1° La jeunesse de Louis VI (1081 à 1108) – Louis VI
naquit vers 1081, premier fils de Philippe I°
et de son épouse Berthe de Frise. Le couple eut d’autres fils (Henri,
Charles et Eudes), qui moururent en bas-âge.
Le roi des Francs, qui avait
épousé Berthe en gage de paix avec Robert, comte de Flandre, fit
enfermer cette dernière à Montreuil en 1090.
Puis, en 1092, Philippe épousa Bertrade, femme de Foulques IV,
comte d’Anjou.
Ce mariage, considéré comme
adultère, fut condamné par l’Eglise, mais le couple eut néanmoins plusieurs
enfants : Philippe (né vers 1093), Fleury (né vers 1095), et
Cécile (née vers 1097).
Bertrade, qui souhaitait
privilégier ses fils, tenta alors d’écarter Louis VI de la succession.
Philippe envoya alors son aîné suivre ses études à l’abbaye Saint Denis,
craignant peut être qu’il ne lui arrive un accident à la Cour.
A cette occasion, Louis VI
se lia d’amitié avec un moine dénommé Suger, qui devint son
conseiller.
Louis VI, qui avait reçu le
comté de Vexin en 1092, fut finalement couronné et associé au trône vers
1098.
Philippe I° étant affaibli
par l’âge et par l’embonpoint, il confia à son fils le gouvernement effectif
du royaume vers 1103.
2° Guerre contre les seigneurs turbulents (1108 à 1130) –
A la mort de son père, en 1108, Louis VI était âgé de 27 ans. Ce
dernier, à l’instar de Philippe I°, fut un
souverain actif, qui passa de nombreuses années à guerroyer. C’est pourquoi
les contemporains le surnommèrent le Batailleur ou l’Eveillé.
Toutefois, frappé par l’embonpoint à la fin de sa vie, tout comme son père,
Louis VI fut aussi surnommé le Gros.
Louis VI le Gros, par Jean DE TILLET, XVI° siècle.
a)
Le sacre de 1108 : suite au décès de Philippe I°, en juillet 1008,
Louis VI s’empressa de se faire couronner. En effet, le jeune souverain
craignait que son demi-frère Philippe ne tente d’usurper le pouvoir.
Louis VI se rendit alors à Orléans, recevant la Saint onction des mains de
Daimbert, archevêque de Sens. Toutefois, comme cette cérémonie se
déroulait traditionnellement à Reims, Raoul le Vert, archevêque de la
ville, envoya au jeune roi une lettre de protestation (à noter que Louis VI
n’avait pas voulu être sacré à Reims car Raoul le Vert n’avait pas été
reconnu par Philippe I°).
Le sacre de Louis VI, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage
Grandes chroniques de France,
Paris, France, XV°siècle (à droite de l'image, l'on peut apercevoir le roi
d'Angleterre Henri I° Beauclerc.).
b)
Guerre contre Philippe (1009) : depuis maintenant plusieurs années,
les rois de Francie
avaient réussi à agrandir le domaine royal. Toutefois, ce dernier hébergeait
plusieurs petits seigneurs, d’ailleurs souvent plus brigands que seigneurs,
qui, fièrement retranchés derrière leurs châteaux, ne respectaient guère
l’autorité de la couronne.
Dès 1109, Louis VI s’attaqua à son demi-frère Philippe, comte de Mantes et
de Montlhéry, qui rançonnait les voyageurs et les marchands se rendant à
Paris. Ce dernier, sommé de s’expliquer devant une assemblée convoquée par
le roi, refusa de se soumettre.
Le
roi des Francs assiégea alors Mantes et Montlhéry, dont il s’empara
rapidement. Philippe, quant à lui, se réfugia auprès de son oncle Amaury
III, seigneur de Montfort (ce dernier était le frère de Bertrade).
Ruines du château de Monthléry, par Paul Lehugeur,
XIX° siècle.
c)
Guerre contre Hugues III, seigneur du Puiset (1111) : Hugues III,
seigneur du Puiset,
était un vassal turbulent, qui ravageait la Beauce et l’Orléanais. Ce
dernier, en 1110, s’attaqua au comté de Chartres, possession de Thibaud
IV, comte de Blois.
Ce
dernier en appela donc à Louis VI, qui, après avoir réuni une assemblée à
Melun, décida d’en découdre avec Hugues III.
Dans un premier temps, le seigneur du Puiset fut convoqué devant un tribunal
afin qu’il réponde des accusations portées contre lui ; toutefois, comme
Hugues ne s’y présenta pas, le roi des Francs ouvrit les hostilités.
