jean II décida de créer un ordre français, l’Ordre de l’Etoile (janvier 1352.).

Jean II instaurant l'ordre de l'étoile, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, France, XIV° siècle.

Ses 500 membres, tous chevaliers, s’engageaient à ne jamais reculer sur le champ de bataille de plus de quatre arpents. Cet esprit de bravoure, qui avait été fatal à la chevalerie française à Crécy[8] n’était pas réprimandé, au contraire, Jean II était en train de l’encourager !

Les conséquences d’un tel serment ne tarderaient pas à se faire douloureusement sentir…

 

Par la suite, Jean II décida de bloquer les prix et les salaires en janvier 1351, afin d’éviter une hausse des prix (à cause de la raréfaction de la main d’œuvre causée par la peste noire.).

Il décida aussi d’interdire la mendicité, afin d’obliger les mendiants à travailler.

Enfin, Jean II autorisa aussi les Parisiens à se lancer dans l’artisanat, cassant ainsi le système de corporation qui ne pouvait aboutir qu’à une hausse des prix.

A noter que des mesures semblables furent aussi prises en Angleterre. 

 

            2° Seconde phase de la guerre de Bretagne (1343 à 1354) – Comme nous l’avons vu précédemment, Charles de Blois et les Anglais avaient conclu une trêve, en janvier 1343[9]. En effet, Edouard III avait pris le contrôle de Brest et des places fortes encore fidèles à Jean de Montfort (en gros, l’ouest de la Bretagne.), et Charles de Blois possédait le reste.

 

a) La reprise des hostilités : suite à la trêve de Malestroit, négociée par l’entremise du pape Clément VI, il fut convenu que Jean de Montfort soit libéré par les Français. Cependant, ces derniers refusèrent de le libérer, et il finit par s’échapper en mars 1345. Aidé par Edouard III, il mit le siège devant Quimper, dont Charles de Blois s’était emparé en 1344, mais ne parvint à s’emparer de la ville. Malade, il mourut en septembre de la même année, laissant derrière lui un fils âgé de six ans.

A la mort de son rival, Charles de Blois se retrouvait donc une fois de plus dans une situation avantageuse, comme il l’avait été lors de la première phase de la guerre de succession de Bretagne.

Cependant, le débarquement des Anglais en Normandie (juillet 1346.), leurs chevauchées dans le nord de la France, leur victoire à Crécy (août 1346.), et la prise de Calais (août 1347.) changea considérablement la donne.

Néanmoins, Charles de Blois décida de mettre le siège devant Vannes, cité aux mains des Anglais, et fief des partisans de Jean de Montfort. Cependant, au cours de la bataille de La Roche Derrien, Charles de Blois fut capturé par les Anglais, qui l’emprisonnèrent dans la tour de Londres.

Charles de Blois capturé à la bataille de Laroche Derrien, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Les deux ducs en rivalité ayant été mis hors d’état de nuire, ce furent leurs épouses qui continuèrent la lutte : Jeanne de Penthièvre (épouse de Charles de Blois.) contre Jeanne de Flandre (épouse de Jean de Montfort.). C’est pourquoi la guerre de succession de Bretagne est parfois appelée guerre des deux Jeanne.

Un des combats les plus célèbres de cette époque fut le fameux combat des trente. En mars 1351, Jean de Beaumanoir (partisan de Charles de Blois.) rencontra Robert de Brandenburg (un Anglais partisan de Jean de Montfort.). Le premier voulait se plaindre au second des exactions commises par les troupes anglaises sur les paysans français.

L’Anglais ne voulut rien entendre et décida d’organiser un combat afin de régler l’attribution du territoire. C’est ainsi qu’eut lieu le combat des trente, trente chevaliers bretons (partisans de Charles de Blois.) s’opposant à trente chevaliers anglais (partisans de Jean de Montfort.).

Le combat des trente, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.

Le combat fut violent, et les Français finirent par avoir le dessus (selon les chroniques de l’époque, certains bretons seraient restés à cheval, ce qui leur aurait apporté un avantage indéniable.). A la mort de Brandenburg, les Anglais décidèrent de mettre fin au combat et se rendirent ?

Cependant, cet affrontement ne régla rien, et les Anglais continuèrent leurs exactions en France.

 

b) Vers la fin du conflit ? : en mars 1353 fut alors signé le traité de Westminster : Edouard III s’engagea à reconnaitre Charles de Blois comme duc de Bretagne, en échange d’une rançon de 300 000 écus. En outre, afin de sceller cette alliance, le fils de Jean de Montfort devait épouser Marie, la fille du roi d’Angleterre.

Cependant, les futurs époux étant cousins, il fallait que le pape délivre une autorisation, qu’il n’accorderait qu’avec l’aval du roi de France. Jean II le Bon accepta, et confia un rôle de plénipotentiaire à son favori, le connétable Charles de la Cerda.

Ce rendant en Normandie, Charles de la Cerda s’arrêta un soir à l’auberge de La Truie qui File, dans le village de L’aigle, en Normandie (janvier 1354.). Cependant, il était surveillé depuis plusieurs jours par les hommes de Philippe de Navarre, frère de Charles le Mauvais. En effet, ce dernier désirait mettre à mal les accords de paix, désirant plutôt s’allier avec les Anglais afin de contraindre le roi de France à lui donner plus de pouvoir.

Cependant, alors que Charles le Mauvais ne souhaitait que capturer le connétable, son frère comprit mal ses ordres et ordonna à ses hommes de tuer leur prisonnier.        

Au final, les plans du Navarrais furent une réussite, et les accords de paix entre les deux belligérants n’aboutirent pas. Ni la guerre de Cent Ans, ni la guerre de succession de Bretagne ne furent réglées.

 

c) Le coup de force de Charles le Mauvais : suite à la mort de Charles de la Cerda, Jean II resta prostré pendant quatre jours. Charles le Mauvais, quant à lui, ne resta pas inactif. En effet, il revendiqua le meurtre du connétable, prétextant que la mort de ce dernier était une question d’honneur.

