CHAPITRE TROISIEME :
L’Empire français à son apogée
(1805 à 1812)
I : La quatrième coalition (1806 à 1807)
1° La Confédération du Rhin (1806) – Comme nous l’avons
vu à la fin du chapitre précédent, le traité de Presbourg, signé en
décembre 1805 par la France et l’Autriche, modifia les frontières
allemandes. A cette occasion, l’Empereur germanique François II (il
était aussi Empereur d’Autriche sous le nom de François I°.) avait
perdu toute souveraineté sur l’Allemagne.
En
juillet 1806. Seize Etats décidèrent de quitter le Saint Empire romain
germanique, formant alors la Confédération du Rhin. En août 1806,
François II fut sommé par la France de renoncer à son titre d’Empereur
germanique.
Le
souverain autrichien fut contraint d’accepter, mettant fin à l’existence du
Saint Empire romain germanique, une institution créée sous le règne de
Charlemagne[1].
Au
cours des mois suivants, 23 autres Etat allemands décidèrent de faire partie
de la Confédération.
Seules l’Autriche, la Prusse et le Holstein refusèrent d’en faire partie.
2° Les républiques sœurs deviennent des royaumes vassaux
(1806) – Suite à la création de l’Empire français, Napoléon décida de
transformer les républiques sœurs, héritage de la Révolution
française, en royaumes vassaux.
Ainsi, le souverain français nomma les membres de sa famille, ses proches ou
ses maréchaux à la tête de nombreux Etats.
Napoléon imitait ainsi le système mis en place par Charlemagne au IX°
siècle après Jésus Christ, créant de nombreuses marches autour de
l’Empire, destinées à jouer le rôle d’Etats-tampons face à l’ennemi.
Ainsi, Napoléon transforma la république batave en royaume de
Hollande, confiant la couronne à son frère cadet
Louis Bonaparte[2]
(juin 1806.) ; donna la couronne du royaume de Naples à son frère aîné
Joseph Bonaparte (mars 1806.) ; confia la principauté de Guastalla à sa
sœur Pauline ; céda la principauté de Lucques à sa sœur Elisa.
Portrait de Louis Bonaparte en prince français et connétable d'Empire,
par François GERARD, 1808, château de Fontainebleau, Fontainebleau (en haut
à gauche) ; Joseph Bonaparte, début du XIX° siècle,
château de Fontainebleau, Fontainebleau (en haut à droite) ; Pauline Bonaparte,
par Marie Guillemine BENOIST, 1809, château de Fontainebleau, Fontainebleau (en bas à gauche) ; Elisa Bonaparte
(en bas à droite.).
Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, ministre des affaires
étrangères, eut la principauté de Bénévent ; l’ancien consul et
archichancelier Jean Jacques Régis de Cambacérès eut le duché de
Parme ; l’ancien consul et architrésorier Charles François Lebrun,
quant à lui, reçut le duché de Plaisance.
Les militaires ne furent pas en reste : ainsi, Napoléon céda les duchés de
Berg et de Clèves au maréchal Joachim Murat (ce dernier avait épousé
Caroline Bonaparte, sœur de Napoléon, en janvier 1800.) ; la
principauté de Ponte-Corvo au maréchal Jean Baptiste Jules Bernadotte.
Joachim Murat, maréchal de l'Empire, en grande tenue, par
François GERARD, 1805, musée des Invalides, Paris (à gauche.) ; Caroline Bonaparte, début du XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris
(à droite.).
Jean
Baptiste Jules Bernadotte, lieutenant du 36° de ligne en 1792, par
AMIEL, château de Versailles, Versailles.
A
noter que Bénévent et Ponte-Corvo, enclaves pontificales dans le royaume de
Naples, ne furent occupées par l’armée française qu’à partir d’avril 1806.
3° Le déclenchement du conflit (1806) – Jusqu’à présent,
la Prusse n’avait pas participé aux conflits contre l’Empire français.
