I :
La
Gaule, de la conquête romaine aux invasions barbares
1° La romanisation de la Gaule (I° siècle avant
Jésus-Christ au III° siècle après Jésus-Christ) – Suite à la conquête de
la Gaule par les légions de Jules César[1],
au cours du I° siècle avant Jésus-Christ, le pays avait été romanisé en
l’espace de quelques décennies.
Au
premier siècle avant notre ère, le peuple gaulois ne formait pas un ensemble
compact, étant divisé en une soixantaine de tribus parfois rivales.
Toutefois, les Gaulois, longtemps présenté comme un peuple barbare[2],
étaient néanmoins dotés d’un savoir faire avancé[3]
(invention du savon, du tonneau, maîtrise de la métallurgie et de la
production agricole).
Afin de présenter les Gaulois non comme un peuple conquis mais comme un
peuple allié, les Romains décidèrent de faire participer les élites
gauloises à la vie politique de la cité ; de nombreux Gaulois reçurent la
citoyenneté romaine[4] ;
enfin, l’Empereur Claude[5]
fit entrer des Gaulois au sein du Sénat.
Suite à la conquête de la Gaule, les anciens
oppidums[6]
perdirent de leur importance, cédant leur place aux villes gauloises. Ces
dernières, se développant autour du forum, centre économique de la
cité, bénéficièrent considérablement du riche savoir-faire romain (plan
urbain orthogonal, construction de thermes, théâtres, cirques, temples,
aqueducs etc.). Les campagnes, quant à elle, répercutèrent ce changement, se
réorganisant autour de ces nouvelles cités gallo-romaines.
En
outre, afin d’améliorer les déplacements inter-urbains, les Romains
construisirent près de 100 000 kilomètres de route en l’espace de plusieurs
décennies (à noter que ces derniers réaménagèrent souvent d’anciennes
routes gauloises).
D’un point de vue administratif, la Gaule fut divisée en quatre provinces :
Gaule Narbonnaise, au sud (il s’agissait de la première région
gauloise conquise par Rome, en 120 avant Jésus-Christ) ; Gaule Aquitaine,
Gaule Lyonnaise, et Gaule Belgique.
Aux côté des cités anciennes comme Massilia et Arelate(aujourd’hui Marseille et Arles, fondées au VI° siècle avant
Jésus-Christ), de nombreuses villes firent leur apparition, telles que
Lutèce (Paris), Durocortorum
(Reims, capitale de la Gaule Belgique), Lugdunum (Lyon, capitale de la Gaule
Lyonnaise), Burdigala (Bordeaux, capitale de la Gaule Aquitaine),
Augustodunum (ce qui signifie « forteresse d’Auguste », aujourd’hui Autun),
etc.
Ces villes, importants centres sociaux-économiques mais aussi foyers de
culture, furent appelées à jouer un rôle important au cours des siècles qui
suivirent.
2° Les premières invasions barbares (III° siècle au IV°
siècle après Jésus-Christ) – Si quelques révoltes de moindre importance
éclatèrent en Gaule lors du premier siècle de notre ère, le pays bénéficia
de la pax romana pendant une très longue période.
a)
L’érection du limes, la fin des conquêtes romaines (début du II° siècle) :
toutefois, si Rome avait multiplié les conquêtes en l’espace de quelques
siècles, dominant une vaste zone s’étendant sur tout le pourtour de la
Méditerranée, l’Empereur Hadrien[7]décida de mettre un terme à
l’expansionnisme romain à compter de 117 après Jésus-Christ.
Ce
dernier, soucieux d’assurer l’intégrité des frontières, fit ériger le
limes, un ensemble de fortifications et de retranchements, s’étendant du
Rhin au Danube.
Mais si cette politique semblait avantageuse sur le court terme (permettant
une réduction des budgets militaires), elle s’avéra désastreuse à long
terme. Ainsi, les successeurs d’Hadrien ne tardèrent pas à faire face à de
nouvelles offensives opérées par les peuples barbares, ces derniers ayant
été épargnés pendant plusieurs décennies par les légions romaines.
b)
L’anarchie militaire du III° siècle (235 à 268) : en outre, l’Empire
romain connut une importante crise politique au cours du III° siècle de
notre ère, qui se solda sur une guerre civile qui dura trente années[8].