Soutenu par les seigneurs normands, il emprunta de l’argent à Bruges afin de lever une armée, demandant une aide militaire à Edouard III, et se justifia auprès du pape.

Jean II était alors prêt à entamer une guerre contre son beau fils, quand Blanche de Navarre (seconde femme du défunt roi de France Philippe VI et sœur de Charles le Mauvais.) et le pape Innocent VI vinrent proposer une médiation.

Jean II accepta la réconciliation prêchée par les deux intervenants, signant avec Charles le Mauvais le traité de Mantes, en février 1354. Le roi de France donnait à Charles le Mauvais de nombreux territoires en Normandie. En échange, le Navarrais abandonnait ses prétentions sur Pontoise et la Champagne, un territoire qui avait appartenu à son arrière grand-mère, Jeanne de Navarre (épouse de Philippe IV.). Charles le Mauvais pouvait dès lors recevoir l’hommage des seigneurs normands, ainsi que rendre justice (sans que des appels puissent être envoyés au roi de France.).

Au final, le Navarrais recevait toutes les prérogatives d’un duc de Normandie, sans en avoir toutefois le titre.

 

            3° Jean II le Bon contre l’Angleterre  – Comme nous l’avons vu précédemment, le conflit entre la France et l’Angleterre n’avait pas été réglé, à cause de l’intervention de Charles le Mauvais.

 

a) Les Etats Généraux de 1355 : Jean II, désireux d’en découdre avec l’Angleterre, dut convoquer les Etats Généraux en décembre 1355, afin de pouvoir lever une armée de 30 000 hommes.

Les députés, étaient alors menés par Etienne Marcel, le prévôt des marchands de Paris[10].

Etienne Marcel, par Georges Henri LEMAIRE, 1911, Petit Palais, Paris.

Bien que le pays ait eu à souffrir des successives dévaluations de la monnaie, les Etats Généraux acceptèrent la mise en place d’une taxe sur le sel (la gabelle.) et sur les marchandises. Cela à condition que le roi accepte de mettre en place d’importantes réformes judiciaires et militaires, ainsi que des garanties sur le droit des personnes.

Les députés exigèrent aussi d’examiner la rentrée des impôts, et que les Etats Généraux soient consultés en cas de demande de subsides.

Au final, Jean II se retrouva donc contraint d’accepter.

(à noter que cet impôt sur les transactions, qui était très mal perçu par les marchands, fut remplacé peu après par un impôt sur le revenu, en mars 1356.).

 

b) La fugue de Charles V (décembre 1355) : Charles V, fils aîné de Jean II, était alors à la tête du Dauphiné. Cependant, le jeune homme, abusé par des proches de Charles de Navarre, commençait à douter de la confiance que lui accordait son père.

Le dauphin décida alors de quitter son fief afin rendre hommage à l’Empereur Charles IV[11], afin d’apaiser les tensions. En effet, ce dernier souhaitait alors renégocier son alliance avec la France, fort inquiété par la position de force des Anglais.).

L’entrevue, qui devait avoir lieu en décembre, n’eut finalement pas lieu. Jean II, informé de la situation, parvint à empêcher son fils de quitter le territoire. Puis, il décida de confier au dauphin le duché de Normandie, afin de lui prouver sa confiance.

 

c) L’arrestation de Charles le Mauvais (avril 1356) : cependant, la nouvelle levée d’impôts demandée par Jean II provoqua de nombreux mécontentements, surtout en Normandie. Charles le Mauvais (déjà allié avec l’Angleterre.) décida d’en profiter, ralliant autour de lui les opposants au régime.

Le Navarrais n’était plus à une traitrise près. En effet, ce dernier avait rencontré Jean de Gand (troisième fils d’Edouard III.) en novembre 1354. Les deux hommes avaient alors signé un traité prévoyant le partage de la France : Edouard III serait reconnu roi, mais devrait laisser à Charles le Mauvais la souveraineté sur la Normandie, la Champagne, la Brie et le Languedoc !

Destitué de ses possessions en Normandie par Jean II (décembre 1354.), le roi avait cependant décidé de se réconcilier une nouvelle fois avec son beau fils, craignant des représailles de la part des Anglais (septembre 1355.)

 

Jean II, excédé par le comportement de Charles le Mauvais, décida de contre attaquer.

En avril 1356, le dauphin Charles V, alors duc de Normandie, avait convié toute la noblesse de la province dans son château de Rouen, y compris Charles le Mauvais.

Le Navarrais, alors au faîte de sa puissance, comptait en effet s’allier avec Charles V contre Jean II (Charles le Mauvais voulait influencer le dauphin en lui affirmant que son père souhaitait le déshériter, à cause de la malformation de sa main droite et de son peu d’aptitude au combat.).

 

C’est alors que Jean II et ses hommes surgirent en plein milieu du repas. Furieux, le roi de France invectiva Charles le Mauvais : Ha ! Méchant traître, tu n’es pas digne de t’asseoir auprès de mon fils !

L'arrestation de Charles le Mauvais, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Charles V tenta de s’interposer, mais fut écarté par les hommes du roi. Très rapidement, le Navarrais et ses compagnons (qui avaient participé au meurtre de Charles de la Cerda.) furent arrêtés.

Les hommes de Charles le Mauvais furent exécutés le soir même, en présence du roi et de son fils. Quant au Navarrais, il fut tout d’abord emprisonné dans un cachot du Louvre (cependant, pour plus de sûreté, Jean II décida de le transférer à la forteresse d’Arleux, près de Douai.).

Charles le Mauvais en prison, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

 

Cependant, les seigneurs normands restèrent toujours fidèles au Navarrais, réclamant sa libération. Bon nombre d’entre eux, jugeant le geste du roi de France comme illégitime (Charles le Mauvais avait en effet fait la paix avec Jean II quelques temps auparavant.), décidèrent même de renier leur serment de fidélité, et se tournèrent vers l’Angleterre.

