Les Mérovingiens
CHAPITRE QUATRIÈME : Les fils de
Clotaire
(561 à 613)
II : De la mort de Charibert à la mort de Sigebert (567 à 575) |
1°
Mariage de Sigebert et de Brunehaut (566), nouvelle guerre contre les Avars
(567) – Alors que depuis plusieurs décennies, les Francs avaient quelque
peu cessé d’épouser des femmes originaires des monarchies voisines, Sigebert
décida de se marier à Brunehaut, fille du roi des Wisigoths
Athanagild.
Les noces furent célébrées
en grandes pompes en 566 ; à cette occasion, la jeune reine, arienne ,
fut contraint de se convertir au catholicisme.
L’année suivante, Sigebert
fut confronté une fois encore aux Avars. Ce dernier, à la tête de l’armée
franque, se dirigea vers la Thuringe. Toutefois, l’affrontement tourna au
désavantage des Francs, et Sigebert fut capturé par l’ennemi.
Toutefois, ce dernier fut
rapidement libéré, ayant offert de riches présents aux Avars. Selon
certaines sources, ces derniers demandèrent par la suite à contracter une
alliance militaire avec les Francs
(peut être en vue d’une offensive contre l’Empire byzantin ?).
2° Mariage de
Chilpéric et de Galsuinthe (567) – Suite au mariage de Sigebert,
Chilpéric voulut lui aussi épouser une princesse wisigothique (par jalousie,
selon Grégoire de Tours ; ou peut être par calcul politique, ce souverain
étant en possession du Roussillon, territoire jouxtant celui des Wisigoths).
Chilpéric I°, par
Atala VARCOLLIER, 1837, conservé au Musée National du château et des Trianons de
Versailles.
Envoyant une ambassade
auprès d’Athanagild, Chilpéric lui demanda la main d’une autre de ses
filles. Le roi des Wisigoths et son épouse, Goïswinthe, hésitèrent
pendant plusieurs mois. En effet, non seulement Chilpéric n’avait pas la
réputation de son frère ; en outre, il était déjà marié à Audovère
(les Wisigoths, appliquant le droit romain en matière de mariage, ne
pratiquaient pas la polygamie).
Chilpéric acceptant de céder
en douaire
cinq cités d’Aquitaine (Bordeaux, Limoges, Cahors, Béarn et Bigorre),
Athanagild accepta finalement d’envoyer son aînée, Galsuinthe, à la
Cour de Chilpéric.
Ainsi, cette alliance
permettait au roi des Wisigoths de sécuriser sa frontière nord, à une époque
où le sud de l’Hispanie était occupé par les Byzantins. En outre, si
Chilpéric venait à mourir avant son épouse, cette dernière hériterait d’une
partie de l’Aquitaine.
Le départ de Galsuinthe en Gaule, par Paul Lehugeur,
XIX° siècle.
Galsuinthe ayant renié
l’arianisme, le mariage fut célébré en 567.
3° Mort de
Galsuinthe (568) – Toutefois, les relations entre les deux époux furent
rarement cordiales, Chilpéric regrettant vraisemblablement que Galsuinthe ne
dispose pas des mêmes attributs physiques que sa sœur.
Au bout d’une année de
mariage, le roi des Francs recommença à fréquenter des maîtresses, dont
Frédégonde (qui était peut être une suivante d’Audovère).
Galsuinthe, protestant
contre ces atteintes à son honneur, demanda à retourner dans sa famille,
tout en laissant au roi le douaire qu’il lui avait cédé lors du mariage.
Chilpéric parvint toutefois à convaincre son épouse de rester à sa Cour.
En 568, Athanagild mourut
sans laisser d’héritiers. Le trône d’Hispanie fut cédé à Liuva, frère
(?) du défunt.
Peu de temps après la mort
de son père, Galsuinthe fut retrouvée étranglée dans son lit.
Le meurtre de Galsuinthe, par Paul Lehugeur,
XIX° siècle.
Aujourd’hui encore, nous ne
savons pas qui fut le commanditaire du meurtre. Peut être s’agissait t’il de
Chilpéric, qui n’avait plus à craindre la vengeance d’Athanagild (d’autant
qu’une fois Galsuinthe morte, le roi des Francs récupérait le douaire) ? Ou
bien de Frédégonde, la maîtresse du roi, qui avait hâte de devenir reine ?
