I : Les derniers souverains de la XXV° dynastie et les premiers souverains
de la XXVI° dynastie (VIII° siècle à VII° siècle avant Jésus Christ)
La troisième période intermédiaire,
contrairement aux deux précédentes, ne s’acheva pas à une date fixe,
communément admise par la communauté scientifique. En effet, les
égyptologues ne s’accordent pas aujourd’hui sur une date à retenir, marquant
la fin de cette époque.
La
plupart considèrent que la troisième période intermédiaire prit fin aux
alentours de 750 avant Jésus Christ (soit quelques années avant la prise de
pouvoir de Piânkhy[1].),
d’autres préfèrent rester dans le vague, évoquant la fin du VIII° siècle
avant Jésus Christ.
Pour ma part, j’ai préféré retenir cette dernière théorie, considérant que
Chabaka[2]
fut le dernier souverain de la troisième période intermédiaire, réunifiant
véritablement l’Egypte vers 712 avant Jésus Christ, après s’être débarrassé
de tous les roitelets du delta.
Toutefois, malgré cette nouvelle réunification, les souverains qui se
succédèrent sur le trône ne parvinrent pas à redonner au pays sa grandeur
d’antan, préférant se tourner vers le prestigieux passé de l’Egypte. Ne
réussissant pas à s’adapter à la nouvelle carte géopolitique, le pays fut
donc envahi à de nombreuses reprises au cours de la Basse époque.
Après les Assyriens vinrent les Perses, puis les Grecs, et enfin les
Romains, qui firent du pays une province de Rome.
1° Chabataka (vers 702 à 690 avant Jésus
Christ) – Suite au décès de Chabaka, ce ne fut pas un de ses fils qui
s’empara du pouvoir, mais un de ses neveux, nommé Chabataka. En
effet, le jeune homme était né de l’union de Piânkhy et de sa première
épouse Tabiri.
a)
Politique intérieure, religion et architecture : Chabataka, couronné à
Thèbes, décida de poursuivre l’œuvre de son prédécesseur. Pour se faire, il
encouragea la pratique des rites égyptiens et poursuivit les travaux
d’embellissement des temples du pays.
Toutefois, il faut noter que les élites de Tanis n’apprécièrent guère
l’éviction du pharaon Osorkon IV, dernier souverain de la XXII° dynastie. En
effet, les gouverneurs de la cité luttèrent contre les souverains koushites
pendant plusieurs décennies, mais opposèrent plus une résistance de principe
qu’une véritable lutte armée.
Gemenefkhonsoubak (vers 712 à 680 avant Jésus Christ.) et son fils
Petoubastis II (vers 680 à 665 avant Jésus Christ.) adoptèrent une
titulature royale, bien que leur autorité de dépassait pas les frontières de
Tanis.
A
Saïs, la situation était plus calme. En effet, suite à la mort d’Ammeris,
gouverneur de la cité et fondateur de la XXVI° dynastie (il avait été
installé à ce poste par le phraon nubien Chabaka.), ce fut son fils
Stephinates qui lui succéda.
b)
La menace assyrienne : toutefois, dès le début de son règne,
Chabataka dut faire face aux Assyriens, toujours aussi menaçants, que ses prédécesseurs,
Osorkon IV[3]
et Chabaka, étaient parvenus à maintenir aux frontières du pays grâce à des
démonstrations d’amitié.
Chabataka, quant à lui, eut de bonnes relations avec Sargon II, roi
d’Assyrie (il aurait fait extrader d’Egypte un ennemi de Sargon II.). A la
mort de ce souverain, ce fut son fils Sennacherib qui monta sur le
trône. Dès lors, et sans que nous en connaissions les raisons aujourd’hui,
les relations entre les deux souverains se dégradèrent.
Héros maîtrisant un lion, façade de la
salle du trône du palais de Sargon II à Dur Sharrukin, musée du Louvre,
Paris (à gauche) ; inscription de Sargon II, VIII° siècle avant Jésus Christ,
musée du Vatican, Rome.
