1° Avant propos – Il faut bien avouer que lorsque l’on aborde la
question de la monarchie romaine, l’on se pose toujours la question
suivante : où s’arrête la légende et où commence l’Histoire ? Aujourd’hui,
l’on estime que l’existence des quatre premiers rois de Rome (Romulus,
Numa Pompilius, Tullus Hostilius et Ancus Martius.)
relève vraisemblablement du mythe. Par contre, l’existence réelle de leurs
successeurs, même si elle n’est pas encore totalement prouvée
historiquement, semble cependant moins incertaine.
2° Le règne de Numa Pompilius –
Lorsque Romulus disparut, il laissa Rome dotée d’un territoire bien plus
grand qu’à sa création, et protégée par une armée suffisamment puissante
pour inspirer la crainte à ses ennemis.
En 715 avant Jésus Christ, soit après plus d’un an
d’interrègne, les Romains mirent sur le trône un gendre de Titus Tatius : le
Sabin Numa Pompilius.
Pièce de monnaie romaine à l'effigie de
Numa Pompilius, I° siècle avant Jésus Christ.
Ce dernier, au cours de son règne, décida de
réorganiser la vie religieuse à Rome : il créa les pontifes, les flamines,
les prêtres saliens et un calendrier de douze mois (divisé en jours fastes
et néfastes.) ; il fit édifier le temple de Janus (dont les portes étaient
ouvertes en temps de guerre et fermée en temps de paix.) et le temple de
Vesta.
Calendrier romain (en haut) et sa
reconstitution (en bas), vers 70 avant Jésus Christ, musée
national de Rome, Rome (à noter qu'on peut y voir les 12 mois de l'année,
plus un 13° mois intercalaire, le nombre de jours par mois étant inscrit en
chiffres romains en bas de chaque colonne. Les jours de la semaine sont au
nombre de huit, que l'on retrouve sur la moitié gauche de chaque colonne, de
A à H. Les inscriptions en rouge correspondent à des fêtes religieuses).
Temple de Vesta, érigé vers le V° siècle
avant Jésus Christ, Rome.
Les pontifes, tout d’abord, étaient les gardiens
de la religion romaine : ils avaient donc pour mission de veiller à ce que
les cultes soient correctement pratiqués. Ils s’occupaient aussi des temples
qui ne possédaient pas leur propre clergé.
Les pontifes étaient assemblés autour de leur
chef, le grand Pontife (il était élu par cooptation, et la charge était à
vie.). Ce dernier avait pour tâche de nommer les prêtres (en particulier les
flamines et les vestales, dont nous reparlerons plus tard.), de consacrer
les édifices de la cité, et enfin de conserver les livres sacrés et les
archives de Rome. Notons cependant que la fonction de grand Pontife évolua
au fil des siècles.
Les flamines, quant à eux, formaient un collège de 15 prêtres, trois
étant choisis par le grand Pontife, douze étant élus par la plèbe.
Les trois premiers flamines étaient le flamines dialis (chargé du
culte de Jupiter.), le flamines martialis (chargé du culte de Mars.),
et le flamines quirinalis (chargé du culte de Quirinus.). Les douze
autres flamines servaient des divinités mineures.
Ces prêtres, nommés à vie, portaient toujours sur la tête un bonnet de cuir
blanc, l’apex, symbole de leur fonction.
Buste d'un flamine, III° siècle après
Jésus Christ, musée du Louvre, Paris.
Les flamines devaient respecter une
longue liste d’interdits, mais bénéficiaient d’avantages sociaux prestigieux
en contrepartie. En outre, une flamme restait toujours allumée dans les
temples dont ils avaient la charge.
Les prêtres saliens, en charge du culte du dieu Mars, étaient élus par
cooptation au sein des patriciens. Ils formaient deux collèges de 12 membres
chacun : les saliens du Quirinal et les saliens du Palatin. Ils avaient pour
fonction de conserver les douze boucliers sacrés. Selon la légende, le dieu
Mars avait fait cadeau aux hommes d’un bouclier, que Numa Pompilius trouva
un soir chez lui. Devinant que le cadeau était d’origine divine, il en fit
confectionner 11 autres, tous identiques à l’original, afin d’éviter tout
risque de vol ou de profanation. Ces boucliers, qui étaient en forme de ‘8’,
étaient exhibés au cours de deux fêtes romaines de grande envergure : en
effet, les Romains ne faisaient à l’origine la guerre que de mars à octobre.
