1° Le déclenchement de la guerre
d’Espagne (1808) – Comme nous l’avons vu précédemment, l’Espagne avait
décidé de mettre un terme à la guerre contre la France en juillet 1795. Les
Français restituèrent aux Espagnols les territoires conquis dans la
péninsule ibérique, en échange, ces derniers rétrocédèrent l’île de Saint
Domingue.
En
1801, le roi d’Espagne Charles IV,
influencé par Manuel Godoy, son premier ministre, décida alors de
déclarer la guerre au Portugal. En effet, ce pays avait refusé d’entrer dans
l’alliance napoléonienne, et nouait des relations avec l’Angleterre.
Charles IV, roi d'Espagne.
L’expédition fut un succès, et les Portugais firent rapidement soumission à
leurs voisins espagnols. Mais peu de temps après, France et Angleterre
signèrent la paix d’Amiens (mars 1802.), mettant un terme au conflit
qui opposait ces deux nations. Napoléon décida alors de sacrifier les
intérêts de l’Espagne en promettant l’indépendance du Portugal.
Cet accord ne plut guère aux Espagnols, mais Charles IV et Godoy ne mirent
pas fin à leur alliance avec la France.
Manuel Godoy.
En
1807, les Anglais avaient pris pied au Portugal, ce qui inquiétait
grandement Napoléon. Ce dernier décida alors de lancer une offensive contre
les Portugais, mais pour cela il devait demander au souverain
espagnol l’autorisation de traverser son territoire.
Ainsi, France et Espagne signèrent le traité de Fontainebleau, le 27
octobre 1807. Napoléon et son homologue Charles IV y prévoyaient le
prochain dépècement du Portugal.
Dès le mois de novembre, les Français pénétrèrent en Espagne, et ne
tardèrent pas à affronter l’armée portugaise. Jean VI, roi du
Portugal, fut vaincu, et décida de se réfugier au Brésil le 28 novembre. Le
lendemain, le général Jean Andoche Junot s’empara de Lisbonne,
capitale portugaise. Dans le même temps, Napoléon fit occuper les
principales places fortes d’Espagne.
Le général Jean Andoche Junot,
par Vincent Nicolas RAVERAT, 1834, musée des Invalides, Paris.
En
mars 1808, alors que l’Espagne était occupée par les Français, Charles IV
envisagea l’idée d’abandonner ses Etats et de faire cap vers le Nouveau
Monde. Toutefois, cette décision ne fut pas au goût de son fils, qui
contraignit son père à abdiquer le 18 mars 1808. Le nouveau souverain,
Ferdinand VII, ne fut toutefois pas reconnu par les Français, et
Napoléon décida de convoquer le père et le fils à la conférence de
Bayonne (avril à mai 1808.).
Ferdinand VII, roi d'Espagne.
L’Empereur des Français, considérant que la monarchie espagnole était usée,
pensait qu’une main ferme aurait pu redresser l’Espagne. Par ailleurs, ce
dernier pensait s’appuyer sur le peuple espagnol en mettant fin aux
privilèges ou en mettant un terme à l’Inquisition.
Le
2 mai 1808, pensant que Charles IV et son fils avaient été faits prisonniers
à Bayonne, les madrilènes décidèrent de se révolter. Ces derniers
massacrèrent alors les soldats portant l’uniforme français, mais furent
finalement dispersés par les cavaliers de Murat.
A
Bayonne, Napoléon tint Ferdinand VII comme principal responsable des
évènements survenus le 2 mai. Il contraignait alors le souverain espagnol à
restituer la couronne d’Espagne à Charles IV, qui fut à son tour invité à
céder cette dernière à la France.
Le
7 juin, la couronne d’Espagne fut offerte à Joseph Bonaparte (frère aîné de
l’Empereur.), qui quitta son royaume de Naples, cédé à Murat.
Joseph Bonaparte, roi d'Espagne.
