Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

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Les mensonges de l'Histoire


La collaboration

L'on appelle collaboration cette période de l'histoire de France, au cours de laquelle l'Etat français (c'est-à-dire le régime de Vichy) entreprit de travailler de concert avec le Troisième Reich[1].

Cependant, si aujourd'hui l'époque de la collaboration a laissé un triste souvenir, l'on retrouve de nombreuses idées reçues concernant cette période dans l'inconscient populaire. Ainsi, sans revenir sur les raisons de la défaite française de 1940[2], qu'en est-il de la volonté première d'établir une collaboration entre la France et l'Allemagne ? Fut-elle voulue par le maréchal Philippe Pétain, soucieux de donner à l'Etat français une place dans l'Europe nazie de demain ? Ou bien fut-elle exigée par Adolf Hitler, désireux de faire de la France une nation satellite ?

Hitler pris en photo devant la tour Eiffel depuis le palais du Trocadéro, été 1940.

 

- De la bataille de France à la création du régime de Vichy (juin à juillet 1940) : Suite à la bataille de France, qui s'acheva sur une terrible défaite, la charge de président du conseil[3] fut cédée au maréchal Pétain dans la nuit du 16 au 17 juin 1940. Ce dernier, qui avait fait son entrée au gouvernement un mois plus tôt, faisait partie des partisans de l'armistice, jugeant que la Wehrmacht[4] était de loin supérieure à l'armée française[5].

La percée de Sedan.

Le 17 juin à midi, le nouveau président du conseil s’adressa à la population française lors d’une allocution radiophonique. Cependant, alors que le maréchal Pétain réclamait la fin des combats, il ne fit qu’accentuer la confusion au sein de l’armée, à une époque où de nombreuses unités combattaient encore.

Puis, quelques jours plus tard, la France et l'Allemagne signèrent l'armistice de Compiègne, le 22 juin 1940. Les clauses étaient les suivantes : l’Alsace et la Lorraine étaient annexées par le Troisième Reich ; la moitié nord de la France (ainsi que la côte atlantique), passait sous domination allemande (la zone occupée), le reste constituant la zone libre ; la France était chargée de pourvoir à l’entretien des forces d’occupations (soit plus de cent millions de francs par jour) ; l’armée de la zone libre était limitée à 100 000 hommes ; les prisonniers de guerre français (1.5 millions de soldats) resteraient en détention jusqu’à la signature d’un traité de paix définitif ; le gouvernement devait livrer au Troisième Reich les réfugiés politiques allemands et autrichiens réfugiés en France.

La signature de l'armistice du 10 juin 1940 présentée par la propagande allemande, Mémorial Leclerc, Paris (la légende indique : "la honte [de 1918] fut effacée par la plus grande victoire de notre histoire").

Toutefois, l’Empire colonial restait sous le contrôle du gouvernement français ; la flotte française était épargnée, mais devait rejoindre ses ports d’attache de temps de paix (à savoir Cherbourg, Brest et Lorient, en zone occupée)[6].

La France suite à l'armistice du 22 juin 1940.

 

Suite à la signature de l’armistice du 22 juin, le maréchal Pétain, le gouvernement et le Parlement décidèrent de s’installer à Vichy, cité thermale située à quelques dizaines de kilomètres de la zone de démarcation.

A cette époque, de nombreux parlementaires souhaitaient accorder plus d’autorité au pouvoir exécutif (à noter qu'à l'origine, le président de la république était muni d'importants pouvoirs, mais le rôle de ce dernier avait été réduit à sa portion congrue au fils des années).

En effet, la défaite de 1940 était considérée comme la preuve de l'échec du parlementarisme, et l'idée d'un accroissement de la puissance du chef de l'Etat fut donc soumise au vote.

Pierre Laval[7], vice-président du conseil, proposa donc à la fin du mois de juin un projet de nouvelle constitution, conférant les pleins pouvoirs au gouvernement, sous l’autorité du maréchal Pétain. La réforme constitutionelle fut alors adoptée le 11 juillet 1940, à 569 voix contre 80[8].

Députés et sénateurs réunis au sein de la salle d'Opéra du casino de Vichy, 9 juillet 1940.

 

- Le régime de Vichy en 1940, la révolution nationale : Le maréchal Pétain ayant désormais les mains libres, il promulgua dès le 11 juillet les trois premiers actes constitutionnels.

 

Pétain, désormais « chef de l’Etat », abrogeait de facto l’amendement wallon, qui stipulait que le président de la république était élu pour sept ans par le peuple français ; le second acte conférait au nouveau leader les pouvoirs exécutifs et législatifs ; enfin, le troisième acte ajournait les chambres jusqu’à convocation ultérieure[9].

C’est dans ces conditions que le terme de république française fut remplacé dans tous les documents officiels par Etat français.

 

Pétain, qui avait annoncé sa volonté de se « sacrifier » pour le bien être de la nation dans son discours du 17 juin, faisait encore bonne figure malgré ses 85 ans. Toujours auréolé par le rôle qu’il avait joué pendant la première guerre mondiale, et particulièrement à Verdun, le maréchal reçut à l’été 1940 l’approbation d’une majorité de Français.

Ce dernier étant la personnification du régime de Vichy, une intense propagande fut rapidement mise en place, présentant le maréchal comme l’homme-providence du nouveau régime.

C’est ainsi que la francisque[10], emblème du maréchal, fut frappée sur les pièces de monnaie ; la devise « travail, famille, patrie » remplaça le traditionnel « liberté, égalité, fraternité » hérité de la Révolution française ; enfin, si la Marseillaise demeurait hymne national de l’Etat français, la chanson « maréchal, nous voilà ! » fut abondamment utilisé par la propagande.

La francisque pétainiste accompagnée de la devise du régime de Vichy : "travail, famille, patrie".

