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Les origines nébuleuses des Mérovingiens –Nous avons vu précédemment que
les Francs Saliens, sous la direction de Clodion le Chevelu, s’étaient
installés dans la région de Tournai à compter de l’an 428. A sa mort, vers
450, il céda la couronne à son fils, Mérovée, qui donna son nom à la
dynastie des Mérovingiens.
Ce dernier donna naissance à
Childéric I°, qui à son tour enfanta Clovis I°.
Toutefois, si la descendance
de Clodion n’est pas sujette à controverse (même si Mérovée est parfois
considéré comme un personnage imaginaire), son ascendance est plus difficile
à établir.
Ainsi, l’on peut établir
deux arbres généalogiques des premiers Mérovingiens, l’une légendaire,
l’autre historique.
A noter qu’il n’existe que
peu de sources contemporaines relatant l’histoire des Francs : Histoire
des Francs,
par Saint Grégoire de Tours (rédigé entre 575 et 595) ; La
chronique de Frédégaire,
reprenant les travaux de Saint Grégoire, et poursuivant l’histoire des
Mérovingiens jusqu’en 660 ; ainsi que le Livre de l’histoire des Francs,
rédigé par un auteur inconnu, reprenant une fois encore les écrits de Saint
Grégoire, et poursuivant l’histoire des Mérovingiens jusqu’en 727.
a) Arbre généalogique
légendaire des premiers Mérovingiens : selon une source apocryphe du VI°
siècle, Clodion serait le fils de Pharamond (ou Faramond),
dont le nom signifie « protecteur de la tribu. »
Pharamon porté sur le pavois par les
guerriers francs, par Pierre Henri REVOIL, 1845, conservé au Musée
National du château et des Trianons de Versailles.
Ce personnage mythologique
serait le fils de Marcomir, roi des Francs Ripuaires à la fin du IV°
siècle.
Marcomir,
quant à lui, serait un descendant de Francion, neveu d’Enée,
qui voyagea jusqu’au Danube suite à la chute de Troie,
y fondant la cité de Sicambrie (dans un récit postérieur, les Troyens
quittèrent Sicambrie et fondèrent Lutèce).
La légende des origines
troyennes des Francs eut un succès retentissant, n’étant démentie qu’à
compter du XV° siècle. En effet, non seulement cette dernière donnait aux
Francs et aux gallo-romains une origine commune ; en outre, elle faisait
d’eux les héritiers d’un passé prestigieux. Après Rome, fondée par les
descendants d’Enée, arrivait Lutèce (Paris), fondée par les descendants de
Francion.
Pendant les croisades, entre
le XI° et le XIII° siècle, le mythe des origines troyennes fut utilisé pour
justifier l’hostilité existant entre Francs et Grecs, descendants des
destructeurs de Troie.
A noter que certains
historiens avancent l’hypothèse selon laquelle les scribes du haut Moyen-âge
auraient confondue la légendaire Troie avec Colonia Ulpia Traiana (surnommée
Troia),
occupée par les Francs Ripuaires à compter du V° siècle.
b) Arbre généalogique
historique des premiers Mérovingiens : si l’arbre généalogique
légendaire des premiers Mérovingiens, comme son nom l’indique, relève du
mythe, leur arbre généalogique historique n’est pas non plus exempt de
reproches.
Ainsi, si les personnages le
composant semblent posséder un caractère historique, le manque cruel de
sources ne nous permet que d’émettre des hypothèses sur l’ascendance de
Clodion le Chevelu.
Ce dernier serait donc le
fils de Théodemir, roi des Francs (peut être des Ripuaires et non des
Saliens), qui fut assassiné par les troupes de l’Empereur Honorius vers 420
(ce dernier n’appréciant pas que le Franc ait apporté son soutien à des
usurpateurs).
Cependant, si les sources
mentionnent que Clodion régna après Théodemir, l’on ne sait pas exactement
s’il existait un lien de parenté entre les deux hommes, ni s’il y eut une
période d’interrègne.
Théodemir, quant à lui,
était le fils de Richomer, qui fut général au service de Rome,
magister militum, puis consul en 384.
Ce dernier serait l’enfant
de Teutomer, qui combattit aux côté de l’Empereur julien. Toutefois,
cette ascendance reste sujette à caution, car l’on ne sait pas de quelle
tribu Teutomer était originaire.
2° Le règne
de Mérovée (450 à 457) – De Mérovée, qui régna entre 450 et 457, nous ne
savons que peu de choses, d’autant que ce personnage est parfois considéré
comme mythologique.
Selon certaines sources, il
aurait vécu à Tournai, où s’était installé Clodion, participant à la
bataille des champs catalauniques en 451. Certains historiens pensent que
c’est le retentissement de cette importante victoire qui conféra à Mérovée
son statut de souverain légendaire, étant parvenu, aux côtés de ses
guerriers, à repousser l’invasion des Huns.
Mérovée, par Paul Lehugeur,
XIX° siècle.
3° Le règne
de Childéric I° (457 à 481) – Childéric, qui était un coureur de jupon,
fut détrôné par ses hommes et contraint de se réfugier en Thuringe, à la
Cour du roi Basin.
Toutefois, ce dernier ne
tarda guère à séduire la femme de son hôte, Basine, qu’il ramena avec
lui à Tournai, suite à huit années d’exil. Peu de temps, en 466, naquit le
premier enfant du couple, Clovis (ou Chlodowig).
Mais si le règne de
Childéric fut obscurci par celui de son fils, il convient de préciser que ce
souverain participa à plusieurs évènements de grande importance.