Louis VI contre les seigneurs
brigands, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Dans un premier temps, Louis VI fit ériger une forteresse à Toury, près du
Puiset, qui fut administrée par Suger ; puis le roi des Francs vint assiéger
le château de son rival.
En
1111, Hugues fut finalement contraint de faire reddition. Il fut alors
arrêté et emprisonné à Château-Landon.
Quelques années après, Eudes, comte de Corbeil, l’oncle d’Hugues III,
mourut. Le seigneur du Puiset négocia sa libération en échange des terres du
défunt.
Louis VI accepta de libérer son prisonnier, mais Hugues III, une fois
retourné dans ses Etats, chercha à nouer des alliances contre le Capétien.
Le
roi des Francs revint alors au Puiset, vainquit Hugues III, et l’enferma à
nouveau.
d)
Guerre contre Enguerrand de Boves, comte d’Amiens et sire de Coucy (1115)
: au printemps 1115, Louis VI se trouvait à Amiens afin de défendre les
habitants de la ville contre Thomas de Marle, fils d’Enguerrand de
Boves, comte d’Amiens et sire de Coucy.
Le
comte d’Amiens et son fils refusant de reconnaitre l’institution communale,
adoptée en 1113 (c'est-à-dire l’indépendance de la cité vis-à-vis du comté),
Louis VI assiégea la forteresse de Castillon, qui surplombait Amiens.
Cette dernière tomba après deux années de siège.
A
la mort d’Enguerrand de Boves, en 1117, le roi des Francs céda le comté
d’Amiens à Adèle de Vermandois, veuve de son frère Hugues.
e)
Guerre contre Guillaume VI, comte d’Auvergne (1122-1126) : Guillaume
VI, comte d’Auvergne, était hostile à Aimeri, évêque de Clermont.
Ainsi, il avait fait ériger la forteresse de Montferrand, afin de pouvoir
contrôler la cité de son rival, et s’était emparé de la cathédrale
Notre-Dame-du-Port.
Isolé, Aimeri fit alors appel à Louis VI le Gros en 1122, qui décida d’en
découdre avec le comte d’Auvergne. Le roi des Francs, réunissant son armée,
pilla la Limagne puis pénétra dans Clermont. Il contraignit alors Guillaume
VI à se réconcilier avec Aimeri, lui rétrocédant la cathédrale.
A
noter que cette expédition était exceptionnelle, car les rois de Francie
n’étaient plus intervenus au sud de la Loire depuis la fin de l’époque
carolingienne.
Mais en 1126, la querelle entre le comte d’Auvergne et l’évêque de Clermont
reprit. Louis VI redescendit alors en Auvergne, assiégeant Montferrand.
Toutefois, Guillaume IX de Poitiers, duc d’Aquitaine, suzerain de
Guillaume VI, afin de mettre en place une médiation. Finalement, Guillaume
VI prêta hommage à Louis VI, qui rentra à Paris.
f)
Guerre contre Thomas de Marle (1130) : Thomas de Marle, furieux
d’avoir été évincé de l’héritage de son père, fit alliance avec Baudouin
IV, comte de Hainaut.
En
1130, il tua Henri, seigneur de Chaumont-en-Vexin, un des fils
d’Hugues et d’Adèle de Vermandois.
Raoul I°,
comte de Vermandois, décida alors d’en découdre avec Thomas de Marle,
bénéficiant du soutien de Louis VI le Gros. En fin d’année 1130, les deux
hommes mirent le siège devant la forteresse de Coucy, où s’était réfugié
Thomas de Marle. Ce dernier, blessé lors d’une attaque, mourut en fin
d’année.
3° Guerre contre l’Angleterre (1108 à 1127) –
Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, avait envahi l’Angleterre en
1066.
A sa mort, en 1087, il partagea son héritage entre les fils qu’il avait eu
avec Mathilde, fille du comte de Flandre : Robert Courteheuse,
Richard (rentré dans les ordres en 1066), Guillaume II le Roux,
et Henri (surnommé Beauclerc, ce qui signifie qu’il était
savant).
a) Petite histoire de
l’Angleterre, de la mort de Guillaume I° à la capture de Robert Courteheuse
(1087 à 1106) : Robert s’étant révolté contre son père, avec le soutien
de Philippe I°, il reçut le duché de Normandie ; Guillaume II le Roux eut le
royaume d’Angleterre ; et Henri, ne recevant pas de terres, toucha 5 000
livres d’argent en dédommagement.
Toutefois, Guillaume II
mourut d’un accident de chasse (peut être s’agissait t’il d’un meurtre ?) à
l’été 1100.