 

L’idéologie du régime de Vichy fut exposée plus en détail par Pétain lui-même dans son long discours du 11 octobre 1940 : Français, la France a connu, il y a quatre mois, l'une des plus grandes défaites de son histoire. […] Le désastre n'est […] que le reflet, sur le plan militaire, des faiblesses et des tares de l'ancien régime politique. […] Des majorités se succédaient au pouvoir, animées trop souvent du souci d'abattre la minorité rivale. Ces luttes provoquaient des désastres. […] Tout criait l'impuissance d'un régime [qui] s'acheminait ainsi, à grands pas, vers une révolution politique que la guerre et la défaite ont seulement hâtée. […] Un jour de septembre 1939,[…] une guerre presque perdue d'avance, fut déclarée. Nous n'avions su ni l'éviter, ni la préparer. C'est sur cet amas de ruines qu'il faut, aujourd'hui, reconstruire la France. […] L'ordre nouveau est une nécessité française. Nous devrons […] réaliser dans la défaite la révolution que, dans la victoire, dans la paix […] nous n'avons même pas su concevoir. Le régime nouveau […] doit se libérer de ces amitiés ou de ces inimitiés, dites traditionnelles. […] Il remettra en honneur le véritable nationalisme, celui qui, renonçant à se concentrer sur lui-même, se dépasse pour atteindre la collaboration internationale. Cette collaboration, la France est prête à la rechercher. […] L'Allemagne peut […] choisir entre une paix traditionnelle d'oppression et une paix toute nouvelle de collaboration. […] L'Allemagne peut préférer une paix vivante pour le vainqueur, une paix génératrice de bien-être pour tous. Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l'idée fausse de l'égalité naturelle des hommes, […] seuls le travail et le talent deviendront le fondement de la hiérarchie française. […] Ainsi renaîtront les élites véritables que le régime passé a mis des années à détruire. […] Telle est, aujourd'hui, Français, la tâche à laquelle je vous convie. Il faut reconstruire. Cette reconstruction, c'est avec vous que je veux la faire. […] Une révolution ne se fait pas seulement à coups de lois et de décrets. Elle ne s'accomplit que si la nation la comprend et l'appelle, que si le peuple accompagne le gouvernement dans la voie de la rénovation nécessaire. Bientôt, je vous demanderai de vous grouper pour qu'ensemble réunis autour de moi, […] vous meniez cette révolution jusqu'à son terme, […] en faisant régner, dans la France nouvelle, la véritable fraternité nationale.

Affiche de propagande vichyste (la légende indique : "Français ! Vous n'êtes ni vendus, ni trahis, ni abandonnés. Venez à moi avec confiance").

 

Ce discours, prononcé dix jours avant l’entrevue de Montoire, permettait au maréchal d’exposer ses idées directrices. Ainsi, ce dernier fustigeait la politique pacifiste menée par le gouvernement français depuis les années 1920, ainsi que les luttes de pouvoirs générées par la République, qui avaient entraîné la France sur le chemin de la guerre.

Pétain, affirmant sa volonté de faire table rase du passé, proclamait donc la mise en place d’un « ordre nouveau », premier pas vers la « révolution nationale », réclamant l’adhésion de toute la nation au nouvel Etat français.

Enfin, le maréchal annonçait la mise en place d’une politique de collaboration avec l’Allemagne, volonté n’émanant pas d’Hitler mais de Pétain lui-même. A l’été 1940, la victoire de l’Allemagne nazie semblait inéluctable. Le maréchal souhaitait donc que la France ne soit pas traitée en vaincue mais en alliée de l’Allemagne. Son objectif était donc de collaborer avec l’occupant afin de lui prouver sa bonne foi.

Toutefois, chose dont Pétain ne prit jamais réellement conscience, Hitler était résolument francophobe, et en cas de victoire ne comptait réserver aucun régime de faveur envers la France.

Affiche de propagande vichyste, glorifiant la révolution nationale.

 

Pétain, qui se rapprocha de l’Eglise catholique, qui avait été la cible des gouvernements anticléricaux depuis le début du XX° siècle, décida aussi de fusionner les associations d’anciens combattants en août 1940, donnant naissance à la Légion française des combattants (l’un des principaux buts de cette organisation était de propager la Révolution nationale, la Légion étant divisée en section départementales).

Par ailleurs, afin d’inclure au sein de l’organisation les jeunes n’ayant pu participer à la première au à la deuxième guerre mondiale, la légion fut rebaptisée Légion française des combattants et des volontaires de la Révolution nationale en novembre 1941.

A son apogée, cette organisation comptait près de 1.5 millions de membres (en métropole et dans les colonies.). Mais ses effectifs déclinèrent rapidement à compter de l’hiver 1942 et de la fascisation du régime de Vichy.  

 

Par ailleurs, le régime de Vichy décida de se calquer sur les décrets promulgués par l’Allemagne nazie, adoptant à partir de l’été 1940 une série de mesures ouvertement antisémites. 

Ainsi, un premier Statut des Juifs, promulgué le 3 octobre 1940, interdit aux Français de confession juive d’exercer un certain nombre de professions (fonctionnaire, journaliste, chef d’entreprise, etc.), tout prévoyant l’internement de tous les juifs étrangers installés sur le sol français.

A noter que les mesures antisémites ne firent que s’aggraver au fil des années.

Une du quotidien collaborationniste "Le Matin", annonçant la promulgation du statut des juifs.

 

Puis, en fin d'année, alors que le régime de Vichy ayant été instauré depuis maintenant plusieurs mois, une rencontre entre Hitler et Pétain fut organisée à Montoire-sur-le-Loir, le 24 octobre 1940.

Après avoir échangé une poignée de main sur le quai de la gare, Hitler et Pétain prirent place dans le Führersonderzug, le train spécial du Führer.

Le maréchal, qui comme nous l’avons vu, était prêt à démontrer sa bonne foi pour faire de la France une alliée de l’Allemagne, n’obtint que des vagues promesses de la part du Führer.