Toutefois, la nouvelle réorganisation de l’Allemagne ne plaisait guère au
roi de Prusse, Frédéric Guillaume III. En effet, ce dernier voyait la
Confédération du Rhin comme un Etat vassal de la France.
Vase à l'effigie de Frédéric Guillaume III, XIX° siècle, château de
Charlottenburg, Berlin.
Toutefois, ce fut le projet de rétrocession du Hanovre à l’Angleterre qui
vint mettre le feu aux poudres. En effet, Napoléon proposa à l’ambassadeur
d’Angleterre de rétrocéder le Hanovre à la couronne britannique, si
toutefois la Prusse était dédommagée[3].
Le diplomate anglais se rendit alors à l’ambassade de Prusse à Paris,
relatant à son homologue la conversation qu’il avait eue avec Napoléon, mais
se garda bien de parler du dédommagement territorial.
Le
roi de Prusse, se croyant trompé par l’Empereur des Français, décida alors
de déclarer la guerre à la France.
La
guerre de la quatrième coalition, unissant la Prusse, la Russie (qui
n’avait pas signé de traité de paix avec la France suite à la bataille
d’Austerlitz.), la Suède, l’Angleterre et la Saxe, débuta à l’automne
1806.
4° L’offensive en Prusse (octobre 1806) –
Apprenant la nouvelle, Napoléon décida de marcher vers la Prusse en septembre,
à la tête de 160 000 hommes. Rapidement, les Prussiens attaquèrent les
soldats de la Grande armée, mais subirent de multiples revers.
Drapeau du 81° régiment d'infanterie de
ligne, modèle 1804, musée de l'Infanterie, Montpellier.
a)
La bataille d’Iéna (14 octobre 1806) : le 13 octobre 1806 au soir,
les Français arrivèrent près de la cité d’Iéna, qui avait été pillée et
incendiée. L’endroit convenant mal pour une bataille rangée (le terrain
était encaissé et entour d’une épaisse forêt.), Napoléon décida alors
d’installer son armée sur le plateau de Landgrafenberg (l’estimant
inaccessible, les Prussiens avaient négligé de le faire garder.).
Napoléon surveillant les travaux d'installation des canons sur le
plateau de Landgrafenberg, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
A
six heures du matin, Napoléon donna l’assaut contre le flanc droit de
l’armée prussienne. Ces derniers soutinrent tant bien que mal l’attaque du
maréchal Charles Pierre François Augereau, sans se douter qu’il ne
s’agissait que d’une diversion.
Ainsi, le maréchal Jean Lannes, profitant du brouillard pour
progresser à couvert, s’élança contre le flanc gauche des Prussiens.
Charles Pierre François
Augereau, maréchal de France, par Jeanne BIBRON, 1834, musée des
Invalides, Paris (à gauche.) ; Jean Lannes, maréchal
de l'Empire, par Julie VOLPELIERE, 1834, musée des Invalides, Paris
(à droite.).
Vers midi, le général prussien Frédéric Louis de Hohenhole-Ingelfingen
comprit que la bataille d’Iéna était perdue. Ce dernier fit alors
sonner la retraite, mais fut activement poursuivi par la cavalerie du
maréchal Joachim Murat, qui parvint à s’emparer de l’artillerie et des
bagages des Prussiens à Weimar.
Bataille d'Iéna, gagnée par
l'Empereur Napoléon, 14 octobre 1806, par Horace VERNET, 1836,
château de Versailles, Versailles.
Au
soir de la bataille, les Français avaient perdu 2 500 hommes sur 56 000 ;
contre 25 000 côté prussien (ces derniers étaient 75 000 au début du
combat.).
b)
La bataille d’Auerstaedt (14 octobre 1806) : le maréchal Louis
Nicolas Davout, à la tête de 25 000 hommes, avait été chargé par
Napoléon de prendre l’armée prussienne à revers. Toutefois, si l’Empereur
des français pensait avoir vaincu le gros de l’armée prussienne à Iéna, il
ne s’agissait que de l’arrière garde. Ainsi, ce fut le maréchal Davout qui
rencontra les principales forces de l’ennemi, lors de la bataille d’Auerstaedt.
