CHAPITRE QUATRIÈME : Les fils de Clotaire
(561 à 613)
III : De la mort de Sigebert à la mort de Chilpéric (575 à 584)
1°
Childebert II roi d’Austrasie (noël 575) – A sa mort, Sigebert laissait
pour seul héritier un enfant de cinq ans, Childebert II. Ce dernier,
résidant à Paris aux côtés de sa mère, se trouvait dans une situation
difficile, les leudes de Neustrie ayant préféré se soumettre à Chilpéric.
Ainsi, ce dernier s’empara
du trésor de Sigebert, exilant Brunehaut à Rouen, et ses filles à Meaux.
Cependant, Childebert II échappa à la vigilance de son oncle, étant enlevé
par un leude austrasien, Gundobald, qui, cachant l’enfant dans une
corbeille, le fit proclamer roi à Metz.
2° Aventures
de Mérovée (575 à 577) – Rétabli sur le trône, Chilpéric était désormais
en position de force, sachant que les leudes d’Austrasie n’entreprendraient
rien pendant la minorité de Childebert II.
a) Reconquête de Tours
(575) : ainsi, il commença par s’attaquer à Tours, où résidait Gontran
Boson, meurtrier de Théodebert. Ce dernier parvint toutefois à échapper aux
Neustriens, se réfugiant dans la basilique Saint-Martin-de-Tours.
b) Mariage de Mérovée et
Brunehaut (575) : par la suite, Chilpéric envoya une armée en Aquitaine,
commandée par son fils Mérovée (ce dernier était le second fils qu’il
avait eu avec Audovère).
Ce dernier fut envoyé à
Poitiers, mais il préféra s’arrêter à Tours où il passa les fêtes de Pâques.
Par la suite, Mérovée se dirigea vers Rouen, où il rendit visite à sa mère
(rappelons que cette dernière avait été répudiée suite au mariage de
Chilpéric avec Galsuinthe).
C’est à cette occasion qu’il
rencontra Brunehaut, qui avait été exilée à Rouen suite au décès de son
époux.
Tombant sous le charme de la
jeune femme, Mérovée décida d’épouser la veuve de Sigebert (peut être
voulait t’il aussi se donner une légitimité en tant que futur roi des
Francs, à une époque ou Frédégonde venait d’accoucher d’un fils, Samson).
Cependant, si le mariage
était considéré comme incestueux par l’Eglise (Brunehaut était la tante par
alliance de Mérovée), l’union fut toutefois célébrée par Prétextat,
évêque de Rouen.
Apprenant la nouvelle,
Chilpéric accourut, furieux. Il trouva les deux époux réfugiés dans une
petite église dédiée à Saint Martin, que le roi refusa de violer. Promettant
qu’il ne serait fait aucun mal aux mariés, Mérovée et Brunehaut acceptèrent
de sortit.
Au final, si le mariage ne
fut pas dissous, Mérovée rentra à Soissons avec son père ; tandis que la
veuve de Sigebert, remise en liberté, était contrainte de demeurer à Reims.
c) Déchéance de Mérovée
(576 à 577) : cependant, rentrant à Soissons, Chilpéric apprit que la
ville avait été attaquée, peut être par des troupes sous l’autorité de
Brunehaut.
Ainsi, alors que Clovis
guerroyait en Aquitaine, s’assurant de la domination de la Neustrie sur
cette région, Mérovée fut écarté de la succession, puis tondu et enfermé
dans un monastère du Maine (automne 576). Par ailleurs, Brunehaut et ses
filles furent renvoyées en Austrasie.
Mérovée, parvenant à
s’échapper, rejoignit alors Gontran Boson dans la basilique
Saint-Martin-de-Tours, où il rassembla ses troupes.
Passant par la Burgondie,
Mérovée tenta de rejoindre Brunehaut, mais il fut rejeté par les leudes
austrasiens, qui ne souhaitaient pas déclencher un nouveau conflit avec la
Neustrie.
Le prince se réfugia alors
dans les environs de Reims, où il reçut le soutien d’anciens officiers de
Sigebert.
En 577, Chilpéric convoqua
un concile afin de juger l’évêque Prétextat, qui avait marié Mérovée et
Brunehaut. Ce dernier, accusé d’avoir célébré une union incestueuse et
soutenu un usurpateur, fut condamné à la prison. Saint Grégoire de Tours,
qui avait accueilli le fils du roi dans la basilique Saint Martin, fut un
temps inquiété par ses pairs, mais se réconcilia finalement avec Chilpéric.
En fin d’année 577, Mérovée
fut attiré à Thérouanne, la rumeur affirmant que la ville lui était
favorable. Cependant, apprenant au dernier moment qu’il était attendu par
les hommes de Chilpéric, Mérovée prit peur qu’on ne le fasse mourir à petit
feu, et ordonna donc à un de ses compagnons de le tuer[1].
c) Derniers remous
provoqués par la mort de Mérovée (577) : apprenant la mort de son fils,
Chilpéric fit tuer les compagnons de Mérovée, puis il s’attaqua à Gontran
Boson, toujours réfugié dans la basilique Saint-Martin-de-Tours.