En effet, Hitler ne souhaitait pas faire de la France une nation alliée, bien au contraire. Ainsi, ce dernier accepta le principe de la collaboration franco-allemande, sans pour autant conclure d’accords concrets avec le maréchal.

Exploitant ce désir français de s’ériger en allié de l’Allemagne via la collaboration, le Führer ne fit que durcir les conditions d’occupation, sans jamais concéder de contreparties en retour.

L'entrevue de Montoire.

 

Les seul gestes du Troisième Reich, suite à l’entrevue de Montoire, furent la rétrocession à la France des cendres du duc de Reichstadt[11], fils de Napoléon I°, à la mi-décembre 1940 ; mais aussi la libération de quelques prisonniers de guerre français (anciens combattants de la Première Guerre mondiale, agriculteurs, fils aînés de familles de quatre enfants, etc.). Toutefois, 1.5 millions de soldats restaient en détention en Allemagne.

En fin d’année 1940, Laval multiplia les attentions à l’égard de l’Allemagne. Partisan d’une offensive commune contre la Grande-Bretagne, il céda aux Allemands la majorité des actions des mines de Bor, en Serbie (6 novembre) ; fit livrer au Troisième Reich l’or que le gouvernement belge avait confié à la France (29 novembre) ; enfin, il se rapprocha de l’Etat-major allemand en vue d’une action commune contre l’AEF (2 décembre)[12]

Le retour des cendres du duc de Reichstadt, décembre 1940.

 

Cette politique, outrepassant largement les conditions de l’armistice, fut vivement critiquée par Pétain, qui décida de procéder à un remaniement ministériel le 13 décembre 1940, et Laval fut évincé du gouvernement. 

Toutefois, cette décision ne plut guère aux Allemands, qui en représailles décidèrent de fermer la ligne de démarcation, réclamant en outre 400 millions de francs par jour pour les frais d’occupation (contre 100 à l’origine).

 

- Le régime de Vichy en 1941, un gouvernement de technocrates : En février 1941, Pétain confia à l'amiral François Darlan[13] la charge de vice-président du conseil.

Contrairement à de nombreux officiers ou ministres proches du maréchal, Darlan était le fils d’un ancien député radical-socialiste. L’amiral avait donc hérité de son éducation une sensibilité de centre-gauche et un rejet de la religion.

Cependant, bien que partisan de la poursuite de la guerre pendant la crise de juin 1940, Darlan fut écœuré par l’opération Catapult, offensive britannique visant à détruire la flotte française stationnée dans les ports d’Afrique du nord.

Cette attaque brutale et sans déclaration de guerre entraina la destruction d'une partie de la flotte française, faisant plus d'un millier de victimes. Cependant, si l’opération Catapult fut un franc succès pour la marine britannique, l’attaque provoqua une vive émotion en France, ce qui provoqua la montée d'un fort sentiment d’anglophobie.

Darlan, considérant cette action comme une déclaration de guerre, réclama en vain l'entrée en guerre de la France contre l'Angleterre (ce qui fut refusé par le maréchal Pétain), et eut dès lors la conviction que la victoire de l’Allemagne était préférable à celle de l’Angleterre.

Affiche de propagande vichyste (alors que des animaux sauvages ("franc-maçonnerie", "le Juif", "de Gaulle" et "le Mensonge") menacent le couple de paysans, l'homme réplique "Laissez nous tranquilles !"), 1941, musée des Invalides, Paris.

 

Sous l’impulsion de l’amiral Darlan, le régime de Vichy opéra une refonte de son organisation policière au printemps 1941.

C’est ainsi que fut mis en place le Commissariat général aux questions juives, en mars 1941, à la demande des autorités allemandes. Cette organisation, abritant la police aux questions juives à compter d’octobre 1941, était destinée à appliquer les ordonnances antisémites adoptées par le régime de Vichy (privation de citoyenneté, emprisonnement et déportation des juifs étrangers).

Par ailleurs, une loi datant d’avril 1941 donna naissance à la police nationale[14] (les polices municipales passèrent sous contrôle de l’Etat.).

La police nationale, forte de 140 000 hommes, procéda à plus de 10 000 arrestations pour motifs politiques en l’espace de quelques mois. Par ailleurs, c’est en mai 1941 que furent organisées les premières rafles en zone occupée, dirigées contre les étrangers de confession juive (plus de 7 000 personnes furent internées dans des camps en région parisienne).

 

Par ailleurs, alors que le premier Statut des Juifs avait été adopté en octobre 1940, un deuxième statut fut promulgué en juin 1941.

Ainsi, la liste des métiers interdits aux Français de confession juive fut allongée aux professions libérales, aux métiers de l’industrie et du commerce. Par ailleurs, ce second statut autorisait les préfets à interner dorénavant les juifs français.

Enfin, un décret adopté en novembre 1941 déchut de leurs fonctions les députés et sénateurs de confession juive. 

 

Enfin, dans un registre différent, fut créée à l’été 1941 la Légion des volontaires français, à l’instigation d’Otto Abetz, ambassadeur d’Allemagne à Paris.

L’objectif de cette association, financée par le Troisième Reich, était de recruter des volontaires (portant l’uniforme allemand) destinés à rejoindre le front soviétique (Hitler avait déclaré la guerre à l'URSS en juin 1941).

Toutefois, si des bureaux de recrutement s’ouvrirent en zone libre et en zone occupée, la LVF n’eut pas beaucoup de succès. Ainsi, 6 000 personnes seulement furent recrutées jusqu’en 1944.

Affiche de propagande pour la LVF (la légende indique "Sous les plis du drapeau, la LVF combat pour l'Europe").

 

Cette seconde phase du régime de Vichy correspond à un tournant dans l'histoire de la collaboration. Ainsi, en 1941, cela faisait plus d'un an que le maréchal pétain restait dans l'attente de la signature d'un traité de paix définitif avec l'Allemagne, qui finalement n'arriva jamais.