Sennacherib, après avoir maté une révolte à Babylone, décida de marcher vers
le Proche Orient, dont les souverains locaux s’étaient révoltés (peut être
influencés par l’Egypte et Babylone ?).
Le
roi d’Assyrie mena une campagne militaire qui nous est mal connue
aujourd’hui, du fait des nombreuses disparités entre les différentes
sources.
Chabataka décida alors de soutenir ses alliés, envoyant un corps
expéditionnaire au Proche Orient, commandé par son demi frère Taharqa.
Toutefois, ce dernier prit peur après avoir évalué la force de l’armée
assyrienne, et décida de rentrer en Egypte.
Casque pointu retrouvé en Syrie, IX°-VII°
siècle avant Jésus Christ, Pergamon museum, Berlin (à gauche) ; stèle de Sennacherib, début du VII° siècle avant Jésus
Christ, Pergamon museum, Berlin (à droite).
Sennacherib parvint vraisemblablement à l’emporter contre le royaume
d’Israël, soumettant de nombreuses cités, mais échoua à prendre Jérusalem,
capitale du royaume de Juda.
La défaite de Sennacherib, par Gillis VAN
VALCKENBORCH, musée du Louvre, Paris.
Puis, selon Hérodote, Sennacherib aurait par la suite décidé de marcher sur
l’Egypte, afin de punir Chabataka pour son comportement hostile.
Le
pharaon décida alors de riposter, lançant son armée à l’encontre de celle de
Sennacherib. Les deux adversaires se trouvèrent face à face dans la soirée,
et décidèrent de reporter le combat au lendemain.
Toutefois, au cours de la nuit, des souris mangèrent les boucliers en osier
et la corde des arcs des Assyriens qui n’avaient pas pris garde. De ce fait,
lorsque les deux armées s’affrontèrent, les hommes de Sennacherib accusèrent
de lourdes pertes et ce dernier décida de quitter l’Egypte.
A
noter que ce récit s’apparente vraisemblablement plus à la fiction qu’à la
réalité.
Soldats et musiciens assyriens, fragment
de relief du palais de Ninive, VIII° siècle avant Jésus Christ, Pergamon
museum, Berlin.
c)
La fin de règne : malgré cette « victoire » contre les Assyriens,
Chabataka ne profita guère de son règne, s’éteignant vers 690 avant Jésus
Christ (certains égyptologues pensent qu’il fut peut être assassiné par son
demi frère Taharqa.). A sa mort, il fut inhumé dans une pyramide nubienne de
la nécropole d’El Kourrou.
Chabataka avait eu deux épouses, Arti et Kalhat, mais nous
n’avons pas conservé de sources fiables quant à son éventuelle paternité.
2° Taharqa (XXV° dynastie – Napata) & Nekao I°
(XXVI° dynastie – Saïs) (vers 690 à 664 avant Jésus Christ) – Comme
nous venons de le voir, ce fut Taharqa qui s’empara du pouvoir suite au
décès de son prédécesseur (le nouveau souverain était le fils de Piânkhy et
de sa seconde épouse Abar.).
a)
Politique intérieure, première partie de règne : Taharqa, à l’instar
de ses prédécesseurs, décida de mettre en place une intense politique
architecturale, faisant restaurer et édifier de nombreux temples à travers
l’Egypte.
Taharqa présente des vases à vin au dieu
Horus, musée du Louvre, Paris.
Son œuvre la plus marquante reste toutefois l’agrandissement, non loin de
Napata, du temple d’Amon du Djebel Barkal, un sanctuaire troglodyte érigé
par Thoutmosis III[4]vers le milieu du XV° siècle avant Jésus Christ.
Au
début de son règne, Taharqa régnait sur un pays unifié et prospère.
b)
Politique extérieure, seconde partie de règne : toutefois, les
Assyriens, bien décidés à reprendre leur revanche contre l’Egypte (nous
avons évoqué les causes du conflit au point précédent.), décidèrent
d’envahir le pays, sous la direction de leur roi, Assarhadon (ce
dernier était un fils cadet de Sennacherib.).
