Faux ! Malgré le fait que la majorité des
personnages du roman soient historiques, n'oublions pas que l'histoire des
trois mousquetaires fut largement romancée par Alexandre Dumas pour les
besoins de son œuvre.
L'ouvrage commence avec l'arrivée de d'Artagnan à Meung (de son vrai
nom Charles de Batz-Castelmore, comte d'Artagnan, né entre 1611 et
1615 dans une famille de petite noblesse.), où il croise les trois
mousquetaires, Athos,
Porthos
et Aramis
(à noter que d'Artagnan est présenté comme le plus jeune des quatre, alors
qu'en réalité il était le plus âgé.). S'en suit une altercation avec deux
émissaires du cardinal de Richelieu, Milady de Winter et le
comte de Rochefort (ces derniers étant des personnages de fiction.).
Affiche du film "Les trois mousquetaires", 1921.
Par la suite, les mousquetaires sont reçus à la Cour, en présence de Louis
XIII. Ce dernier est présenté comme un personnage chaste et pieux (ce qu'il
était réellement.), mais aussi comme un faible se laissant dominer par
Richelieu. Ce dernier, au contraire, est décrit comme un ministre
machiavélique, surpuissant, imposant sa volonté au roi.
Portraits équestres de Louis XIII et d'Anne d'Autriche, par
Juste d'EGMONT, XVII° siècle, château de Versailles, Versailles.
Il convient ici de remettre les choses dans leur contexte. Louis XIII,
malgré ses défauts, n'avait rien d'un souverain faible. Rappelons qu'il
avait fait assassiner en 1617 le favori de sa mère, Concino Concini,
afin de prendre le pouvoir ; en outre, il avait maté les nobles ayant pris
le parti de Marie de Médicis
en 1619 et 1620.
Richelieu, proche de la reine-mère, ne fut autorisé par Louis XIII à
participer au conseil du roi qu'à partir de 1624 (soit un an avant le
début du roman.). Par ailleurs, le souverain se méfia pendant encore
plusieurs années de ce conseiller imposé par sa mère (ce n'est qu'en 1630
que Louis XIII affirma sa volonté de soutenir Richelieu, se dernier ayant
été désavoué par Marie de Médicis, jusqu'alors son seul appui au conseil.).
Le cardinal de Richelieu, par Philippe de CHAMPAIGNE, vers
1639, musée du Louvre, Paris.
Suite à l'entrevue des mousquetaires avec le roi, Dumas nous raconte que la
reine Anne d'Autriche confie une importante mission à d'Artagnan.
Quelques mois auparavant, cette dernière s'étant éprise du duc de
Buckingham, diplomate anglais, elle lui avait offert ses ferrets.
Ferrets que Louis XIII demandait à sa femme de porter lors d'un bal prévu
prochainement.
Portrait de Georges Villiers, duc de Buckingham.
Dans la réalité, cette situation serait non seulement absurde, mais passible
de la peine de mort pour haute trahison. En effet, Anne d'Autriche, l'épouse
de Louis XIII, était tenue à l'écart de la vie politique du pays. Pour la
simple raison que cette dernière était originaire d'Espagne, pays qui
n'entretenait pas de bonnes relations avec la France. En effet, à compter de
1630, Louis XIII et Richelieu décidèrent de s'allier avec les princes
protestants d'Allemagne, afin de briser l'influence espagnole au sein du
Saint Empire romain germanique.
En ce qui concerne l'Angleterre, la situation était identique. Les
mousquetaires, corps d'élite, étaient au service du roi. Travailler de
concert avec une reine espagnole ou un diplomate anglais, en l'occurrence le
duc de Buckingham, était donc inimaginable à l'époque (d'autant plus que ce
dernier attaqua la Bretagne en 1627, au moment même où se déroule dans le
roman la mission de d'Artagnan en Angleterre.).
Enfin, en ce qui concerne les fameux ferrets de la reine, rappelons que rien
de tel n'est attesté historiquement. Il est néanmoins avéré que le duc de
Buckingham, chargé d'escorter la princesse Henriette (sœur de Louis
XIII.) en Angleterre (cette dernière avait épousé Charles I°, fils du
souverain anglais.), s'éprit d'Anne d'Autriche, cette dernière faisait
partie du voyage. Selon les sources, il l'aurait courtisé avec un peu trop
d'insistance au goût de la reine (rien n'indique que cette dernière était
amoureuse de Buckingham.).
D'Artagnan étant rentré d'Angleterre, le roman raconte la participation des
quatre mousquetaires au siège de La Rochelle, bastion protestant refusant de
se soumettre au roi de France (pour l'anecdote, précisons que les "vrais"
mousquetaires, nés entre 1615 et 1620, n'auraient pas pu participer au siège
en raison de leur jeune âge, ce dernier s'étant déroulé entre 1627 et 1628.).
Louis XIII au siège de La Rochelle, école française, XVII°
siècle, musée Carnavalet, Paris.
Suite au siège, Dumas raconte que les quatre mousquetaires surprennent
Richelieu lors d'une entrevue avec Milady de Winter, le cardinal ordonnant à
la jeune femme de tuer Buckingham puis d'Artagnan. Mais cette dernière,
dénoncée par les mousquetaires aux autorités anglaises, fut emprisonnée lors
de son retour à Londres. Néanmoins, elle parvint à séduire un de ses
geôliers, le contraignant à éliminer Buckingham.
En réalité, le duc fut assassiné en septembre 1628 par un Irlandais nommé
John Felton, qui avait participé à l'expédition contre la Bretagne
(l'assassin n'appréciait pas Buckingham, accusant ce dernier d'avoir cassé
son avancement et retenu une partie de son salaire.).
A la fin du roman, Milady de Winter, s'étant échappé d'Angleterre, est
retrouvée par les mousquetaires et exécutée par eux ; rentrant à Paris,
d'Artagnan est promu lieutenant par Richelieu, avec lequel il se réconcilie.
Suite à la parution des Trois mousquetaires en 1844, deux autres romans
relatant leurs aventures furent publiés : Vingt ans après, en 1845, et
Le
vicomte de Bragelonne, en 1847.
Le second roman retrace la période troublée de la Fronde,
suite à la mort de Louis XIII ; le troisième aborde les première années de
règne de Louis XIV.
Par ailleurs, plus d'une centaine de romans, publiés au XIX° siècle,
relatèrent à leur tour les aventures des mousquetaires (réinventant
l'histoire de d'Artagnan ou tentant de combler les périodes creuses entre
les trois livres de Dumas.) ; suivis au XX° et XXI° siècles par de
multiples adaptations au cinéma, au théâtre ou à la télévision, mais aussi
en bande dessinées et en films d'animation.
En raison de l'important succès connu par ces œuvres, les figures
romanesques des quatre mousquetaires, mais aussi celles de Louis XIII et de
Richelieu finirent par s'imposer dans l'inconscient collectif.
D'où cette "légende noire", frappant le roi et son ministre, qui pourtant
eurent une collaboration plus qu'efficace. En effet, bien que la France ne
vit pas ses frontières s'agrandir à cette époque, les deux hommes imposèrent
l'idée d'une monarchie absolue ; affaiblirent les seigneurs les plus
remuants ; et parvinrent à diminuer considérablement la puissance du Saint
Empire romain germanique, principal ennemi de la France à ce moment.