A la mort de Valérien, l’Empire sombra
dans un chaos jamais rencontré jusqu’alors. En effet, à cette époque
apparurent les trente tyrans, qui profitèrent de la mort de l’Empereur pour
prendre le pouvoir (certains de ces usurpateurs se révoltèrent avant la mort
de Valérien, sans que l’on connaisse exactement la date précise.).
L’histoire des trente tyrans est
cependant un récit assez complexe à mettre en œuvre, et ce pour différentes
raisons.
Tout d’abord, si les premiers
usurpateurs apparurent vers la fin de règne de l’Empereur Valérien (aux
environs de 260.), le phénomène dura près d’une dizaine d’années. En outre,
ces trente tyrans provenaient de différentes provinces de l’Empire romain
(Gaule, Mésie, Syrie, Afrique, Italie, etc.), ce qui complique la mise en
place d’un ‘fil directeur’. Enfin, les sources de cette époque sont loin
d’être fiables, et l’on estime aujourd’hui que près d’une dizaine des trente
tyrans n’étaient que des personnages imaginaires.
En fait, le nombre des usurpateurs
fut artificiellement augmenté afin de rappeler l’époque des trente tyrans
d’Athènes.
En outre, les auteurs de l’Histoire Auguste, avancèrent le chiffre de
32 tyrans, car ils rajoutèrent deux femmes à l’ensemble.
Afin de simplifier le récit, vous
trouverez ci-dessous un classement de ces tyrans en trois grandes
catégories : usurpateurs de l’Empire des Gaules et de Mésie, usurpateurs
d’Orient, usurpateurs de moindre importance.
Liste des 30 tyrans |
Nom latin |
Nom francisé |
Usurpateurs de l’Empire des Gaules
et de Mésie |
Decimus Laelius Ingenuus |
Ingenuus |
Marcus Cassianus Latinius Postumus |
Postume |
Postumus Junior (existence
douteuse) |
Postume le Jeune (existence
douteuse) |
Regilianus |
Régilien |
Manius Acilius Aureolus |
Auréolus |
Caius Ulpius Cornelius Laelianus |
Lélien |
Marius |
Marius |
Marcus Piavonius
Victorinus |
Victorinus |
Victorinus Junior
(existence douteuse) |
Victorinus le Jeune (existence
douteuse) |
Victoria (existence douteuse) |
Victorine (existence douteuse) |
Tetricus Senior |
Tetricus l'Ancien |
Tetricus Junior |
Tetricus II le Jeune |
Usurpateurs d’Orient |
Macrianus |
Macrien |
Macrianus Junior |
Macrien le Jeune |
Fulvius Quietus |
Quiétus |
Ballista |
Balliste |
Septimius Odenath |
Odénat |
Cyriades
|
Cyriadès |
Septimius Herodianus |
Herodes |
Maeonius |
Maeonius |
Septimia Bathzabbai Zenobia |
Zénobie |
Usurpateurs de
moindre importance |
Aemilianus |
Émilien |
Censorinus
(existence douteuse) |
Censorinus
(existence douteuse) |
Herennianus
(existence douteuse) |
Herennianus
(existence douteuse) |
Timolaus
(existence douteuse) |
Timolaüs
(existence douteuse) |
Saturninus
(existence douteuse) |
Saturninus
(existence douteuse) |
Valens Superior
(existence douteuse) |
Valens l'Ancien
(existence douteuse) |
Valens |
Valens |
Trebellianus
(existence douteuse) |
Trebellianus
(existence douteuse) |
Celsus
(existence douteuse) |
Celsus
(existence douteuse) |
Pison
(existence douteuse) |
Pison
(existence douteuse) |
Titus |
Titus |
1° Usurpateurs de l’Empire des Gaules et
de Mésie –
Le rapprochement entre les usurpateurs de
Gaule et de Mésie, dans un premier temps, peut sembler peu cohérent.
Pourtant, les agissements de l’Empereur, des usurpateurs de Mésie et des
Gaules sont intimement liés, comme nous allons le voir à présent.
