In God We Trust, devise mentionnée sur un billet de
100 $.
La première mention d'une formule
s'apparentant à
« in God we trust » fut faite dans le poème
The Star-Spangled Banner
(« La
Bannière étoilée » en
français), rédigé par l'Américain Francis Scott Key en 1814.
Avocat de profession et poète amateur,
Key écrivit ce texte en mémoire suite à un évènement dont il fut été témoin
pendant la guerre de 1812
: le bombardement de Fort McHenry, à Baltimore, par la marine anglaise. En
septembre 1814, le fort fut bombardé par la flotte britannique pendant plus
d'une journée, mais la garnison parvint à tenir bon, bien qu'étant exposée
au feu de l'ennemi.
Le bombardement de Fort McHenry, 1814.
Le poème de Key, rendant hommage à la
résistance de ces soldats, qui donnèrent leur vie pour que flotte la
bannière étoilée, s'achève sur ces vers
:
Then conquer we must, when our cause is just, |
Alors nous vaincrons, car notre cause est juste, |
And this be our motto :
« In God is our trust. » |
Et ce sera notre devise :
« En Dieu est notre foi. » |
And the star-spangled banner in triumph
we shall wave |
Et la bannière étoilée dans son triomphe flottera |
O'er the land of the free and the home of
the brave. |
Sur la terre de la Liberté et la patrie des courageux. |
Quelques années plus tard, en novembre
1861, un pasteur de Pennsylvanie adressa un courrier à Salmon Chase,
secrétaire du Trésor.
Dans le contexte de la guerre de Sécession (conflit
qui opposa les Etats du Nord à ceux du Sud, de 1861 à 1865, sur la question
de l'esclavage),
l'auteur de la missive proposait de mentionner le nom de Dieu sur les pièces
de monnaie du Nord (l'objectif inavoué étant de déclarer que le
Tout-Puissant était du côté des abolitionnistes).
Chase, gagné à ces idées, contacta à son
tour James Pollock, directeur de l'United States Mint,
organisme chargé de la frappe des monnaies. En 1863, le secrétaire du Trésor
proposa plusieurs formules :
Our Trust Is in God
(« notre
foi est en Dieu »),
Our God And Our Country
(« notre Dieu et notre pays
»),
God Our Trust (« Dieu
notre foi »), etc.
Finalement, c'est la devise In God
We Trust qui fut retenue, le Congrès
autorisant qu'elle soit frappée sur les pièces de deux cents à compter
d'avril 1864. Par la suite, cette décision fut étendue à d'autres pièces de
monnaie, mais pas de façon systématique. En effet, toutes les pièces
n'arborèrent pas la nouvelle devise (les pièces d'un cent, jusqu'au début du
XX° siècle ; de cinq cents, entre 1883 et 1938 ; de dix cents, jusqu'en 1916
; la pièce de 20 $ de 1908 ; etc.).
Recto et verso d'un pièce de deux cents, 1864 (en haut) ;
recto et verso d'une pièce d'un cent, 1901 (en bas).
Cependant, au fil des années, la
non-mention des mots In God We Trust sur certaines pièces de monnaie
commença à faire scandale ; ainsi, en 1938, le Congrès décida que toutes les
pièces de monnaie frappées à compter de cette date devaient arborer la
célèbre devise.
Puis, moins d'une vingtaine d'années plus
tard, dans le contexte de la Guerre froide,
de nombreuses lois furent votées dans le but de renforcer le sentiment
religieux aux Etats-Unis. En effet, il convient de préciser qu'à cette date,
la Guerre froide battait son plein, et il était essentiel de mettre en avant
la supériorité morale des Etats-Unis, pays démocratique et libéral, en
opposition à l'ennemi soviétique, Etat dictatorial, communiste et athéiste.
C'est ainsi que plusieurs lois furent
promulguées dans ce sens : en 1952 fut créé un Jour National de Prière,
célébré le premier jeudi du mois de mai ; en 1954, le serment
d'allégeance, prêté par les écoliers américains, fut modifié pour faire
mention de l'autorité divine (« Je
jure allégeance au drapeau des Etats-Unis d'Amérique et à la République
qu'il représente, une nation unie
sous l'autorité de Dieu,
indivisible, et avec la liberté et la justice pour tous.
») ; la même année,
sur proposition du député de Floride
Charles Edward Bennett, il fut rendu obligatoire de mentionner la devise
In God We Trust
sur toutes les pièces et tous les billets de banque américains.
Enfants prêtant le serment d'allégeance, début du XX° siècle (à
noter que le salut « Bellamy
», proche de celui pratiqué par le
Troisième Reich,
fut remplacé par la main posée sur le coeur au début des années 1940).
Deux années plus tard, et toujours à l'instigation de Bennett, le Congrès
décida de faire de la devise
In God We Trust la devise
officielle des Etats-Unis d'Amérique. Cette loi fut alors validée en juillet
1956 par le président Dwight Eisenhower (ancien général en chef de
l'armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale).
Inscription de la devise
In God We Trust
sur un monument public.
Cependant, cette célèbre devise soulève quelques problèmes, tout comme
l'extrême religiosité qui anime aujourd'hui les Etats-Unis, pays pourtant
laïc. En outre, si le fameux In God
We Trust ne fut officiellement adopté qu'en 1956, quelle était donc
l'ancienne devise américaine ?
A l'époque de la guerre d'indépendance, alors que les Treize colonies ne
formaient pas encore un Etat fédéral, plusieurs devises firent leur
apparition. L'objectif était alors d'exalter le sentiment patriotique,
sachant que 40 % seulement des colons américains étaient favorables à
l'indépendance. Parmi les formules les plus marquantes, l'on peut citer :
Join, or Die (« unissez
vous, ou mourrez
»), ainsi que
E pluribus unum
(que l'on pourrait traduire par
« de
plusieurs, un
»).
