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Les mensonges de l'Histoire


Malcolm X

Malcolm X, prêcheur afro-américain converti à l'islam, est aujourd'hui considéré comme l'un des symboles de la lutte contre le racisme et l'intolérance, étant resté célèbre pour ses prises de position à l'encontre de la ségrégation raciale et son militantisme en faveur de la reconnaissance des droits de la communauté noire.

Cependant, Malcolm X renferme malgré tout une part d'ombre, étant aussi considéré non comme un pacifiste mais un personnage n'ayant pas hésité pas à faire appel à la violence, raciste, et partisan du suprémacisme noir.

Ainsi, qu'en est-il en réalité ? Le caractère extrémiste de Malcolm X n'était-il que l'expression d'un « ras-le-bol » face à la ségrégation raciale et à l'intolérance des élites ? Ou bien ce personnage fut-il bien moins honorable que l'on ne pourrait le croire ?

Malcolm X.

 

Malcolm X (de son vrai nom Malcolm Little) naquit à Omaha, dans l'Etat du Nebraska, en mai 1925. Ce dernier fut très tôt influencé par son père, Earl Little, un prêcheur baptiste[1], partisan du retour des Afro-américains au Libéria[2].

Cependant, ce dernier mourut dès 1931, écrasé par un tramway. Cette disparition aussi soudaine que brutale fut alors considérée comme un suicide, même si les amis du défunts soutinrent qu'il s'agissait d'un assassinat organisé par des suprémacistes blancs.

Par la suite, le mère du jeune Malcolm fit une dépression et fut internée, et les sept enfants du couple furent confiés à des familles d'accueil. Cependant, malgré une scolarité plutôt réussie, le jeune homme fut contraint de quitter le système scolaire, se tournant peu à peu vers la délinquance.

Voyageant entre Boston et New-York au début des années 1940, il fut incarcéré pour vols à plusieurs reprises.

 

Pendant son séjour en prison, il fut surnommé « Satan », du fait de son rejet du christianisme, mais se passionna pour la lecture, entreprenant une formation autodidacte.   

C'est à cette époque que Malcolm découvrit la Nation of Islam (« nation de l'islam » en français), une organisation politique et religieuse fondée à Détroit en 1930.

Ces frères étant déjà membres, le jeune homme décida de se convertir à l'islam, puis rejoignit la NOI à compter de 1948. Finalement, Malcolm fut libéré en août 1952, après six années de captivité.

Drapeau de la NOI.

 

Suite à sa libération, ce dernier rendit visite à Elijah Muhammad (de son vrai nom Elijah Poole), dirigeant de la NOI. C'est à compter de cette date que Malcolm changea son nom de famille pour « X », expliquant que de cette manière il rejetait son « nom d'esclave » (en effet, les esclaves d'origine africaine avaient reçu pour patronyme celui de leurs maîtres).

Elijah Muhammad.

A noter que cette décision entraîna de nombreux membres du NOI à adopter le patronyme de « X » (d'autres adoptèrent des noms de famille d'origine arabe, considérés comme plus authentiques).

Dès 1954, Malcolm X fut choisi par Elijah Muhammad pour diriger le temple N°7 de la NOI à New-York, dans le quartier d'Harlem.

Très charismatique, ce dernier multiplia les effectifs des fidèles en l'espace de quelques mois, faisant aussi des apparitions à la télévision et à la radio. Ses déclarations, reprises dans la presse, lui valurent une certaine renommée, permettant à la NOI d'ouvrir des temples supplémentaires, passant de 500 membres en 1952 à 30 000 en 1963.

C'est à cette date que le boxeur Cassius Clay rejoignit l'organisation, se faisant alors appeler Cassius X, en l'honneur de Malcolm, puis adoptant le patronyme de Muhammad Ali, sur les conseils d'Elijah Muhammad.

 

Cependant, contrairement à ce que l'on pourrait penser, Malcom X n'était pas, à cette date, un partisan du mouvement des droits civiques de la communauté noire, non seulement parce qu'il était opposé à la non-violence, mais aussi parce que cette organisation prônait la stricte égalité entre les races.

En effet, la Nation of Islam était une organisation très hétérodoxe, plusieurs de ses dogmes étant très éloignés de la théologie de l'islam sunnite.

Parmi ces idées spécifiques à la NOI, l'on pourrait citer :  l'islam est la religion de l'homme noir, et donc ennemie héréditaire du christianisme, religion de l'homme blanc ; la Terre fut créée il y à 6 000 ans par Dieu[3], et l'homme noir originel produisit à son tour quatre races de couleurs différentes, brune, rouge, jaune et blanche ; les mariages inter-raciaux sont interdits ; Dieu s'est incarné dans la personne de Wallace Fard Muhammad (de son vrai nom Wallace Dodd Ford), fondateur de la NOI ; etc.