Ce dernier, échappant de
justesse aux Neustriens, se réfugia à Poitiers, ville restée fidèle à
l’Austrasie. Cependant, Chilpéric ayant décidé d’assiéger la ville, Gontran
Boson laissa ses filles dans la basilique Saint Hilaire, rejoignant
l’Austrasie.
C’est à cette date que
Samson, né pendant le siège de Tournai, mourut de maladie.
3° Nouveaux
crimes de Frédégonde – En 580, Clodebert et Dagobert, les
fils de Chilpéric et Frédégonde, tombèrent malades[2].
Afin de conjurer le mauvais
sort, la reine fit brûler des registres d’impôts, considérés comme
maléfiques. Toutefois, souffrant vraisemblablement de la dysenterie, les
deux princes ne tardèrent pas à mourir (Clodebert fut inhumé à Soissons,
Dagobert à Paris).
A cette date, Clovis restait
le seul héritier de la couronne[3],
et ne manqua pas de s’en vanter auprès de sa belle-mère. Cette dernière,
considérant que la mort de ses fils était due à un empoisonnement concocté
par Clovis, elle fit arrêter et torturer ses servantes, leur arrachant de
force des aveux.
Le prince, accusé de haute
trahison, fut alors arrêté et conduit auprès de Frédégonde. Refusant de
s’avouer coupable d’un crime dont il était innocent, Clovis fut finalement
poignardé par des hommes de la reine (plus tard, sa mort fut présentée comme
un suicide auprès de Chilpéric[4]).
Suite à la mort de Clovis,
Frédégonde fit aussi assassiner la mère du défunt, Audovère, qui suite à sa
répudiation avait été placée dans un couvent de Rouen.
Basine, dernier
enfant d’Audovère encore en vie, fut quant à elle violée par des hommes de
Frédégonde, afin qu’elle ne puisse pas se marier (elle fut alors enfermée
dans un monastère de Poitiers).
4°
Rapprochement avec l’Austrasie (581 à 583) – En 581, Gogon,
régent d’Austrasie, mourut. Ce dernier, continuateur de la politique de
Sigebert, était resté hostile à Chilpéric.
En 577, il avait participé
au pacte de Pompierre, accord entre Gontran et Childebert II, faisant
de ce dernier le fils adoptif du roi de Burgondie.
Gontran et Childebert II, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage
Grandes chroniques de France,
XV°siècle, Paris.
a) Childebert II devient
héritier de Chilpéric (581) : toutefois, le nouveau gouvernement fut
dominé par des leudes partisans d’un rapprochement avec la Neustrie.
Rappelons qu’à cette date,
Chilpéric n’avait plus d’héritiers, décédés de maladie ou de mort violente.
Ainsi, de nombreux aristocrates d’Austrasie considéraient qu’une alliance
entre les deux pays permettrait à Childebert II de s’emparer des biens de
son oncle, si ce dernier venait à mourir.
Ainsi, en 581, un accord
négocié par Egidius, l’évêque de Reims, fit de Childebert II le
légataire de l’héritage de Chilpéric.
b) Première guerre contre
la Burgondie (581 à 582) : mais si l’Austrasie était désormais alliée
avec la Neustrie, la Burgondie se retrouvait sur la sellette. Ainsi,
Chilpéric décida de s’attaquer aux possessions burgondes en Aquitaine,
s’emparant de Saintes, Angoulême, Périgueux et Agen.
En 582, Gontran accepta de
signer un traité de paix avec son demi-frère, lui cédant les territoires
conquis.
c) Seconde guerre contre
la Burgondie (583) : suite à la naissance de Théodoric, fils de
Chilpéric et Frédégonde, l’évêque Egidius fut invité à participer au baptême
de l’enfant, consacrant ainsi l’alliance entre la Neustrie et l’Austrasie
(avril 583).
Il fut alors décidé de
lancer une nouvelle offensive contre la Burgondie, cette fois ci dirigée
contre la région Centre.
A l’été 583, les armées de
Chilpéric attaquèrent par le nord, prenant Melun, puis elles se dirigèrent
vers Orléans. Les leudes austrasiens, menés par Egidius, attaquèrent depuis
Reims (avec du retard, l’alliance étant désormais jugée inutile, car
Childebert II n’était plus héritier de son oncle).
Des troupes venues de
Toulouse, venues en renfort, sortirent victorieuses d’un affrontement contre
l’armée burgonde, puis mirent le siège devant Bourges.
Toutefois, la guerre contre
la Burgondie tourna court car Gontran remporta une large victoire, parvenant
à battre l’armée de Chilpéric non loin d’Orléans.