Louis Nicolas Davout,
lieutenant colonel au 3° bataillon de l'Yonne en 1792, par PERIGNON,
château de Versailles, Versailles.
L’armée prussienne, commandée par Frédéric Guillaume III et Charles
Guillaume Ferdinand, duc de Brunswick[4],
était forte de 60 000 hommes. Les généraux ne doutaient donc pas de leur
victoire, d’autant plus que les Prussiens étaient réputés pour leurs talents
militaires[5].
Au
petit matin, les Français investirent le village d’Hassenhausen, repoussant
les charges de la cavalerie ennemie en formant le carré[6].
Les Prussiens décidèrent alors bombarder les hommes de Davout, mais ce
dernier lança une offensive contre l’artillerie ennemie, s’emparant de ses
canons et progressant jusqu’au village de Spielberg.
Les Prussiens décidèrent donc de lancer une nouvelle offensive, cette fois
ci contre le village de Popel, qui était entre les mains des Français.
L’attaque fut toutefois un échec, et le duc de Brunswick fut grièvement
blessé.
Les Prussiens décidèrent alors de reculer, poursuivis par les soldats de
Davout qui attaquèrent le village de Tauchwitz.
Frédéric Guillaume III, constatant que la bataille était perdue, décida
alors de sonner la retraite. Toutefois, les Français poursuivirent l’ennemi,
s’emparant de canons, drapeaux et prisonniers.
c)
La soumission de la Prusse (fin 1806) : à la fin du mois d’octobre,
Murat s’empara du général prussien Frédéric Louis de Hohenhole-Ingelfingen
et des restes de son armée ; Napoléon, quant à lui, s’empara de Postdam,
puis de Berlin (capitale de la Prusse.).
Napoléon entre dans Berlin, par Ludwig WOLF, vers 1806, Deutsches historisches museum, Berlin..
L’Empereur des Français visita alors les appartements de feu Frédéric II,
grand oncle du roi de Prusse Frédéric Guillaume III (ce souverain, décédé en
1786, était considéré comme un des plus grands stratèges de son époque.).
En
novembre, les Français prirent Küstrin et pillèrent Lübeck ; Murat, quant à
lui, reçut la capitulation du dernier corps prussien encore en campagne,
soit près de 16 000 hommes ; Ney s’empara de Magdebourg, capturant plus de
20 000 hommes.
Michel Ney, sous lieutenant au 4° hussards en 1792, château de
Versailles, Versailles.
Les Prussiens acceptèrent de signer un armistice à la fin du mois de
novembre 1806, mais la paix ne fut définitivement conclue qu’en juillet
1807.
A
noter toutefois que Napoléon signa le décret de Berlin, le 22
novembre 1806. Ce texte instaurait officiellement le blocus continental,
destiné à ruiner l’économie anglaise (rappelons que les Anglais vivaient
principalement de l’exportation de laine depuis le Moyen âge.).
Ce
blocus, s’il favorisa l’économie française (augmentation des exportations en
Europe.), pénalisa autant les alliés de la France que l’Angleterre.
En
effet, les pays soumis au blocus furent contraints d’importer à prix d’or
les marchandises françaises. Les Anglais, quant à eux, souffrirent du
chômage, de la hausse des prix, de la dévaluation de la monnaie ; toutefois,
ils parvinrent à éviter la ruine en intensifiant leur commerce avec les
Etats Unis et le Canada.
A
noter que Napoléon voulut que le pape se soumette lui aussi au blocus, mais
le pape Pie VII refusa. C’est ainsi que les relations entre les deux hommes, déjà
peu cordiales, ne tarèrent pas à s’assombrir d’avantage.
Le pape Pie VII, début du XIX° siècle, château de Fontainebleau,
Fontainebleau.