Les Assyriens pénétrèrent sans difficultés en Egypte, et parvinrent à
progresser jusqu’à Thèbes. Toutefois, Assarhadon dut subitement faire
rebrousse chemin au cours de l’année 677 environ, une révolte ayant éclaté
au nord du royaume.
Taharqa ne fut pas sauvé pour autant, car les Assyriens revinrent quelques
années après, vers 674 avant Jésus Christ. Prenant la cité d’Escalon dans le
delta du Nil, Assarhadon dut alors faire face à une armée égyptienne bien
décidée à en découdre.
Les Assyriens décidèrent de battre en retraite, mais Taharqa ne sut profiter
de son avantage et laissa l’ennemi se retirer sans le poursuivre.
Assarhaddon, soucieux de s’emparer de l’Egypte une bonne fois pour toutes,
se lança dans une troisième expédition vers 672 avant Jésus Christ, cette
fois ci à la tête d’une imposante armée. Les Assyriens s’emparèrent alors du
delta du Nil, puis prirent Memphis et la pillèrent. Ce faisant, ils
parvinrent à étendre leur influence sur une partie de la Haute Egypte.
En
outre, Assarhaddon décida de se proclamer pharaon, s’appuyant sur les
roitelets du delta afin d’assoir son autorité sur le pays.
Taharqa, chassé d’Egypte, décida alors de se réfugier à Napata. Ce
souverain, bien que se retrouvant dans une situation politique
particulièrement désavantageuse, gardait toujours le contrôle sur la Nubie,
le pays de Koush, ainsi que sur la moitié sud de la Haute Egypte.
Rassemblant ses forces, Taharqa attendit qu’Assarhaddon quitte le pays afin
de contre attaquer. Progressant rapidement le long du Nil, les forces
nubiennes s’emparèrent de Saïs, cité clef du delta.
Assurbanipal, qui avait été couronné roi d’Assyrie suite à la mort de
son père Assarhaddon, décida alors de lancer une nouvelle offensive contre
l’Egypte, vers 667 avant Jésus Christ (son père avait préparé l’expédition
contre le pays mais était mort en cours de route.).
Le roi Assurbanipal triomphant d'un lion
(fresque retrouvée dans le palais d'Assurbanipal à Ninive.), musée du
Louvre, Paris.
Les Assyriens s’emparèrent du delta très rapidement, et vainquirent l’armée
de Taharqa non loin de Memphis (le pharaon se retrouva alors contraint de
fuir à Napata une fois de plus.). Par la suite, les envahisseurs longèrent
le Nil, puis prirent Thèbes et la saccagèrent. Ces exactions eurent un grand
retentissement dans le pays, car cette cité n’avait jamais été prise par
l’ennemi.
Soldats vaincus et musiciens, l'armée assyrienne en campagne (fresque
retrouvée dans le palais d'Assurbanipal à Ninive.), musée du Louvre, Paris.
Assurbanipal, peu avant son départ d’Egypte, décida alors de s’entendre avec
le roi de Saïs et lui délégua son autorité sur le pays.
Toutefois, les dirigeants de la cité préférèrent se tourner vers Taharqa,
qu’ils considéraient comme le véritable pharaon.
Apprenant la trahison des Saïtes (il semblerait que Petoubastis II,
gouverneur de Tanis, n’ait pas participé à la rébellion.), Assurbanipal
retourna en Egypte, et fit exécuter pour l’exemple les chefs de la cité.
Nekao I°, fils de Nechepso, gouverneur de Saïs[5],
parvint toutefois à prouver sa bonne foi à Assurbanipal qui lui confia son
autorité sur l’Egypte (à noter que Nekao I° ne fut pas le fondateur de la
XXVI° dynastie, mais était seulement le quatrième souverain de la lignée.).
Soldat d'Assurbanipal (peut être après un
pillage ?), VII° siècle après Jésus Christ, Pergamon museum, Berlin.