Son cadet, Henri, profita de cet évènement pour se faire couronner roi
d’Angleterre, à une époque où son aîné, parti pour la croisade, se trouvait
encore en Terre sainte.
En
1105, le nouveau roi d’Angleterre somma son frère de lui remettre le duché
de Normandie, en échange d’une importante somme d’argent. Toutefois, Robert
refusa, et Henri, traversant la Manche l’année suivante, remporta la
bataille de Tinchebray. Vaincu, Robert Courteheuse fut emprisonné
jusqu’à sa mort dans le château de Cardiff, au pays de Galles.
b) Première offensive
contre la Normandie (1113) : toutefois, Robert
Courteheuse avait un fils encore jeune, nommé Guillaume
(ce dernier fut surnommé Cliton, un latinisme désignant un prince de
sang royal). Au grand dam d’Henri, l’enfant fut enlevé par un chevalier
normand, qui le porta à la Cour du roi de France.
Louis VI, souhaitant comme son père jouer des rivalités dans la famille du
Conquérant, fit de Guillaume Cliton son protégé, d’autant qu’Henri Beauclerc
avait refusé de prêter hommage au roi des Francs.
Une première offensive contre la Normandie fut lancée en 1113, à laquelle
participèrent Foulques V le Jeune, comte d’Anjou ;
et de Baudouin VII, comte de Flandre.
Louis VI en expédition, par A. DE
NEUVILLE, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par
François Guizot, 1875.
Toutefois, cette première offensive fut un échec. Ainsi, le roi de France et
ses alliés furent contraints de reconnaitre la domination d’Henri Beauclerc
sur la Normandie.
c) Seconde offensive
contre la Normandie (1119) : Guillaume Cliton, réfugié à la Cour de
Baudouin VII de Flandre, fut fait chevalier en 1118. A compter de cette
date, il lança plusieurs raids contre la Normandie, bénéficiant parfois du
soutien des seigneurs locaux.
L’année suivante, une
nouvelle coalition se forma contre Henri Beauclerc, regroupant Louis VI,
Foulques V d’Anjou et Baudouin VII de Flandre.
Marchant vers la Normandie, les coalisés affrontèrent l’armée normande lors
de la bataille de la Brémule, en 1119.
L’affrontement fut une mêlée sanglante, qui ne fut pas à l’avantage des
Francs. La chronique raconte, alors que le roi des Francs était entouré
d’ennemis, qu’un Normand s’empara de la bride de son cheval en s’écriant :
le roi est pris ! Toutefois, Louis VI abattit sa masse sur son
adversaire, répliquant : on ne prend pas le roi, ni à la guerre, ni aux
échecs !
Le
roi des Francs, vaincu, fut contraint de sonner la retraite, reculant
jusqu’aux Andelys. Les Normands, quant à eux, ayant fait plusieurs
prisonniers d’importance, gagnèrent beaucoup d’argent grâce aux rançons.
Baudouin VII ayant trouvé la mort pendant la bataille, Louis VI et le comte
d’Anjou furent contraints de faire la paix avec Henri Beauclerc en 1120,
reconnaissant une fois encore sa domination sur la Normandie.
En
contrepartie, Guillaume Adelin, l’aîné d’Henri Beauclerc, acceptait
de prêter hommage au roi des Francs.
d) Troisième offensive
contre la Normandie, l’intervention de l’Empereur Henri V (1124) :
en 1120, un évènement entraîna la reprise des
hostilités : le naufrage de la Blanche-Nef. Ce navire, qui
transportait les enfants d’Henri I° Beauclerc, coula pendant l’hiver 1120
alors qu’il traversait la Manche en direction de Londres.
Le
roi d’Angleterre perdit plusieurs enfants lors du naufrage : Guillaume
Adelin, son héritier ; ainsi que Mathilde et Richard, nés de
différentes maitresses.
Dès lors, Henri Beauclerc n’avait plus qu’une fille légitime, Mathilde.
Cette dernière était surnommée l’Impératrice car elle était mariée à
Henri V, Empereur germanique.
Plusieurs seigneurs normands ayant affiché leur hostilité à Mathilde,
Guillaume Cliton marcha vers le duché de Normandie en début d’année 1124.
Toutefois, l’expédition fit long feu, les insurgés tombant dans une
embuscade tendue par Ranulf, comte de Chester.
En
raison des troubles ayant éclaté en Normandie, Henri V décida d’intervenir,
soucieux d’assurer les droits de sa femme sur le trône d’Angleterre.
Pénétrant en France en août 1124, l’Empereur germanique avança vers Reims.