Ainsi, plutôt que de continuer à espérer une union politique et militaire entre la France et l'Allemagne, Pétain décida de s'entourer d'un ministère technocratique, destinée à gérer le pays tant bien que mal, devant faire face aux exigences de plus en plus importantes de l'Allemagne.

C'est ainsi que l'image du régime de Vichy commença à évoluer au sein de l'opinion publique. En effet, alors qu'en 1940, un grand nombre de Français soutenait le maréchal Pétain, toujours auréolé par « sa » victoire de Verdun, la compromission du régime de Vichy avec le Troisième Reich entraîna l'apparition de plusieurs mouvements de résistance au cours de l'année 1941.

 

- Le régime de Vichy en 1942, de Darlan à Laval : En fin d’année 1941, l’amiral Darlan était en difficulté, fragilisé par la perte du Proche-Orient[15].

C'est dans ce contexte tendu que fut origanisée le 1er décembre 1941 une rencontre à Saint-Florentin, à laquelle participèrent Pétain, Darlan et le maréchal Hermann Göring[16].

Cette réunion avait pour objectif d’étudier les moyens que Vichy pourrait mettre en œuvre afin de porter assistance au général Erwin Rommel, qui éprouvait de grandes difficultés en Libye face aux Britanniques.

De son côté, le maréchal réclama un certains nombres d’assouplissements des conditions d’armistice : reconnaissance de la souveraineté française sur tout le territoire, libération des prisonniers de guerre, diminution du coût d’entretien de l’armée d’occupation, franchissement simplifié de la ligne de démarcation, etc.

Toutefois, Goering rejeta point par point les propositions du maréchal Pétain, et l’entrevue se solda sur un échec.

La rencontre de Saint-Florentin (l'on aperçoit Göring, au centre, soutenant le maréchal Pétain. L'amiral Darlan se trouve à droite de l'image).

 

L’attitude du gouvernement de Vichy ne plaisait guère à Hitler, dont l’objectif était de contraindre la France à lutter contre les Britanniques qui progressaient en Afrique, perturbant l’approvisionnement du Troisième Reich en pétrole.

Afin de couper court aux atermoiements du régime de Vichy, Hitler fit transmettre un ultimatum au maréchal Pétain, au début du mois d'avril 1942 : ce dernier devait faire appel à Laval sans tarder, sans quoi la France serait « polonisée » et ravagée par les troupes d’occupation.

Le maréchal, mis devant le fait accompli, fut contraint de limoger ses ministres et de faire appel à Laval, qui fut nommé chef de gouvernement le 18 avril 1942 (une première dans l’histoire du régime de Vichy, où la fonction de premier ministre n’avait jamais officiellement existé).

Outre sa nouvelle charge, Laval récupéra le ministère des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de l’Information.

A noter que ce dernier s’entoura d’un personnel plus républicain (contrairement à 1940 où les membres du gouvernement étaient en majorité des réactionnaires ou des royalistes), marquant une cassure avec la Révolution nationale voulue par le maréchal.

Toutefois, dès son entrée en fonction, Laval décida de poursuivre une politique de collaboration accrue avec l’Allemagne, convaincu que la France ne pourrait retrouver son statut d’antan qu’en multipliant les gages de bonnes volonté vis-à-vis du Troisième Reich.

Ainsi, Laval poursuivit jusqu’à la fin de la guerre une politique de collaboration de plus en plus poussée, sans jamais obtenir de contreparties en retour.

 

En juin 1942, il prononça le discours suivant, qui ne fit qu’accroître son impopularité : Nous avons eu tort, en 1939, de faire la guerre. Nous avons eu tort, en 1918, au lendemain de la victoire, de ne pas organiser une paix d'entente avec l'Allemagne. Aujourd'hui, nous devons essayer de le faire. Nous devons épuiser tous les moyens pour trouver la base d'une réconciliation définitive. Je ne me résous pas, pour ma part, à voir tous les vingt-cinq ou trente ans la jeunesse de nos pays fauchée sur les champs de bataille. [...] J'ai la volonté de rétablir avec l'Allemagne et avec l'Italie des relations normales et confiantes. De cette guerre surgira inévitablement une nouvelle Europe. [...] Je voudrais que demain nous puissions aimer une Europe dans laquelle la France aura une place qui sera digne d'elle. Pour construire cette Europe, l'Allemagne est en train de livrer des combats gigantesques. Elle doit, avec d'autres, consentir d'immenses sacrifices. [...] Je souhaite la victoire de l'Allemagne, parce que, sans elle, le bolchevisme, demain, s'installerait partout.

 

Laval trouva toutefois un certain soutien au sein du Service d’ordre légionnaire, fraction de la Légion française des combattants.

Cette organisation paramilitaire fasciste avait fait son apparition en janvier 1942, à l’initiative de Joseph Darnand[17]. Ce dernier, favorable à l’ultra-collaboration et à l’antisémitisme, reçut l’aval du régime de Vichy.

Darnand, à la tête du SOL, se livra à de nombreuses exactions, tout en adoptant une politique de délation de grande ampleur.

Affiche de propagande vichyste en faveur du Service d'ordre légionnaire.

 

Concernant la question juive, si depuis 1940 le régime de Vichy avait adopté plusieurs mesures antisémites, les Français de confession juive et les juifs d’origine étrangère étaient jusqu’à présent internés dans des camps érigés à l’occasion. 

Côté allemand, la situation était la même, à l’exception des territoires de l’est (Pologne, Ukraine, Russie), ou de nombreux massacres avaient été commis à l’encontre de populations juives et slaves.

Cependant, alors qu’à l’origine Hitler avait imaginé déporter tous les juifs vers Madagascar, afin d’en faire une « réserve juive », ce dernier fut contraint d’abandonner ce projet en raison de la continuation de la guerre avec la Grande-Bretagne. Dans un même ordre d’idée, il fut un temps prévu de déporter les juifs vers la Sibérie, mais les aléas du front est condamnèrent aussi ce nouveau plan.