Quant à Philippe, le frère du Navarrais, il déclara la guerre au roi de France et s’enferma à Evreux.

Jean II le Bon ne tarda pas à répliquer, mettant le siège devant la cité. Au mois de mai, il parvint à s’en emparer, mais Philipe de Navarre parvint à s’échapper.

 

c) Les chevauchées du Prince Noir (1355 à 1356) : A la même époque, Edouard, le fils aîné du roi d’Angleterre, débarqua à Bordeaux. Ce dernier était surnommé le Prince Noir, du fait de l’armure noire qu’il avait coutume de porter.

Le Prince Noir, gravure issue de l'ouvrage Cassell's history of England, Angleterre, 1902.

En septembre, il se lança dans une chevauchée dans le sud ouest de la France. Il dévasta la campagne, s’empara de Carcassonne et Narbonne, récoltant un important butin.

A la noël 1355, le Prince Noir rentra à Bordeaux, informant son père de sa réussite.

 

Au printemps 1356, Edouard se lança dans une nouvelle expédition, cette fois ci en direction du Poitou. Les Anglais ne parvinrent pas à s’emparer de Bourges, mais ils prirent Vierzon, dont la garnison fut massacrée.

Transportant un important butin, le Prince Noir décida de rentrer à Bordeaux, en passant par Poitiers.

 

Jean II, à la tête d’une armée deux fois plus importante, décida alors de partir à sa poursuite. En outre, afin d’aller plus vite, il se sépara d’une partie de son ost, afin de ne garder avec lui que les chevaliers.

Jean II en armure, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Le roi de France parvint donc à intercepter son adversaire non loin de Poitiers.  

 

d) La bataille de Poitiers (septembre 1356) : avant même que la bataille ne fut engagée, le cardinal de Talleyrand Périgord, légat du pape Innocent VI, parvint à obtenir une trêve de 24 heures.

Royaume de France et royaume d'Angleterre en 1356, et emplacement de la bataille de Poitiers.

Le Prince Noir, conscient du très désavantageux rapport de force, offrit de rendre le butin et de ne pas porter les armes contre la France pendant sept ans.

Le roi de France et ses barons, forts de leur supériorité numérique, décidèrent de faire un exemple, en punissant sévèrement l’armée anglaise.

Les Français demandant à ce que le Prince Noir se fasse prisonnier dans les conditions de reddition, Edouard n’accepta pas et se prépara à la bataille. Ce dernier avait au moins l’avantage du terrain, qu’il avait choisi précautionneusement.

 

Au petit matin, l’avant-garde de l’armée française, dirigée par les maréchaux du roi, Jean de Clermont et Arnoul d’Audrehem, fut lancée à l’assaut.

Cependant, le terrain que les deux maréchaux et leurs troupes devaient parcourir était accidenté et bordé de haies, ce qui rendait d’autant plus difficile leur progression. En outre, les archers anglais n’étaient pas inactifs, profitant des difficultés rencontrées par les Français pour les cribler de flèches.

La bataille de Poitiers, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, France, XIV° siècle.

Le maréchal d’Audrehem fut rapidement capturé, et le maréchal de Clermont fut tué, ainsi que le connétable Gauthier VI de Brienne (qui avait chargé à ses côtés.).

Gauthier VI de Brienne, par LEQUIEN, château de Versailles, Versailles.

C’est alors que le premier corps d’armée, commandé par Philippe d’Orléans (âgé de vingt ans, il était le frère de Jean II.), décida de charger l’ennemi. Arrêtés à leur tour, les chevaliers décidèrent de se retirer.

Le second corps, commandé par le dauphin, âgé de dix huit ans, ne parvint pas lui non plus à défaire l’ennemi.

Le roi, commandant le troisième corps (accompagné de ses fils Louis, Jean et Philippe.), décida alors de se replier sur une petite butte située non loin de là. Il décida alors de faire reculer ses enfants, ne gardant à ses côtés que son cadet Philippe.

Refusant de quitter le champ de bataille (conformément au serment des chevaliers de l’étoile.), le roi mit pied à terre, hache d’armes à la main. Jean II préférait lutter avec honneur, sachant qu’il risquait d’être fait prisonnier, plutôt que de fuir lâchement et ternir encore un peu plus le nom des Valois.

 

Le roi et son fils, qui gagna dans ce combat le surnom de Hardi, se battirent avec vaillance. Philippe, se battant aux côtés de son père, prévenait se dernier lorsque l’ennemi se rapprochait imprudemment : père, gardez vous à droite ; père, gardez vous à gauche !

Jean II et Philippe lors de la bataille de Poitiers, par Eugène DELACROIX, 1830, musée du Louvre, Paris.

Jean II et Philippe lors de la bataille de Poitiers, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

 

Cependant, le Jean II et son fils furent finalement faits prisonniers par le Prince Noir. Malgré l’échec de la bataille, le roi chevalier avait néanmoins fait preuve d’un tel héroïsme qu’il y gagna un énorme prestige.

Jean II le bon captif à Bordeaux, par Jean de Wavrin, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques d'Angleterre, Belgique, XV° siècle.

Jean II captif d'Edouard III, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

 

Toutefois, cette défait était encore plus humiliante que celle de Crécy.

Tout d’abord, le schéma de la bataille de Poitiers était identique à celui de la bataille de Crécy : deux mêmes batailles, deux mêmes stratégies, deux mêmes échecs. Preuve qu’en l’espace de dix ans, les Français n’avaient pas su faire évoluer leur technique militaire (les chevaux n’étaient toujours pas protégés, l’armée comptait encore principalement sur sa cavalerie, les Français n’avaient pas d’archers dans leurs rangs, etc.).

Jean II n’avait aucune notion de stratégie militaire, et en était resté à la conception de la guerre telle qu’elle se déroulait au XIII° siècle. En effet, à cette époque, les affrontements se résumaient à un engagement confus de chevaliers se ruant les uns sur les autres[12].