Decimus Laelius Ingenuus était
un général romain qui se proclama Empereur en Mésie. En 256, Gallien, afin
de renforcer la dynastie et regagner la confiance des populations, avait
laissé en Pannonie son fils aîné, Valérien II (de son vrai nom
Publius Licinius Cornelius Valerianus.), lui accordant le titre de
César.
Pièce de monnaie à l'effigie de Valérien
II.
Cependant, Valérien II mourut
bientôt, peut être fut il attaqué par Ingenuus ? Cet usurpateur fut vaincu
en Pannonie par les troupes de Gallien, et ne fut dès lors plus une menace
(l’on ne sait cependant pas s’il fut tué ou s’il s’échappa.).
Postume
(de son vrai nom Marcus Cassianus Latinius Postumus.) naquit en Gaule
au sein d’une famille parfaitement romanisée.
Pièce de monnaie à l'effigie de Postume.
Général dans l’armée romaine,
il fut par la suite fait gouverneur d’une province de Gaule (sans doute la
Belgique.). A cette époque, Gallien se trouvait en Gaule avec son second
fils Salonin (de son vrai nom Publius Licinius Cornelius Saloninus,
né vers 242.), à qui il avait donné le titre de César.
Pièce de monnaie à
l'effigie de Salonin.
Gallien dut alors quitter la Gaule
pour s’attaquer à Ingenuus, un des trente tyrans, qui s’était proclamé
Empereur en Mésie. Puis, suite à cette expédition, les Alamans et les Francs
franchirent le Rhin. L’Empereur Gallien décida alors de s’attaquer aux
Alamans, confiant à Postume la tâche de s’occuper des Francs.
Buste de Gallien,
vers 263 après Jésus Christ, musée du Louvre, Paris.
En 259, Postume battit ses
ennemis, et ses hommes le proclamèrent Empereur. Gallien, en apprenant la
nouvelle, décida de réagir, en nommant Auguste son fils Salonin (ce dernier
prit le nom d’Imperator Caesar Publius Licinius Cornelius
Saloninus Valerianus Pius Felix Invictus Augustus.).
Postume décida alors d’attaquer Cologne, où se trouvaient Salonin et son
précepteur, le général romain Silvanus. Gallien, occupé contre les
Alamans, ne put intervenir, et Postume parvint à prendre la ville, faisant
exécuter Salonin.
Postume créa alors l’Empire des
Gaules (contrôlant toute la Gaule et l’Hispanie à l’exception d’une partie
de la Narbonnaise, restée fidèle à Gallien.). A noter que ce mouvement ne
fut pas un sursaut de nationalisme gaulois : Postume, parfaitement romanisé,
imita les Empereurs romains (frappe de monnaie en latin, création d’un
sénat, nominations de consuls, etc.).
Gallien ne put s’attaquer à
Postume, car après sa victoire sur les Alamans, il dut partir guerroyer
contre Régilien, un autre des trente tyrans, qui s’était proclamé Empereur
en Mésie.
Pièce de monnaie à l'effigie de Régilien.
Ce dernier, d’origine Dace, affirmait être un descendant de
Décébale.
Il fut néanmoins tué rapidement (l’on ne sait aujourd’hui pas s’il fut
vaincu par Gallien ou assassiné par ses propres soldats.).
Gallien envoya néanmoins Manius
Acilius Aureolus, un de ses meilleurs officier (il avait participé à
l’expédition contre Ingenuus.), s’attaquer à Postume.
Pièce de monnaie à l'effigie d'Aureolus.
Deux affrontements
eurent lieu, vers 261 et 266, sans qu’Aureolus ne parvienne à prendre
l’avantage. Gallien, devant défendre le Danube d’une invasion de Goths,
confia à Aureolus la garde de l’Italie du nord. C’est alors que ce dernier
passa une alliance avec Postume et se proclama Empereur. En mars 268,
Gallien du rentrer en hâte en Italie en apprenant la nouvelle, après avoir
vaincu les Goths. Il assiégea alors Aureolus dans Milan, mais fut assassiné
par les hauts officiers de son armée. Claude II le Gothique, maître de la
cavalerie de Gallien, fut alors proclamé Empereur. Il continua le siège de
Milan, à l’issue duquel Auréolus fut tué.
En
268, Postume dut s’attaquer à Lélien (de son vrai nom Caius Ulpius
Cornelius Laelianus.), un des trente tyrans, qui attaquait alors
Mayence.
