Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

adblocktest

 

Les mensonges de l'Histoire


In God We Trust

In God We Trust (ou « en Dieu nous croyons ») est aujourd'hui la devise nationale officielle des Etats-Unis d'Amérique. Mais cette formule, empreinte de religiosité, est-elle aussi ancienne qu'on l'imagine ? Remonte-t-elle à la fondation des Treize colonies[1], ou bien est-elle de conception bien plus récente ?

In God We Trust, devise mentionnée sur un billet de 100 $.

 

La première mention d'une formule s'apparentant à « in God we trust » fut faite dans le poème The Star-Spangled Banner (« La Bannière étoilée » en français), rédigé par l'Américain Francis Scott Key en 1814.

Avocat de profession et poète amateur, Key écrivit ce texte en mémoire suite à un évènement dont il fut été témoin pendant la guerre de 1812[2] : le bombardement de Fort McHenry, à Baltimore, par la marine anglaise. En septembre 1814, le fort fut bombardé par la flotte britannique pendant plus d'une journée, mais la garnison parvint à tenir bon, bien qu'étant exposée au feu de l'ennemi.

Le bombardement de Fort McHenry, 1814.

Le poème de Key, rendant hommage à la résistance de ces soldats, qui donnèrent leur vie pour que flotte la bannière étoilée, s'achève sur ces vers[3] :

Then conquer we must, when our cause is just, Alors nous vaincrons, car notre cause est juste,
And this be our motto : « In God is our trust. » Et ce sera notre devise : « En Dieu est notre foi. »
And the star-spangled banner in triumph we shall wave Et la bannière étoilée dans son triomphe flottera
O'er the land of the free and the home of the brave. Sur la terre de la Liberté et la patrie des courageux.

 

Quelques années plus tard, en novembre 1861, un pasteur de Pennsylvanie adressa un courrier à Salmon Chase, secrétaire du Trésor[4]. Dans le contexte de la guerre de Sécession (conflit qui opposa les Etats du Nord à ceux du Sud, de 1861 à 1865, sur la question de l'esclavage[5]), l'auteur de la missive proposait de mentionner le nom de Dieu sur les pièces de monnaie du Nord (l'objectif inavoué étant de déclarer que le Tout-Puissant était du côté des abolitionnistes).

Chase, gagné à ces idées, contacta à son tour James Pollock, directeur de l'United States Mint, organisme chargé de la frappe des monnaies. En 1863, le secrétaire du Trésor proposa plusieurs formules : Our Trust Is in God (« notre foi est en Dieu »), Our God And Our Country (« notre Dieu et notre pays »), God Our Trust (« Dieu notre foi »), etc.

Finalement, c'est la devise In God We Trust qui fut retenue, le Congrès[6] autorisant qu'elle soit frappée sur les pièces de deux cents à compter d'avril 1864. Par la suite, cette décision fut étendue à d'autres pièces de monnaie, mais pas de façon systématique. En effet, toutes les pièces n'arborèrent pas la nouvelle devise (les pièces d'un cent, jusqu'au début du XX° siècle ; de cinq cents, entre 1883 et 1938 ; de dix cents, jusqu'en 1916 ; la pièce de 20 $ de 1908 ; etc.).

Recto et verso d'un pièce de deux cents, 1864 (en haut) ; recto et verso d'une pièce d'un cent, 1901 (en bas).

Cependant, au fil des années, la non-mention des mots In God We Trust sur certaines pièces de monnaie commença à faire scandale ; ainsi, en 1938, le Congrès décida que toutes les pièces de monnaie frappées à compter de cette date devaient arborer la célèbre devise.   

 

Puis, moins d'une vingtaine d'années plus tard, dans le contexte de la Guerre froide[7], de nombreuses lois furent votées dans le but de renforcer le sentiment religieux aux Etats-Unis. En effet, il convient de préciser qu'à cette date, la Guerre froide battait son plein, et il était essentiel de mettre en avant la supériorité morale des Etats-Unis, pays démocratique et libéral, en opposition à l'ennemi soviétique, Etat dictatorial, communiste et athéiste.

C'est ainsi que plusieurs lois furent promulguées dans ce sens : en 1952 fut créé un Jour National de Prière, célébré le premier jeudi du mois de mai ; en 1954, le serment d'allégeance, prêté par les écoliers américains, fut modifié pour faire mention de l'autorité divine (« Je jure allégeance au drapeau des Etats-Unis d'Amérique et à la République qu'il représente, une nation unie sous l'autorité de Dieu, indivisible, et avec la liberté et la justice pour tous. ») ; la même année, sur proposition du député de Floride Charles Edward Bennett, il fut rendu obligatoire de mentionner la devise In God We Trust sur toutes les pièces et tous les billets de banque américains.