C'est cette dernière devise qui fut adoptée par le Congrès américain à
compter de 1782.
Représentation de la devise
Join, or Die
(les Treize colonies sont représentées sous la forme d'un serpent coupé en
morceaux, qui ne pourra vivre si ses différentes parties ne sont pas
réunies).
A l'issue de la guerre d'indépendance, les Treize
colonies se rassemblèrent afin de donner naissance à la Confédération américaine.
Cependant, cette dernière fut rapidement la
cible de critiques, son fonctionnement étant bien trop lourd. En effet, les
anciennes colonies restaient indépendantes de facto (elles conservaient leur souveraineté, pouvaient faire la guerre de façon
autonome, etc.) ; en outre, le
Congrès ne disposait pas de pouvoir fiscal ou commercial (ce
dernier ne gérait que les relations diplomatiques) ; enfin, les articles de la
constitution ne pouvaient être modifiés qu'après un vote à l'unanimité.
Au printemps 1787, une partie des
députés du Congrès travaillèrent à l'élaboration d'une
nouvelle constitution, permettant de faire des Etats-Unis un Etat
moderne. A cette date, la devise E pluribus unum prit un
nouveau sens, dans la mesure où les Etats-Unis ne parviendraient
jamais à devenir une nation moderne s'il n'étaient pas capables de
s'unir. Mais finalement, la Constitution des Etats-Unis fut adoptée en
septembre 1787
.
Représentation de la devise
E pluribus unum.
Cette constitution, très novatrice à
l'époque, assure de façon nette la séparation de l'Eglise et de
l'Etat, faisant des Etats-Unis d'Amérique un pays laïc. L'article VI
stipule : [...] aucune profession de foi religieuse ne sera
exigée comme condition d'aptitude aux fonctions ou charges publiques
sous l'autorité des Etats-Unis. Quant au premier amendement,
ratifié quelques années plus tard, en 1791, il indique : Le
Congrès ne fera aucune loi relative à l'établissement d'une
religion, ou à l'interdiction de son libre exercice [...]. A
noter enfin qu'il n'est fait aucune mention de Dieu ou d'un être
divin dans la constitution et dans les dix premiers amendements
(tous ratifiés en 1791 et dont l'ensemble constitue la
Déclaration des droits).
Adoption de la constitution américaine, 1787.
Ces différentes clauses font donc
des Etats-Unis d'Amérique un pays laïc, au même titre que la France
ou la Chine. Mais comme nous avons pu le voir plus tôt, les
références à Dieu sont omniprésentes dans la vie publique
américaine. Il convient donc de préciser que cette laïcité à
l'américaine est aconfessionnelle (c'est-à-dire sans religion
favorisée au détriment d'une autre), même si plus de 75 % des
Américains sont de confession chrétienne (contrairement à la France
où la laïcité est areligieuse).
Cependant, si cette laïcité
aconfessionnelle fait la part belle aux religions monothéistes,
quid des religions polythéistes, ou tout simplement des courants
agnostiques ou athéistes ?
C'est ainsi que plusieurs procès
furent tenus, à compter des années 1970, dans le but de remettre en
question cette laïcité à l'américaine. Cependant, toutes les
tentatives mises en place pour éradiquer le fameux
In God We
Trust furent infructueuses, la Justice considérant que cette
devise n'avait rien à voir avec
l'établissement d'une religion, son utilisation à caractère
patriotique ou cérémonial ne ressemblant en rien à une religion
d'Etat.
C'est ainsi qu'encore
aujourd'hui, malgré les plaintes de ses détracteurs, la devise In
God We Trust
reste la devise officielle des Etats-Unis, ayant été considérée
conforme au premier amendement.
Aujourd'hui, environ 15 % des
Américains disent n'être affiliés à aucune religion ; cependant,
l'on ne compte parmi eux que 7 % d'athées et d'agnostiques.
Néanmoins, ce courant de pensée
reste très mal vu aux Etats-Unis, dans la mesure où la plupart des
Américains considèrent que si un individu ne croit pas en Dieu, il
ne croit pas à la rétribution des âmes (c'est-à-dire le paradis pour
les justes et l'enfer pour les impies), et donc il est prompt à se
comporter de façon immorale.
Ainsi, alors que la constitution
stipule clairement que toute discrimination religieuse est
interdite, huit Etats américains continuent d'exclure les athées des
charges de la fonction publique.
Enfin, un sondage organisé en 2007
prouve clairement que les athées et les agnostiques sont
particulièrement mal-aimés par la population américaine : en effet,
seuls 45 % des sondés affirment qu'ils voteraient pour un athée lors
de l'élection présidentielle, alors que 53 % d'entre eux
favoriseraient un candidat musulman. A noter que le pire score est
obtenu (de peu) par l'Eglise de Scientologie, 43 % seulement des
sondés étant prêts à voter pour un de ses membres.
« Si
votre parti présentait une personne très qualifiée à
l'élection présidentielle, mais se révélant être [voir
ci-dessous], voteriez-vous pour elle ?
» |
|
Oui |
Non |
Catholique |
95 % |
4 % |
Afro-américain |
94 % |
5 % |
Juif |
92 % |
7 % |
Une femme |
88 % |
11 % |
Hispanique |
87 % |
12 % |
Mormon |
72 % |
24 % |
Marié trois fois |
67 % |
30% |
Agé de 72 ans |
57 % |
42 % |
Homosexuel |
55% |
43 % |
Musulman |
53 % |
45 % |
Athée |
45 % |
53 % |
Scientologue |
43 % |
55 % |