Le roi de Neustrie, à la
tête de troupes très affaiblies, fut alors contraint de reculer, abandonnant
ses prisonniers et son butin. Les troupes toulousaines furent quant à elles
obligées d’abandonner le siège de Bourges, mais ne manquèrent pas de piller
les régions traversées lors du chemin du retour.
En fin d’année, Childebert
II décida de mettre un terme à son alliance avec Chilpéric, se tournant vers
la Burgondie. C’est ainsi que furent remis en vigueur les accords de
Pompierre.
5° Guerre
contre les Lombards (584) – En 583, Childebert II reçut 50 000 sous d’or
de la part de Tibère II[5],
l’Empereur byzantin, ce dernier souhaitant que les Francs lancent une
offensive contre les Lombard.
L’année suivante, les Francs
traversèrent les Alpes, ravageant la plaine du Pô. Les Lombards, assiégés
dans leurs cités, décidèrent alors d’offrir de riches présents à Childebert
II.
Ce dernier, ayant reçu un
confortable butin, décida alors de rentrer en Gaule, au grand désarroi de
Tibère II.
Le roi d’Austrasie mena
plusieurs expéditions contre les Lombards jusqu’en 590, mais ces dernières
ne furent pas couronnées de succès.
6° La fin de
règne de Chilpéric (584) – En début d’année 584, Théoderic mourut à son
tour, faisant à nouveau de Chilpéric un souverain sans héritiers. Ce dernier
s’installa alors à Cambrai, cité dont il fit renforcer les murailles,
craignant une attaque coordonnée par l’Austrasie et la Burgondie.
a) La naissance de
Clotaire II (printemps 584) : mais, au printemps 584, Frédégonde
accoucha d’un nouveau fils, baptisé Clotaire. La reine, craignant que
ses fils n’aient été empoisonnés, préféra élever son fils en secret, dans la
résidence royale de Vitry.
Rassuré par la naissance
d’un héritier, Chilpéric revint s’installer à Paris.
b) La mort de Chilpéric
(septembre 584) : à la fin du mois de septembre 584, alors qu’il
rentrait d’une partie de chasse dans sa métairie de Chelles, près de Paris,
le roi fut poignardé sous l’aisselle puis au ventre.
Une fois le roi mort,
l’assassin parvint à s’enfuir et ne fut pas retrouvé.
Le défunt fut alors inhumé à
Paris, dans la basilique Sainte-Croix[6].
Aujourd’hui encore, l’on ne
sait guère qui fut l’instigateur du meurtre. S’agissait-il de Gontran,
soucieux de mettre un terme aux incursions de son frère en Burgondie (alors
qu’il tenta à plusieurs reprises d’établir un équilibre entre les trois
royaumes francs) ? Brunehaut, souhaitant se venger de la mort de Sigebert
(soit près de dix ans après les faits) ? Ou bien Frédégonde, accusée par
certains chroniqueurs d’entretenir une liaison avec le maire du palais[7] ?
A noter que Chilpéric, guère
aimé par les siens (il augmenta considérablement les impôts), aurait très
bien pu être tué par un de ses sujets.
c) L’insurrection de
Gondovald (584 à 585) : en décembre 584, un dénommé Gondovald
tenta de soulever le Languedoc et la Provence, se présentant comme un bâtard
de Clotaire I°.
Se faisant proclamer roi à
Brive, il progressa jusqu’à Angoulême et Bordeaux.
Au printemps 585, Childebert
envoya des troupes dans la région afin de mater l’usurpateur. Ce dernier, se
réfugiant à Saint-Bertrand-de-Comminges, fut alors trahi par ses troupes,
qui le livrèrent aux Francs. Gondovald fut alors mis à mort.
[1]
Mérovée se serait suicidé, officiellement. Mais il y à de grandes
chances que ce fut la reine Frédégonde qui ordonna sa mise à mort,
le suicide étant à cette époque fortement réprouvé par l’Eglise.
[2] Clodebert,
né vers 565, était l’aîné du couple. Dagobert, né en 580, était par
contre le cadet de Samson, décédé en 577.
[3] Ses frères
Théodebert et Mérovée étaient morts ; les fils de Frédégonde,
Clodebert, Samson et Dagobert étaient eux aussi décédés.
[4] Selon certaines
chroniques, le cadavre du malheureux, jeté dans la Marne, aurait été
récupéré par un pécheur. Suite à la mort de Chilpéric, Gontran donna
à son neveu une sépulture honorable à Saint-Germain-des-Près.
[5] Pour en
savoir plus sur le règne de ce souverain, voir le 2, section II,
chapitre deuxième, l’Empire byzantin.
[7] A l’époque,
le maire du palais était chargé d’administrer la résidence royale.
Cette théorie, présentée par le livre de l’histoire des francs
ne repose toutefois sur aucune preuve historique.