En outre, cette seconde bataille n’avait pas été livrée contre l’armée royale, comme lors de l’affrontement de 1346. Au contraire, le Prince Noir n’était à la tête que d’un petit corps expéditionnaire levé à la hâte en Guyenne, bien moins formé, bien moins expérimenté, et bien mien important que l’armée d’Edouard III.

Enfin, à Crécy, Philippe VI avait décidé de quitter le champ de bataille, voyant que l’affrontement avait été un échec. Jean II, quant à lui, décida de rester, quitte à se faire capturer par l’Anglais. Ce comportement fut sans doute héroïque, mais il causa de grands troubles dans le royaume de France.

 

            4° Charles V contre Etienne Marcel – Après la bataille de Poitiers, le roi étant prisonnier, ce fut Charles V qui fut chargé de diriger le pays. Cependant, le dauphin était encore jeune (il n’avait que 18 ans.) et manquait d’expérience.

 

a) La grande ordonnance (1357) : le pays étant alors en pleine déliquescence, Charles V décida de convoquer les Etats Généraux en octobre 1356. Son objectif était alors de lever une armée permanente de 30 000 hommes, afin de pouvoir s’attaquer aux grandes compagnies (des mercenaires démobilisés qui terrorisaient les campagnes.).

Robert le Coq (évêque de Laon et partisan de Charles le Mauvais.) et Etienne Marcel (prévôt des marchands de Paris et chef du Tiers état.), qui dirigeaient l’assemblée, n’avaient pas les mêmes objectifs en tête : pour eux, l’objectif était de profiter de l’absence du roi et du peu d’expérience du dauphin pour mettre en place une monarchie constitutionnelle, semblable à la monarchie anglaise.

Etienne Marcel, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

En novembre, Etienne Marcel imposa la création d’un collège de 80 membres afin de d’accélérer les prises de décisions. Le prévôt demanda aussi la création la création d’un collège de douze représentants de chaque ordre afin d’assister le roi.

Charles V, bien que proche du courant réformateur, ne tarda guère à s’opposer à Etienne Marcel et Robert le Coq, qui demandaient la destitution des membres du conseil du roi, ainsi que la libération de Charles le Mauvais.

Charles V décida alors d’ajourner da réponse, quittant Paris pendant un temps (il se rendit à Metz où il prêta hommage à son oncle Charles IV, l’Empereur germanique.).

 

Cependant, le dauphin, acculé et manquant d’argent, voyant qu’Etienne Marcel avait fait prendre les armes à toutes les corporations, décida de convoquer une nouvelle fois les Etats Généraux en février 1357.

Les Etats Généraux de 1357, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, France, XIV° siècle.

Au mois de mars fut ainsi promulguée la grande ordonnance : une commission d’épuration devrait être nommée afin de destituer les fonctionnaires fautifs (les contrôleurs d’impôts particulièrement.) ; le dauphin ne pourrait plus lever de nouveaux impôts sans avoir l’aval des Etats Généraux, et devrait en outre être contrôlé par un collège de 36 membres (douze par ordre.) ; la noblesse ne serait plus exempte d’impôts, et il lui serait interdit de procéder à des réquisitions. En échange de ces mesures, les villes devraient fournir un soldat pour cent foyers.

En outre, tous les conseillers royaux furent exilés, les membres du parlement furent renouvelés, et les officiers de justice et de finances furent destitués.

 

b) Etienne Marcel et la libération de Charles le Mauvais : cependant, les mesures prises en mars 1357 ne furent que peu appliquées : la commission d’épuration de fonctionna que quelques mois ; Charles V parvint à recevoir l’appui des fonctionnaires ; les Etats Généraux, manquant d’expérience politique, parvinrent peu à contrôler le pouvoir du dauphin ; enfin, Jean II, alors emprisonné à Bordeaux, refusa la mise en application de la grande ordonnance (Charles V décida donc de suivre les ordres de son père.).

Jean II, au mois de mars 1357, avait réussi à signer une trêve avec le Prince Noir, établissant la libre circulation de marchandises entre la France et l’Angleterre. Les députés, en représailles du veto de Jean II contre la grande ordonnance, décidèrent de ne pas reconnaitre cette trêve. La tentative du roi de France ayant échoué, il fut alors transféré à Londres, où Edouard III le reçut avec les honneurs (Jean II fut logé dans un hôtel de la ville, où il bénéficia d’une liberté de circulation, et eut le droit de former une cour auprès de lui.).

 

En août 1357, le dauphin ayant repris de l’assurance (il avait constaté l’inefficacité des Etats Généraux et était soutenu par les provinces.), ordonna à Etienne Marcel et à Robert le Coq de ne plus se mêler du gouvernement du royaume.

Cependant, les deux hommes n’acceptèrent guère cette soudaine éviction.

 

En effet, Etienne Marcel n’avait pas abandonné son idée de libérer Charles le Mauvais. En novembre, profitant de l’absence de Charles V, les Etats Généraux décidèrent de libérer le Navarrais[13]. Ce dernier rentra alors à Paris, haranguant une importante foule, ce qui obligea Charles V à collaborer avec lui : en décembre, le dauphin rendit à son beau frère toutes ses possessions en Normandie (le Navarrais insista alors pour récupérer la Champagne.).

Charles le Mauvais et les Parisiens, enluminure issue de l'ouvrage Grandes Chroniques de France, Paris, France, XIV°siècle.

 

En janvier 1358, les Etats Généraux furent convoqués une fois de plus, mais les députés ne parvinrent pas à trouver un accord (à noter que cette assemblée était dorénavant constituée de Parisiens uniquement, les députés des autres villes ne se rendant plus dans la capitale à cause des dangers que représentait un tel voyage.).

Charles V se retrouva contraint de procéder à une nouvelle dévaluation de la monnaie.