Toutefois, si les Wisigoths
ne prirent pas les armes contre Chilpéric, Sigebert lança une
faida
contre son frère, pressé par Brunehaut de venger la mort de la défunte.
Mort de Galsuinthe, enluminure issue des Grandes Chroniques de France, XIV°,
Bibliothèque Nationale, Paris.
4° Première
guerre entre Sigebert et Chilpéric, médiation de Gontran (569) –
Sigebert, bien décidé à déclarer la guerre à Chilpéric, accepta néanmoins la
médiation de Gontran dans le conflit.
C’est ainsi que fut
convoquée à Andelot une grande assemblée d’évêques et de
leudes,
venus de Burgondie et d’Austrasie. Sigebert, exposant sa plainte contre
Chilpéric, demanda à ce que ce dernier soit détrôné.
Cependant, conformément à la
loi salique, l’assemblée préféra soumettre le roi de Neustrie au paiement
d’une indemnité, le Wergeld. Ainsi, le douaire de Galsuinthe (à
savoir les cinq cités d’Aquitaine) devait être remis à Brunehaut, qui à sa
mort le transmettrait à ses enfants.
La décision fut acceptée de
part et d’autre, et les deux frères se quittèrent, en apparence réconciliés.
5° Invasion
des Lombards et des Saxons (568 à 574) – Quelques années après la
médiation de 569, Gontran fut contraint de faire face aux
Lombards
et aux Saxons, qui lancèrent plusieurs offensives contre la Gaule.
a) Première et deuxième
invasion lombarde (568 à 571) : en 568, les Lombards envahirent la
Provence, ancien province ostrogothique. Pillant plusieurs villes sur leur
passage, ils rentrèrent en Italie chargés d’un riche butin.
Trois années plus tard, en
571, les Lombards franchirent à nouveaux les Alpes, se dirigeant vers la
Provence. Ils furent cependant stoppés près d’Embrun par le général
gallo-romain Eunius Mummolus, envoyé par Gontran. Les envahisseurs,
vaincus, furent alors contraints de reculer jusqu’aux Alpes.
L’année suivante, des bandes
de Saxons, qui avaient participé aux invasions lombardes en Italie ,
s’attaquèrent à leur tour à la Provence. Ces derniers, vaincus par Mummolus
près d’Estoublon, furent contraints de céder des prisonniers et des présents
aux troupes franques afin de sécuriser leur retraite.
b) Troisième invasion
lombarde (574) : quelques années plus tard, en 574, trois ducs lombards,
Amo, Rodan et Zaban, lancèrent une nouvelle offensive
contre la Gaule.
Amo attaqua la région
d’Avignon, Rodan mit le siège devant Grenoble, Zaban pilla Valence.
Le général Mummolus, se
portant au secours de Grenoble, parvint à mettre les armées lombardes en
fuite. Rodan, blessé, rejoignit alors Zaban. Les deux hommes, poursuivis par
les Francs, reculèrent jusqu’à Embrun avant de franchir les Alpes.
Le duc Amo, isolé, décida
alors de regagner l’Italie. Toutefois, la saison étant déjà bien avancée, il
perdit beaucoup d’hommes lors de sa retraite en direction de la plaine du
Pô.
Gontran, soucieux de mettre
un terme aux invasions lombardes, fit occuper Aoste et Suse, sur le versant
italien des Alpes.
6° Seconde
guerre entre Sigebert et Chilpéric (572 à 573) – Si la médiation de 569
avait établi que Chilpéric devait payer le Wergeld à Brunehaut (soit les
cinq cités d’Aquitaine offertes en douaire à la défunte), le roi de Neustrie
ne s’était soumis qu’à regret à cette décision de justice.
Chilpéric, qui souhaitait
établir la continuité territoriale de ses Etats, de la Normandie à
l’aquitaine, envoya son fils
Clovis
s’attaquer à Tours et Poitiers (ces cités appartenaient à Sigebert).
Chilpéric, recevant le
soutien du clergé et d’une partie de la population ,
s’installa alors à Bordeaux.
Cependant, Sigebert ne tarda
pas à riposter, s’alliant avec son frère Gontran. Ainsi, les deux hommes
attaquèrent l’Aquitaine, récupérant Tours et Poitiers, puis ils mirent le
siège devant Limoges. Clovis, réfugié à Bordeaux, fut lui aussi contraint
d’abandonner ses positions.