Une première cérémonie avait donc lieu en mars, au début de la saison de la
guerre ; une autre avait lieu en octobre, au cours de laquelle les armes des
guerriers étaient purifiées.
Numa était considéré comme un roi si sage que certaines légendes racontent
qu'il rencontra le savant Pythagore à plusieurs reprises. Cela est cependant
impossible, ce dernier ayant vécu au cours de la seconde moitié du VI°
siècle avant Jésus Christ.
Numa Pompilius et Pythagore,
enluminure du XV° siècle.
Numa mourut en 673 avant Jésus Christ.
3° Le règne de Tullus Hostilius – Suite à la mort du roi,
un interrègne d’un an survint alors. Ce n’est que l’année d’après, en 672
avant Jésus Christ, que Tullus Hostilius monta sur le trône (il était, selon
la légende, le petit fils d’un Romain qui s’était illustré au cours de la
guerre contre les Sabins.).
Mais Tullus Hostilius, contrairement à son prédécesseur, était un roi
guerrier. Tout d'abord, il combattit les Étrusques des cités de Véies et de Fidènes.
La victoire de Tullus Hostilius sur
les habitants de Véies et de Fidènes, par Guiseppe CESARI, XVII° siècle.
Cependant,
le conflit le plus connu fut celui qui opposa Rome à sa grande rivale, Albe
la Longue.
Cette cité avait été fondée des siècles avant Rome, et les Albains
considéraient les Romains comme leurs vassaux. Cependant, afin d’éviter une
guerre coûteuse en argent et en hommes, les dirigeants de Rome et d’Albe
décidèrent que seuls six guerriers s’affronteraient (soit trois champions
par ville.) : les Romains furent représentés par les Horaces ; les Albains
par les Curiaces. Les champions de Rome étaient frères, tout comme les
champions d’Albe.
Le serment des Horaces, par
Jacques Louis DAVID, 1784, musée du Louvre, Paris.
Le
combat commença alors. Les trois Curiaces furent blessés par leurs
adversaires, mais ils parvinrent néanmoins à tuer deux de leurs ennemis. Le
Horace survivant décida alors de prendre la fuite, sachant qu’il ne pourrait
lutter contre les trois Curiaces. Cependant, comme nous venons de le dire,
ces derniers étaient blessés. De ce fait, le Horace se savait avantagé dans
un duel singulier, et attendit donc que les Curiaces se séparent. Puis, il
bondit sur eux, et les tua l’un après l’autre.
Horaces contre Curiaces, par Valerius
Maximus, enluminure issue de l'ouvrage
Facta et dicta memorabilia
(traduction de Simon de Hesdin et de Nicolas de Gonesse), France, XV°
siècle.
Horaces contre Curiaces, par Titus
Livius, enluminure issue de l'ouvrage Ab urbe condita
(traduction de Pierre Bersuire), France, XV°
siècle.
Bataille entre les Horaces et les
Curiaces, par Guiseppe CESARI, XVII° siècle.
En
rentrant à Rome, Publius Horatius, le Horace survivant, rencontra sa
sœur, qui était la fiancée d’un des Curiaces. Cette dernière reprocha à son
frère d’avoir occis son amant, et Horatius, hors de lui, transperça la jeune
fille d’un coup d’épée (le Horace fut condamné à mort pour ce crime mais fut
cependant acquitté.).
La
légende raconte que plus tard, en 641 avant Jésus Christ, Tullus Hostilius
se brouilla avec Jupiter (le roi avait mal organisé un culte en l’honneur du
dieu.). Ce dernier jeta alors un éclair sur le palais du roi, qui mourut
brûlé vif au cours de l’incendie de sa demeure.