Etienne Marcel, constatant que son projet de monarchie constitutionnelle n’avait pu s’appliquer de manière légale, décida de l’appliquer par la force : il se rapprocha de Charles le mauvais (faisant peser une lourde menace sur la dynastie des Valois.) et fomenta de nombreux troubles dans Paris (à l’encontre de l’autorité royale.).

 

c) L’insurrection du 22 février 1358 : Jean II, voyant la menace que représentaient Etienne Marcel et Charles le mauvais, décida d’accepter le premier traité de Londres, en janvier 1358. L’objectif du roi de France était de hâter sa libération afin de mettre fin aux troubles qui agitaient la capitale.

Jean II acceptait de céder à son rival les anciennes possessions d’Aquitaine des Plantagenêts : la Guyenne (confisquée par Philippe VI en 1337.), la Saintonge, le Poitou, le Limousin, le Périgord, le Quercy, le Rouergue et la Bigorre ; devait payer une rançon de quatre millions d’écus ; et Edouard III ne renonçait pas à la couronne de France.

 

Le 22 février 1358, les Parisiens furieux apprirent les conditions du traité de Londres. Ralliés à Etienne Marcel, la foule en colère surprit Renaud d’Acy, un officier du roi, qui fut massacré dans une boulangerie avec ses partisans.

Par la suite, les émeutiers envahirent le palais de la Cité[14], où se trouvait le dauphin.

La Conciergerie, ancien Palais de la Cité, Paris.

Etienne Marcel et ses partisans, rejoignant la chambre de Charles V, massacrèrent sous ses yeux Jean de Conflans, maréchal de Champagne, et Robert de Clermont, maréchal de Normandie.

L'assassinat des maréchaux, enluminure issue de l'ouvrage Grandes Chroniques de France, Paris, France, XIV°siècle.

L'assassinat des maréchaux, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

L’objectif d’Etienne Marcel était alors d’effrayer le dauphin, afin de pouvoir le contrôler plus facilement.

Le prévôt obligea alors Charles V à porter le chaperon rouge et bleu des émeutiers (aux couleurs de Paris.), et lui fit renouveler l’ordonnance de 1357 (Etienne marcel retrouvait ainsi sa place au sein de l’exécutif.). En outre, Charles le Mauvais (qui avait décidé de soutenir le prévôt des marchands.) reçut un commandement militaire et les fonds pour mettre en place une armée de mille hommes. En échange, Charles V fut nommé régent, ce qui lui permit de ne plus tenir compte des décisions du roi (et en particulier les traités de paix inacceptables.).

 

d) Charles V contre Etienne Marcel et la Grande Jacquerie (été 1358) : cependant, le meurtre des deux maréchaux firent perdre beaucoup d’influence à Etienne Marcel, une grande majorité de l’opinion publique restant favorable au dauphin. Le prévôt fut accusé de fomenter une guerre civile pour satisfaire ses intérêts personnels.

En outre, autre grand tort du prévôt des marchands : avoir sous estimé Charles V, qui, bien que manquant d’expérience au moment des faits, se révéla finalement un excellent politique.

 

Le dauphin, effrayé par cette révolte, décida alors de quitter Paris pour Saint Ouen, en mars 1358 (il se rendit à Senlis une semaine après.). Il y reçut le soutien des provinces, ainsi que des partisans des maréchaux assassinés.

Au mois de mai, Charles V se rendit à Compiègne, où il convoqua de nouveaux Etats Généraux, afin de punir Etienne Marcel.

S’emparant par la suite des forteresses de Montereau et de Meaux, le dauphin décida alors de bloquer l’accès à Paris.

Charles V mettant en place le blocus de Paris, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.

 

Dans un premier temps, Etienne Marcel écrivit au dauphin afin de lui rappeler ses engagements, l’invitant à rentrer à Paris. Charles de Navarre, tentant en vain de réconcilier Charles V avec le prévôt, décida alors de s’installer dans la capitale.

Etienne Marcel n’ayant pas réussi à faire la paix, décida d’utiliser la manière forte : il créa une milice sous prétexte de protéger Paris contre les Anglais, et renforça les murailles de la capitale.

 

C’est en plein conflit entre Paris et la province qu’éclata la Grande Jacquerie, un soulèvement paysan qui eut lieu en mai 1358[15].

Les paysans du nord de la France (Champagne, Artois, Picardie, Île de France, Normandie.), exaspérés par la hausse de la rente seigneuriale alors que le prix du blé ne cessait de baisser, décidèrent alors de se révolter contre la noblesse. En outre, les nobles n’assumaient plus leur rôle de protecteurs des petites gens, suite aux défaites de Crécy et de Poitiers. De ce fait, les paysans étaient laissés sans défense face aux grandes compagnies qui sévissaient dans le pays.

Plusieurs milliers de paysans, menés par Guillaume Carle, commencèrent à s’attaquer aux châteaux des nobles, qui furent saccagés et incendiés.

Les chroniques de l’époque affirment que les violences furent terribles, les Jacques faisant preuve d’une grande barbarie : pillages, meurtres, viols, etc.

Etienne marcel, sachant qu’une alliance avec les Jacques lui serait favorable, décida de leur envoyer des renforts. L’objectif du prévôt était de briser le blocus de paris, mis en place par Charles V.

En juin, les Jacques décidèrent de s’attaquer à Meaux, où se trouvaient l’épouse de régent et de nombreuses dames ayant fui leurs châteaux. Cependant, l’attaque fut un échec, et les insurgés furent balayés par une violente charge de cavalerie.

La déroute des Jacques devant Meaux, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Cependant, l’insurrection gagnant la Champagne (un territoire revendiqué par Charles le Mauvais.), le Navarrais décida de s’attaquer lui aussi aux Jacques (pour se faire, il demanda de l’aide à l’Angleterre.). Peu de temps après, il vainquit les insurgés lors du massacre de Mello : les chroniques affirment que 15 000 Jacques furent tués par les troupes de Charles le Mauvais. Guillaume Carle, quant à lui, fut capturé et prestement décapité.

