III : La guerre de succession de
Pologne (1733 à 1738)
Toutefois, malgré la politique
pacifiste du cardinal Fleury, le roi de France suivit les conseils Germain
Louis Chauvelin, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, et décida
d’intervenir au cours de la guerre de succession de Pologne.
L’objectif de Louis XV était ainsi de replacer son beau père sur le trône
qu’il avait perdu.
Louis XV et Fleury, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
1° La Pologne en 1733 – En cette première moitié du
XVIII° siècle, la Pologne était resté un Etat pratiquement médiéval. La
population était en grande partie paysanne, le servage très répandu, et la
bourgeoisie n’existait pas car le commerce et les métiers d’usure étaient
réservés aux juifs.
Ce
pays sans frontières naturelles, car constitué de plaines, était divisé
aussi bien d’un point de vue culturel (l’on y parlait polonais, russe et
allemand.) que religieux (la moitié de la population était catholique, le
reste orthodoxe, protestant ou juif.).
Le
roi de Pologne, élu par la Diète, avait un pouvoir limité. Chaque
décision prise devait être validée à l’unanimité par cette assemblée, ce qui
entraînait une lenteur excessive ainsi que de nombreux blocages.
La
Pologne, Etat particulièrement fragile, ne pouvait qu’attiser la convoitise
des royaumes voisins. En 1697, Pierre I°, tsar de Russie, favorisa la
candidature du prince électeur de Saxe au trône de Pologne. Ce dernier, élu
par la Diète, prit alors le nom d’Auguste II.
Pierre I°, XVIII° siècle, château de Charlottenburg, Berlin (à
gauche) ; Auguste II de Pologne, par Louis SYLVESTRE, vers 1725, Deutsches historisches museum, Berlin
(à droite).
La
même année, Charles XII monta fut sacré roi de Suède. Le souverain
russe, considérant le jeune âge du Suédois comme une marque de faiblesse,
décida de monter une coalition, regroupant la Russie, la Pologne et le
Danemark.
Buste de Charles XII, par Jacques Philippe BOUCHARDON, début du XVIII°
siècle, musée du Louvre, Paris.
Mais contre toute attente, Charles XII se révéla être un excellent stratège,
remportant de nombreuses victoires. En 1704, il destitua Auguste II du trône
de Pologne, et fit alors élire Stanislas Leszczynski, membre d’une famille
aristocratique de Bohême.
Stanislas Leszczynski, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Toutefois, pénétrant trop profondément en Russie, les armées de Charles XII
furent écrasées en 1709, et ce dernier fut contraint de se réfugier auprès
des Turcs ottomans. Stanislas, privé de son protecteur, fut alors
contraint d’abandonner son trône.
Auguste II, profitant des évènements, fut à nouveau sacré roi de Pologne.
Toutefois, ce dernier mourut le 1er février 1733.
Sabre d'officier de la garde d'Auguste II
de Saxe, roi de Pologne, vers 1730, musée des Invalides, Paris.
A
cette époque, l’Autriche et la Russie étaient alliés, leur objectif étant
que la Pologne reste un Etat faible et soumis. Au contraire, la Suède et
l’Empire ottoman étaient les partenaires traditionnels de la France, afin de
prendre à revers les Autrichiens et leurs alliés.
En
août 1733, Stanislas pénétra dans Varsovie. Acclamé par la noblesse
polonaise, il parvint à se faire élire roi en septembre.
2° Les Russes progressent en Pologne (1733 à 1734) – Mais
Auguste III[1],
appuyé par une armée de 20 000 hommes envoyée par la tsarine Anne I°,
fut élu roi de Pologne à son tour.
Anne I°.
Stanislas, dix jours à peine après son élection, fut alors contraint de se
réfugier dans Dantzig.
Auguste III.
Chauvelin, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, décida alors de
rechercher des alliés afin de contre-attaquer. Il parvint ainsi à s’associer
avec Philippe V, qui souhaitait s’emparer des principautés autrichiennes
d’Italie ; ainsi qu’avec Charles Emmanuel III[2],
roi du Piémont, qui recevrait le Milanais en échange de la cessation de la
Savoie à la France (octobre 1733.).
Charles Emmanuel III.
L’Angleterre et les Provinces Unies, quant à elles, décidèrent de
rester neutres.
La
saison étant déjà avancée, il fut donc décidé de reporter la campagne à
l’année 1734.
Ainsi, en février 1734, Berwick[3]
envahit la Lorraine (territoire que Louis XIV avait dû restituer à
l’Empereur germanique suite au traité de Ryswick, en 1697[4].),
s’apprêtant à franchir le Rhin. Prenant la cité de Kehl en mai, Berwick
trouva la mort lors du siège de Phillipsburg, en juin 1734 (la cité fut
prise au cours du mois suivant.). Au même moment, l’armée du maréchal
Claude Louis Hector de Villars[5],
après avoir franchi les Alpes, pénétrait en Italie.
