Les Mérovingiens
CHAPITRE DEUXIÈME : Clovis (481
à 511)
II : Clovis
contre le royaume des Romains (486) |
1° Clovis
hissé sur le pavois (481) – La première chose à noter en ce qui concerne
Clovis, c’est que nous ne disposons aujourd’hui d’aucune source
contemporaine à son règne.
Comme nous l’avons évoqué
précédemment, nous ne disposons que d’un seul ouvrage consacré à cette
période, écrit par Saint Grégoire de Tours. Cependant, ce dernier
rédigea l’ Histoire des Francs
pendant la seconde moitié du VI° siècle, soit près de cent ans après la
naissance de Clovis.
Ainsi, de nombreux
historiens considèrent que si le récit de Saint Grégoire reste globalement
fidèle à l’histoire, ce dernier aurait été en partie romancé et simplifié.
Clovis, par
François Louis DEJUINNE, 1839, conservé au Musée National du château et des Trianons
de Versailles.
Clovis, né en 466, fut élevé
sur le pavois suite à la mort de son père, vers 481. Agé d’une quinzaine
d’années, le nouveau roi des Francs Saliens se trouvait à la tête d’une
tribu peu puissante, et divisée de surcroit (comme nous l’avons vu
précédemment, les Mérovingiens partageaient leur royaume à leur mort).
Clovis, installé à Tournai,
avait donc plusieurs parents qui portaient eux aussi le titre de roi des
Francs Saliens, tels que Rignomer, au Mans (?) ; Ragnacaire, à
Cambrai ; Chararic, à Tongres ; Sigebert, à Cologne ; etc.
A noter que ces souverains
étaient vraisemblablement des descendants de Clodion le Chevelu, mais
en l’absence de sources il est impossible de dresser une filiation précise.
2° Clovis
contre Syagrius (486) – A l’âge de vingt ans, Clovis décida de
s’attaquer au royaume des Romains, alors sous le contrôle de Syagrius.
Rappelons que ce dernier
était le fils d’Aegidius, un général romain chargé de maintenir
l’ordre en Gaule, qui avait été coupé de Rome en raison de l’anarchie
ambiante .
A noter que Syagrius, se
considérant comme le représentant en Gaule de l’armée romaine, ne prit
jamais le titre de roi des Romains, mais fut qualifié comme tel par
les peuples avoisinants.
Alors que Syagrius refusait
de reconnaitre Odoacre, roi d’Italie, ce dernier fut confirmé dans
ses possessions par Zénon, l’Empereur d’Orient. Ainsi, à compter de
476, le royaume de Romains devint peu à peu une entité autonome.
Clovis, allié avec son
cousin Ragnacaire, se dirigea vers Soissons au printemps 486, capitale du
royaume des Romains.
Les Francs, faisant face aux
derniers légionnaires de l’armée romaine, s’emparèrent rapidement de Senlis,
Beauvais, Soissons et Paris.
Lors de la bataille de
Soissons, l’armée romaine fut mise en pièces et Syagrius fut contraint
de chercher asile auprès d’Alaric II, roi des Wisigoths.
Contrôlant désormais tout le
nord de la Gaule, et souhaitant mettre la main sur le roi des Romains,
Clovis demanda à Alaric II de lui livrer le fugitif. Le roi des Francs
s’étant montré menaçant, le souverain wisigoth accepta de lui livrer son
prisonnier l’année suivante.
Syagrius, enchaîné de la
tête aux pieds, fut égorgé peu de temps après sur ordre de Clovis.
A noter que Clovis utilisa
par la suite les soldats gallo-romains de Syagrius (qui conservèrent leurs
vieilles enseignes de la légion romaine, leurs règlements, leurs uniformes
romains, etc.), le roi des Francs étant soucieux de conserver la stratégie
et la rigueur des légions romaines.
3° Le vase de
Soissons – C’est suite à cette campagne que se déroula le fameux épisode
du vase de Soissons.
Les Francs, qui lors de la
guerre contre Syagrius, avaient pillé plusieurs édifices religieux du
diocèse de Reims, avaient mis la main sur un vase en argent. Cet objet étant
d’une grande importance pour Rémy, évêque de Reims, il demanda à
Clovis qu’il lui soit restitué. Le roi des Francs, acceptant de rendre le
vase, invita son interlocuteur à le suivre à Soissons, où devait avoir lieu
le partage.
Une fois arrivé à
destination, Clovis s’adressa à son armée, réclamant qu’on lui cède, outre
sa part de butin, le vase en question. Ses hommes, faisant soumission,
n’émirent pas d’objections au vœu de leur souverain, hormis un soldat jaloux
et emporté qui lui rétorqua : Roi ! Tu n’auras que ce que le sort te
réservera vraiment !
Sur ce, il brandit sa
francisque et brisa le vase. Clovis ne dit rien, et remit les restes du vase
à l’évêque.
L’année suivante, lors d’une
revue de ses troupes, il arriva devant le soldat insolent et le sermonna :
Nul autre n’a d’armes aussi mal tenues que les tiennes ! Ta lance, ton
épée, ta hache, rien de tout cela n’est bon !
Se faisant, il jeta les
armes du soldat à terre. Alors que l’homme se penchait pour les ramasser,
Clovis brandit sa francisque, puis lui brisa le crâne en disant : Ainsi
tu fis au vase de Soissons !
Clovis tue le Franc qui avait cassé le vase de Soissons, enluminure issue
des Grandes Chroniques de France, XIV°, Bibliothèque Nationale,
Paris.
Cet épisode, abondement
relaté dans les manuels scolaires de la troisième république, est
aujourd’hui généralement considéré comme un récit mythologique.
Saint Grégoire utilisa peut
être ce récit pour symboliser l’évolution de la monarchie franque, Clovis
abandonnant l’ancien usage franc (qui préconisait un partage du butin au
hasard) pour adopter le droit romain (le butin étant distribué par le
général).
Par ailleurs, l’épisode du
vase de Soissons peut être considéré comme un symbole de transition, le
récit étant intercalé dans une période charnière de la vie de Clovis, ce
dernier abandonnant peu à peu le paganisme en faveur du christianisme.
Clovis tue le Franc qui avait cassé le vase de Soissons,
gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par
François GUIZOT, France, 1875.
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