 

A Paris, la situation d’Etienne Marcel devenait de plus en plus précaire,  son alliance avec les Jacques ayant été un échec.

Charles V, quant à lui, mit le siège devant Paris en juin 1358.

Le prévôt décida alors de se rabibocher avec Charles le mauvais, faisant entrer un petit contingent d’Anglo-navarrais dans la capitale.

Le 14 juillet, une entrevue eut lieu entre les représentants du prévôt, le Navarrais et Charles V. Ce dernier, préférant négocier plutôt que de se battre, décida de pardonner les Parisiens sous réserve qu’ils remettent leur sort entre ses mains. En outre, le dauphin accepta de lever le siège (il se rendit alors à Meaux.).

Les Parisiens, rassurés, estimèrent alors qu’ils n’avaient plus besoin de l’aide anglaise. C’est ainsi que de nombreux Anglo-navarrais furent tués, et plusieurs centaines furent emprisonnés.

Etienne Marcel et Charles de Navarre furent très mécontents. Poussé dans ses derniers retranchements, Le prêvot des marchands décida alors d’offrir la couronne de France à Charles le Mauvais, prévoyant de faire rentrer ses troupes dans Paris.

Le 31 juillet au matin, le prévôt fut surpris devant la porte Saint Denis par l’échevin[16] Jean Maillard. Une brève altercation s’ensuit, à l’issue de laquelle Etienne Marcel fut assassiné.

La mort d'Etienne Marcel, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

L'assassinat d'Etienne Marcel, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Pendant tout le reste de la journée et jusqu’au premier août, les Parisiens firent la chasse aux principaux partisans d’Etienne Marcel qui furent mis à mort.

 

            5° Charles V contre Edouard III – Après l’élimination d’Etienne Marcel, Charles V s’empara des rênes du pouvoir. Toute opposition politique ayant été écartée, le dauphin était enfin libre de ses mouvements.

 

a) Le second traité de Londres : suite à l’élimination d’Etienne Marcel et de ses partisans, le dauphin fit une entrée triomphale dans Paris au début du mois d’août 1359.

Le retour de Charles V à Paris, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, Paris, France, XV°siècle.

Mais Charles le Mauvais n’avait pas été capturé. Charles V se lança alors dans une guerre ouverte contre les Anglo-navarrais, qui n’eurent de cesse de commettre des rapines dans le royaume de France.

 

Edouard III, quant à lui, constatait avec délices les troubles qui agitaient le royaume : la révolte d’Etienne Marcel, l’insurrection des Jacques, les troubles causés par les grandes compagnies, la fronde de Charles le Mauvais qui restait toujours une menace pour la couronne de France, etc.

Le souverain anglais décida donc de durcir les conditions de libération de Jean II, lui faisant signer le second traité de Londres, en mars 1359 (appelé aussi l’endenture.).  

Par ce texte, Edouard III réclamait tous les territoires français ayant un jour appartenu aux Plantagenêts (rajoutant Calais, le Ponthieu, la Gascogne, l’Angoumois, l’Agenais, le Maine, la Touraine, l’Anjou et la Normandie à la liste des territoires réclamés en janvier 1358.). En outre, le roi d’Angleterre demandait à ce que le duc de Bretagne lui prête hommage, reconnaissant les partisans de Jean de Montfort. Enfin, les Français devaient toujours verser une rançon de quatre millions d’écus.

 

Charles V convoqua alors les Etats Généraux, refusant de signer ce traité (le dauphin dédouanait ainsi Jean II, tout en ayant reçu secrètement l’aval de ce dernier.). L’assemblée déclara cette paix ni passable, ni traitable.

L’objectif était ici de ressouder le pays contre l’envahisseur anglais.

 

A noter qu’en juin 1359, Charles V mit le siège devant Melun, alors entre les mains de Charles de Navarre. La ville tombant entre les mains des Français, le Navarrais fut contraint de se réfugier à Bordeaux sous la protection du roi d’Angleterre.

 

b) Nouvelle expédition d’Edouard III, la stratégie de la terre déserte (hiver 1359 – 1360) : en apprenant le refus de Charles V, le roi d’Angleterre décida de préparer une expédition contre la France.

Edouard III débarqua donc à Calais en octobre 1359, avec pour objectif de s’emparer de Reims, la ville du sacre.

Cependant, Charles V a pris ses précautions, appliquant la stratégie de la terre déserte : il s’agissait pour les Français de rapatrier tous les habitants des campagnes à l’intérieure des cités fortifiées, ainsi que toutes les provisions et le matériel.

Edouard III chevaucha sans rencontrer âme qui vive jusqu’à Reims, et demanda alors la reddition de la cité. Les Rémois refusèrent, et le roi d’Angleterre décida alors d’assiéger la ville. Cependant, n’étant pas équipé pour soutenir un siège, Edouard III dut lever le camp au bout d’un mois.

Le siège de Reims, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Dès lors, se dirigeant vers Paris, le roi d’Angleterre n’eut de cesse de rechercher l’affrontement avec les Français. Au contraire, ces derniers obéirent au roi et refusèrent de combattre en bataille rangée. Cependant, les Français ne furent pas inactifs, mettant en place des embuscades à l’encontre des éclaireurs ou des retardataires de l’armée anglaise.

Noir de colère en constatant le comportement des Français qui décimaient son armée à petit feu, Edouard III commit de nombreuses déprédations lors de sa remontée vers Paris (destruction des récoltes, abatage du bétail, massacre des populations, etc.).

Finalement, une fois parvenu devant la capitale, le roi d’Angleterre décida d’assiéger la cité. Cependant, il dut abandonner le siège au bout d’une dizaine de jours, car beaucoup de ses hommes et de ses chevaux étaient morts, faute de vivres et de fourrage.

