1° Mise en place de la régence
(1483) – Le dauphin Charles n’était âgé que de treize ans lorsque son
père Louis XI mourut, en août 1483. Du fait de son jeune âge, le pouvoir
tomba entre les mains de sa sœur Anne (surnommée la moins folle femme du
monde par son père Louis XI.) et de son époux Pierre II de Bourbon, sire
de Beaujeu (homme de confiance du défunt roi depuis près d’une décennie.).
Pierre de Beaujeu
et Saint Pierre (à gauche) ; son épouse Anne et Saint Jean (à droite), par
Jean HUEY, début du XVI° siècle, musée du Louvre, Paris.
A
noter que Charlotte de Savoie, mère de Charles VIII et d’Anne ne tenta pas
de briguer la régence. Souffrante, elle décéda en décembre 1483.
Cependant, dès la mort de Louis XI, les grands du royaume ne tardèrent guère
à vouloir s’immiscer dans les affaires de l’Etat, chacun tentant d’y gagner
en influence.
Louis II d’Orléans (le futur roi de France Louis XII.), le duc de
Bourbon (frère aîné de Pierre de Beaujeu.), René II de Lorraine et Alain,
sire d’Albret (dont les domaines étaient situés près de l’Espagne.),
demandèrent alors la réunion des Etats Généraux, espérant ainsi pouvoir
parvenir à leurs fins.
Les Etats Généraux furent donc réunis à Tours, en janvier 1484. Cependant,
les grands vassaux n’obtinrent pas satisfaction, loin de là. Les députés
accordèrent aux Beaujeu de nommer les membres du conseil d’Etat, dont Pierre
reçut la présidence, repoussant de fait les prétentions des princes.
Par la suite, Louis II s’allia à François II de Bretagne, se dernier
rédigeant un contrat de mariage entre sa fille Anne et le duc
d’Orléans (se dernier se rapprocha d’ailleurs du pape afin de divorcer avec
Jeanne de France.).
Pierre Landois, grand trésorier de Bretagne, partisan de
l’indépendance bretonne et du démembrement de la France, se rapprocha de
Maximilien et du roi d’Angleterre
Richard III.
Richard III, gravure issue de l'ouvrage
Cassell's history of England, Angleterre, 1902.
Apprenant les manigances de Louis II, les régents décidèrent donc d’offrir à
ce dernier quelques territoires pris aux conseillers déchus de Louis XI,
ainsi que de l’inviter au sacre de Charles VIII, le 30 mai 1484.
Le
jeune souverain et Louis II voyagèrent ensemble vers Paris, où ils firent
leur entrée en juillet 1484. Le duc d’Orléans, multipliant les fêtes et les
tournois, réussit alors à s’attirer l’amitié de Charles VIII. Anne de
Beaujeu, s’apercevant des manigances de Louis II, décida alors de mener son
frère à Montargis, loin de l’influence du duc d’Orléans.
2° Première phase de la guerre folle (1485 à 1486) –
L’année 1484 fut plutôt calme, les Beaujeu et Louis II étant alors à la
recherche d’alliés, susceptibles de les aider en cas de conflit important.
Anne de Beaujeu, gravure issue de
l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
a)
Premiers affrontements : soucieux d’affermir l’autorité royale, les
Beaujeu multiplièrent les alliances au cours de l’année 1484 (avec le duc de
Lorraine en septembre 1484 ; avec des seigneurs bretons hostiles à Pierre
Landois (dont le maréchal de Rieu.) en octobre ; avec des seigneurs
de Flandre hostiles à Maximilien en novembre.).
Quant à Louis II, furieux d’avoir été démasqué par Anne de Beaujeu, il
décida de se révéler ouvertement hostiles aux régents en novembre 1484.
Soutenu par les comtes d’Alençon, d’Angoulême et de Narbonne, ainsi que par
François de Dunois,
le duc d’Orléans tenta de soulever Paris, en janvier 1485. C’est ainsi que
fut déclenchée la Guerre folle.