Childéric et ses hommes, par Grzegorz Rosinski, musée d'Art et
d'Histoire, Bruxelles.
a) Les évènements en
Gaule pendant l’exil de Childéric (457 à 464) : comme nous l’avons
évoqué précédemment, les vingt dernières années d’existence de l’Empire
romain se déroulèrent dans un véritable climat d’anarchie, et de nombreuses
provinces refusèrent de reconnaitre les derniers occupants du trône
impérial.
En 456, suite au sac de Rome
organisé l’année précédente par les Vandales du roi Genséric,
le général Ricimer fut nommé patrice
par l’Empereur d’Orient. Ce dernier était un Suève, mais descendait aussi
des Wisigoths par sa mère.
Homme fort du régime,
Ricimer déposa l’Empereur Avitus, d’origine gauloise, puis soutint la
candidature de Majorien, magister militum, qui fut proclamé
par ses troupes au printemps 457.
Toutefois, les Gaulois, les
Burgondes et les Wisigoths, anciens alliés d’Avitus, refusèrent de
reconnaitre le nouvel Empereur. Majorien envoya alors en Gaule le général
Aegidius, le nommant magister militum dans cette province.
Soutenu par les Francs,
Aegidius força avec succès les insurgés à reconnaître Majorien comme
Empereur.
Cependant, la victoire d’Aegidius
fut de courte durée, car Ricimer fit assassiner Majorien à l’été 461, ce
dernier ayant tenté une offensive ratée contre les Vandales d’Afrique.
Le défunt fut remplacé par
Sévère III, que de nombreuses provinces de l’Empire refusèrent de
reconnaitre. Aegidius, coupé désormais de l’Italie (les Burgondes s’étaient
emparés de Lugdunum), fut contraint d’organiser une enclave gallo-romaine au
nord de la Gaule.
b) Les évènement en Gaule
pendant le règne de Childéric (464 à 470) : à sa mort, en 464, Aegidius
transmit son autorité à son fils, Syagrius. Ce dernier fut qualifié
de roi des romains par les Francs, les Wisigoths et les Burgondes,
bien qu’il n’adopta jamais ce titre.
Childéric, de son côté,
assiégea Lutèce en 465, établissant un blocus de la ville qui dura dix ans
; puis, en 469, il combattit les pirates Saxons installés sur les
rives de la Loire aux côtés du comte Paul (ce dernier était
vraisemblablement un lieutenant de Syagrius). Cependant, Paul mourut lors du
siège d’Angers, dont Childéric s’empara en 470.
Toutefois, le roi des Francs
fut contraint de faire face à la menace des Wisigoths (dont le territoire
s’étendait d’Hispanie à la Loire), qui s’emparèrent de Tours.
c) Les dernières années
de règne de Childéric (470 à 481) : à la mort de Ricimer, ce fut son
neveu Gondebaud, roi des Burgondes, qui fut nommé patrice.
Ce dernier, ne pouvant s’assoir sur le trône, décida, en mars 473, de
proclamer Empereur le dénommé Glycérius (sans doute un des anciens
serviteurs de Gondebaud.).
Ce souverain, qui ne fut
qu’une marionnette entre les mains du prince burgonde, ne fut pas reconnu
par Zénon, l’Empereur d’Orient. Ainsi, ce dernier conféra le titre
d’Empereur d’Occident à Julius Nepos, un de ses proches, qui débarqua
en Italie en 474 à la tête d’une petite armée.
Déposant Glycérius et
exilant Gondebaud, le nouveau venu ne fut qu’un piètre souverain, qui fut
contraint de céder l’Auvergne aux Wisigoths. En 480, le général Flavius
Oreste, outré par la politique de Julius Nepos, assassina l’Empereur,
asseyant son fils Romulus Augustule sur le trône romain.
Cependant, Oreste et son
fils furent rapidement confrontés aux Hérules, qui envahirent la
plaine du Pô à l’été 476, sous la direction de leur chef Odoacre.
Vaincu, Oreste fut assassiné
à Pavie, et son fils fut déposé. Odoacre envoya alors les insignes impériaux
à Zénon, en gage de soumission. Ce dernier les accepta et nomma Odoacre roi
d’Italie.
Si la déposition du dernier
Empereur romain, se fit dans l’indifférence quasi-générale, pour les Francs
elle entrainait une remise en question de leur statut de fédéré. Si le
foedus avait été respecté lors du règne des derniers Empereurs romains,
devait il être poursuivi avec les Hérules ?
Toutefois, Childéric n’étant
plus mentionné dans les sources contemporaines à compter de 470, l’on ne
sait guère quelle attitude il adopta lors des dernières années de sa vie.
Décédé vers 481, Childéric
fut enterré à Tournai. Sa tombe, oubliée pendant plusieurs siècles, fut
découverte par un ouvrier en mai 1653.
L’examen de la sépulture
permit de découvrir un important trésor : une fibule cruciforme servant à
fermer le paladentum (il s’agissait d’un manteau de couleur pourpre,
porté par les généraux romains), une épée d’apparat, un scramasaxe, une
francisque, des bijoux, 300 abeilles d’or, un anneau portant l’inscription
Childirici regis (« du roi Childéric »), une centaine de pièces d’or
romaines frappées au nom de Zénon, etc.
Scramasaxe avec fourreau et fourreau reconstitué, VII° siècle, musée d'Art
et d'Histoire, Bruxelles.
Ce trésor fut alors envoyé à
Vienne,
puis fut ensuite offert à Louis XIV en 1665.