En
259, un usurpateur, le général Postume[9],
fut nommé Empereur par ses légions. Ce dernier, profitant de l’anarchie
ambiante, donna naissance à l’Empire des Gaules, réunissant les
différentes provinces de Gaule (à l’exception d’une partie de na
Narbonnaise) et l’Hispanie (actuelle Espagne).
Postume, parfaitement romanisé, imitant les Empereurs romains (frappe de
monnaie en latin, création d’un sénat, nominations de consuls, etc.),
parvint à maintenir les barbares hors des frontières.
Mais en 270, à une époque ou la guerre civile touchait à son terme,
Claude II le Gothique[10],
l’Empereur légitime, décida de mettre un terme à l’Empire des Gaules. En
270, il assiégea Augustodunum, qui fut prise et pillée par
les légions romaines (Tetricus, successeur de Postumus, fit reddition
en 274).
c)
L’apparition des Francs (vers 260) : à cette date, si la période
d’anarchie militaire était achevée, Rome restait très marquée par la guerre
civile. En effet, non seulement la lutte pour la couronne impériale
continuait, mais en outre l’Empire romain était frappé d’une importante
crise économique.
Les Francs, un peuple originaire de Germanie, avaient profité de
l’anarchie militaire pour lancer une série de raids maritimes contre la
Bretagne, les rives de la Loire, et les vallées de la Seine. Repoussés
pendant un temps par Postume, ils s’installèrent en Batavie et en Toxandrie[11]
à compter de 280.
A
noter que les Francs ne formaient pas un peuple uni, mais plutôt une ligue à
laquelle plusieurs tribus de Germanie décidèrent de participer : Chamaves,
Chattuaires, Bructères, Saliens (plus tard rejoints par
les Tongres, les Teuctères, les Ampsivariens et les
Ubiens).
Toutefois, plusieurs interprétations sont à valoir en ce qui concerne
l’origine du mot « franc. » Ainsi, certains historiens pensent qu’il serait
issu du vieux germain franko, ce qui signifie « lance » ou
« javelot », cette arme devenant le symbole de la ligue franque ; d’autre
émettent l’hypothèse qu’il proviendrait du mot frakaz, ce qui en
vieux germain signifie « hardi » ou « audacieux. »
d)
Les Francs au service de l’Empire (IV° siècle) : en 287, le
co-Empereur Maximien[12]décida de s’attaquer aux Francs, afin
de reprendre le contrôle des embouchures de la Meuse, de l’Escaut et du Rhin
(qui étaient d’importantes voies fluviales).
Gennobaud, chef des Francs, décida alors d’entamer des pourparlers
avec Maximien[13].
Ce dernier accepta alors la soumission de Gennobaud, conférant aux Francs un
statut de Lètes[14],
ces derniers recevant l’autorisation de s’installer en Toxandrie, derrière
les rives du Rhin.
Malgré quelques escarmouches livrées contre l’Empire romain, les Francs
restèrent relativement fidèles à Rome, contrairement à d’autres tribus
germaniques bien plus remuantes.
A
compter du IV° siècle, à une époque où de nombreux citoyens romains
refusaient d’effectuer leur service militaire[15],
les Empereurs romains furent contraints de faire appel à des auxiliaires
germains, dont plusieurs chefs francs.
Ces derniers, occupant des postes de généraux,
consuls[16]
ou magister militum[17],
la réussite des Francs fit de nombreux jaloux, à Rome comme en Gaule, de
nombreux citoyens romains n’appréciant guère la montée en puissance de cette
tribu.
A
cette date, les Francs étaient divisés en deux principaux clans : les Francs
Saliens[18],
en Toxandrie, et les Francs Ripuaires (ou Rhénans), établis
sur les bords du Rhin. Cependant, si l’Empereur
Julien[19]accorda aux Francs Saliens le statut de
fédérés[20],
en 358, les Francs Ripuaires restaient hostiles à la domination romaine.
Les Francs au III° siècle.
3° La chute de l’Empire romain (V° siècle après Jésus-Christ)
– Le début du V° siècle fut marqué par la rapide progression des Huns,
un peuple originaire d’Asie.
a)
L’époque des grandes invasions : ce peuple, réputé pour sa
sauvagerie, emplit d’effroi de nombreuses tribus germaines (Vandales,
Wisigoth, Burgondes, Suèves, Alains, etc.), qui,
fuyant devant les nouveaux envahisseurs, traversèrent le Rhin en toute
précipitation.
