1° Le déclenchement de la sixième
coalition (1812) – Napoléon Bonaparte et le tsar Alexandre I°
avaient signé une série d’accords au cours des mois précédents. Ainsi, le
traité de Tilsit (juillet 1807.), faisait adhérer la Russie au blocus
continental ; la convention d’Erfur (octobre 1808.) confirma
l’alliance franco-russe.
Napoléon, Alexandre I° de Russie et Frédéric Guillaume III de Prusse lors de la
signature du traité de Tilsit, vers 1807-1815, Deutsches historisches museum, Berlin.
Toutefois, Alexandre I° n’appréciait guère la résurrection de la Pologne,
qui était revenue à la vie sous la forme du grand duché de Varsovie,
en utilisant les territoires perdus par la Prusse (lors de la quatrième
coalition.) et par l’Autriche (lors de la cinquième coalition.) ; ni
l’annexion du duché d’Oldenbourg à la France.
Alexandre I°, Empereur de Russie, par François GERARD, 1814,
musée du château de Malmaison, Rueil-Malmaison.
Par ailleurs, la Russie souffrait du blocus continental, destiné à ruiner
l’économie anglaise (rappelons que les Anglais vivaient principalement de
l’exportation de laine depuis le Moyen âge.). Ce système, s’il favorisait
l’économie française (augmentation des exportations en Europe.), pénalisait
plus les alliés de la France que l’Angleterre. En effet, les pays soumis au
blocus furent contraints d’importer à prix d’or les marchandises
françaises ; les Anglais, quant à eux, connurent certes une baisse de leurs
revenus, mais parvinrent à éviter une crise économique en intensifiant leur
commerce avec les Etats Unis, le Canada et l’Empire ottoman.
Autre signe apparent de mécontentement, Alexandre I° n’était pas venu au
mariage de Napoléon et Marie Louise (cette dernière était la fille de
François I°, Empereur d’Autriche.), qui se déroula en mars 1810.
L'Impératrice Marie Louise,
par Marie Guillemine BENOIST, vers 1812, château de Fontainebleau, Fontainebleau.
A
noter que le maréchal André Masséna fut vaincu par les troupes
anglaises d’Arthur Wellesley, futur duc de Wellington. Cet échec fit
alors perdre le Portugal à la France, ce que le tsar considéra comme un
geste de faiblesse de la part des Français (mars 1811.).
André Masséna,
par WASCHMUTH, château de Versailles, Versailles.
Alexandre I° décida alors de lever le blocus continental, s’attirant les
foudres de l’Empereur des Français. Napoléon, considérant que la guerre
était inévitable, décida alors de lancer la campagne de Russie.
2° La marche vers la Russie (1812) – Au printemps 1812,
émissaire français et russes mirent en place des pourparlers, Napoléon
souhaitant éviter une guerre avec la Russie. En effet, l’Empereur des
Français attendait le résultat de négociations avec l’Angleterre ; en outre,
il avait envoyé 230 000 hommes en Espagne afin d’affermir le trône de
Joseph.
Joseph Bonaparte, roi
d'Espagne.
Avant de partir en Russie, Napoléon fit enfermer le pape Pie VII à
Fontainebleau, afin d’éviter qu’il ne soit libéré par les Autrichiens.
Finalement, l’Empereur des Français, à la tête de 750 000 hommes
(soit la plus grosse armée jamais réunie à cette époque.), traversa le
Niémen le 25 juin 1812.
Le pape Pie VII, début du XIX° siècle, château de Fontainebleau,
Fontainebleau.
Napoléon, à la tête de 200 000 hommes (ce dernier était accompagné des
maréchaux Louis Nicolas Davout, Michel Ney et Joachim Murat.),
avait comme objectif de détruire le gros de l’armée russe ; Le maréchal
Etienne Jacques Joseph Mac Donald,
à la tête de 30 000 hommes (dont le contingent prussien.), devait prendre
Riga et marcher vers Saint Petersburg (qui était alors la capitale de la
Russie.) ; Eugène de Beauharnais (il s’agissait du fils adoptif de
Napoléon.), à la tête de 75 000 hommes, devait maintenir le contact avec les
unités situées à l’arrière, et le cas échéant protéger les lignes de
communication en cas d’attaque de la seconde armée russe ; Jérôme
Bonaparte (frère cadet de Napoléon.), à la tête de 55 000 hommes (en
majorité Polonais et Westphaliens.), devait s’installer le long du Niémen,
et si possible attaquer la seconde armée russe ; le feld-maréchal
autrichien Charles Philippe de Schwarzenberg, à la tête de l’armée
autrichienne, était chargé de défendre la Pologne en cas d’attaque ennemie ;
le général Jean Louis Ebenezel Reynier, à la tête de 20 000 Saxons,
était chargé d’assurer les communications entre Jérôme Bonaparte et
Schwarzenberg.