4° Le règne d’Ancus Martius – Suite à la mort de Tullus
Hostilius, il y eut une brève période d’interrègne. Puis, ce fut Ancus
Martius qui fut élu roi, en 641 avant Jésus Christ. Ce dernier était un
Sabin, dont le grand père, Numa Marcus était le gendre de Numa Pompilius (ce
dernier était donc l’arrière grand père d’Ancius Martius.).
Ancus Marcus commença par restaurer le bon déroulement des pratiques
religieuses (que Tullus Hostilius avait quelque peu négligées), puis créa le
collège des fétiaux.
Les fétiaux étaient des prêtres dont le but était de veiller à ce que la
pax deorum (la ‘paix des dieux’.), unissant les dieux et les Romains, ne
soit pas brisée. En fait, les fétiaux devaient présenter chaque guerre menée
par Rome comme juste et légitime. Si tous les rites étaient scrupuleusement
respectés, Rome menait alors une bellum iustum (une ‘guerre juste’.).
Si les Romains échouaient, ce n’était donc non pas à cause de leur
infériorité, mais parce que les rites n’avaient pas été effectués de manière
conforme à la tradition. Ils avaient aussi pour tâche de sacraliser les
traités (les rendre sacer.), et de les placer sous la protection de
Rome.
Notons au passage que les conflits que menèrent les Romains furent
extrêmement nombreux, et qu’au final, les portes du temple de Janus se
trouvèrent fermées moins d’une dizaine de fois en un millier d’années.
Par la suite, Ancus Martius décida d’accroître la taille de la cité. Il fit
édifier le pont sublicius, un pont en bois franchissant le Tibre (le plus
ancien pont de Rome.), fit construire le Tullianum, une prison
souterraine, creusée sur le flanc du Capitole, et décida aussi d’élever de
nouvelles fortifications. Ancius Martius aurait aussi ouvert la cité à la
mer, en bâtissant le port d’Ostie.
Mais le roi de Rome fut aussi un guerrier : il combattit les Latins et les
Étrusques (originaires des cités de Véies et de Fidènes.).
Ancus Martius mourut en 616 avant Jésus Christ.
5° Le règne de Tarquin l’Ancien – À la mort d’Ancus
Martius, ce fut Tarquin l’Ancien, tuteur des fils du défunt, qui fut
élu roi. Il fut le premier roi étrusque.
En
effet, Tarquin l’Ancien était Etrusque par sa mère Tanaquil, et
d’origine corinthienne par son père Démarate. Le couple s’installa
par la suite à Rome, où Tarquin ne tarda pas à se faire remarquer par le roi
(le jeune homme était lieutenant au cours de l’affrontement contre Véies et
Fidènes.). Ancus Marcius, par la suite, se lia d’amitié avec Tarquin, et fit
de lui le tuteur de ses enfants.
En
616 avant Jésus Christ, à la mort du roi, Tarquin tenta de se concilier les
faveurs de la plèbe. Faisant en sorte de précipiter l’élection (les enfants
d’Ancus Martius allaient bientôt être majeurs.), Tarquin parvint à se faire
élire souverain.
Comme nous l’avons dit précédemment, à partir de l’accession au trône de
Tarquin, l’Histoire commence à prendre le pas sur le mythe.
Le
nouveau roi commença par placer 100 de ses partisans au sénat, dont le
nombre de membres s’éleva alors à 200. Dès lors assuré qu’il ne serait pas
entravé par les sénateurs, Tarquin se lança dans une politique de grands
travaux. Il fut en effet un roi bâtisseur : il fit construire le forum
(le lieu où les citoyens romains se rendaient pour discuter politique et
économie.), le Circus Maximus (le grand cirque.), et la cloaca
maxima (les égouts.).
Vestiges du Circus Maximus, Rome, été
2013.
La Cloaca Maxima.
Tarquin dut cependant se battre, à plusieurs périodes de son règne. Les
conflits les plus importants l’opposèrent aux Sabins et aux Latins, qu’il
parvint à vaincre, mais non sans mal. Rome s’empara alors d’un grand nombre
de leurs possessions.