En
406, alors que les Saliens protégeaient tant bien que mal les provinces de
Gaule Belgique et de Germanie, les Francs Ripuaires pillèrent Augusta
Treverorum (aujourd’hui Trèves, en Allemagne), cité possédant à cette date
un statut de quasi-capitale.
A
cette date, l’Empire romain était en pleine décadence, l’Empereur
Théodose ayant décidé à sa mort, en 395, de diviser son héritage en deux
entités : pour son aîné, Arcadius, l’Empire romain d’orient
(composé de la Grèce, de l’actuelle Turquie, du Proche-Orient et de
l’Egypte) ; pour son cadet, Honorius, l’Empire romain d’occident
(Italie, Gaule, Bretagne, Hispanie, actuel Maghreb).
Ainsi, alors que la situation avait été à peu près bien maîtrisée jusqu’à
cette date, non seulement les invasions continuèrent, mais en outre, Orient
et Occident cessèrent de s’aider mutuellement, allant même jusqu'à
s’attaquer par tribus barbares interposées…
b)
Nouvelles conquêtes des Francs : profitant de l’anarchie ambiante et
de la déliquescence de l’Empire romain (à noter que Rome fut prise par les
Wisigoths en 410), les Francs Saliens, sous la conduite de Clodion le
Chevelu, franchirent le Rhin en 428 et progressèrent vers le sud, en
direction de Tournai et Cambrai.
Clodion le Chevelu, par Paul Lehugeur,
XIX° siècle.
Toutefois, le général romain Aetius, qui avait déjà repoussé les
Francs Ripuaires sur les rives du Rhin, parvint à battre les Francs Saliens
en 431.
Toutefois, si Clodion n’était pas en mesure de négocier, Aetius n’avait pas
les moyens d’occuper la région où s’étaient installés les Francs. Ainsi, il
consentit à renouveler leur statut de fédéré, leur accordant le droit de
s’installer à Tournai.
Expansion des Francs vers
l'an 460.
c)
Aetius, le dernier des Romains : par la suite, Aetius lutta contre
les Burgondes et les vainquit, leur accordant néanmoins le statut de fédérés
et leur permettant de s’installer dans la région du Jura. Les Francs
Ripuaires, isolés depuis la migration de leurs cousins saliens, décidèrent
alors de s’allier avec les Burgondes.
En
451, alors que Rome avait perdu le contrôle de l’Afrique (tombée entre les
mains des Vandales), de la Bretagne (devenue indépendante), de l’Aquitaine
et de l’Hispanie (régions conquises par les Suèves et les Wisigoths), Aetius
parvint néanmoins à stopper la progression des Huns, grâce à une coalition
regroupant plusieurs tribus germaniques (Francs, Alains, Burgondes,
Wisigoths, etc.).
La
bataille des champs catalauniques fut un succès pour Aetius et ses
alliés, mais l’Empire romain était bien trop endommagé pour pouvoir tirer
profit de cette victoire (à noter qu’Aetius fut assassiné par l’Empereur
Valentinien III en 454, jaloux de son succès).
En
septembre 476, Romulus Augustule[21],
le dernier Empereur romain, fut déposé dans l’indifférence quasi-générale,
de nombreuses provinces de l’Empire ayant cessé de reconnaitre depuis une
vingtaine d’années les derniers occupants du trône impérial.
[1]
De son vrai nom Caius Julius Caesar, né le 13 juillet 101 ou
100 avant Jésus-Christ. Il conquit la Gaule en 51 avant notre ère,
après plusieurs années de conflits. Tentant peu de temps après de
s’emparer du pouvoir à Rome, il combattit les légions romaines
fidèles à la république, qu’il vainquit au cours de la bataille
de Munda, en 45 avant Jésus-Christ. Toutefois, sa victoire fut
de courte durée, car il fut assassiné par Marcus Junius Brutus,
son fils adoptif, le 15 mars 44 avant notre ère. Pour en savoir plus
à ce sujet,
cliquez ici.
[2]
Chez les Gaulois, seuls les druides pouvaient enseigner leurs
connaissances. Cependant, ces derniers ayant proscris l’usage de
l’écriture, nous n’avons que peu d’informations sur la civilisation
gauloise.