En outre, un raid de marin normands sur Winchelsea, en mars 1360, avait semé la panique en Angleterre. Enfin, l’armée anglaise eut à affronter un terrible orage de grêle, le 13 avril. Ce Lundi noir fut terrible pour les Anglais, qui eurent à souffrir de ce caprice du temps (les chroniques affirment que les grêlons, gros comme des œufs, abattirent des milliers de chevaux.). Beaucoup de Français virent dans cet orage un signe divin, réprouvant la présence des Anglais sur le continent.

Cette chevauchée fut un échec pour Edouard III, qui, bien que vaincu, détenait toujours prisonnier le roi de France Jean II.

 

c) Le traité de Brétigny (octobre 1360) : suite à cette chevauchée ratée, un nouveau traité fut négocié entre Edouard III et Jean II le Bon, le traité de Brétigny.

Le roi d’Angleterre recevait Calais, le Ponthieu, la Guyenne, la Gascogne, le Poitou, le Périgord, l’Angoumois, la Saintonge, l’Agenais, le Quercy, le Rouergue, et la Bigorre (en gros la totalité du sud ouest de la France, soit un tiers du royaume.).

Royaume de France et royaume d'Angleterre en 1360, suite au traité de Brétigny.

En revanche, Edouard III abandonnait ses prétentions sur la Normandie, la Touraine, le Maine et l’Anjou ; abandonnait aussi la suzeraineté sur la Flandre et la Bretagne ; et renonçait au titre de roi de france.

En outre, la rançon de Jean II passait de quatre à trois millions d’écus.

Cependant, afin de s’assurer de la bonne application de ce traité, des otages français furent envoyés à Londres : le conseiller du roi Bonabes IV (sire de Rougé et de Derval.), ainsi que Louis d’Anjou (le second fils de Jean II.).

 

            6° Le retour de Jean II le Bon (1360 à 1364) – Peu de temps après la signature du traité de Brétigny, Jean II put enfin rentrer en France, après quatre années de captivité à Londres.

En décembre, arrivant à Saint Denis, Jean II le Bon reçut la soumission de son beau fils Charles de Navarre. En rentrant dans la capitale, le roi de France fut acclamé par la population.

Le retour de Jean II à Paris, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, Paris, France, XV°siècle.

Une de ses premières décisions de Jean II fut de se débarrasser des proches du dauphin, renvoyant ce dernier dans son duché de Normandie.

En ce qui concerne les Etats Généraux, le roi leur laissa quelques prérogatives, mais conserva les rênes du pouvoir. Le conseil du roi fut alors composé par le parti royaliste, avec Guillaume de Melun à sa tête.

 

a) Réformes monétaires : dès son retour en France, Jean II décida de créer une monnaie forte, constatant que les dévaluations monétaires qui avaient eu lieu sous son règne avaient engendré de graves problèmes.

Cette nouvelle monnaie, baptisée le franc, fut instaurée en décembre 1360. Cette monnaie, à très forte teneur en or (3,88 grammes d’or fin.), représentait le roi en armure et sur un cheval, chargeant l’ennemi (comme vous pouvez le constater en regardant la pièce ci-dessous.).

Evidemment, l’appellation de cette monnaie avait pour objectif premier d’affermir le sentiment national, ainsi que de rappeler les origines franques du souverain (à l’époque, les souverains insistaient sur le fait qu’ils descendaient des Francs, un peuple alors considéré comme « supérieur » aux gallo-romains, qui avaient été envahis.).

 

En outre, suite à la création du franc, Jean II décida de diminuer drastiquement le nombre de fonctionnaires afin de faire des économies, ainsi que de surveiller et de sanctionner sévèrement les collecteurs d’impôts commettant des abus ou des fraudes.

 

Cependant, le roi devait toujours verser sa rançon à l’Angleterre. L’abandon du système des dévaluations priva donc l’Etat d’une importante source de revenus.

Jean II décida alors de mettre en place une taxe de 5% sur tous les échanges. La noblesse ne fut pas touchée, contrairement au Tiers état qui dut supporter dans son intégralité le poids de ce nouvel impôt. 

 

b) Les apanages : par la suite, Jean II distribua de nombreuses principautés en apanages à ses fils.

L’apanage était un système où l’objectif était de donner des territoires aux fils puinés (qui n’étaient pas les aînés de la famille.), afin d’éviter les troubles ou les guerres civiles[17].

En outre, les apanages devaient revenir à la couronne de France, lors de la disparition du dernier mâle de la lignée.

Charles, l’aîné, était déjà en possession de la Normandie. Louis reçut l’Anjou, Jean le Berry, et Philippe la Bourgogne[18].

 

Cependant, au fil des années, les apanages, bien que dépendants de la couronne de France, devinrent de plus en plus indépendants. Jusqu’à ce que cette domination ne devienne plus que théorique, comme cela sera le cas avec le duché de Bourgogne lors des décennies suivantes.

 

c) La France toujours à feu et à sang : cependant, bien que Jean II et Edouard III aient signé une trêve, la France était toujours le théâtre de violents affrontements.

En effet, le conflit avait laissé des traces, aggravées par la peste noire qui avait décimé plus de sept millions d’habitants !

A cette époque, le pays était agité par les compagnies, des bandes de mercenaires démobilisés, qui se retrouvaient contraint à l’inactivité lors des trêves.

Ces compagnies étaient souvent regroupées sous la bannière du roi d’Angleterre ou de Navarre, et commettaient moult exactions : pillage, assassinats, dévastations, etc.

Les plus puissantes d’entre elles, parvenant à s’emparer de places fortes, pouvaient contrôler de ce fait les voies de communications. En rançonnant la région occupée et en imposant de couteux droits de douane, ces compagnies pouvaient donc remporter d’importantes sommes d’argent.

 

En 1362, Jean II parvint réunir une nouvelle armée grâce à l’argent des impôts. L’armée royale, commandée par Jean de Melun, comte de Tancarville, fut chargée de se débarrasser des Tards Venus, une compagnie qui rançonnait la vallée du Rhône, un axe très important reliant Avignon (le siège de la papauté.) à Paris.