Enfants prêtant le serment d'allégeance, début du XX° siècle (à noter que le salut « Bellamy », proche de celui pratiqué par le Troisième Reich, fut remplacé par la main posée sur le coeur au début des années 1940).

Deux années plus tard, et toujours à l'instigation de Bennett, le Congrès décida de faire de la devise In God We Trust la devise officielle des Etats-Unis d'Amérique. Cette loi fut alors validée en juillet 1956 par le président Dwight Eisenhower (ancien général en chef de l'armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale).

Inscription de la devise In God We Trust sur un monument public.

 

Cependant, cette célèbre devise soulève quelques problèmes, tout comme l'extrême religiosité qui anime aujourd'hui les Etats-Unis, pays pourtant laïc. En outre, si le fameux In God We Trust ne fut officiellement adopté qu'en 1956, quelle était donc l'ancienne devise américaine ?

A l'époque de la guerre d'indépendance, alors que les Treize colonies ne formaient pas encore un Etat fédéral, plusieurs devises firent leur apparition. L'objectif était alors d'exalter le sentiment patriotique, sachant que 40 % seulement des colons américains étaient favorables à l'indépendance. Parmi les formules les plus marquantes, l'on peut citer : Join, or Die (« unissez vous, ou mourrez »), ainsi que E pluribus unum (que l'on pourrait traduire par « de plusieurs, un »). C'est cette dernière devise qui fut adoptée par le Congrès américain à compter de 1782.

Représentation de la devise Join, or Die (les Treize colonies sont représentées sous la forme d'un serpent coupé en morceaux, qui ne pourra vivre si ses différentes parties ne sont pas réunies).

A l'issue de la guerre d'indépendance, les Treize colonies se rassemblèrent afin de donner naissance à la Confédération américaine. Cependant, cette dernière fut rapidement la cible de critiques, son fonctionnement étant bien trop lourd. En effet, les anciennes colonies restaient indépendantes de facto (elles conservaient leur souveraineté, pouvaient faire la guerre de façon autonome, etc.) ; en outre, le Congrès ne disposait pas de pouvoir fiscal ou commercial (ce dernier ne gérait que les relations diplomatiques) ; enfin, les articles de la constitution ne pouvaient être modifiés qu'après un vote à l'unanimité.

Au printemps 1787, une partie des députés du Congrès travaillèrent à l'élaboration d'une nouvelle constitution, permettant de faire des Etats-Unis un Etat moderne. A cette date, la devise E pluribus unum prit un nouveau sens, dans la mesure où les Etats-Unis ne parviendraient jamais à devenir une nation moderne s'il n'étaient pas capables de s'unir. Mais finalement, la Constitution des Etats-Unis fut adoptée en septembre 1787[8].

Représentation de la devise E pluribus unum.

 

Cette constitution, très novatrice à l'époque, assure de façon nette la séparation de l'Eglise et de l'Etat, faisant des Etats-Unis d'Amérique un pays laïc. L'article VI stipule : [...] aucune profession de foi religieuse ne sera exigée comme condition d'aptitude aux fonctions ou charges publiques sous l'autorité des Etats-Unis. Quant au premier amendement, ratifié quelques années plus tard, en 1791, il indique : Le Congrès ne fera aucune loi relative à l'établissement d'une religion, ou à l'interdiction de son libre exercice [...]. A noter enfin qu'il n'est fait aucune mention de Dieu ou d'un être divin dans la constitution et dans les dix premiers amendements (tous ratifiés en 1791 et dont l'ensemble constitue la Déclaration des droits).

Adoption de la constitution américaine, 1787.

Ces différentes clauses font donc des Etats-Unis d'Amérique un pays laïc, au même titre que la France ou la Chine. Mais comme nous avons pu le voir plus tôt, les références à Dieu sont omniprésentes dans la vie publique américaine. Il convient donc de préciser que cette laïcité à l'américaine est aconfessionnelle (c'est-à-dire sans religion favorisée au détriment d'une autre), même si plus de 75 % des Américains sont de confession chrétienne (contrairement à la France où la laïcité est areligieuse).

Cependant, si cette laïcité aconfessionnelle fait la part belle aux religions monothéistes, quid des religions polythéistes, ou tout simplement des courants agnostiques ou athéistes ?

C'est ainsi que plusieurs procès furent tenus, à compter des années 1970, dans le but de remettre en question cette laïcité à l'américaine. Cependant, toutes les tentatives mises en place pour éradiquer le fameux In God We Trust furent infructueuses, la Justice considérant que cette devise n'avait rien à voir avec l'établissement d'une religion, son utilisation à caractère patriotique ou cérémonial ne ressemblant en rien à une religion d'Etat.