Ainsi, c’est au cours de l’automne que 1941 que le Führer décida d’éliminer physiquement l’ensemble des populations juives d’Europe. Hitler chargea donc Reinhard Heydrich, chef du RSHA[18], d’organiser la solution finale de la question juive (l’extermination des juifs menée par le Troisième Reich fut surnommée Shoah, ce qui en hébreu signifie « catastrophe »).

A compter de janvier 1942, plusieurs camps d’extermination furent ouverts en Pologne, où les victimes furent assassinés par ingestion de monoxyde de carbone ou de Zyklon B[19].

Entrée du camp d'Auschwitz (la grille en fer porte l'inscription Arbeit macht frei, ce qui signifie "le travail rend libre" en français).

 

Suite au retour de Laval, la Gestapo[20] s’établit partout en zone nord, multipliant les arrestations et les tortures.

René Bousquet[21], nommé secrétaire général à la police et chef de la police nationale, se mit en relation avec Karl Oberg, chargé de la police allemande en France (Bousquet obtint de son homologue allemand une reconnaissance théorique de la police française).

En raison des accords Bousquet-Oberg, la police française fut chargée d’organiser des rafles à l’encontre des juifs, prenant en charge leur détention et leur déportation vers les camps de la mort.

C’est ainsi que fut opérée la rafle du vélodrome d’hiver (ou rafle du vel d’hiv), à la mi-juillet 1942, qui entraîna l'arrestation de 13 000 personnes (dont 6 000 femmes et 4 000 enfants), qui furent transférés au vélodrome d’hiver ou au camp de Drancy, puis déportés en Pologne, dans le camp de concentration d'Auschwitz.

La rafle du vel d'hiv, juillet 1942.

 

Dans un même ordre d’idée, le port de l’étoile jaune pour tous les juifs (français et étrangers) fut instauré en mai 1942 en zone occupée (à noter que cette distinction antisémite avait été instaurée en Allemagne par Heydrich en septembre 1941).

En zone libre, par contre, le port de l’étoile ne fut pas exigé ; toutefois, une loi votée en décembre 1942 imposa aux Français de confession juive de faire inscrire la mention « juif » sur leurs pièces d’identité.

C’est à compter de l’automne 1942 que les premières protestations à l’encontre du régime de Vichy se firent entendre. Plusieurs évêques condamnèrent à cette occasion cette politique antisémite qu’ils jugeaient inacceptable. Par ailleurs, de nombreux Français tentèrent d’apporter leur aide à leurs compatriotes de confession juive, en leur fournissant un hébergement, des faux papiers ou une filière d’évasion (l’on estime aujourd’hui à 225 000 le nombre de personne ayant réussi à échapper à la déportation).

 

Par ailleurs, au printemps 1942, afin de compenser les pertes économiques dues à l’envoi de millions d’hommes sur le front est, le régime nazi décida de profiter de la main d’œuvre européenne pour combler son déficit.

C’est ainsi que Berlin réclama 350 000 travailleurs au régime de Vichy en juin 1942. Laval fut contraint d’accepter, négociant toutefois l'échange suivant : un prisonnier de guerre contre trois travailleurs partant en Allemagne.

Mais la Relève, telle que présentée par le régime de Vichy, ne fit guère d’émules (d'autant qu'elle n’était pas nominative : impossible de faire rentrer un membre de la famille ou un ami en échange d’un volontariat). Ainsi, seulement 17 000 travailleurs se portèrent volontaires d’ici la fin août 1942.

Afin de faire face à ce manque d’engouement, le maréchal Pétain décida d’adopter des mesures plus radicales, promulguant une loi de réquisition en septembre 1942, permettant à la police allemande de procéder à de nombreuses réquisitions en zone occupée.

Cette loi entraîna le départ de 250 000 Français en direction de l’Allemagne en l’espace de six mois.

Plus tard, en février 1943, Laval donna naissance au service obligatoire du travail (SOT), qui fut rapidement rebaptisé service du travail obligatoire (STO) pour des raisons évidentes.

C'est ainsi que le chef du gouvernement décida d’envoyer en Allemagne les jeunes privés de service militaire, nés entre 1920 et 1922.

Toutefois, l’adoption de ces mesures jugées iniques par de nombreux Français ne fit qu’accroitre l'impopularité de Laval et du régime de Vichy (d'autant que les conditions de vie des travailleurs du STO furent parfois difficiles, surtout au cours des derniers mois de la guerre[22]). C'est ainsi que près de 200 000 réfractaires au STO se tournèrent vers la résistance.

Affiche de propagande vichyste en faveur du STO (l'illustration est divisée en deux parties : à gauche, une usine allemande d'où sortent des travailleurs français heureux ; à droite, des soldats anglais épuisés et confrontés à la mort. La légende indique : "Jeunes de France... sachez choisir !").

 

- L'invasion de la zone libre, ou opération Anton (novembre 1942) : En novembre 1942, suite au débarquement allié en Afrique du nord, Hitler décida d’envahir la zone libre (à noter que toutefois que ce dernier avait élaboré la Directive 19 dès l’été 1940, prévoyant l’invasion de la zone libre, au cas où un mouvement de révolte éclaterait dans les colonies françaises d’Afrique du nord).

Au soir du 10 novembre 1942, le Führer lança donc l’opération Anton, destinée à étendre la domination du Reich sur l’ensemble du territoire français. C'est ainsi que la Wehrmacht traversa la ligne de démarcation, avançant vers Vichy et Toulon.

L'opération Anton.

En l’espace de quelques jours, les Allemands se rendirent maîtres de la zone sud, faisant de l’opération Anton un franc succès (la ligne de démarcation, devenue obsolète, fut supprimée à la mi-février 1943).

