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L'Empire byzantin

 

CHAPITRE TROISIEME : L'Empire byzantin, entre grandeur et décadence

 

I : Les Isauriens et la querelle de l’iconoclasme (717 à 820)

           

            1° Léon III l’Isaurien (717 à 741) – Léon III naquit en Asie mineure en 675 (c’est pour cette raison qu’il fut surnommé l’Isaurien.). Nommé stratège d’Anatolikon par Anastase II, il parvint à repousser les musulmans de son thème en 716.

L’année suivante, il se révolta contre Théodose III, qui avait chassé Anastase II du pouvoir, et décida de marcher sur Constantinople (assisté par son confrère Artavasde, stratège d’Arméniakon.).

Léon III parvint alors à capturer le fils de Théodose III, obligeant se dernier à abdiquer (lui et son fils se retirèrent alors dans un monastère à Ephèse.). En mars 717, Léon III se proclama Empereur, acclamé par la population de Constantinople.

Pièce de monnaie à l'effigie de Léon III.

 

a) Lutte contre les musulmans, affirmation du pouvoir impérial : cependant, dès son accession au pouvoir, Léon III eut à subir une attaque menée par Maslama, un des fils du calife omeyyade Abd el Malik. Les musulmans assiégèrent Constantinople pendant une année, d’août 717 à août 718, mais furent finalement vaincus grâce à l’aide des Bulgares et l’utilisation du feu grégeois.

Par la suite, Léon III passa de nombreuses années à lutter contre les musulmans. En 740, il parvint à les vaincre une dernière fois, à la bataille d’Akroïnon. Victorieux, les Byzantins s’emparèrent alors de nombreux territoires d’Asie mineure.

 

Au sein même de l’Empire byzantin, Léon III eut à affirmer son autorité à plusieurs reprises (rappelons que cet Empereur n’était à l’origine qu’un usurpateur, à l’instar de ses prédécesseurs.). Il réprima donc un soulèvement en Sicile, en 718, et à Thessalonique, en 720 (cette insurrection avait été menée par Anastase II, Empereur déchu en 715[1], qui fut tué au cours du conflit.).

Ces victoires permirent à Léon III d’asseoir sa descendance sur le trône.

 

b) La querelle de l’iconoclasme : dès 726, Léon III imposa l’iconoclasme[2]. En 730, un édit fut publié, interdisant la représentation du Christ, de la Vierge et des Saints, et ordonnant la destruction des icônes les représentant.

Les raisons de la mise en place de cet iconoclasme sont diverses. Tout d’abord, d’un point de vue religieux, certains passages de la bible interdisent de représenter le divin. En outre, à cette époque, certains religieux vouaient tant d’admiration aux icônes qu’ils étaient considérés comme idolâtres.

Les iconodoules (qui étaient favorables aux icônes.) tentèrent en vain de s’interposer, accusant Léon III d’adopter les mêmes idées que les juifs et les musulmans[3]. Cependant, l’Empereur remportant de nombreuses victoires en Asie mineure, sa position s’en retrouva confortée.

A Rome, le pape Grégoire III signala lui aussi son mécontentement face à l’iconoclasme, mais ses protestations furent vaines.

 

c) L’Ekloga (726) : en 726, Léon III publia l’Ekloga, un recueil de textes de lois à l’attention des jurisconsultes. Ce code est aujourd’hui considéré comme une des plus importantes compilations de droit byzantin, derrière le code justinien[4] et le code théodosien[5].

 

En 741, Léon III mourut, laissant l’Empire byzantin entre les mains de son fils Constantin V.

 

            2° Constantin V Copronyme (741 à 775) – Constantin V naquit en 718. Encore très jeune lors de son baptême, il déféqua dans les fonts baptismaux, et reçut dès lors le surnom de Copronyme (qui signifie littéralement ‘nom d’excrément’.). Ce souverain fut aussi surnommé Caballinos, de son passion pour la cavalerie.

Pièce de monnaie à l'effigie de Constantin V.

 

a) Conquêtes militaires de Constantin V : si le règne de Constantin V fut noirci par les chroniqueurs opposés à l’iconoclasme, il n’en reste pas moins que ce souverain remporta de nombreuses victoires militaires.

 

Dès le début de son règne, Constantin V dut lutter contre Artavasde, stratège d’Arméniakon, qui s’était révolté. En 717, ce dernier avait aidé Léon III à s’emparer du pouvoir, et avait épousé sa fille Anne peu de temps après.

Devenant ainsi gendre de l’Empereur, Artavasde avait des chances de régner un jour. Cependant, la naissance de Constantin V, en 718, mit fin brutalement à cet espoir.