5° L’offensive en Pologne (fin 1806) – Napoléon, bien
qu’ayant soumis la Prusse et la Saxe, n’avait pas mit fin à la quatrième
coalition. En effet, le tsar Alexandre I° poursuivait la lutte.
Alexandre I°, Empereur de Russie, par François GERARD, 1814,
musée du château de Malmaison, Rueil-Malmaison.
Le
25 novembre, l’Empereur des Français marcha vers la Pologne, un pays qui, à
l’aube du XIX° siècle, n’existait plus (son territoire avait été
progressivement grignoté par la Russie, la Prusse et l’Autriche[7].).
Dans de nombreuses villes du pays, Napoléon fut accueilli en libérateur, et
la Grande armée se retrouva grossie de plusieurs milliers d’hommes qui
s’insurgèrent contre la domination prussienne ou russe.
Murat pénétra dans Varsovie à la poursuite des Russes, mais ces derniers,
après avoir reculé, firent sauter les ponts qu’ils avaient empruntés. La
reconstruction de ces édifices fit perdre un temps précieux aux Français.
Le
duc de Saxe, qui avait prit part à la quatrième coalition, accepta de faire
soumission en fin d’année. Ainsi, ce dernier signa avec la France le
traité de Posen (11 décembre 1806.) Ce dernier acceptait de rejoindre la
Confédération du Rhin ; en outre, son duché était érigé en monarchie.
Malgré la soumission de la Saxe et les nombreuses victoires sur la Prusse,
les opérations militaires contre la Russie se poursuivaient. Début décembre,
Ney parvint à s’emparer de Thorn, ayant traversé la Vistule dont l’eau avait
gelé ; au même moment, Jérôme Bonaparte attaquait Glogow, capitale de
la Silésie (il s’agissait d’une ancienne province autrichienne, prise par
les Prussiens au cours du XVIII° siècle.). Le frère de l’Empereur des
Français marcha ensuite vers Breslau, à la poursuite des Russes (la cité fut
contrainte de capituler à la fin décembre 1806.).
Jérôme Bonaparte, roi
de Westphalie, par François Joseph KINSON, 1809, musée des
Invalides, Paris.
Napoléon, quant à lui, arriva à Varsovie le 19 décembre. Ce dernier,
préférant ne pas poursuivre les Russes en plein hiver, décida alors
d’hiverner dans cette ville afin de regagner des forces.
L’Empereur des Français, donnant de nombreuses fêtes et réceptions,
rencontra à cette occasion Maria Walewska, qui devint rapidement sa
maîtresse. La Grande armée, quant à elle, n’eut pas à souffrir du temps,
l’hiver 1806 étant relativement clément.
Maria Walewska.
A
noter toutefois que deux batailles livrées aux Russes en fin d’année 1806
s’achevèrent sur des statu quo. Le maréchal Murat, lors de la
bataille de Golymin, ne parvint pas à empêcher la fuite des Russes ; le
maréchal Lannes, quant à lui, vainquit l’ennemi lors de la bataille de
Pultusk, mais les Russes parvinrent toutefois à se retirer en bon ordre.
6° L’offensive en Pologne (1807) – Début janvier, le
maréchal Claude Victor Perrin fut chargé de marcher vers Königsberg,
nouvelle capitale de la Prusse depuis la chute de Berlin. Ce dernier décida
alors d’assiéger Dantzig.
Claude Victor Perrin, lieutenant colonel du 5° bataillon des Bouches
du Rhône en 1792, château de Versailles, Versailles.
a)
La bataille d’Eylau (février 1807) : le général russe Levin August
von Bennigsen, ayant réussi à reculer sans être vaincu par les Français,
fit jonction avec une armée russe fraichement recrutée en janvier 1807.
Le maréchal russe Levin August von Bennigsen.
Le
maréchal français Jean Baptiste Jules Bernadotte, attaqué par un ennemi
supérieur en nombre, fut contraint de battre en retraite. Ce dernier reçut
alors un message de
Napoléon, l’invitant à reculer à l'intérieur des terres, afin de faire tomber les Russes dans un
piège.