Taharqa n’accepta pas cette nouvelle donne, mais mourut vers 664 avant Jésus
Christ, avant d’avoir pu lancer une nouvelle contre attaque (il fut alors
enterré dans une pyramide nubienne dans la nécropole de Nuri, non loin du
Djebek Barkal.).
3° Tanoutamon (XXV° dynastie – Napata) & Nekao
I°, Psammétique I° (XXVI° dynastie – Saïs) (vers 664 à 656 avant Jésus
Christ) – Suite à la mort de Taharqa, ce fut Tanoutamon qui
s’empara du pouvoir. Ce dernier n’était pas le fils du défunt, mais celui de
Chabataka et de son épouse Qalhata (il était donc le petit fils de
Piânkhy[6].).
Tanoutamon, n’acceptant pas la défaite de son prédécesseur, décida de contre
attaquer. Rassemblant des troupes dans le pays de Koush et en Nubie, ce
souverain pénétra en Egypte et longea le Nil jusqu’à Memphis.
Nekao I°, qui défendait la cité, fut tué lors de la prise de la ville par
les Nubiens (vers 664 avant Jésus Christ.).
Assurbanipal, apprenant la nouvelle, décida alors d’intervenir une nouvelle
fois en Egypte, poursuivant l’armée de Tanoutamon qui s’était réfugiée à
Thèbes. Les Assyriens parvinrent à vaincre leurs adversaires, et la cité fut
pillée une fois de plus.
Prisme relatant les expéditions
d'Assurbanipal (l'on y retrouve le récit du sac de Suse, les campagnes
contre l'Elam, l'Egypte et la cité de Tyr, ainsi que de la restauration du
palais de Ninive, capitale du royaume assyrien.), musée du Louvre, Paris.
Tanoutamon fut ainsi contraint de se réfugier à Napata, abandonnant de ce
fait toutes ses prétentions sur l’Egypte.
L'Egypte et le royaume d'Assyrie (VIII° - VII° siècle avant Jésus Christ).
Pendant ce temps, Psammétique I°, le fils du défunt Nekao I°, profita
de cette période de trouble pour imposer sa domination sur le delta du Nil (Neferkarê,
successeur de Petoubastis II, gouverneur de Tanis, ne tarda guère à faire sa
soumission au souverain de Saïs.). Toutefois, Psammétique I° ne put prendre
pied en Haute Egypte que plusieurs années après.
Statuettes représentant Psammétique I°, sa femme et son fils aîné, vers 600
avant Jésus Christ, Neues museum, Berlin.
A sa mort, vers
656 avant Jésus Christ, Tanoutamon fut inhumé dans une pyramide nubienne de
la nécropole d’El Kourrou. Dernier représentant de la XXV° dynastie, il ne
fut pas imité par ses successeurs. En effet, ces derniers préférèrent se
contenter de régner seulement sur la Nubie, prenant leurs distances avec
l'Egypte. C'est ainsi que les Nubiens, au fil des siècles, affirmèrent peu à
peu leur identité et leur culture propre.
[1]
Pour en savoir plus sur le règne de Piânkhy, voir le 4, section III,
chapitre septième, Histoire de l’Egypte antique.
[2]
Pour en savoir plus sur le règne d’Osorkon IV, voir le 4, section
III, chapitre septième, Histoire de l’Egypte antique.
[3]
Pour en savoir plus sur le règne de Chabaka, voir le 4, section III,
chapitre septième, Histoire de l’Egypte antique.
[4]
Pour en savoir plus sur le règne de Thoutmosis III, référez vous au
5, section, I, chapitre septième, Histoire de l’Egypte antique.
[5]
Nechepso était lui-même le fils de Stephinates, décédé vers 688
avant Jésus Christ.
[6]
A noter que certains égyptologues pensent que Tanoutamon aurait été
le fils de Chabaka et de son épouse Tabaketamon (et de ce fait neveu
de Piânky.).