Le massacre de Katyn fut perpétré par l'Allemagne nazie
La controverse concernant le massacre de Katyn dès le printemps 1943,
en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale. A cette date, les Allemands
(qui avaient envahi l'URSS pendant l'opération Barbarossa, à l'été 1941),
révélèrent à la presse internationale qu'ils avaient trouvé plusieurs
charniers dans la forêt de Katyn (à 25 kilomètres de Smolensk), contenant
les restes de 4 500 officiers polonais.
Très rapidement, la faute fut rejetée sur l'URSS, qui protesta, accusant
au contraire l'Allemagne nazie de ce massacre. Toutefois, comme l'Union
soviétique, sortit grand vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, les
démocratie occidentales décidèrent de ne pas contester les affirmations
de Moscou.
Cependant, la diffusion de certaines archives russes, depuis le début
des années 1990, nous permettent d'y voir un peu plus clair dans cette
affaire. Ainsi, l'on peut donc se demander qui, de l'Allemagne nazie ou
de l'URSS, fut donc responsable de ce massacre.
Mémorial de Katyn, Jersey City,
Etats-Unis.
Au cours des années 1930, le Troisième Reich avait réussi à étendre sa
sphère d'influence : remilitarisation de la Rhénanie[1]
(mars 1936) ; annexion de l'Autriche (mars 1938) ; satellisation de la
Tchécoslovaquie (mars 1939) ; signature du pacte germano-soviétique
(août 1939) ; création de l'Axe Berlin-Rome-Tokyo (septembre
1940) ; etc.[2]
Adolf Hitler[3],
chancelier du Reich, constatant l'impavidité des démocratie
occidentales, décida alors d'envahir la Pologne, le 1er
septembre 1939. Staline, dirigeant de l'Union soviétique, fit de
même à compter du 17 septembre, conformément aux clauses secrètes du
pacte germano-soviétique[4].
Attaqués sur deux fronts, les Polonais ne tardèrent pas à déposer les
armes, et Varsovie, la capitale, fut contrainte d'ouvrir ses portes à
l'ennemi à la fin du mois de septembre.
En parallèle de la conquête de la Pologne, plusieurs dizaines de
milliers de civils, de policiers, de soldats et d'officiers polonais
furent arrêtés et emprisonnés par le NKVD[5].
En l'espace de quelques mois, les soldats furent relâchés, mais les
officiers et les sous-officiers furent déportés vers l'URSS en février
1940. Les prisonniers polonais furent alors répartis sur trois camps de
concentrations : Ostachkov, à 350 kilomètres au nord-ouest de Moscou (6
200 prisonniers) ; Kozelsk, à 200 kilomètres à l'est de Smolensk (4 500
prisonniers) ; et Starobilsk, à 200 kilomètres à l'est de Kharkov (4 000
prisonniers).
Au mois de mars 1940, décision fut prise par Staline ne liquider les
officiers polonais. Ainsi, entre mars et avril, les prisonniers furent
transportés vers plusieurs sites d'exécution : d'Ostachkov à Kalinine
(aujourd'hui Tver) ; de Kozelsk à Katyn ; et de Starobilsk à Kharkov. Le
transport vers les sites d'exécution se faisait par petits groupes
(environ cent personnes par trajet). Les prisonniers, ligotés, étaient
ensuite tués d'une balle dans la tête. A noter que les bourreaux
utilisaient des pistolets Walter PP (abréviation de Polizei
Pistole), armes de fabrication allemande mais qui avaient été
couramment importées en URSS, notamment pendant les années 1920.
Walter PP, modèle 1921.
Ainsi, en plus des 4 500 victimes de Katyn, l'on peut rajouter celles
des camps d'Ostachkov et de Starobilsk, sans compter les résistants
polonais exécutés eux aussi sans procès (soit un total d'environ 20 000
personnes).
En juin 1941, Hitler fit volte-face, et se retourna contre Staline, son
allié d'autrefois, déclenchant l'opération Barbarossa. Suite à
l'invasion du territoire soviétique, les Allemands découvrirent un
premier charnier dans la forêt de Katyn, à environ 25 kilomètres à
l'ouest de Smolensk. Ce dernier contenait les corps d'une centaine
d'officiers polonais. Puis, à compter de l'hiver 1942, d'autres fosses
communes furent découvertes par les Allemands, qui mirent au jour
environ les cadavres des 4 500 officiers polonais exécutés à Katyn.