[3]
Voire plus avancé que Rome dans certains domaines. En effet, les
Romains ne connaissaient pas l’usage du savon, utilisant des
cristaux de soude pour se laver.
[4]
La citoyenneté romaine, garantie aux citoyens de Rome, pouvait être
accordée à des peuples issus de pays conquis, lorsque ces derniers
faisaient preuve d’une romanisation avancée (maîtrise du latin,
adoption des coutumes romaines, etc.). La citoyenneté garantissait
un certains nombres de droits (droit de vote, droit de s’engager
dans l’armée, droit de propriété, droit de mariage, etc.), mais
aussi de devoirs (devoir de payer ses impôts, devoir d’être recensé,
etc.). En 212, l’Empereur Caracalla accorda la citoyenneté à tous
les peuples de l’Empire romain (cliquez
ici pour en savoir plus).
[5]
De son vrai nom Tiberius Claudius Drusus, né en 10 avant
Jésus Christ, à Lugdunum (actuelle Lyon). Montant sur le trône en 41
après Jésus-Christ, il fut le premier Empereur romain à naître en
dehors de Rome.
[6]
Les oppidums, forteresses gauloises, faisaient office de centre
commerciaux. Chaque tribu en possédait un, généralement placé sur
une route commerciale ou près d’un site riche en matières
premières), de taille plus ou moins importante.
[7]
De son vrai nom Publius Aelius Hadrianus, il naquit en
janvier 76 à Italica, en Bétique (dans l’actuelle Andalousie.).
Adopté en 116 par son prédécesseur, l’Empereur Trajan, il monta sur
le trône suite à la mort de ce dernier, en 117. Pour en savoir plus
à ce sujet,
cliquez ici.
[8]
Pour en savoir plus sur cette période troublée,
cliquez ici.
[9]
De son vrai nom Marcus
Cassianus Latinius Postumus,
il naquit en Gaule au sein d’une famille parfaitement romanisée.
[10]
De son vrai nom Marcus Aurelius Claudius. L’on ne sait rien
sur sa vie avant sa montée sur le trône.
[11]
Il s’agit de régions correspondant aux Pays-Bas actuels.
[12]
De son vrai nom Maximianus. Il s’agissait d’un général
originaire de Pannonie (région correspondant à peu près à l’actuelle
Hongrie), qui avait été associé au pouvoir par l’Empereur
Dioclétien en 286.
[13]
A noter que Gennobaud est le plus ancien chef franc connu.
[14]
Les Lètes, étaient des barbares soumis par Rome, chargés de cultiver
les terres situées aux frontières de l’Empire. Bien que pouvant
prétendre à la citoyenneté romaine, les Lètes n’étaient guère
romanisés, et conservèrent souvent leur culture germanique.
[15]
Un phénomène peut être lié au développement du christianisme, qui
condamnait le métier des armes.
[16]
Chaque année, deux consuls étaient élus par le peuple romain. Ces
derniers, disposant de pouvoirs civils et militaires, commandaient
les armées. A noter que cette charge tomba en désuétude après la
disparition de la république, l’Empereur s’arrogeant tous les
pouvoirs.
[17]
La traduction littérale de magister militum est « maître de
la milice ». En pratique, il s’agissait d’une charge similaire à
celle d’un chef d’Etat major.
[18]
L’origine du terme « salien » est aujourd’hui inconnue, les
historiens ne pouvant émettre que des hypothèses. Peut être
existe-t-il un rapport avec le sel marin des Pays-Bas, région alors
occupée par les Francs.
[19]
De son vrai nom Claudius Flavius Iulianus,
né en 331 au sein de la famille des Constantiniens. Elevé dans la
religion chrétienne, il resta toutefois fidèle au paganisme, ce qui
lui valut le surnom d’apostat (ce qui signifie « qui renie sa
foi »). A noter qu’il fit de Lutèce (Paris) sa capitale.
[20]
Le foedus permettait aux signataires de conserver ses propres
lois et ses propres dirigeants ; les fédérés n’étaient pas soumis à
l’impôt de Rome ; enfin, Rome pouvait faire appel à des soldats
fédérés, cependant, ces derniers conservaient leurs armes et leur
hiérarchie militaire.