Cependant, alors que l'un des objectifs d'Hitler était de s'emparer de la flotte française stationnée à Toulon, l'amiral Jean de Laborde, qui commandait l'escadre, décida de saboter ses navires. En effet, ce dernier refusait que les Allemands s'emparent de la flotte française (ce qui était contraire aux clauses de l'armistice de Compiègne), mais n'acceptait pas non plus de rejoindre l'Afrique du nord, alors entre les mains des Américains et des Britanniques.

Au total, près de 235 000 tonnes furent envoyées par le fond, dont un cuirassier, neuf croiseurs, une trentaine de destroyers, douze sous-marins, ainsi que 60 bâtiments de taille diverses.

Le sabordage de la flotte française à Toulon, novembre 1942, Mémorial Leclerc, Paris.

 

Concernant le régime de Vichy, l'opération Anton bouleversa la situation politique, car si depuis 1940, le régime de Vichy vivait dans une relative indépendance, l’invasion de la zone libre sonna le glas de la souveraineté française.

 

- Le régime de Vichy de 1943 à 1944, l'ultra-collaboration : Comme nous l’avons vu plus tôt, le régime de Vichy n’avait pas hésité à collaborer avec le Troisième Reich, au sujet des juifs d’origine étrangère. C’est ainsi que 13 000 d’entre eux avaient été déportés, suite à la rafle du vel d’hiv, en juillet 1942.

Cependant, l’invasion de la zone libre mit fin à la relative protection dont bénéficiaient les Français de confession juive. Les SS[23], s’installant dans les Préfectures françaises de la zone sud, développèrent rapidement leurs activités antisémites.

Alors que la solution finale avait été adoptée en début d’année dernière, de nombreuses rafles furent organisées en 1943 dans l’ancienne zone libre, visant juifs étrangers comme Français de confession juive.

C’est ainsi que Marseille fut la cible d’un gigantesque contrôle de police, en janvier 1943. L’objectif de René Bousquet, chef de la police nationale, mandaté par Heinrich Himmler, était d’arrêter les criminels marseillais, un attentat commis en début d’année ayant coûté la vie à plusieurs soldats allemands.

Epaulé par 12 000 policiers, Bousquet procéda à 40 000 interpellations, arrêtant 2 000 marseillais (dont 800 juifs). Par ailleurs, les Allemands firent sauter 1 500 immeubles du Vieux-Port, après avoir fait évacuer le quartier (les autorités allemandes considéraient que ces rues étroites et sinueuses pouvaient être un danger pour les troupes d’occupation). D'autres arrestations eurent lieu à Lyon, en février (80 déportations) ; à Nîmes et à Avignon, en avril (une centaine de déportations) ; et à Nice, en septembre (1 900 déportations).

A noter que Bousquet, très impliqué dans la collaboration avec l’Allemagne, fut dépassé sur sa droite par la Milice française, une organisation ultra-collaboratrice créée en janvier 1943.

Protestant contre les violences commises par la Milice (exécution de politiques, traques aux réfractaires du STO, arrestations de juifs, etc.), Bousquet décida de démissionner en fin d’année 1943, après avoir détruit ses archives et ordonné la libération de plusieurs prisonniers.

 

La Milice française avait été instaurée en janvier 1943 par le maréchal Pétain, afin de lutter contre la Résistance (alors qualifiée de « terroriste »). Officiellement, le chef de cette organisation paramilitaire était Laval, mais en réalité son commandement fut exercé par Joseph Darnand, fondateur du SOL.

Arborant un gamma stylisé, symbole du bélier[24], la Milice était à la fois un parti, une police (le Deuxième service) et une armée (la Franc-garde).

A son apogée, les effectifs de cette organisation s’élevèrent à 30 000 hommes, pour seulement 10 000 miliciens actifs (la majorité des membres de la Milice étaient des bénévoles, qui ne se réunissaient que ponctuellement).

Affiche de propagande pour la Milice (la légende indique "Contre le communisme, Milice française").

 

Côté allemand, alors que la guerre sur le front est s'enlisait, le Troisième Reich décida, en juillet 1943, de permettre aux volontaires français de s’engager dans la Waffen-SS.

C’est ainsi que fut créée la brigade Frankreich, à la fin juillet 1943. Darnand, marquant un pas en avant dans l’ultra-collaborationnisme, fut alors nommé Obersturmführer[25] de la Waffen-SS, après avoir prêté serment à Adolf Hitler.

C’est à compter de cette date que les cadres de la Waffen-SS s’engagèrent à fournir des armes à la Milice.

Affiche de propagande allemande en faveur de la Waffen-SS (la légende indique "Avec tes camarades européens, sous le signe SS tu vaincras !").

 

Cette dernière, se substituant de plus en plus à la police française, collabora pleinement à la Gestapo, multipliant les arrestations et les exactions contre les populations civiles (meurtres, torture, vols, incendies, etc.).

En fin d’année 1943, la défaite allemande semblait être inéluctable. Mais les Miliciens, plutôt que de faire basse-mine, redoublèrent d’un fanatisme pro-nazi, qui toucha même le régime de Vichy.

 

Ainsi, alors qu'en début d'année 1944, la défaite du Troisième Reich semblait inéluctable, l'Etat français, plutôt que de garder ses distances avec le régime nazi, s’enfonça dans la voie de l’ultra-collaboration.

A noter qu’en fin d’année 1943, Pétain avait été contraint par Berlin de conserver Laval, mais aussi de se débarrasser des derniers pétainistes encore présents au gouvernement (ces derniers furent alors arrêtés par la Gestapo et déportés en Allemagne).

C’est ainsi que Joseph Darnand, chef de la Milice, rentra au gouvernement en tant que secrétaire-général au maintien de l’ordre (décembre 1943), avant d’être nommé secrétaire d’Etat à l’Intérieur en juin 1944.