Néanmoins, malgré l'aversion des membres du NOI envers le christianisme, l'on pouvait noter une certaine influence protestante dans cette organisation. Ainsi, les lieux de culte n'étaient pas des mosquées mais des temples ; en outre, les prêcheurs n'étaient pas appelés imams mais ministers (« ministres » en français).

 

La Nation of Islam, mouvement ouvertement raciste et favorable à la suprémacie noire, n'hésita pourtant pas à s'allier avec le Parti nazi américain fondé par l'Américain George Lincoln Rockwell en 1959.

George Rockwell (au centre), lors d'une manifestation du PNA, vers 1960.

L'alliance de ce petit mouvement avec la NOI peut de prime abord sembler étrange. Cependant, Rockwell et Elijah Muhammad, qui s'étaient rencontrés plusieurs fois, possédaient un certain nombre de points communs : un fort antisémitisme (le leader du PNA était un négationniste notoire) ; le maintien de la ségrégation raciale (dans l'optique du suprémacisme blanc pour Rockwell, ou pour éviter que les noirs ne se fondent dans un masse informe pour Muhammad) ; enfin, rappelons qu'Adof Hitler lui-même éprouvait une vive admiration envers l'islam, qu'il considérait comme une religion guerrière par excellence.

A compter de 1961, Rockwell participa donc à plusieurs conférences du NOI, où ses discours furent accueillis tièdement (en effet, l'une des pierres d'achoppement entre Rockwell et Muhammad était l'avenir de la communauté noire d'amérique, l'un étant favorable à un retour en Afrique, l'autre à la création d'un Etat noir).

George Rockwell (accompagné par deux membres du PNA) lors d'un meeting de la NOI, 1961.

 

Malcolm X, qui assista à ces conférences, commença dès lors à s'opposer de façon progressive à Elihah Muhammad et à la NOI.

De prime abord, un scandale contribua à éclabousser l'image du leader de ce mouvement, ce dernier étant accusé en 1963 d'avoir couché avec de nombreuses secrétaires, six d'entre elles étant tombées enceintes. Cependant, alors que Malcolm interrogeait Elijah Muhammad sur ces adultères, interdits par l'islam, ce dernier rétorqua qu'en tant qu'envoyé de Dieu sur Terre, il n'était pas soumis aux mêmes règles que le commun des mortels.

En août 1963 se déroula la Marche sur Washington pour le travail et la liberté, organisée par six activistes noirs, surnommés les Big Six, qui parvint à réunir près de 300 000 personnes (soit 80 % d'Afro-américains). C'est à cette occasion que Martin Luther King, un pasteur baptiste faisant partie des six organisateurs, prononça un discours resté célèbre, I have a dream (« je fais un rêve ») : quand les architectes de notre république écrivirent les textes magnifiques de la Constitution et de la déclaration d'indépendance, ils signaient un billet à ordre que chaque Américain allait retrouver dans son héritage. Ce billet constituait la promesse que tous les hommes, oui, les noirs tout comme les blancs, seraient assurés de leur droit inaliénable à la vie et à la quête du bonheur. [...] Je fais le rêve qu'un jour cette nation se lèvera et vivra le vrai sens de son credo : Nous tenons ces vérités comme allant de soi, que tous les hommes naissent égaux.

Martin Luther King lors de la Marche sur Washington pour le travail et la liberté, août 1963.

Cette marche eut un important retentissement, aboutissant en juillet 1964 à la signature du Civil Rights Act (ou « loi sur les droits civiques ») par le président américain Lyndon Baynes Jonhson, déclarant illégale les discriminations reposant sur la race, le sexe ou la religion, mettant ainsi fin au régime ségrégationniste.

Malcolm X, quant à lui, qualifia ce mouvement de « farce sur Washington », bien que sentant que la rhétorique raciste de la NOI était désormais dépassée par la mouvance pacifiste anti-ségrégationniste.

Se tournant progressivement vers l'islam sunnite, Malcolm X décida finalement en mars 1964 de quitter la Nation of Islam, jugée trop dogmatique.

 

En l'espace de quelques semaines, Malcolm X donna naissance à Muslim Mosque inc, une organisation religieuse, ainsi qu'à l'Organisation pour l'unité afro-américaine, un groupe politique panafricain (c'est-à-dire promouvant la solidarité entre les populations africaines partout dans le monde).

A la fin du mois de mars 1964, il se rendit à Washington, alors que le Sénat travaillait sur le futur Civil Rights Act. Il y rencontra alors Martin Luther King, envers lequel il vouait une grande admiration, condamnant néanmoins la philosophie non-violente, considérant que les choses ne pourraient changer qu'avec un bulletin de vote ou une balle. 