Cependant, les mercenaires attaquèrent l’armée royale par surprise, alors qu’elle se trouvait non loin de Lyon. En effet, les chevaliers progressaient alors imprudemment, sans être protégés par des éclaireurs.

Le désastre de Brignais fut donc un sanglant échec, au cours duquel beaucoup de barons trouvèrent la mort, et où un grand nombre d’entre eux furent capturés (dont Guillaume de Melun, conseiller du roi, dont il fallut payer la rançon.).

Ce nouveau revers de la noblesse entraina une nouvelle panique dans le royaume.

 

d) Le retour de Jean II en Angleterre : Jean II, malgré tous ses efforts, ne parvenait cependant pas à  redresser le pays. C’est alors que Louis d’Anjou, le fils de Jean II, décida de s’enfuir d’Angleterre, lassé d’attendre le paiement des indemnités que la France devait verser à Edouard III (il souhaitait retrouver son épouse, la jeune Marie de Blois, fille de Charles de Blois.).

Jean II prétexta alors que son honneur lui imposait de rentrer en Angleterre, son fils ayant quitté le pays illégalement. Rassemblant les Etats Généraux en décembre 1363, où il informa les députés de son intention, le roi de France s’embarqua en direction de Londres en janvier 1364.

Le retour de Jean II en Angleterre, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, France, XIV° siècle.

En réalité, si Jean II décida de rentrer à Londres, ce furent pour d’autres raisons que son honneur bafoué. En effet, le luxe de la capitale anglaise lui manquait, tout comme la compagnie de sa maîtresse, la comtesse de Salisbury. En outre, en rentrant à Londres, Charles V n’aurait plus à verser cette exorbitante rançon en échange de sa libération.

Jean II mourut peu de temps après, en avril 1364.

Gisant de Jean II, 1365, église saint Denis, Paris.

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[1] Jean II le Bon avait été marié à Bonne de Luxembourg en juillet 1332. Cette dernière, fille de Jean de Luxembourg (décédé à la bataille de Crécy.), donna onze enfants au roi, quatre garçons et sept filles.

[2] Charles de la Cerda était le fils d’Alphonse de la Cerda. Ce dernier, déshérité par son grand père le roi de Castille Alphonse X, avait reçu la baronnie de Lunel des mains de Philippe III le Hardi. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le 1, section III, chapitre sixième, les Capétiens.

[3] Le mot ‘connétable’ provient du latin comes stabuli, ce qui signifie ‘comte de l’étable’. A l’origine, le connétable était le responsable de la cavalerie de guerre du roi ; mais au fil des siècles, le connétable devint le commandant de toute l’armée (à noter que cette charge était une des plus hautes dignités du royaume.).

[4] Aujourd’hui, l’on ne sait pas avec certitude si les rumeurs qui coutèrent la vie à Raoul II étaient fondées ou pas. D’autres sources affirment qu’il aurait peut être eu une relation amoureuse avec la première épouse du roi, Bonne de Luxembourg. Ce qui aurait évidemment attisé la haine du roi.

[5] Pour en savoir plus sur la guerre de succession de Bretagne, voir le b), 4, section I, chapitre premier, les Valois.

[6] Jeanne, née en 1343, était alors âgée de dix ans.

[7] Lors d’une réception, une des maîtresses d’Edouard III perdit sa jarretière, que le roi s’empressa de ramasser. Plusieurs seigneurs ricanèrent en voyant leur souverain, ce à quoi ce dernier leur répondit Messieurs, honni soit qui mal y pense. Ceux qui rient maintenant seront très honorés d'en porter une semblable, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs eux-mêmes le chercheront avec empressement. Aujourd’hui, cet ordre qui rassemble 25 chevaliers existe toujours. Sa devise est la suivante : Honi soit qui mal y pense (à noter qu’il n’y a qu’un ‘n’ à honni, à cause de l’orthographe médiévale.).

[8] Pour plus de renseignements sur la bataille de Crécy, voir le b), 5 section I, chapitre premier, les Valois.

[9] Pour plus de détails sur la guerre de succession de Bretagne et sur la trêve de Malestroit, voir le b), 4, section I, chapitre premier, les Valois.

[10] Le prêvot des marchands avait comme tâche de contrôler le commerce parisien.

[11] Ne pas confondre l’Empereur Charles IV avec le roi capétien Charles IV.

[12] Le meilleur exemple de ces affrontements peu tactiques reste la bataille de Bouvines (1214.), qui opposa le roi de France Philippe II Auguste à une coalition anglo-germanique. Pour en savoir plus sur cet affrontement, cliquez ici.

[13] A noter que les conditions de la libération (devrait-on dire de l’évasion ?) de Charles le Mauvais sont peu connues, différant d’une chronique à une autre.

[14] Il s’agit de l’actuelle Conciergerie, située sur l’île de la cité, dans le I° arrondissement de Paris. Le palais, qui fut la demeure des rois de France du X° au XIV° siècle, fut par la suite reconverti en prion d’Etat.

[15] le terme ‘jacquerie’ provient du mot ‘jacques’, qui en ancien français désignait les paysans.

[16] L’échevin de Paris, au Moyen âge, avait les prérogatives de nos maires actuels.

[17] Sous les Mérovingiens et les Capétiens, le système des apanages n’existait pas. De ce fait, le territoire royal était divisé, à chaque génération, entre les fils du roi. Ce qui aboutit évidemment à moult conflits, guerres civiles, etc.

[18] La Bourgogne était un apanage que le roi de France Robert II le Pieux avait confié à son fils cadet, Robert I° de Bourgogne. Le dernier héritier mâle, Philippe de Rouvres, étant mort en novembre 1361, la Bourgogne revint à la France (à noter que Charles le Mauvais, cousin éloigné du défunt, réclama néanmoins ce duché.).

 
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