A
cette date, Louis VI se retrouvait dans une situation difficile, étant bien
moins puissant que son homologue d’outre-Rhin. Ce dernier, pour la première
fois depuis la fin de l’époque carolingienne, décida de convoquer l’ost.
Répondirent à l’appel Charles I°, comte de Flandre ;
Raoul I°, comte de Vermandois ; Foulques V, comte d’Anjou ; Hugues I°,
comte de Champagne ;
Thibaud IV, comte de Blois ; Guillaume II, comte de Nevers ;
Hugues II, duc de Bourgogne
; Conan III, duc de Bretagne ; et Guillaume IX de Poitiers,
duc d’Aquitaine.
Répondirent aussi à l’appel du roi des Francs les gens des communes et les
milices paroissiales.
Louis VI, parti chercher l’oriflamme de Saint Denis,
fit alors porter cet étendard par l’armée royale.
Henri V, faisant face à cette immense armée, préféra se retirer sans
combattre. Reculant vers Metz, il rentra ensuite à Worms, sa capitale.
Au
XIX° siècle, les historiens ont vu dans cet évènement la restauration de
l’idée de patrie, ou l’éveil d’un sentiment national. Toutefois, si le terme
de nation est anachronique au XII° siècle, le rassemblement de l’ost
démontre que les seigneurs francs, plus fidèles à la dynastie capétienne
qu’autrefois, refusaient toute idée d’ingérence étrangère.
e) Epilogue du conflit
contre la Normandie, Guillaume Cliton comte de Flandre (1127) :
en mars 1127, Charles I°, comte de Flandre, fut
assassiné lors d’une messe.
Ce
dernier étant décédé sans héritiers, plusieurs postulants souhaitèrent
hériter du comté de Flandre.
Parmi ceux-ci, l’on retrouvait Guillaume Cliton, qui descendait des comtes
de Flandres par sa grand-mère Mathilde.
Louis VI, prenant une fois encore la défense du fils de Robert Courteheuse,
assiégea Lille afin de faire accepter son candidat. Guillaume Cliton fut
alors reconnu comte de Flandre par une assemblée de seigneurs flamands, au
printemps 1127.
Toutefois, Guillaume Cliton mourut l’année suivante, alors que des
insurrections avaient éclaté dans la région. Son successeur fut Thierry
d’Alsace, fils de Thierry II, duc de Lorraine et de Gertrude
(cette dernière était la fille de Robert I°, comte de Flandre).
Louis VI, qui avait mobilisé ses armées pour défendre Guillaume Cliton, fut
placé devant le fait accompli. En 1128, il décida de sonner la retraite,
après avoir reçu l’hommage de Thierry d’Alsace.
4° Dernières années de règne de Louis VI (1129 à 1137) –
De son mariage avec Adélaïde, fille du comte de Savoie (1115),
Louis VI eut plusieurs enfants : Philippe (né en 1116), Louis VII
(1120), Henri (1122), Hugues (décédé en bas-âge, vers 1122),
Robert (vers 1125), Pierre (vers 1126), Constance (vers
1128), Philippe (vers 1132) et une fille décédée jeune.
a) Décès de Philippe,
Louis associé au trône (1131) : Philippe, l’aîné, fut associé à la
couronne en avril 1129 ; toutefois, il mourut d’un accident de cheval à la
mi-octobre 1131, sa monture ayant été effrayée par un cochon qui vagabondait
dans les rues.
Gisant de Philippe de France, vers 1263, église saint Denis.
Ainsi, la succession échut à
Louis, son cadet, qui comme ses frères était destiné à la vie
ecclésiastique. Ce dernier fut alors couronné à Reims à la fin octobre 1131
par le pape Innocent II.
En
juillet 1137, le jeune Louis fut fiancé à Aliénor, fille de
Guillaume X.
Ce dernier n’ayant pas d’héritiers mâles, le duché d’Aquitaine devait donc
revenir à sa fille. Cette importante alliance matrimoniale devait permettre
à la dynastie capétienne de reprendre pied dans les Etats du sud de la
Loire.
b) Décès de Louis VI
(1137) : Louis VI, affaibli par l’embonpoint
et des infirmités précoces, mourut en août 1137, alors qu’il luttait contre
un seigneur pillard, près de Gien.
Le
défunt, âgé de 56 ans, fut alors inhumé dans la basilique Saint Denis.
Louis VI, qui avait combattu tout au long de son règne, laissait derrière
lui un royaume régénéré, unifié, et en pleine extension. Ainsi, ce souverain
peut être considéré comme le premier maillon d’une chaîne, qui au fil des
siècles, aboutit à la fondation de la monarchie absolue.
Gisant de Louis VI le Gros, vers 1263, église saint Denis.
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