Le mois suivant, Malcolm X partit faire un pélerinage à La Mecque, adoptant alors le patronyme de Malik el-Shabazz. Ce dernier, marqué par l'universalisme de l'islam sunnite, entreprit alors une tournée dans plusieurs pays d'Afrique, soucieux de diffuser son message panafricaniste. Il visita aussi Paris et Londres.

Malcolm X lors de son pélerinage à La Mecque, 1964.

De retour aux Etats-Unis, Malcolm X condamna ouvertement le racisme anti-blanc de la NOI, affirmant que la haine ne pouvait au final qu'aboutir à des bains de sang, regrettant au passage ses douzes années « perdues » aux côtés d'Elijah Muhammad.

En outre, Malcolm X ne se priva pas non plus pour s'attaquer à George Rockwell, qui conduisait le Hate Bus à travers les Etats du sud, parodiant les marches pacifistes des anti-ségrégationnistes. C'est à cette occasion qu'il fit parvenir un télégramme au dirigeant du Parti nazi américain, en début d'année 1965 : Ceci est pour vous prévenir que je ne suis plus défendu de combattre les suprémacistes blancs par Elijah Muhammad [...], et si votre agitation raciste contre notre peuple ici en Alabama cause physiquement du tort au révérend King ou à n'importe quel noir américain tentant d'apprécier ses droits en tant qu'être humain, alors vous et vos amis du Ku-Klux-Klan recevront de violentes représailles de la part de ceux d'entre nous qui ne sont pas menottés par la désarmante philosophie de non-violence [...].[4] 

Le Hate Bus.

 

Cependant, depuis sa séparation avec la NOI, les tensions ne cessèrent de croître, entre Malcolm X et ses anciens compagnons.

Louis Farrakhan (de son vrai nom Louis Eugene Wolcott), numéro deux de la NOI, aurait déclaré « que les hypocrites comme Malcolm devraient avoir la tête tranchée » (mars 1964) ou encore « qu'un tel homme est digne de mourir » (décembre 1964).

C'est ainsi que Malcolm X fut abattu à bout portant, le 21 février 1965, par trois membres de la NOI. Cependant, bien qu'ayant proféré de nombreuses menaces de mort à l'encontre du défunt, Elijah Muhammad et Louis Farrakhan nièrent avoir commandité cet assassinat. Par ailleurs, le procès des trois meurtriers ne permit pas de démontrer la complicité des dirigeants du NOI.

 

Au final, si l'on ne peut nier que Malcolm X eut une influence remarquable sur la communauté afro-américaine, force est de constater qu'il resta longtemps favorable aux doctrines racistes, ségrégationnistes et antisémites de la Nation of Islam.

Par ailleurs, même après sa rupture avec cette organisation, il ne fut jamais un partisan de la non-violence, restant détenteur d'une idéologie bien différente de celle de Martin Luther King. C'est ainsi qu'après sa mort, ses travaux inspirèrent la création de plusieurs groupes militant en faveur du suprémacisme noir, tels que le Black Panther Party (ou « parti des panthères noires », fondé en 1966) et le Black Liberation Army (« armée de libération des noirs », fondé en 1970.

Deux membres des Black Panther.

Néanmoins, les talents d'orateurs de Malcolm X et son action au sein de l'Organisation pour l'unité afro-américaine entrainèrent de nombreux noirs américains à s'inscrire sur les listes électorales et à participer activement à la vie politique des Etats-Unis.

Ainsi, si Malcolm X fut longtemps favorable au suprémacisme noir, ce n'est qu'à la toute fin de sa vie qu'il dénonça ouvertement le racisme, se rendant compte que la lutte contre le ségrégationnisme était un combat auquel tout le monde pouvait participer

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[1] Le baptisme est un courant du protestantisme, né au début du XVII° siècle, soucieux de revenir au christianisme originel, en s'appuyant sur les évangiles.

[2] A noter que la théorie du retour des population afro-américaines en Afrique n'était pas récente, datant du début du XIX° siècle. En effet, la colonie du Libéria avait été fondée en 1822 par l'American Colonization Society (ou « Société de colonisation américaine »), qui y organisait  le retour d'anciens esclaves. Le président américain Abraham Lincoln, pourtant présenté aujourd'hui comme un parangon de la lutte contre le racisme et l'intolérance, y était lui aussi favorable.

[3] Une idée créationniste propre à la mouvance Jeune Terre, qui fait fi de toutes les connaissances scientifiques modernes. Pour en savoir plus à ce sujet, cliquez ici.

[4] A noter que Rockwell, n'ayant jamais réussi à donner une ampleur nationale au Parti nazi américain, fut assassiné en août 1967 par l'un de ses anciens fidèles.

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