En 741, à la mort de Léon III, Artavasde, s’appuyant sur les iconodoules, décida de se révolter contre le nouveau souverain.

S’emparant de Constantinople, il se fit couronner Empereur, et mit fin à l’iconoclasme. Cependant, il fut finalement vaincu en 743 par Constantin V. Ce dernier fit alors aveugler Artavasde et ses fils, puis les exila.

 

En 741, Constantin V s’empara d’une bande territoriale située entre le nord de la Syrie et le nord de l’Euphrate ; en 750, il conquit Chypre ; en 762, il écrasa les Bulgares.

Ce souverain décida de consolider Constantinople et d’en faire le cœur de l’Empire, quitte à abandonner les possessions territoriales situées en Occident. C’est ainsi que l’exarchat de Ravenne tomba entre les mains des Lombards, contraignant le pape Zacharie à faire appel aux Francs[6].

L'Empire byzantin en 750 (vous pouvez faire un "clic droit" sur la carte afin de faire un zoom).

 

b) Constantin V et l’iconoclasme : suite à l’éviction d’Artavasde, Constantin V décida de réduire l’influence des iconodoules. Pour cela, il réunit un concile à Hiéreia, en février 754. Il fut affirmé que la nature du Christ était indiscernable, et donc impossible à représenter sur une image (les représentations de la Vierge et des Saints furent aussi condamnées.).

Par la suite, Constantin V décida de poursuivre la politique iconoclaste de son père, excommuniant et persécutant les iconodoules[7].

 

A sa mort, Constantin V laissa le trône à Léon IV, fils qu’il avait conçu avec Irène, une princesse khazare.

 

            3° Léon IV le Khazar (775 à 780) – Léon IV (qui fut surnommé le Khazar de par les origines de sa mère.) naquit à Constantinople en janvier 750. Montant sur le trône en 775, ce souverain eut une politique semblable à celle de son père.

 

Pièce de monnaie aux effigies de Léon IV (à gauche.) et de son fils Constantin VI (à droite.).

 

Disputant l’Asie mineure aux musulmans, Léon IV parvint néanmoins à les chasser de Syrie et d’Anatolie. A noter qu’en 750, la dynastie des Omeyyades prit fin. Les nouveaux souverains, les Abbasides, quittèrent Damas pour Bagdad, et se tournèrent plutôt vers la Perse. Dès lors, les musulmans ne représentèrent plus une grande menace pour l’Empire byzantin.

 

D’un point de vue religieux, Léon IV fut un souverain iconoclaste, mais opta pour une politique moins radicale que celle de ses prédécesseurs.

 

En 780, alors qu’il combattait les Bulgares, Léon IV mourut de la fièvre. Ce fut alors Constantin VI, fils qu’il avait eu avec son épouse Irène[8], qui monta sur le trône.

 

            4° Constantin VI (780 à 797) – Constantin VI, né en 771, était encore un enfant lors de la mort de Léon IV. Ce fut donc Irène, sa mère, qui s’occupa de la régence pendant quelques années.

Pièce de monnaie aux effigies de Constantin VI (à gauche.) et d'Irène (à droite.).


Irène, issue d’une province peu favorable à l’iconoclasme, décida de réunir un concile afin de mettre un terme à la crise. C’est ainsi que se réunit en 787 le second concile de Nicée. Au cours de cette réunion, il fut déclaré que le Christ, de par sa nature humaine, pouvait être représenté sur une image. Par contre, l’idolâtrie et le commerce des icônes furent sévèrement réprouvés.

 

Constantin VI, dépossédé du pouvoir par sa mère, s’attira la sympathie des iconoclastes et des opposants de l’Impératrice. Une insurrection éclata alors au sein de l’armée, qui parvint à évincer Irène du pouvoir.

Cependant, l’Empereur accumula les revers militaires (échec face au Bulgares en 792, puis face aux musulmans en 797.), et devint gravement impopulaire.

Il fut finalement renversé, au cours du mois d’août 797. Les conjurés, s’infiltrant dans le palais impérial, crevèrent les yeux de Constantin VI, puis l’exilèrent dans un monastère (il y mourut vers 810.).

 

            5° Irène l’Athénienne (797 à 802) – Irène (qui était née à Athènes en 752.), suite à l’énucléation et l’exil de son fils, s’empara alors du pouvoir. A noter qu’elle fut la première femme à gouverner officiellement l’Empire byzantin (de par le passé, de nombreuses femmes avaient eu le pouvoir, mais elles utilisaient leurs maris comme hommes de paille.).

Pièce de monnaie à l'effigie d'Irène.