Son entreprise échouant, Louis II décida donc de fuir en direction de la
Bretagne, mais l’armée royale lui coupa la route en s’installant à Evreux.
Le
duc d’Orléans décida donc de céder aux exigences des Beaujeu, signant la
paix d’Evreux en mars 1485 (Louis II retrouva peu de temps après sa
place au sein du conseil royal.).
b)
Pendant ce temps, en Bretagne et en Angleterre : à noter qu’au cours
de l’été, Landois rassembla une armée bretonne afin de lutter contre les
seigneurs insurgés (il ne reçut que de maigres renforts de la part de
Richard III.). Cependant, vaincu par ses ennemis, Landois fut pendu et les
seigneurs bretons firent la paix avec les Beaujeu au nom de François II.
En
outre, à la même époque, Richard III fut tué à la bataille de Bosworth,
en août 1485.
Le
vainqueur, Henri Tudor, qui avait débarqué en Angleterre peu de temps
auparavant grâce à l’appui des Beaujeu, fut alors couronné roi sous le nom
d’Henri VII.
Henri VII, gravure issue de l'ouvrage
Cassell's history of England, Angleterre, 1902.
c)
Nouveaux affrontements : installé à Orléans, Louis II s’attaqua une
fois de plus aux régents, publiant un manifeste contre Pierre et Anne de
Beaujeu. Ces derniers, bien décidés à mettre fin à la révolte du turbulent
duc d’Orléans, envoyèrent alors l’armée royale à Orléans, et Louis II fut
contraint de se soumettre une fois de plus (septembre 1485.).
Des garnisons royales furent installées dans les principales cités du duché
d’Orléans ; Dunois fut exilé pour une année à Asti ; le duc de Bourbon, le
comte d’Angoulême et le sire d’Albret furent contraints de mettre bas les
armes.
Par la suite, en novembre 1485, François II de Bretagne et Charles VIII
signèrent le traité de Bourges. Cependant, Landois ayant été tué, de
nombreux Bretons ne tardèrent pas à quitter l’alliance conclue avec les
Beaujeu.
d)
Coup de force de Maximilien au nord : en février 1486, les Etats de
Bretagne reconnurent comme seules héritières du duché les filles de François
II, à savoir Anne et Isabeau. En outre, il fut conclu que l’aînée
épouserait Maximilien, et la cadette le fils de ce dernier.
Maximilien décida alors d’envahir le nord de la France en juin 1486,
comptant sur l’appui de René II de Lorraine et du duc de Bourbon.
Cependant, les Beaujeu parvinrent à s’allier avec les deux ducs, privant
Maximilien de deux puissants appuis.
En
septembre 1486, Charles VIII se rendit en Picardie afin de mettre fin aux
attaques de son futur beau père. De ce fait, Maximilien décida de faire
rebrousse chemin, faute d’alliés.
3° Seconde phase de la guerre folle (1486 à 1488) –
Cependant, bien qu’ayant accumulé les victoires jusque là, une nouvelle
coalition se mit en place contre les Beaujeu, de plus grande ampleur que la
précédente (décembre 1486.).
L’on y trouvait François II de Bretagne, René II de Lorraine, le comte
d’Angoulême, Dunois, le sire d’Albret, le duc d’Orléans et Maximilien (ces
trois derniers étaient prétendants à la main d’Anne de Bretagne.).
a)
Offensive française contre la Guyenne et la Bretagne (1487) : dans un
premier temps, Louis II d’Orléans projeta d’enlever le jeune Charles VIII,
assisté par Philippe de Commynes (le chroniqueur de Louis XI.).
Copie du tombeau de Philippe de Commynes, musée du Louvre, Paris.
Cependant, le complot fut découvert une fois de plus, en janvier 1487. Le
duc d’Orléans se réfugia à Nantes, et Commynes fut enfermé pendant huit mois
dans une des cages de fer de Louis XI.