Toutefois, Bennigsen captura un messager français, et, prenant connaissance
du plan de l’Empereur, le général russe décida de reculer.
Napoléon décida alors de contraindre l’ennemi à attaquer en marchant vers
Königsberg, où se trouvaient la majorité des approvisionnements russes.
Début février, Bennigsen, acculé, décida alors de s’installer dans le
village d’Eylau afin d'y fixer les troupes françaises.
Arrivant le 7 février dans l’après midi, les Français décidèrent de
s’attaquer aux Russes. Une offensive, à droite, fut lancée contre les bois ;
l’autre, au centre, à travers le lac gelé. Les Français furent repoussés,
mais l’arrivée du maréchal Augereau entraîna le repli des Russes sur Eylau.
Lançant un nouvel assaut, la Grande armée parvint alors à s’emparer du
village, repoussant l’ennemi à quelques kilomètres de là.
Napoléon arriva tard dans la nuit, bien décidé à livrer bataille dès le
lendemain.
Dès l’aube, les Russes bombardèrent le village, et les Français répliquèrent
en faisant tonner leur artillerie.
Lançant une offensive, le maréchal Davout se trouva en difficulté en raison
de son infériorité numérique ; les soldats du maréchal Augereau, venu lui
porter secours par ordre de l’Empereur, furent alors attaqués de flanc par
l’artillerie ennemie (la visibilité était réduite à cause de la neige qui
tombait abondamment.).
Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau,
par Antoine Jean GROS, 1808, musée du Louvre, Paris.
Les Russes, sûrs de leur victoire, attaquèrent alors le village, dans
l’objectif de couper en deux l’armée française. Napoléon ordonna alors à
Murat de lancer toute la cavalerie disponible contre l’ennemi, ce qui sauva
d’une mort certaine les troupes d’Augereau.
Les grenadiers à cheval à Eylau, par Edouard DETAILLE, XIX°
siècle, château de Chantilly, Chantilly.
Toutefois, 8 000 Prussiens apparurent sur le champ de bataille vers 15
heures, donnant à nouveau l’avantage aux Russes. Une heure après, le
maréchal Ney arriva à la rescousse des Français, ces derniers parvenant
alors à repousser l’ennemi.
La
bataille d’Eylau resta indécise jusqu’à la nuit tombée. Bennigsen
décida alors de se retirer à Königsberg, contre l’avis d’une partie de son
Etat major.
Les Français remportaient la bataille, mais il s’agissait d’une victoire
à la Pyrrhus. Ainsi, ces derniers avaient perdu 36 000 hommes (tués ou
blessés.) sur les 80 000 d’origine ; les Russes, quant à eux, eurent 23 000
tués ou blessés sur 70 000.
Bennigsen s’était replié à la tête d’une armée amoindrie, mais Napoléon
n’avait pas ordonné de poursuivre les Russes car il savait que la Grande
armée était elle aussi affaiblie. Ainsi, la bataille d’Eylau ne fut en rien
décisive.
b)
Le siège de Dantzig (janvier à mai 1807) : suite à la bataille de
d’Eylau, les Français reprirent leurs quartiers d’hiver. Napoléon passa les
mois de mars à mai 1807 dans le château de Finckenstein, en compagnie de son
amante Maria Walewska.
L’Empereur des Français y reçut alors la visite des ambassadeurs venus de
Perse et de l’Empire ottoman. Ces pays, jusque là alliés avec l’Angleterre,
voyaient d’un bon œil la guerre entre la France et la Russie, qui ne pouvait
qu’affaiblir cette dernière (les Russes se faisaient de plus en plus
menaçants pour les Turcs[8].).
En
mai, le maréchal François Joseph Lefebvre assiégeait Dantzig. Il fut
alors attaqué par les Russes, pour qui cette place forte était d’une
importance capitale (la cité se trouvait à l’embouchure de la Vistule, et
pouvait donc empêcher le passage des navires jugés indésirables.).