En
575 avant Jésus Christ, Tarquin l’ancien fut assassiné par les fils d’Ancus
Martius, désireux de s’emparer enfin du pouvoir. Cependant, ces derniers ne
furent pas récompensés de leur crime, car ce fut Servius Tullius,
gendre de Tarquin, qui monta trône suite à la mort de son beau père.
6° Le règne de Servius Tullius – Le nouveau souverain
accéda donc au pouvoir en 575 avant Jésus Christ. Ce dernier désirait mieux
connaître ses administrés afin de mieux les contrôler. Il commença donc par
recenser la population (l’on comptait à l’époque 83 000 citoyens.), puis la
divisa en cinq classes. Par la suite, il instaura le cens, un impôt direct
proportionnel aux richesses de chaque citoyen. De cette manière, Servius
Tullius put modifier la constitution et instaurer un vote censitaire,
privant ainsi la plèbe de toute participation politique.
Le
roi découpa aussi les quartiers de la ville en quatre tribus urbaines :
regio Suburana, regio Esquillina, Regio Collina et
regio Palatina. Enfin, Servius Tullius agrandit considérablement le
territoire de Rome, et décida alors de mettre en œuvre de vastes travaux
publics.
D’un point de vue militaire, le roi dut lui aussi, tout comme ses
prédécesseurs, lutter contre les Sabins.
Mais, au fil des années, Servius Tullius, se rendant compte du peu d’appui
que lui apportaient les patriciens, tenta alors de se rapprocher des
plébéiens, qu’il avait trahis en instaurant le système censitaire. Cette
politique démagogique lui fut fatale : en 534 avant Jésus Christ, il fut
assassiné par sa fille et son mari, Tarquin le Superbe.
L'assassinat de Servius Tullius, par
Boccace, enluminure issue de l'ouvrage de casibus, France, XV°
siècle.
7° Le règne de Tarquin le Superbe – Tarquin le Superbe
était le fils de Tarquin l’Ancien,
mais son règne ne fut pas aussi prestigieux que celui de son père.
En
fait, Servius Tullius avait marié ses deux filles aux deux fils de Tarquin
l’ancien (Tarquin le Superbe et Arruns.) afin d’éviter toute
tentative de coup d’Etat de la part de ces derniers.
Cependant, Tarquin et sa belle soeur Tullia tombèrent amoureux l’un
de l’autre. Par la suite, Arruns et l’épouse de Tarquin disparurent, et les
deux amants voulurent s’épouser. Ce dernier refusa cependant. C’est alors
que Tullia poussa Tarquin à faire reconnaître ses droits sur le trône. Ce
dernier, à la tête d’une escouade, envahit le forum, cherchant à gagner des
sénateurs à sa cause. Servius Tullius intervint alors, mais Tarquin le jeta
vers ses alliés qui le tuèrent. Certaines sources racontent que le char de
Tullia roula sur le cadavre de son père, alors qu'elle rejoignait son mari.
Tullia profanant le corps de Servius
Tullius, par Valerius MAXIMUS, enluminure issue de l'ouvrage Facta et dicta memorabilia,
Bruges, Belgique, XV° siècle.
Devenu roi, Tarquin le Superbe décida de régner seul, ne pouvant faire
confiance ni à la plèbe, ni aux patriciens. Il tua un certain nombre de
sénateurs (favorables à Servius Tullius.) qui ne furent pas remplacés,
amoindrit les pouvoirs du sénat, confisqua les biens de ses adversaires
politiques (emprisonnant, exilant ou tuant ces derniers.), etc.
Tarquin décida en outre d’abolir la constitution de son prédécesseur, mais
acheva sa politique de grands travaux.
Le
roi de Rome dut aussi lutter contre les attaques extérieures : il combattit
les Latins à de nombreuses reprises, et vainquit les Volsques (son
fils, Sextus Tarquin, s’empara de Gabies.). Il renouvela cependant le
traité de paix avec les Etrusques.
Mais Tarquin le Superbe ne resta pas sur le trône jusqu’à la fin de ses
jours. Un évènement grave (sans doute légendaire.) allait précipiter sa
chute.
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