En
mai 1734, la situation de Stanislas ne s’arrangeait guère. Assiégé dans
Dantzig par une puissante armée russe, le roi de Pologne assista à l’arrivée
d’une petite armée française. Toutefois, malgré leur bravoure, les soldats
français furent contraints de reculer, abandonnant Stanislas à son sort.
Les Français au siège de Dantzig, par Paul Lehugeur, XIX°
siècle.
Déguisé en matelot, le roi de Pologne fut finalement contraint de fuir en
juin 1634, accompagné d’un espion de Louis XV. Se réfugiant à Königsberg
auprès de Frédéric-Guillaume I°, roi de Prusse[6], Stanislas rentra finalement en France. En juillet
1734, Dantzig ouvrit ses portes aux Russes.
Frédéric-Guillaume I°, roi de Prusse, par Antoine PESNE,
XVIII° siècle, château de Charlottenburg, Berlin.
3° Les Autrichiens reculent en Italie (1734) – Toutefois,
si les Russes progressaient en Pologne, l’Autriche accumulait les revers en
Italie.
a)
La bataille de Bitonto (mai 1734) : Ainsi, au printemps 1734,
Charles de Bourbon, fils du roi d’Espagne Philippe V, débarqua à Gênes.
A la tête d’une armée espagnole de 40 000 hommes, il marcha vers les Etats
pontificaux, puis s’empara du royaume de Naples sans rencontrer de
résistance.
Les Autrichiens, réfugiés à Bari, décidèrent d’organiser leur défense dans
la cité de Bitonto, cette dernière facilitant une éventuelle retraite.
Finalement, l’armée espagnole parvint à s’emparer de la cité, puis ce fut au
tour de Bari de capituler. Gaète ne tomba qu’en août 1734, suite à un siège
ayant duré près de quatre mois.
b)
La bataille de Parme (juillet 1734) : au printemps 1734, alors que
les Autrichiens accumulaient les revers au sud de l’Italie, ils parvinrent
toutefois à s’emparer de la Lombardie, prenant Mantoue sans rencontrer de
réelle opposition.
Charles Emmanuel III, roi du Piémont, décida alors de mener une guerre
défensive jusqu’à l’arrivée des troupes françaises, commandées par le
maréchal Claude Louis Hector de Villars, qui décida d’attaquer Milan.
Toutefois, alors que les troupes franco-piémontaises parvenaient à reprendre
pied en Lombardie, Villars mourut (7 juillet 1734.), laissant la place aux
maréchaux François Marie, duc de Broglie, et François de
Franquetot, duc de Coigny.
Sergent d'infanterie, régiment du Lyonnais, 1736, musée de l'Infanterie,
Montpellier (les armes de ce mannequin sont anachroniques, la hallebarde
qu'il tient dans la main datant du XVII° siècle.).
Les Autrichiens décidèrent alors de contre-attaquer, et marchèrent sur
Parme. C’est ainsi que les deux belligérants se retrouvèrent face à face,
non loin des murs de la cité (à noter en outre que Charles Emmanuel III ne
put participer à l’affrontement, ce dernier ayant préféré se rendre au
chevet de sa seconde épouse Polyxène Christine, qui était malade[7].).
Dans un premier temps, les Autrichiens eurent l’avantage, mais les troupes
franco-piémontaises parvinrent à éliminer le commandant en chef de l'armée
ennemie, profitant de cet avantage pour contre-attaquer.
Au
final, si la bataille de Parme fut une défaite pour les Autrichiens,
elle ne fut pas une victoire pour les Français. En effet, non seulement ces
derniers eurent à déplorer presque autant de victimes que leurs adversaires
(6 000 tués et blessés pour l’Autriche contre 4 000 côté Français.) ; en
outre, les maréchaux Broglie et Coigny, inexpérimentés, ne poursuivirent pas
leur avantage et perdirent du temps à se quereller.
c)
La bataille de Guastalla (septembre 1734) : ces dissensions côté
français incitèrent les Autrichiens à reprendre l’offensive, ce qu’ils
firent dès le mois de septembre. En effet, ils lancèrent une attaque
surprise contre le camp du maréchal de Broglie, qui fut contraint de fuir à
moitié habillé.
Cet évènement ayant redonné le moral aux Autrichiens, ils décidèrent alors
de s’attaquer à Guastalla, une petite ville entourée par deux rivières, où
s’étaient réfugiées les troupes franco-piémontaises.
Les Autrichiens lancèrent plusieurs assauts, mais ils furent tous
repoussés. En fin de journée, les assaillants décidèrent alors de rebrousser
chemin (l’Autriche eut ce jour 7 000 tués et blessés, contre 5 000 côté
français.).