2° Napoléon en Espagne (novembre 1808 à janvier 1809) –
Toutefois, si l’insurrection madrilène avait été rapidement matée, d’autres
mouvements de protestation éclatèrent dans les grandes villes du pays :
Carthagène, Séville, Saragosse, León, etc.
En
effet, les Espagnols n’appréciaient guère la présence d’étrangers sur le
territoire national ; par ailleurs, très attachés au catholicisme, ils
réprouvaient la conduite qu’adoptait Napoléon face au pape.
En
juillet, le général Pierre Dupont de l’Etang fut vaincu lors de la
bataille de Bailen. Cette défaite redonna confiance aux insurgés qui
étaient parvenus à mettre à mal la Grande armée ; le 1er août,
Joseph fut contraint de quitter Madrid.
Peu de temps après, le général Jean Andoche Junot fut contraint d’évacuer le
Portugal, menacé par l’armée anglaise d’Arthur Wellesley, futur duc
de Wellington.
Arthur Wellesley, futur duc de
Wellington.
Les nations européennes, constatant les défaites de l’Empire français,
décidèrent alors de fourbir leurs armes en vue d’un prochain conflit.
En
novembre 1808, constatant que la situation se dégradait, Napoléon décida de
prendre la tête d’une armée de 80 000 hommes (au sein de la laquelle
comptait quelques milliers de Polonais.), et pénétra en Espagne.
Le
30 novembre, l’Empereur remporta la bataille de Somosierra face à un
ennemi en infériorité numérique (45 000 Français contre 15 000 Espagnols.).
Cette victoire permit aux Français de marcher vers Madrid, qui ouvrit ses portes en
décembre. Napoléon menaça alors les Espagnols s’ils s’obstinaient à ne pas
reconnaitre Joseph comme roi.
Restant dans la péninsule jusqu’en janvier 1809, Napoléon parvint à rétablir
la situation, prenant plusieurs places fortes et assurant la position des
Français en Espagne.
3° Guerre, guérilla, guerre civile ? – Toutefois, dès que
l’Empereur fut parti, les Espagnols décidèrent d’employer une stratégie de
guérilla, consistant à harceler l’ennemi, à l’attaquer s’il était en
position de faiblesse, et à fuir s’il avait la supériorité numérique.
Le
maréchal Lannes s’empara toutefois de Saragosse le 24 février 1808.
La prise de Saragosse, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
A
noter toutefois que les Français ne manquaient pas d’alliés, surnommés les
afrancesados. Ces derniers, sensibles aux idéaux des Lumières,
étaient favorables à une exportation des acquis de la Révolution française
en Espagne. Ainsi, le conflit franco-espagnol fut aussi une guerre civile.
La
guerre d’Espagne mina les forces de la Grande armée jusqu’en 1813, date à
laquelle Napoléon décida de faire évacuer le pays.
4° Napoléon de retour à Paris (janvier 1808) – Rentrant à
Paris, Napoléon eut la désagréable surprise d’apprendre que la Russie était
de plus en plus tiède, et que l’Autriche levait une nouvelle armée.
Joseph Fouché, ministre de la police, et Charles Maurice de
Talleyrand-Périgord, ministre des affaires étrangères, furent alors
convoqués par Napoléon pour avoir fait courir de faux bruits concernant son
« décès » en Espagne.
Portrait de Joseph Fouché.
Fouché fut réprimandé, mais Talleyrand, au contraire, fut démis de son poste
et abreuvé d’insultes. En effet, l’Empereur des Français accusait le
ministre déchu de mener double jeu : bien qu’hostile au conflit, Talleyrand
avait conseillé Napoléon d’intervenir en Espagne ; chargé de négocier la
paix avec la Russie, il avait fait en sorte d’exciter le tsar contre la
France.
Charles Maurice de
Talleyrand-Périgord, prince de Bénévent,
par Pierre Paul PRUD'HON, 1807, musée Carnavalet, Paris.
|