Pièce de monnaie à l'effigie de Lélien.
Lélien fut rapidement vaincu, et suite à l’affrontement, les
soldats de Postume voulurent piller la cité. Ce dernier refusa, car Mayence
était une place forte rhénane de première importance. Finalement, les
soldats massacrèrent Postume et son fils.
Marius, un ancien forgeron gaulois, fut alors acclamé
Empereur par les soldats qui avaient assassiné Postumus.
Pièce de monnaie à l'effigie de Marius.
Ce dernier fut
cependant rapidement tué par un ancien confrère forgeron, qui n’avait pas
apprécié que Marius le traite avec mépris une fois nommé Empereur.
Peu de temps après la mort de Marius, Marcus Piavonius
Victorinus fut fait Empereur des Gaules, vers août 269. Issu
d’une famille de l’aristocratie gallo-romaine, il se rapprocha de Postume
vers 267, sans doute suite à la trahison d’Aureolus.
Pièce de monnaie à l'effigie de
Victorinus.
Suite à l’assassinat de Marius, Victorinus fut alors choisi pour devenir le
nouvel Empereur des Gaules. Cependant, à cette époque, L’Empereur légitime,
Claude II, avait réussi à étendre son influence sur l’Hispanie, et l’Empire
des Gaules était battu en brèche. Au printemps 270, il attaqua Autun, la
capitale des Eduens, un peuple historiquement très lié à Rome.
Victorinus fut cependant tué au cours de l’été 271 par ses propres soldats.
Ce fut alors Tetricus qui lui succéda.
Caius Pius Esuvius Tetricus régna comme Empereur des
Gaules de 271 à 273, accompagné par son fils Tetricus II le Jeune.
Pièces de monnaie à l'effigie de Tetricus
(à gauche) et Tetricus II (à droite)
A
l’origine sénateur d’Aquitaine, il aurait réussi à s’emparer du pouvoir
grâce à l’aide de Victorine, la mère de Victorinus.
En
274, l’Empereur Aurélien, qui avait succédé à Claude II le Gothique,
décida de marcher contre Tetricus. Ce dernier se rendait compte que l’Empire
des Gaules, né à cause de l’incapacité de Rome à défendre cette province,
n’avait plus lieu d’être : en effet, les barbares avaient été vaincus les
uns après les autres.
Il
y eut sans doute une bataille entre les deux camps, qu’Aurélien remporta
facilement. Tetricus fut alors fait prisonnier et participa enchainé au
triomphe de l’Empereur.
Par la suite, il reçut vraisemblablement le pardon d’Aurélien (bien que
certaines sources affirment qu’il fut exécuté.).
2° Usurpateurs d’Orient – L’Empereur
Gallien n’intervint jamais en Orient, trop occupé par les usurpateurs de
Mésie, des Gaules, et par les barbares. De ce fait, les tyrans se trouvant
dans cette région furent peu inquiétés pendant une dizaine d’année.
Cependant, lorsque les problèmes furent résolus à l’Ouest, Rome décida
finalement de marcher contre eux.
Macrien (de son vrai nom Marcus Fulvius Macrianus.) était
le préfet du prétoire de Valérien (l’Empereur l’avait chargé d’administrer
la Syrie, lors de la guerre contre les Perses.).
Pièce de monnaie à l'effigie de Macrien.
Suite à la capture de Valérien par Sapor I°, Macrien refusa de payer une
rançon, et se proclama Empereur. Puis, en 261, il se rendit en Illyrie, où
il fut battu par Auréolus, un des meilleurs officiers de l’Empereur Gallien
(l’on ne sait exactement si Macrien fut tué par ses adversaires ou par ses
propres soldats.).
Cet usurpateur avait associé ses deux fils au pouvoir, Macrien le Jeune
et Fulvius Quietus. Le premier mourut avec son père, mais le second
survécut un temps.
En effet, Quiétus n’était pas parti guerroyer en Illyrie, mais
avait été chargé de défendre la Syrie. Cependant, il fut abandonné par une
partie de ses troupes et assiégé dans Emèse par Odénat, un des trente
tyrans.
Pièce de monnaie à l'effigie de Quiétus.