La
bataille de Guastalla fut une fois de plus une défaite pour les
Autrichiens, mais les Français ne parvinrent pas à exploiter leur victoire.
Ainsi, les impériaux purent fortifier leur positions à Luzzara, repoussant
une attaque sur Mantoue.
4° La fin du conflit et le traité de Vienne (1735 à 1738) –
Dès le début de l’année 1735, Fleury envoya des émissaires auprès de
Charles VI afin de trouver une issue au conflit. Des pourparlers
s’engagèrent, mais l’Empereur germanique fit en sorte de ralentir les
négociations ; Chauvelin, secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, jugeait
que les propositions de ce dernier étaient trop favorables à l’Autriche.
Louis XV et Fleury, quant à eux, considéraient que la vieille lutte contre
les Autrichiens n’avait plus aucun sens, le danger venant désormais de
l’Angleterre (les colonies française en Amérique du nord étaient sans cesse
menacées par les colons anglais.). Chauvelin fut donc limogé afin
d’accélérer les négociations.
Après moult rebondissements, le traité de Vienne fut finalement signé
en novembre 1738, mettant un terme définitif à la guerre de succession de
Pologne[8].
Louis XV, en échange de la Lorraine, s’engagea à reconnaitre la
Pragmatique Sanction[9]
de l’Empereur germanique Charles VI. Ce texte prévoyait simplement que les
possessions autrichiennes seraient transmises à l’aîné de l’archiduc
d’Autriche, qu’il soit mâle ou femelle (Charles VI avait une fille qu’il
souhaitait privilégier, sans quoi ses possessions seraient revenues à ses
neveux.).
A
noter que la Pragmatique Sanction ne concernait pas le titre impérial, qui
restait électif.
Stanislas Leszczynski perdit le trône de Pologne au profit de son rival
Auguste III (il conserva toutefois son titre purement nominal de roi de
Pologne.). En contrepartie, Louis XV céda à son beau père les duchés de
Lorraine et de Bar à titre viager (lorsque Stanislas mourut, en 1766, ses
possessions furent réunies au royaume de France.).
François[10],
duc de Lorraine, dépossédé de ses Etats par les Français, reçut en échange
le grand duché de Toscane, qui devint une possession autrichienne (Jean
Gaston de Médicis, dernier de sa lignée et homosexuel notoire, s’était
éteint sans héritiers en juillet 1737.). En outre, il épousa Marie
Thérèse, fille de Charles VI.
Armoirie des Médicis, vers 1630, Bode museum, Berlin.
Charles de Bourbon, fils de Philippe V d’Espagne, accepta de renoncer à la
Toscane. En échange, il eut le droit de conserver le royaume des Deux
Siciles, dont il s’était emparé en 1734[11].
Afin de renforcer l’alliance franco-espagnole, Elisabeth, la fille de
Louis XV, épousa Philippe[12],
fils du roi d’Espagne.
Charles Emmanuel III, roi du Piémont, parvint quant à lui à récupérer Novare
et une partie du Milanais.
5° La guerre russo-turque et le traité de Belgrade (1735 à
1739) – Alors que le traité de Vienne mettait fin à la guerre de
succession de Pologne, la Russie et l’Autriche s’attaquaient à l’Empire
ottoman (l’objectif des Russes était de déboucher sur la mer Noire.).
Toutefois, malgré quelques succès, la victoire revint finalement aux Turcs.
C’est ainsi que fut signé, grâce à la médiation de la France, le traité
de Belgrade en septembre 1739. L’Autriche cédait ainsi Belgrade, la
Serbie et la petite Valachie, territoires acquis en 1718.
Les Russes, quant à eux, signèrent avec les Ottomans le traité de Nyssa
en octobre 1739.
Afin de remercier
la France, alliée traditionnelle de la Turquie depuis le XVI° siècle[13],
les Ottomans renouvelèrent les capitulations, ce qui permit aux
Français de commercer avec le Proche Orient.
[8]
A noter qu’il n’y avait plus de combats depuis fin 1734.
[9]
A ne pas confondre avec la Pragmatique Sanction de Bourges,
promulguée par le roi de France Charles VII en juillet 1438.
Pour en savoir plus à ce sujet, voir le b), 4, section III, chapitre
quatrième, les Valois.
[10]
A noter que ce personnage, fils du défunt Empereur germanique
Léopold I°, fut nommé François III en tant que duc de Lorraine
(1729.), François II en tant que grand duc de Toscane (1737), et
François I° en tant qu’Empereur germanique (1745.).
[11]
Il inaugura ainsi la dynastie des Bourbons de Naples, qui existe
encore de nos jours.
[12]
Ce dernier devint duc de Parme au cours de la décennie suivante.
[13]
Ce fut le roi de France François I° qui fut l’instigateur de
cette politique. Pour en savoir plus à ce sujet,
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