François Joseph Lefebvre, maréchal de l'Empire, par Eugénie
PENAVERE et Césarine DAVIN, 1834, musée des Invalides, Paris.
Les Russes, assistés par des navires anglais et suédois, tentèrent alors de
débarquer quelques centaines d’hommes dans la ville, et d’y envoyer de la
poudre. Toutefois, les Français parvinrent à repousser l’ennemi.
Les Russes décidèrent alors de se retirer, abandonnant Dantzig à son sort. A
la fin du mois de mai, la cité décida de capituler.
Façade de l'Arc de Triomphe de l'Etoile (mentionnant les batailles d'Eylau,
Dantzig, Eckmühl et Ratisbonne.), Paris.
c)
La bataille d’Heilsberg (12 juin 1807) : à la fin du mois de mai
1807, Napoléon décida de marcher vers Könisberg, mettant en exécution le
plan de l’année précédente. Bennigsen, soucieux que les Français ne prennent
pas la ville, décida alors de marcher vers Friedland. Ce dernier, en
supériorité numérique (90 000 Russes contre 50 000 Français.), ne doutait
pas de l’issue de la bataille.
Le
10 au matin, les Français arrivèrent devant Heilsberg, ou s’étaient réfugiés
les Russes.
Les maréchaux Nicolas Jean de Dieu Soult et Joachim Murat chargèrent
l’ennemi, mais subirent de lourdes pertes. Lannes, arrivant en début d’après
midi, put alors renforcer la position de ses compatriotes.
Jean de Dieu Soult, sergent au 23° de ligne en 1792,
par RAVEBAT, château de Versailles, Versailles.
Le
lendemain, les Français attaquèrent le flanc droit de Bennigsen, causant
d’importantes pertes. Le 12 juin, le général russe décida alors de reculer.
La
bataille d’Heilsberg coûta 10 000 hommes aux Français, contre 8 000
côté russe.
d)
La bataille de Friedland (14 juin 1807) : suite à la bataille d’Heilsberg,
Bennigsen s’était retiré à Friedland, à quelques kilomètres à l’est d’Eylau.
Au
petit matin du 14 juin, le maréchal Lannes attaqua la position ennemie. Le
général russe, pensant qu’il ne s’agissait que d’un combat d’avant-garde, ne
se préoccupa guère de la situation (en effet, Bennigsen sous estima la
rapidité de marche des Français.).
Le
général russe, en comprenant que les forces françaises ne cessaient de
prendre de l’importance, décida alors de contre-attaquer. Bennigsen, à la
tête de 80 000 hommes, fit franchir l’Alle à ses hommes, une rivière qui
coulait près de Friedland.
Napoléon, apercevant que les Russes étaient dos au fleuve, profita de
l’erreur tactique de l’ennemi. Le maréchal Ney fut alors chargé d’investir
Friedland et d’en détruire les ponts, afin de couper la retraite des Russes.
Bataille de Friedland,
gagnée par l'Empereur Napoléon, 14 juin 1807, par Horace VERNET, XIX° siècle,
château de Versailles, Versailles.
Le
maréchal Lannes enfonça le flanc droit de l’ennemi, repoussant vers la rivière
plusieurs milliers de Russes. La bataille de Friedland s’acheva peu
avant minuit, offrant la victoire aux Français.
Les Français eurent 1 500 tués, 9 000 blessés et 2 500 prisonniers ; côté
russe, 6 500 hommes étaient morts, 2 500 blessés et 10 000 prisonniers.
Au soir de la bataille de Friedland.
e)
La fin de la quatrième coalition (1807) : suite à la bataille de
Friedland, Napoléon marcha vers Königsberg et s’empara de la cité sans coup
férir. A la mi-juin, la Grande armée se trouvait sur la berge du fleuve
Niémen, mais l’Empereur des Français hésitait sur la marche à suivre
(Napoléon craignait de lancer une offensive en Russie, ce qui aurait permit
à l’Autriche d’attaquer sur ses arrières.).