D’autres ultras furent invités à participer au gouvernement Laval, tels que le milicien Philippe Henriot, animateur à Radio-Paris, et Marcel Déat, leader du Rassemblement national populaire, parti collaborationniste créé en 1941.

Philippe Henriot (à gauche) et Marcel Déat (à droite).

Pétain, outré, refusa de présider les séances de ce nouveau conseil des ministres.

 

Suite à la démission de Bousquet, en décembre 1943, Darnand fut nommé chef de la police nationale. Fort de cette nouvelle autorité, il reçut l’autorisation, en janvier 1944, d’organiser des cours martiales, permettant de juger et de condamner à mort un accusé en l’espace de quelques minutes.

Alors que la Milice multipliait les exactions, la police collabora activement avec la Gestapo, aussi bien dans la traque des populations juives que dans celle des résistants, qui se faisaient de plus en plus nombreux (les arrestations se poursuivirent jusqu’à la fin juillet 1944).

Affiche de propagande vichyste (les résistants sont accusés d'être des marionnettes entre les mains des soviétiques), 1942, Mémorial Leclerc, Paris (la légende indique : "Ils assassinent ! Enveloppés dans les plis de notre drapeau").

 

- La fin du régime de Vichy (été 1944), la Commission gouvernementale de Sigmaringen (septembre 1944 à avril 1945) : Pendant l'été 1944, alors que les alliés avaient débarqué en Normandie, le régime de Vichy se prononça en faveur de la neutralité (malgré les insistances du Troisième Reich pour que la France participe aux combats du côté de l’Allemagne).

Pétain et Laval tentèrent d’ouvrir des négociations avec le général de Gaulle, mais en vain.

 

Ce dernier donna alors naissance au Gouvernement provisoire de la république française, qui s’installa à Bayeux le 14 juin. Y fut promulguée l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental : la république n’ayant jamais cessé d’exister (article I), tous les actes constitutionnels législatifs adoptés depuis le 16 juin 1940 étaient considérés comme nuls et non avenus (article II), au même titre que tous les décrets promulgués par le régime de Vichy (Article III).

Par ailleurs, l’article X annonçait la dissolution des partis de la collaboration, tels que la Légion française des combattants, la Milice, le parti franciste, etc.

 

Côté allemand, afin d’éviter que les membres du régime de Vichy ne tombent entre les mains des résistants, le Troisième Reich décida de transférer Pétain et Laval à Belfort, à la mi-août 1944. Toutefois, si Laval partit pour l’Alsace sans faire d’histoires, le maréchal refusa de quitter Vichy, soucieux de continuer à exercer son autorité. Toutefois, comme les Allemands menacèrent de bombarder la capitale du régime, Pétain se résigna donc à rejoindre Belfort.

Vichy fut libérée quelques jours plus tard par la Résistance.

 

Toutefois, face à la rapide progression des alliés, les deux hommes furent envoyés à Sigmaringen, en Allemagne, à compter du 8 septembre 1944. 

Y fut instauré Commission gouvernementale de Sigmaringen, gouvernement en exil du régime de Vichy. A noter toutefois que Pétain et Laval n’y participèrent pas. Ainsi, Fernand de Brinon (ancien ambassadeur de France à Berlin) en fut nommé président, entouré de Joseph Darnand, secrétaire d’Etat à l’Intérieur, et de Marcel Déat, ministre du travail.

La ville de Sigmaringen.

 

Suite à la Libération, le maréchal Pétain fut interné au fort de Montrouge, dans le Val-de-Marne, puis fut traduit en justice pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi. Condamné à mort le 15 août 1945, la sentence fut toutefois commuée en peine de réclusion à perpétuité.

Laval, quant à lui, ne bénéfica pas du même traitement de faveur, et fut exécuté en octobre 1945. 

 

- Le bilan de la collaboration  : Comme nous avons pu le constater, la « collaboration » correspond à une réalité bien plus complexe qu'un simple mot.

En effet, il est facile aujourd'hui de refaire l'Histoire, après 70 ans de recul. Ainsi, la volonté du maréchal Pétain d'établir des relations avec les Troisième Reich, pouvant permettre à la France de retrouver son statut de grande puissance dans l'Europe nazie de l'après guerre peut sembler logique dans le contexte de l'époque.

En effet, à cette date, la France est vaincue, l'Angleterre semble isolée, et les Etats-Unis ne sont pas encore entrés en guerre. Les perspectives d'une victoire sur l'Allemagne nazie, en juin 1940, semblent dès lors particulièrement éloignées, pour ne pas dire inatteignables.

Cependant, au fil des années, ce projet un peu utopique céda peu à peu sa place à la dure réalité du terrain, ce qui mit un terme à cette volonté d'alliance avec le Troisième Reich, mais aussi à l'espoir de pouvoir signer un traité de paix définitif.

Pétain, qui ne partageait guère les idées antisémites de l'Allemagne nazie, transigea dans un premier temps en faisant arrêter seulement les juifs étrangers ; mais suite au retour de Laval et de l'invasion de la zone sud, les Français de confessions juives, qui avaient été plus ou moins épargnés jusque là, furent eux aussi la cible du régime de Vichy.

Le régime de Vichy, comme nous l'avons vu plus tôt, ne fut pas un régime composé d'un seul bloc, mais au contraire évolua au gré du contexte géopolitique : d'une forme « spontanée », à l'été 1940, à une époque où l'immobilisme présidentiel était considéré comme une des raisons de la défaite ; à un gouvernement de technocrates, en 1941, travaillant bon an mal an, face aux exigences de plus en plus pesantes de l'Allemagne ; avant d'évoluer vers un Etat ultra-collaborationniste, sous la houlette de Laval, alors que pourtant le Troisième Reich était en difficulté face à la montée en puissance des forces alliées.    