 

En 798, occupés dans une guerre contre les Bulgares, les Byzantins ne purent s’opposer à la progression des musulmans dans le pays Roum (une zone située à l’est de l’Anatolie.). Irène décida alors de s’entendre avec Haroun al Rachid (le cinquième calife abbasside.), acceptant de payer un tribut en échange de la paix.

 

L’Impératrice, en 802, décida de se rapprocher de Charlemagne (en 781, elle lui avait déjà proposé de marier sa fille Hermengarde avec Constantin VI.). Le roi des Francs, au cours d’un voyage à Rome, avait été couronné Empereur des Romains, le 25 décembre 800, par le pape Léon III.

Le sacre de Charlemagne,  par Jean FOUQUET, enluminure issue des Grandes Chroniques de France, XV°, Bibliothèque Nationale.

Irène décida alors de lui offrir sa main, désireuse de réunir les deux Empires.

 

Cependant, l’aristocratie byzantine, très hostile à ce projet, organisa alors un coup d’Etat, en octobre 802. Le Grand logothète[9] Nicéphore se fit alors proclamer Empereur par une assemblée de hauts fonctionnaires, et exila Irène sur l’île de Lesbos (elle y mourut en août 803[10].).

A noter qu’Irène fut la dernière représentante de la dynastie des Isauriens.

 

            6° Nicéphore I° (802 à 811) – Aujourd’hui, l’on ne sait rien de Nicéphore I° avant sa prise de pouvoir d’octobre 802 (si ce n’est qu’il naquit vers 760.).

Pièce de monnaie à l'effigie de Nicéphore.

 

a) Réforme financière : une fois sur le trône, ce souverain très porté sur les finances décida de mettre en place une grande réforme économique : il mit fin au système d’exemptions d’impôts, limita les prêts, créa un impôt sur les héritages, et imposa les propriétaires.

Ces différentes mesures permirent d’assainir les caisses de l’Etat.

 

b) Opérations extérieures : par la suite, Nicéphore I° réorganisa l’armée, remettant le système des stratiotes au goût du jour[11].

En 805, l’Empereur parvint à vaincre les Slaves, affirmant à nouveau l’autorité de l’Empire byzantin sur les Balkans (il créa de nouveaux thèmes dans la région et en Grèce.).

En 806, Nicéphore I° décida de mettre fin au tribut que payait l’Empire byzantin au califat abbasside. Haroun al Rachid attaqua alors immédiatement les Byzantins, et parvint à remporter la victoire. L’Empereur fut donc contraint de verser un nouveau tribu aux musulmans, qu’il refusa de payer par la suite.

En Occident, Nicéphore I° refusa de reconnaître Charlemagne comme Empereur des Romains, et dut abandonner Venise à Pépin d’Italie, le fils du roi des Francs (810.).

 

Enfin, l’Empereur se lança dans une guerre contre les Bulgares en 811. Dans un premier temps, les Byzantins furent victorieux, battant leurs ennemis au cours de la bataille de Pliska (Pliska était la capitale des Bulgares.). Cependant, Krum, le khan des Bulgares, parvint alors à reprendre l’avantage. En juillet 811, au cours de la bataille de Virbitza, les Byzantins furent vaincus, et Nicéphore I° fut tué (selon certaines sources, le khan aurait transformé le crâne de son défunt rival en coupe à boire.).

 

            7° Staurakios (811) – A la mort de Nicéphore I°, ce fut son fils Staurakios qui monta sur le trône.

Pièce de monnaie à l'effigie de Staurakios.

Cependant, ce dernier avait été gravement blessé d’un coup d’épée au cou, lors de la bataille de Pliska, qui l’avait laissé paralysé.

Conscient de son état, Staurakios décida d’abdiquer en octobre 811, laissant le trône à Michel I°, son beau frère (ce dernier avait épousé Procopia, fille de Nicéphore I°.).

Par la suite, Staurakios se retira dans un monastère, où il mourut en janvier 812.

 

            8° Michel I° Rhangabé (811 à 813) – Michel I°, dont on ne connaît rien jusqu’à son accession au pouvoir, fut un souverain très influençable.

Pièce de monnaie à l'effigie de Michel I°.

Il accepta de reconnaître Charlemagne comme Empereur des Romains (812), et fut favorable au culte des images.

 

Cependant, dès son accession au trône, Michel I° dut lutter contre Krum, pour qui la guerre n’avait pas pris fin avec la bataille de Virbitza. Les Bulgares envahirent la Thrace en 813, et Michel I° décida de refuser les propositions de paix envoyées par ses ennemis (désireux de consolider son pouvoir à Constantinople, l’Empereur ne voulait pas signer une paix qui aurait été considérée comme une lâcheté.).