Le
tsar Alexandre I°, quant à lui, décida alors d’entamer des pourparlers avec
son homologue français. Les deux souverains se rencontrèrent le 25 juin
1807, montant sur un radeau posé sur le Niémen. Des pourparlers furent alors
mis en place, qui aboutirent le 7 juillet à la signature du traité de
Tilsit.
Le traité de Tilsit.
La
Russie devenait l’alliée de la France ; adhérait au blocus continental ; et
abandonnait les îles Ioniennes en Méditerranée. Une clause tenue secrète
prévoyait toutefois le dépècement de l’Empire ottoman.
Le
traité réglait en outre la question de la Prusse : le royaume de Frédéric
Guillaume III perdait toutes ses possessions à l’ouest de l’Elbe, qui
formeraient le royaume de Westphalie (cédé à Jérôme Bonaparte,
frère cadet de Napoléon.) ; il devait payer une lourde indemnité de guerre ;
adhérait au blocus continental ; enfin, il devait abandonner ses possessions
en Pologne, cet Etat ressuscitant sous le nom de grand duché de Varsovie.
Publication franco-allemande annonçant la création du royaume de Westphalie,
août 1807, Deutsches historisches museum, Berlin.
Suite à ce traité, les Prussiens, bien qu’animés par la francophobie en
raison de leur défaite, comprirent que la mise en place d’un Etat moderne
semblable à la France était le seul moyen pour eux de faire face aux
nouvelles menaces du XIX° siècle.
La Prusse en 1807.
L’Angleterre restant isolée, la quatrième coalition fut dissoute.
A
noter toutefois que les Britanniques, afin de dissuader le Danemark
d’adhérer au blocus, bombardèrent Copenhague en septembre 1807, incendièrent
la flotte danoise, et prirent l’île d’Héligoland. Cette démonstration de
force s’étant effectuée sans déclaration de guerre, elle entraîna la
suspension des relations anglo-russes ; en outre, Danemark et Autriche
décidèrent d’adhérer au blocus.
f)
Le congrès d’Erfur (27 septembre au 14 octobre 1808) : Napoléon,
soucieux de faire tenir au tsar ses engagements, décida de convoquer ce
dernier lors du congrès d’Erfurt, qui eut lieu de septembre à octobre
1808.
A
l’issue des débats, une convention fut finalement signée : l’Angleterre fut
invitée à faire la paix ; la Russie avait les mains libres en Finlande et
dans les provinces danubiennes ; Napoléon avait liberté d’action en Espagne
(nous reviendrons sur ce conflit au cours de la section suivante.) ; enfin,
l’alliance franco-russe fut renouvelée.
A
noter que c’est à cette date que Talleyrand commença à trahir l’Empereur des
Français, invitant le tsar Alexandre I° à tenir tête à la France.
[1]
Pour en savoir plus sur la création de l’Empire romain germanique,
cliquez ici.
[2]
A noter que les Hollandais, peu enthousiasmés par cette idée, furent
finalement contraints de s’incliner.
[3]
Rappelons que le roi d’Angleterre Georges III était aussi prince de
Hanovre. Mais ce territoire, conquis par la France, avait été cédé à
la Prusse en décembre 1805.
[4]
Le duc de Brunswick avait participé à la première coalition
contre la France révolutionnaire. Pour en savoir plus, voir le b),
2, section III, chapitre troisième, la Révolution française.
[5]
Depuis le règne de Frédéric II, les Prussiens avaient
multiplié les offensives victorieuses. Voir par exemple la
guerre de succession d’Autriche.
[6]
Cette formation rassemblait les soldats en carré (d’où son nom.),
qui pouvaient ainsi tirer dans les quatre directions. La formation
en carré, système très défensif, était particulièrement efficace.
[7]
Trois partages successifs de la Pologne avaient abouti à sa
disparition, en 1772, 1793 (notons que l’Autriche n’y avait pas
participé.) et 1795.
[8]
A noter qu’en mars 1807, vice roi d’Egypte Méhémet Ali
repoussa un débarquement anglais.