De gauche à droite : Louis Nicolas Davout,
maréchal de France, par ALLART, 1834, musée des Invalides, Paris ;
le prince Eugène de Beauharnais,
anonyme, début du XIX° siècle, musée des Invalides, Paris ;
Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, début du XIX° siècle,
château de Fontainebleau, Fontainebleau.
Pénétrant en Pologne russe, les Français progressèrent rapidement, prenant
Wilna, ancienne capitale de la Lituanie. Napoléon ne rencontra guère
de résistances, l’armée russe préférant reculer plutôt que d’affronter
l’imposante armée française. Lors de leur retraite, les soldats du tsar
appliquèrent néanmoins la stratégie de la terre brûlée, consistant à
tout détruire sur leur passage, afin que les Français ne puissent
s’approvisionner sur le terrain conquis.
A
noter toutefois qu’avant même l’arrivée de l’hiver, la Grande armée commença
à subir des pertes, frappée par la dysenterie et le mauvais ravitaillement.
Grenadier à pied de la garde impériale, musée de l'Infanterie, Montpellier.
3° La bataille de Smolensk (août 1812) – Fin juillet
1812, alors que le tsar Alexandre I° se trouvait à Moscou, Napoléon s’empara
de Vitebsk (ce dernier y resta jusqu’au 15 août, attendant en vain que les
Russes l’attaquent.).
Michel Barclay de Tolly,
commandant de l’armée russe, décida au contraire de s’enfermer dans
Smolensk, une cité massivement fortifiée. Barclay de Tolly, refusant
l’affrontement, fut alors démis de ces fonctions et remplacé par Mikhaïl
Koutouzov, qui reprit à son compte la stratégie de son prédécesseur.
Les maréchaux russes Michel Barclay de Tolly (à gauche.), et Mikhaïl
Koutouzov (à droite.).
Napoléon, tentant de contraindre l’ennemi à sortir de la cité, lança une
offensive contre les faubourgs de Smolensk. Les Français ne rencontrèrent
toutefois pas de résistance, mais échouèrent à escalader les murs de la
cité.
Installant leur artillerie sur un plateau se trouvant non loin de là, les
soldats de la Grande armée bombardèrent Smolensk. Les Russes furent
alors contraints de se retirer le 18 août 1812. Ces derniers déploraient
toutefois d’importantes pertes (5 000 tués, 2 000 prisonniers, 8 000
blessés.), contrairement aux Français qui n’avaient perdu que 700 hommes
(tués au combat.).
A
noter que les Russes avaient incendié la cité avant de partir ; cette
dernière étant détruite, Napoléon ne put s’y approvisionner.
4° La bataille de la Moskova (septembre 1812) – Le
général Koutouzov, à la tête de 120 000 hommes, décida d’attendre les
troupes françaises à environ cent kilomètres de Moscou, s’installant dans
une position fortifiée.
Napoléon, arrivant peu après à la tête de 130 000 hommes, décida d’opter
pour un assaut frontal, afin de repousser et détruire l’armée ennemie.
La bataille de la Moskova, par J. LE
BLANT, musée de l'Infanterie, Montpellier.
Dans un premier temps, l’offensive française, dirigée par le maréchal Murat,
fut victorieuse.
Toutefois, Koutouzov fit charger sa réserve au cours de l’après midi,
décimant les rangs de la Grande armée.
A
la nuit tombée, les Russes décidèrent de se replier vers Moscou, laissant
Napoléon maître du champ de bataille. Côté français, la bataille de la
Moskova fut une victoire, bien qu’ayant perdu 30 000 hommes (tués ou
blessés.). Les Russes, quant à eux, ne considérèrent pas cet affrontement
comme un échec, malgré la perte de 45 000 soldats (tués ou blessés.), bien
au contraire. Ainsi, ces derniers considérèrent que la
bataille de Borodino
fut une victoire, ayant réussi à tenir
tête à la Grande armée.
La
bataille de la Moskova fut toutefois un des affrontements les plus sanglants
auxquels se livra Napoléon, à l’instar de la bataille d’Eylau
(février 1807.), où les Français avaient perdu près de 36 000 hommes face
aux Russes.