Byzantins et Bulgares s’affrontèrent finalement non loin d’Andrinople, au cours de la bataille de Versinikia (appelée aussi deuxième bataille d’Andrinople[12].).

Cependant, les soldats du thème d’Armeniakon, dirigés par Léon V, firent alors défection. Les Byzantins furent écrasés, et les Bulgares parvinrent à progresser jusqu’à Constantinople.

Michel I° décida alors d’abdiquer, et se retira avec la famille impériale dans un monastère de l’île de Plati (il y mourut en 845.).

 

            9° Léon V l’Arménien (813 à 820) – Léon V, né en 775, était stratège du thème d’Armeniakon (il avait remporté plusieurs victoires sur les musulmans par le passé.).

Pièce de monnaie à l'effigie de Léon V.

Il trahit Michel I° au cours de la bataille de Versinikia, ne lui prêtant pas assistance, afin de pouvoir s’emparer du trône plus facilement.

 

a) Lutte contre les Bulgares (813 à 817) : se proclamant Empereur en 813, suite à l’abdication de Michel I°, Léon V invita alors Krum à négocier. Ce dernier accepta, et tomba alors dans une embuscade dressée par les hommes de l’Empereur. Seulement blessé d’une flèche, le khan des Bulgares parvint à s’échapper, et partit dévaster les environs de Constantinople. Par la suite, Krum s’empara d’Andrinople et de la Thrace, mais mourut en avril 814.

Son fils Omurtag s’empara alors du pouvoir, mais n’eut pas autant de succès que son père. Léon V, bon chef de guerre, parvint à le vaincre à la bataille de Mesembria (aujourd’hui Nessebar, en Bulgarie.), en 817.

 

b) Le second iconoclasme : autre fait marquant du règne de Léon V, le retour de l’iconoclasme. Cette résurgence fut encore plus violente que la première, et l’on ordonna la destruction de nombreuses images sacrées.

 

En décembre 820, L’empereur entendit qu’un complot était fomenté par un des ses amis, le général Michel Psellos[13]. Léon V décida alors d’emprisonner ce dernier, et le condamna à mort. Cependant, Michel eut la vie sauve grâce à ses compagnons, qui assassinèrent Léon V au cours de la nuit de noël 820.

L'usurpateur s’empara alors du pouvoir, prenant le nom de Michel II.

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[1] Pour en savoir plus sur le règne d’Anastase II, voir le 10, section III, chapitre deuxième, Histoire de l’Empire byzantin.

[2] Le mot ‘iconoclasme’ vient des mots grecs eikon (‘icône’.) et klastein (‘casser’.). Les iconoclastes sont donc des destructeurs d’images, en particulier des représentations divines.

[3] Les juifs, tout comme les chrétiens iconoclastes, étaient opposés aux représentations divines. Les musulmans, quant à eux, proscrivent toute représentation de vie, végétaux et animaux y compris.

[4] Pour plus de renseignements sur le code justinien, voir le 3, section I, chapitre deuxième, Histoire de l’Empire byzantin.

[5] Pour en savoir plus sur le code théodosien, voir le 2, section I, chapitre premier, Histoire de l’Empire byzantin.

[6] Pour avoir plus de renseignements entre les Francs et Rome, référez vous au 4, section III, chapitre premier, les Carolingiens.

[7] L’on peut néanmoins se demander quelle fut la réelle ampleur de ces persécutions, ces dernières n’étant relatées que dans des chroniques écrites par des auteurs fermement opposés à l’iconoclasme.

[8] Ne pas confondre Irène (l’épouse de Léon IV.) et la princesse khazare Irène (la mère de Léon IV.). 

[9] Les logothètes étaient des magistrats chargés de gérer les finances de l’Empire byzantin.

[10] A noter qu’Irène fut canonisée en 864.

[11] Le système des stratiotes fut mis en place par l’Empereur Héraclius (il s’agissait de paysans soldats, auxquels l’Empire faisait appel pour remplacer les mercenaires.). Pour en savoir plus à ce sujet, voir le b), 1, section III, chapitre deuxième, Histoire de l’Empire byzantin.

[12] La bataille d’Andrinople avait vu s’opposer, en août 378, les Romains de l’Empereur Valens aux Wisigoths du roi Fritigern. L’affrontement avait abouti au massacre de l’armée romaine par les barbares (si vous souhaitez en savoir plus à ce sujet, voir le b), 1, section III, chapitre sixième, histoire de la Rome antique.).

[13] Psellos signifie ‘bègue’, en grec.

 
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