Au
même moment, les régents lancèrent une importante offensive contre la
Guyenne, qui avait été soulevée par le sire d’Albret. Très rapidement, les
rebelles déposèrent les armes (février 1487.), et Charles VIII rentra dans
Bordeaux en mars.
Par la suite, au cours du printemps 1487, l’armée royale décida de lancer
une offensive contre la Bretagne. La conquête du duché fut rapide : Ploërmel
fut pillé, Vannes décida de se rendre, Coucy fut prise. Enfin, l’armée
royale mit le siège devant Nantes, alors que des corsaires normands
mettaient en place un blocus devant les ports bretons.
Cependant, Charles VIII ne parvint pas à s’emparer de Nantes, et dut
regagner la capitale au cours de l’hiver. Ce faisant, certains seigneurs
bretons se détournèrent du roi de France.
b)
Reprise de l’offensive et bataille de Saint Aubin du Cormier (1488) :
Charles VIII, apprenant en mars la perte de Vannes, décida alors de nommer
le jeune Louis II de la Trémoille
lieutenant général de ses armées.
Portrait de Louis II de La
Trémoille, anonyme, XV° siècle.
Ce
dernier décida alors de reprendre l’offensive contre la Bretagne, à la tête
d’une armée de 12 000 hommes.
Par ailleurs, à la même époque, Jean II de Bourbon, frère aîné de Pierre de
Beaujeu, mourut sans laisser d’héritiers. Les Beaujeu récupérèrent donc le
duché de Bourbonnais et d’Auvergne, ainsi que le comté de Forez.
En
mai 1488, Dunois fut reconnu coupable de crime de lèse majesté par le
Parlement de Paris, et tous ses biens furent confisqués. En outre, de
nombreux serviteurs de Louis II furent condamnés à mort.
La
Trémoille, au mois de juillet 1488, s’était emparé de plusieurs cités, dont
Ancenis, Châteaubriant et Fougères. Il se retrouva alors confronté aux
coalisés, regroupés autour du maréchal de Rieu, Louis II d’Orléans, et le
sire d’Albret.
Les deux armées s’affrontèrent alors au cours de la bataille de Saint
Aubin du Cormier.
Louis II de la Trémoille, commandant une armée royale comptant près de
15 000 hommes (dont environ 5 000 mercenaires suisses.), se trouvait face à
une armée rebelle hétéroclite d’une dizaine de milliers d’hommes, regroupant
Bretons, Anglais, Allemands, Gascons et Béarnais.
Dans un premier temps, les deux armées n’échangèrent que quelques coups de
canons, ce qui eut pour conséquence d’éclaircir les rangs de part et
d’autre. Puis, les Bretons décidèrent de passer à l’offensive, enfonçant le
flan droit de l’armée royale.
La bataille de Saint Aubin du
Cormier, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Cependant, les mercenaires combattant du côté des rebelles ne tardèrent pas
à se débander, et cette faille fut rapidement exploitée par la cavalerie
française.
Les insurgés, perdant plus de la moitié de leurs troupes sur le champ de
bataille, furent alors contraints de négocier leur reddition (à noter que le
duc d’Orléans fut fait prisonnier à l’issue du combat.).
Acculé, le vieux duc de Bretagne fut une nouvelle fois contraint de se plier
aux exigences du roi de France. C’est ainsi que le traité du Verger
fut signé en août 1488, à Sablé sur Sarthe, non loin d’Angers : François II
s’engageait à éloigner de sa cour tous les ennemis du royaume de France ; il
ne devait pas marier ses filles sans recevoir l’aval de la couronne ; Saint
Malo, Fougères, Dinan et Saint Aubin furent remises en gage au roi de
France.
A
noter que ce traité n’avait pas été désiré par les Beaujeu mais bel et bien
par Charles VIII en personne.
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