Cependant, Gontran proposa
une fois encore sa médiation dans le conflit, réunissant un concile en
septembre 573. Réunis à Paris, les évêques burgondes tentèrent de mettre en
place un protocole de paix, mais ce dernier n’aboutit pas.
7° Troisième
guerre entre Sigebert et Chilpéric (573 à 574) – Ne reconnaissant pas la
validité du concile de Paris, Chilpéric lança une nouvelle offensive contre
l’Aquitaine, chargeant son fils Théodebert
de s’attaquer à Tours et Poitiers.
Ce dernier, ayant pris les
deux cités, se dirigea alors vers Limoges et Cahors.
Cependant, contrairement à
l’expédition de 572, l’objectif n’était plus de conquérir les territoires de
Sigebert, mais bien de les ravager afin qu’ils soient hors de contrôle de
l’Austrasie.
En l’espace de quelques
mois, Théodebert ravagea l’Aquitaine, s’attaquant aussi aux lieux de culte
et aux clercs.
En raison de son
éloignement, Sigebert ne put contre-attaquer qu’en 574. Mais ce dernier
apprit que son frère Gontran, dont les territoires étaient ravagés par les
Lombards, avait signé un accord de secours mutuel avec Chilpéric (le texte
prévoyait que les troupes austrasiennes ne bénéficieraient pas d’un droit de
passage en Burgondie).
Sigebert, outré, contraignit
alors Gontran à annuler le pacte, puis il fit marcher ses armées en
direction de Paris.
Chilpéric, une fois encore,
décida de faire la paix, cédant au roi d’Austrasie les cinq villes
d’Aquitaine, conformément à la décision de l’assemblée de 569.
Cependant, les auxiliaires
barbares de Sigebert pillèrent les villages aux alentours de Paris, mettant
à sac les terres de Chilpéric.
9° Quatrième
guerre entre Sigebert et Chilpéric, mort de Sigebert (575) – Une fois
encore, Chilpéric revint sur sa parole. Ayant contracté une nouvelle
alliance avec Gontran, le roi de Neustrie lança en 575 une offensive contre
l’Austrasie.
Sigebert, furieux, décida
alors de contre-attaquer, contraignant une fois encore Gontran à dénoncer
son alliance avec la Neustrie.
Au même moment, deux chefs
militaires austrasiens, Gontran Boson et Godégisile, lancèrent
une grande offensive en direction de Paris, où Théodebert se trouvait,
accompagné de troupes en infériorité numérique.
Le fils de Chilpéric,
abandonné par ses soldats, fut alors tué lors par les soldats d’Austrasie.
Sigebert, pénétrant en
Gaule, établit Brunehaut et son fils à Paris. Puis, longeant la seine, il
s’empara de toutes les places jusqu’à Rouen. Chilpéric, coupé de ses
arrières, fut contraint de se réfugier à Tournai, dans le nord de la Gaule.
La cité fut alors assiégée
par les troupes austrasiennes. A la même date, Frédégonde accoucha d’un
fils, qui fut baptisé Samson.
Les aristocrates de
Neustrie, soucieux de sauvegarder leurs titres et leurs possessions,
demandèrent à Sigebert d’être leur roi. Ainsi, en fin d’année 575, le roi
d’Austrasie fut élevé sur le pavois à Vitry-en-Artois, cette cérémonie
consacrant de facto la déchéance de Chilpéric.
Mais le roi d’Austrasie
mourut le jour même, frappé aux flancs par deux esclaves envoyés par la
reine Frédégonde (certaines chroniques évoquent des scramasaxes
empoisonnés).
Assassinat de Sigebert,
enluminure issue des Grandes Chroniques de France, XIV°,
Bibliothèque Nationale, Paris.
Suite à la mort de Sigebert,
le rapport de force s’inversa en l’espace de quelques semaines. Ainsi, les
leudes de Neustrie firent allégeance à Chilpéric ; la reine Brunehaut,
installée à Paris, était désormais entourée d’ennemis.
Chilpéric,
sortant de Tournai, fit ensevelir son frère à Lambres-lez-Douai, dans le
nord de la Gaule (par la suite, le défunt fut transféré à Soissons, aux
côtés de Clotaire I°).
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