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[1] Le Troisième Reich n’eut jamais rien d’officiel car la République de Weimar (officiellement proclamée en août 1919) ne fut jamais abrogée. A noter que l’Empire allemand, ou Deuxième Reich, avait été proclamé à Versailles le 18 janvier 1871. Il faisait implicitement référence au Premier Reich, c'est-à-dire le Saint-Empire romain germanique, qui exista pendant plus de mille ans, de 800 à 1806.

[2] Qui a déjà fait l'objet d'un article, que vous pouvez consulter en cliquant ici.

[3] A noter qu'il s'agissait d'une fonction similaire à celle du premier ministre aujourd'hui.

[4] La Wehrmacht (ce qui signifie « force de défense » en français.) était composée de trois éléments : la Heer (armée de terre), la Luftwaffe (armée de l’air) et la Kriegsmarine (marine militaire).

[5] A noter que Pétain était particulièrement défaitiste. C'est ainsi qu'il avait été démis de ses fonctions de commandant en chef des armées en mars 1918, pendant la Première Guerre mondiale, le président du conseil Georges Clémenceau n'appréciant guère le défaitisme du maréchal

[6] A cette date, Hitler préférait laisser à la France sa souveraineté et son Empire colonial, car la Wehrmacht n’était pas en mesure de conquérir un territoire africain aussi vaste. Par ailleurs, le Führer souhaitait pouvoir s’attaquer au plus tôt à l’URSS, la conquête de l’Empire colonial français n’entrant pas dans ses plans.

[7] Laval était un avocat né en juin 1883. Elu député de la SFIO (Section française de l'internationale ouvrière, parti d'extrême-gauche) en 1914, il perdit toutefois son poste en 1919 en raison de son pacifisme (à noter que Laval, réformé, n’avait pas participé à la Grande guerre.). Il fut toutefois à nouveau élu député lors des élections législatives de 1924, en tant que socialiste indépendant. Laval joua un rôle prépondérant au cours des années 1930, nommé plusieurs fois ministre et deux fois président du conseil.

[8] Ces 80 élus furent considérés plus tard comme les 80 premiers résistants. L’on comptait parmi eux une moitié de socialistes (gauche), une dizaine de radicaux (centre gauche), ainsi qu’une trentaine de députés issus de petites formations politiques.

[9] En pratique, les chambres ne furent jamais convoquées pendant toute la durée de la guerre.  

[10] La francisque était à l’origine une hache de lancer utilisée par les Francs. Elle fut bien plus tard érigée comme symbole de la France, au cours de la Révolution française. A noter toutefois que la « francisque » du régime de Vichy était en réalité une hache à double tranchant, très différente de l'armée médiévale utilisée par les Francs.    

[11] Ce dernier, né en mars 1811, était décédé à Vienne en 1832. Pour en savoir plus sur ce personnage, voir le 6, section III, chapitre troisième, l’épopée napoléonienne ; et le 2, section VI, chapitre premier, la monarchie de Juillet.

[12] Rappelons que si l'AOF (Afrique Occidentale française) était restée fidèle au régime de Vichy, l'AEF (Afrique Equatoriale française) s'était déclarée en faveur de la France libre, un mouvement de résistance fondé par le général Charles de Gaulle en juin 1940.

[13] Darlan, né en août 1881, fut envoyé en Extrême-Orient en 1902, à sa sortie de l’école navale. Bénéficiant de nombreux appuis politiques (son père fut député de 1889 à 1898), Darlan fut nommé amiral en 1939.

[14] Cette loi ne fut pas abrogée à la Libération.

[15] Les Britanniques et les Français de la France libre s'étaient emparés de la Syrie et du Liban en juillet 1941.

[16]  Ce dernier était ministre de l'Air et commandant en chef de la Luftwaffe.

[17] Darnand, né en mars 1897, avait participé à la Première Guerre mondiale. En raison de ses actions d’éclats, il reçut la médaille militaire et la légion d’honneur. Après la guerre, Darnand rejoignit l’Action française (une organisation royaliste), les Croix-de-feu (une association d’anciens résistants), puis La Cagoule (groupe terroriste d’obédience fasciste). Remontant sur le front en 1939, il fut fait prisonnier en juin 1940, mais parvint toutefois à s’échapper. Suite à l’instauration du régime de Vichy, Darnand adhéra à la Légion française des combattants.

[18] Le RSHA (Reichssicherheitshauptamt, ou « office central de la sécurité du Reich ») regroupait la Gestapo (Geheime Staatspolizei en allemand, ou « police secrète d’Etat »), police politique du Troisième Reich ; la Kripo (Kriminalpolizei), politique criminelle ; et le SD (Sicherheitsdienst, ou « service de la sécurité »), service de renseignements.

[19] Le gaz Zyklon, connu depuis le début du XX° siècle, était à l’origine utilisé comme pesticide. Il ne fut pas utilisé lors de la Première Guerre mondiale à cause de sa trop grande volatilité.

[20] Rappelons que la Gestapo était une police politique.

[21] Bousquet, né en mai 1909, fut rapidement initié à la politique par son père, notaire radical-socialiste. Travaillant au sein de différents ministères, il fut nommé sous-préfet à plusieurs reprises au cours des années 1930, puis reçut la charge de préfet de la Marne en 1940.

[22] En effet, l’on estime aujourd'hui que 30 000 de ces travailleurs forcés périrent en Allemagne.

[23] Rappelons que la SS (en allemand Schutzstaffel, ce qui signifie « escadron de protection ») était à l’origine la garde rapprochée d’Hitler. Toutefois, ce corps prit de l’importance au fil des années, devenant une organisation policière, idéologique (création du Lebensborn en 1935, association destinée à assurer le développement de la « race aryenne »), scientifique (création de l’Ahnenerbe en 1935, organisation consacrée à la recherche archéologique et anthropologique), et militaire (création de la Waffen-SS en 1939).

[24] Ou référence discrète au drapeau nazi, formé de quatre gammas ?

[25] Un grade équivalent à celui de lieutenant.

 
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