5° Napoléon entre dans Moscou (septembre 1812) – Suite à
la bataille de la Moskova, le général Koutouzov avait décidé d’abandonner
Moscou, afin de réunir une nouvelle armée.
Napoléon pénétra ainsi dans l’ancienne capitale russe le 14 septembre 1812,
trouvant une ville abandonnée et vidée de ses provisions (rappelons que la
capitale de la Russie était Saint Petersburg depuis le début du XVIII°
siècle.).
Le
soir même, plusieurs incendies se déclarèrent, vraisemblablement allumés par
des espions russes. La ville, essentiellement bâtie en bois à l’époque,
brûla presque intégralement, et les feux ne furent éteints qu’à partir du 20
septembre.
Le grand incendie de Moscou, 1812, par Christian OLDENDORP,
vers 1813-1817, Deutsches historisches museum, Berlin.
Ayant pris Moscou, Napoléon pensait qu’Alexandre I° serait disposé à
négocier, comme cela était le cas au XVIII° siècle lorsque le vainqueur
s’emparait de la capitale ennemie. Toutefois, le tsar envoya des réponses
évasives à l’Empereur des Français, ce qui contribua à faire espérer
Napoléon inutilement.
En
effet, l’objectif du souverain russe était de gagner du temps, ce dernier
étant convaincu que les Français ne survivraient pas aux grands froids de
l’hiver.
6° La retraite de Russie (octobre 1812) – Le 19 octobre
1812, Napoléon décida finalement d’évacuer une Moscou en cendres, après
avoir attendu inutilement la capitulation russe.
Episode de la campagne
de Russie, par Nicolas-Toussaint CHARLET, 1836, musée des
beaux-arts de Lyon, Lyon.
Après avoir utilisé la politique de la terre brûlée, les Russes employèrent
une stratégie de guérilla, visant à harceler les Français et à éliminer les
unités isolées ou affaiblies.
Les lignes d’approvisionnement, déjà discontinues à l’aller, furent coupées
par l’ennemi lors du retour. Les chevaux furent les premiers à pâtir de ces
problèmes, décédant faute de fourrage, où bien étant mangés par les soldats.
Toutefois, la disparition des chevaux rendit impossible le transport de
l’artillerie et du fourniment, qui furent laissés en Russie.
Par ailleurs, le froid et les maladies causèrent des ravages dans les rangs
français.
Le
24 octobre, les Français combattirent les Russes lors de la bataille de
Kalouga, mais l’affrontement fut un échec. Napoléon, constatant que la
route vers les provinces fertiles était coupée par l’ennemi, fut alors
contraint de choisir un autre chemin…
Début novembre, les Français atteignirent Smolensk, alors que le thermomètre
indiquait 20 degrés en dessous de zéro. Arrivé à Archa, Napoléon fit
distribuer vivres et munitions à ses hommes, les enjoignant à respecter
l’ordre et la discipline (en effet, de nombreux soldats avaient déserté en
raison des privations.).
a)
La bataille de la Bérézina (novembre 1812) : Napoléon, à la tête
d’environ 50 000 hommes, se trouva le 25 novembre face à la rivière
Bérézina, qu’il devait traverser afin de poursuivre la retraite de Russie.
Toutefois, l’Empereur des Français apprit que les Russes avaient pris les
ponts, coupant la retraite de la Grande armée.
Cependant, les Français trouvèrent un passage gué quelques jours plus tard.
Ce dernier ce trouvait près du village de Stoudienka, à une dizaine de
kilomètres en amont de la position ennemie.
Pendant trois jours, les sapeurs
des bataillons du Génie
tentèrent tant bien que mal d’ériger deux ponts, en travaillant nuit et jour
dans l’eau glacée.
Napoléon fit alors traverser la Grande armée, alors que les hommes du
maréchal Claude Victor Perrin surveillaient les arrières des
Français, repoussant les Russes de Stoudienka.
La traversée de la Bérézina, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Napoléon, après avoir fait traverser le gros de ses troupes de l’autre côté
du fleuve, annonça alors aux soldats restés de l’autre côté du fleuve son
intention de détruire les deux ponts au petit matin.
Toutefois, de nombreux soldats refusèrent de traverser, préférant attendre
le lendemain matin. Lorsque le jour se leva, le 29 novembre 1812, Napoléon
décida alors d’incendier les ponts, et plus d’un millier de retardataires,
paniqués, se jetèrent dans les flammes ou furent contraints de traverser la
rivière à la nage.