C'est ainsi qu'encore aujourd'hui, malgré les plaintes de ses détracteurs, la devise In God We Trust reste la devise officielle des Etats-Unis, ayant été considérée conforme au premier amendement.

 

Aujourd'hui, environ 15 % des Américains disent n'être affiliés à aucune religion ; cependant, l'on ne compte parmi eux que 7 % d'athées et d'agnostiques.

Néanmoins, ce courant de pensée reste très mal vu aux Etats-Unis, dans la mesure où la plupart des Américains considèrent que si un individu ne croit pas en Dieu, il ne croit pas à la rétribution des âmes (c'est-à-dire le paradis pour les justes et l'enfer pour les impies), et donc il est prompt à se comporter de façon immorale.

Ainsi, alors que la constitution stipule clairement que toute discrimination religieuse est interdite, huit Etats américains continuent d'exclure les athées des charges de la fonction publique[9].

Enfin, un sondage organisé en 2007 prouve clairement que les athées et les agnostiques sont particulièrement mal-aimés par la population américaine : en effet, seuls 45 % des sondés affirment qu'ils voteraient pour un athée lors de l'élection présidentielle, alors que 53 % d'entre eux favoriseraient un candidat musulman. A noter que le pire score est obtenu (de peu) par l'Eglise de Scientologie, 43 % seulement des sondés étant prêts à voter pour un de ses membres.

« Si votre parti présentait une personne très qualifiée à l'élection présidentielle, mais se révélant être [voir ci-dessous], voteriez-vous pour elle ? »

  Oui Non
Catholique 95 % 4 %
Afro-américain 94 % 5 %
Juif 92 % 7 %
Une femme 88 % 11 %
Hispanique 87 % 12 %
Mormon 72 % 24 %
Marié trois fois 67 % 30%
Agé de 72 ans 57 % 42 %
Homosexuel 55% 43 %
Musulman 53 % 45 %
Athée 45 % 53 %
Scientologue 43 % 55 %

 

___________________________________________________________________________________________

comments powered by Disqus

 


[1] A l'origine, l'Angleterre détenait treize colonies sur la côte est du continent nord-américain. Suite à la guerre d'indépendance, qui s'acheva à l'automne 1783, les colons américains proclamèrent l'union des Treize colonies, donnant naissance aux Etats-Unis d'Amérique. Pour en savoir plus sur ces évènements, cliquez ici.

[2] La guerre de 1812, très peu connue aujourd'hui, opposa les jeunes Etats-Unis d'Amérique à l'Angleterre, de juin 1812 à février 1815. Le conflit, qui s'acheva sur un statu quo ante bellum (c'est-à-dire qu'aucun des deux partis ne remporta la victoire), fut néanmoins vécu comme une seconde guerre d'indépendance par les Américains, et le sentiment patriotique sortit grandement renforcé de cette épreuve.

[3] A noter que ce poème, qui connut un rapide succès au cours du XIX° siècle, fut adopté par la marine américaine en 1889 et la Maison-Blanche en 1916, avant de devenir l'hymne national des Etats-Unis d'Amérique en mars 1931.

[4] Le secrétaire du Trésor dirige le département du Trésor des Etats-Unis (c'est-à-dire l'équivalent du ministère des Finances).

[5] La guerre de Sécession américaine est souvent réduite à un conflit portant sur l'esclavage, opposant les « gentils » du Nord aux « méchants » du Sud. Toutefois, la réalité est bien plus nuancée, comme nous l'avons pu le voir dans cet article

[6] Le Congrès américain est une législature bicamérale, c'est-à-dire réunissant deux assemblées : une chambre haute (le Sénat) et une chambre basse (la Chambre des représentants).

[7] Le terme de Guerre froide (ou « Cold war ») fit sa première apparition dès 1945, sous la plume du journaliste britannique George Orwell (auteur de La ferme des animaux et de 1984). Cette période fut le théâtre d'un affrontement idéologique et politique opposant les Etats-Unis d'Amérique et l'URSS, qui s'acheva avec la chute de l'Union soviétique, en 1991.

[8] A noter qu'il s'agit d'une des plus anciennes constitutions au monde à être encore appliquée.

[9] Les huit Etats incriminés sont l'Arkansas, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, le Maryland, le Massachusetts, la Pennsylvanie, le Tennessee, et le Texas.

Publicités
 
Partenaires

  Rois & PrésidentsEgypte-Ancienne

Rois et Reines Historia Nostra

Egypte

 

 Histoire Généalogie