L'opération Barbarossa.
Au printemps 1943, l'affaire fut largement reprise dans les médias
allemands, qui accusèrent l'URSS du massacre (d'autant que l'Union
soviétique, contrairement au Troisième Reich, n'avait pas signé la
convention de Genève, garantissant le bon traitement des soldats
prisonniers de guerre). De son côté, Staline rejeta la faute sur la
Wehrmacht[6],
expliquant les officiers polonais ayant été tués par des armes
allemandes, la faute en incombait donc au Troisième Reich.
Suite à la découverte des corps, la Croix-Rouge fut invitée par
les autorités allemandes à mener une enquête sur les lieux du crime.
Après plusieurs jours d'investigations, les experts arrivèrent à la
conclusion que le massacre avait été perpétré au printemps 1940 par les
Soviétiques ; toutefois, le compte-rendu ne fut pas rendu public afin de
ne pas donner de crédit à l'Allemagne nazie. Transmis peu après au
gouvernement britannique, il ne fut divulgué qu'en 1989.
Exhumation des victimes de Katyn, 1943.
Suite à la reconquête de la zone de Smolensk par les troupes
Soviétiques, à l'automne 1943, Staline ordonna la mise en place d'une
commission d'enquête, chargée d'enquêter sur le massacre de Katyn. Les
enquêteurs attribuèrent donc la responsabilité de ces exactions à
Wehrmacht, insistant sur le fait que les officiers polonais avaient été
exécutés à l'aide de pistolets allemands, au cours de l'été 1941
(c'est-à-dire au moment de l'opération Barbarossa, soit un an plus tard
qu'en réalité).
Plus tard, pendant le procès de Nuremberg[7],
les Soviétiques profitèrent de l'évènement pour accréditer la thèse
selon laquelle le massacre avait été commis par le Troisième Reich.
Toutefois, en l'absence de preuves formelles, les membres du tribunal ne
purent incriminer aucun des dignitaires nazis jugés à Nuremberg (à noter
que selon certains journalistes présents lors du procès analysèrent
l'absence de mention de Katyn dans le jugement comme un aveu tacite de
la culpabilité soviétique).
Le procès de Nuremberg.
Par la suite, la zone de Katyn fut donc déclarée interdite par les
autorités, qui refusèrent de procéder à de nouvelles enquêtes. A noter
par ailleurs que la version officielle de l'URSS reçut l'aval des
démocratie occidentales, qui ne souhaitaient pas se brouiller avec le
gouvernement soviétique. Ainsi, les rapports britanniques ou américains
incriminant l'URSS dans cette affaire furent rapidement
« enterrés.
»
Plus tard, pendant la Guerre froide, les
autorités soviétiques cherchèrent entretinrent un amalgame entre Katyn
et le massacre de Khatyn, dans lequel la responsabilité allemande
ne faisait pas de doutes (il s'agissait d'un petit village, situé au
centre de l'actuelle Biélorussie, décimé en mars 1943 par les SS[8]).
Ce n'est qu'à la fin des années 1980 que
Mikhaïl Gorbatchev, dirigeant de l'URSS, autorisa une commission
d'enquête polono-soviétique à travailler sur le massacre de Katyn. En
l'espace de quelques semaines, et bien que n'ayant pas pu consulter un
certain nombres d'archives restées secrètes, les membres de la
commission statuèrent sur la responsabilité de l'Union soviétique.
Gorbatchev, en octobre 1990, présenta alors
ses excuses au peuple polonais, lors d'une cérémonie organisée au
Kremlin. Cet aveu fut confirmé suite à la dissolution de l'URSS, par le
président russe Boris Eltsine. Toutefois, en 2005, la Russie
annonça que le massacre des officiers polonais ne relevait ni du
génocide, ni du crime contre l'humanité. Ainsi, comme les faits
bénéficiant de la proscription (étant antérieurs à 50 ans), l'affaire
fut considérée comme close.