La traversée de la Bérézina.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser aujourd’hui, la bataille de
la Bérézina ne fut pas une défaite française à proprement parler. En
effet, si Napoléon perdit environ 20 000 hommes (10 000 prisonniers et
10 000 tués.), les Russes ne parvinrent pas à couper la retraite des soldats
de la Grande armée (à noter qu’ils eurent autant de pertes que les
Français.).
En
France, cet affrontement fut considéré comme le symbole de la terrible
retraite de Russie, ou comme l’évènement ayant provoqué la chute de Napoléon
(le mot ‘Bérézina’, passé dans le langage courant, désigne encore
aujourd’hui une totale déconvenue.).
En
réalité, le pire ne fut pas la bataille de la bérézina mais la journée qui
suivit. En effet, les derniers 30 000 soldats de la Grande armée souffrirent
du terrible froid qui s’abattit sur eux. L’acier des armes étant collant,
les soldats décidèrent de jeter leurs fusils ; les canons, complètement
gelés, éclatèrent à cause du froid ; les défunts, quant à eux, étaient
impitoyablement dépouillés de leurs habits.
b)
La fin de la campagne de Russie, le bilan (décembre 1812) : arrivant
à Smorgony le 5 décembre 1812, Napoléon y apprit la conspiration du
général Malet, qui avait tenté de prendre le pouvoir à Paris.
L’Empereur des Français décida alors de rentrer précipitamment dans la
capitale, confiant les restes de la Grande armée au maréchal Murat. Ce
dernier, arrivé à Vilna à la mi-décembre, laissa ses hommes abandonner les
derniers canons de l’armée, les Français craignant d’être attaqués par les
Russes.
Arrivant à Kovno le 12 décembre 1812, Murat, roi de Naples depuis août 1808,
partit pour l’Italie dans la soirée. Toutefois, avant de quitter la Russie,
il confia les restes de la Grande armée à Eugène de Beauharnais.
Le
maréchal Ney défendant Kovno, par Denis Auguste Marie RAFFET, début
du XIX° siècle, musée du Louvre, Paris.
Le
fils adoptif de Napoléon franchit finalement le Niémen en fin d’année 1812,
à la tête d’une dizaine de milliers d’hommes. Sur les 750 000 hommes engagés
au cours du combat, seuls 100 000 survécurent.
De
nombreux pays d’Europe, soumis de gré ou de force à la France (Hollande,
Espagne, Autriche, Prusse, etc.), virent dans l’échec de la campagne de
Russie le signe de la faillibilité de l’armée française.
Ainsi, si la sixième coalition était à l’origine composée de la Russie et de
l’Angleterre, de nombreux pays décidèrent alors d’en faire partie.
7° La conspiration du général Malet (décembre 1812) –
Claude François de Malet, membre d’une famille noble de Franche-Comté,
avait rapidement fait part de son attachement à la Révolution française.
Le général Malet.
Combattant dans l’armée du Rhin, puis dans l’armée d’Italie, Malet s’opposa
rapidement à Napoléon, votant contre le consulat à vie, puis contre
l’Empire.
Ayant démissionné, Malet fut emprisonné une première fois en 1808, après
avoir fait de la propagande républicaine en Italie. Libéré peu après, Malet
conspira contre Napoléon en 1809, alors que ce dernier se trouvait en
Espagne. Découverts, les conjurés furent alors arrêtés, et Malet fut
emprisonné une seconde fois.
Dans la nuit du 22 au 23 octobre 1812, le général Malet s’échappa de la
maison de santé dans laquelle il avait été interné. Ce dernier profita alors
de la campagne de Russie pour mettre en place une seconde conspiration.
Malet, faux senatus-consulte à la main, annonça que Napoléon était
mort sous les murs de Moscou et qu’un nouveau gouvernement devait être mis
en place.
Ce
dernier, entraînant à sa suite une partie des officiers de Paris, parvint à
prendre le contrôle de l’Hôtel de Ville et du ministère de la police, puis
se dirigea vers la place Vendôme.
Toutefois, Malet fut reconnu par un membre de la police militaire et
immédiatement arrêté. Les conjurés, emprisonnés et rapidement jugés, furent
alors exécutés à la fin octobre 1812.
Napoléon, arriva en fin d’année à Paris, émit des reproches quant à
l’exécution des conjurés, un certain nombre d’entre eux n’ayant pas même
réalisé que les documents de Malet étaient des faux. Par ailleurs, il se
scandalisa qu'à l'annonce de sa prétendue mort, personne n'avait pensé à son
fils pour la succession.
Napoléon, Marie Louise et le roi de Rome, début du XIX°
siècle, château de Fontainebleau, Fontainebleau.
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