Quiétus fut alors assassiné par Balliste, un ancien lieutenant de
Valérien. Ce dernier s’était proclamé Empereur à Emèse, à la mort de Macrien.
Balliste, qui ne représenta jamais une grande menace, périt en 264,
assassiné par un de ses soldats.
Septimius Odheinat (francisé en Odénat.) naquit vers 220,
au sein d’une famille arabe bénéficiant du droit de cité, mais très attachée
à ses traditions.
Prince de Palmyre,
il fut Sénateur sous Valérien, et parvint à gagner la confiance de Gallien.
Ce dernier lui confia le commandement des légions romaines d’Asie, de Syrie,
de Mésopotamie et d’Arabie, et nomma Odénat Dux romanorum.
Ruines de Palmyre, photographie
aimablement prêtée par
Bourlingueur.org (vous pouvez cliquer sur l'image pour vous rendre sur
le site).
Après avoir éliminé Quiétus, comme nous venons de le voir, il décida de s’en
prendre aux Perses, en 263 et 266. Odénat parvint à vaincre les troupes de
Sapor I°, et s’empara de nombreux territoires jusqu’à Ctésiphon.
L’usurpateur Cyriadès
(appelé aussi Mariadès par certaines sources.), s’était proclamé
Empereur suite à la chute de Valérien, et avait noué des contacts avec les
Perses. Cependant, ces derniers l’exécutèrent lorsqu’ils durent se retirer
devant l’avance d’Odénat.
Alors à la tête d’un immense territoire, Odénat prit le titre de Roi des
rois, à l’instar des souverains perses. Il associa alors au pouvoir son
fils Herodes (de son vrai nom Septimius Herodianus.), né d’un
premier lit.
En
267, Odénat et Herodes furent assassinés par Maeonius, qui faisait
partie de la famille royale (peut être s’agissait-il d’un neveu du prince.).
L’on ne sait pas aujourd’hui par qui le meurtre fut commandité : par
Zénobie, la seconde épouse d’Odénat, qui voulait voir régner son fils
Wahballat ; ou bien par Gallien lui-même, qui redoutait la montée en
puissance du prince de Palmyre ?
A
noter qu’Odénat fut considéré comme un des trente tyrans, alors qu’il fut un
des rares hommes de Gallien à n’avoir pas trahi.
Maeonius, quant à lui, ne survécut guère
longtemps : après s’être proclamé Empereur, il fut assassiné par les soldats
d’Odénat.
Zénobie qui prétendait descendre des Ptolémées, prit alors le pouvoir.
Profitant du fait que Rome soit occupée par les invasions barbares sur le
Danube, elle s’empara de nombreux territoires (Syrie, Egypte, Asie.). En
271, agissant en souveraine indépendante, elle donna le titre d’Auguste à
son fils Wahballat (son nom latin était
Lucius Julius Aurelius Septimius Vaballathus Athenodorus.).
Pièces de monnaie à l'effigie de Zénobie
(à gauche) et de Wahballat (à droite).
En
272, l’Empereur Aurélien décida de mettre un terme aux agissements de
Zénobie, et marcha contre elle. Après avoir remporté quelques victoires, la
reine de Palmyre fut vaincue par les troupes romaines, et participa
enchaînée au triomphe d’Aurélien (Wahballat, à priori trop jeune pour être
jugé, accompagna sa mère à Rome.).
Par la suite, elle fut libérée mais il lui fut interdit de rentrer dans son
pays. Elle mourut en exil à Tibur (Aujourd’hui Tivoli.), en 274.
3° Usurpateurs de moindre importance –
Onze autres usurpateurs se réclamèrent Empereurs, suite à la mort de
Valérien. Cependant, ces derniers ne représentèrent jamais une menace, trop
peu puissants ou bien simplement imaginaires.
L’usurpateur Emilien fut
préfet d’Egypte avant de se proclamer Empereur ; Censorinus aurait
été tué par ses soldats peu de jours après s'être proclamé Empereur, à cause
de sa trop grande sévérité ; Herennianus et Timolaüs auraient
été les fils d’Odénat et de Zénobie.
L’on ne connaît pas précisément
l’histoire des autres tyrans.
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