Quelques années plus tard, le 7 avril 2010,
Vladimir Poutine, alors premier ministre, se rendit à Katyn en
compagnie de son homologue polonais Donald Tusk. Il prononça
alors un discours, reconnaissant la responsabilité de l'URSS, mais sans
nommer formellement Staline. A noter que peu de temps auparavant, Poutine avait
annoncé dans les médias que le massacre de Katyn avait été sans doute organisé en
représailles de la guerre russo-polonaise de 1920, au cours de laquelle
les prisonniers soviétiques retenus en Pologne avaient souffert de mauvais traitements.
Vladimir Poutine et Donald Tusk au mémorial de Katyn, 2010.
Ironie de l'Histoire, la délégation polonaise
se rendant aux commémorations de Katyn trouva la mort dans un accident
d'avion sur l'aéroport de Smolensk, le 10 avril 2010. Parmi les
victimes, l'on comptait le président de la république polonaise,
plusieurs ministres, des députés et des membres du sénat, des généraux,
des représentants de l'Eglise catholique, des personnalités médiatiques,
ainsi que des descendants des officiers morts à Katyn.
[1]
En dépit des clauses du traité de Versailles
(le texte, signé en 1919, mettait fin à la Première Guerre
mondiale), qui prévoyaient que la Rhénanie devait être démilitarisée
et rester sous surveillance des alliés.
[2]
Pour en savoir plus sur ces évènements annonciateurs du second
conflit mondial,
cliquez ici.
[3]
Hitler, né en Autriche en avril 1889, tenta de rentrer à l’Académie des Beaux-Arts de
Vienne, mais en vain. S’installant à Munich en 1913, il participa à
la Première Guerre mondiale du côté allemand, s'étant porté
volontaire. Outré par l'armistice de 1918, Hitler décida donc de se
lancer en politique, donnant naissance au parti
national socialiste (ou NSDAP, Nationalsozialistische
deutsche Arbeiterpartei) en 1920. Incarcéré suite à l’échec
du putsch de Munich, en novembre 1923, il fut condamné à cinq
années de prison, mais fut libéré dès 1924.
Travaillant à la reconstruction du parti nazi, Hitler parvint à
faire du NSDAP une des principales formations politiques allemandes
en moins d'une décennie. Ainsi, il fut nommé chancelier du Reich
en janvier 1933 par le président de la république Paul von Hindenburg (pour
en savoir plus à ce sujet, voir le d), 10, section II, chapitre
cinquième, la troisième république.).
[4]
A noter qu'en 1920, la
guerre russo-polonaise
s'était achevée en faveur de la Pologne, dont le territoire put
s'étendre
de 200 kilomètres vers l'est.
[5]
Le NKVD (Народный
комиссариат внутренних делen
russe, ouCommissariat
du peuple aux affaires intérieures) était une police secrète
soviétique, fondée en 1934.
[6]
C'est ainsi qu'était
nommée l'armée allemande depuis 1935. A noter que la Wehrmacht (ou « force de défense » en
français) était composée de trois éléments : la Heer (armée de
terre), la
Luftwaffe (armée de l’air) et la
Kriegsmarine
(marine
militaire).
[7]Le procès de Nuremberg, qui dura presque un
an, d'octobre 1956 à septembre 1946, fut chargé de juger les
dignitaires nazis. Les plu part d'entre eux furent condamnés à mort
ou à des peines de prisons. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le
3, section IX, chapitre sixième,
la troisième république.
[8]La SS (Schutzstaffelen
allemand, ce qui signifie « escadron de protection ») avait été
créée en 1925 par Adolphe Hitler. A l'origine, il ne s'agissait que d'une sous-section de laSA
(Sturmabteilungen
allemand, ou « bataillon d’assaut », service d'ordre du parti nazi),
chargée de la protection du Führer. Toutefois, cette organisation
prit de plus en plus d'importance au fil des années, occupant une
fonction militaire (création de la
Waffen SS
en 1939), policière (création duRSHA, Reichssicherheitshauptamten
allemand, réunissant toutes les polices allemandes, en 1939),
idéologique (création du Lebensbornen
1935, association destinée à assurer le développement de la « race
aryenne »), et scientifique (création de l’Ahnenerbeen
1935, organisation consacrée à la recherche archéologique et
anthropologique).