13. Je vois aussi Nazareth, c’est-à-dire la fleur, Nazareth où
l’enfant Dieu, qui naquit à Bethléem, fut nourri comme le fruit dans la
fleur. Ainsi le parfum de la fleur a précédé le goût du fruit qui a
humecté de sa sainte liqueur la bouche des apôtres, après avoir flatté,
de son arôme, l’odorat des prophètes, et qui fournit aux chrétiens un
aliment substantiel et fortifiant, après que les Juifs se furent
contentés d’en respirer à peine l’odeur. Pourtant Nathanaël avait senti
le parfum de cette fleur qui répand une odeur plus suave que tous les
aromates, c’est ce qui lui faisait dire : " Peut-il sortir quelque chose
de bon de Nazareth ? " (Jn I, 46). Mais au lieu de se contenter de
sentir cette délicieuse odeur, il suivit Philippe qui lui avait
répondu : " Viens et vois ". Bien plus comme enivré des suaves parfums
dont il se sent pénétré, et, de plus en plus pressé du désir de goûter
au fruit à mesure qu’il en aspire la bonne odeur, il se laisse guider
par elle et se hâte d’arriver jusqu’au fruit qui l’exhale, car il brûle
de sentir tout à fait ce qu’il n’a senti qu’à peine, et de savourer de
près ce qui ne l’a embaumé que de loin. Mais rappelons-nous aussi ce que
sentait Isaac ; peut-être n’est-ce point sans rapport avec notre sujet,
voici ce qu’en dit l’Écriture : " Dès qu’il eut senti la bonne odeur qui
sortait de ses habits, – c’est-à-dire des habits de Jacob, – il
s’écria : L’odeur qui sort des habits de mon fils est semblable à celle
d’un champ que le Seigneur a comblé de bénédictions " (Gn XXVII, 27). Il
a senti la bonne odeur qui s’exhalait de ses vêtements, mais il n’a pas
reconnu quel était celui qui les portait, tant il est vrai que le charme
qu’il ressentait, ne venait que du dehors, c’est-à-dire du vêtement de
Jacob comme d’une fleur, non pas de l’intérieur comme d’un fruit dont il
aurait savouré la douceur, puisqu’il ignorait même lequel de ses deux
enfants était élu et le sens de ce mystère. Qu’est-ce à dire ? C’est que
le vêtement n’est autre que l’esprit, tandis que la lettre est la chair
même du Verbe. Mais aujourd’hui même le Juif ne reconnaît ni le Verbe
dans la chair ni la divinité dans l’homme, ni même le sens spirituel
caché sous la lettre. Ne touchant au-dehors que la peau du chevreau qui
était la figure d’un plus grand, c’est-à-dire du premier et antique
pécheur, il ne peut arriver à la pure vérité. Si celui qui est venu, non
pour faire le péché mais pour l’effacer, s’est manifesté sinon dans une
chair de péché, du moins dans une chair semblable à celle qui est
sujette au péché, il nous en a lui-même donné la raison en nous disant :
" C’est afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient
deviennent aveugles " (Jn IX, 39). Trompé par cette ressemblance, le
Prophète encore aveugle de nos jours, continue à bénir celui qu’il ne
connaît pas, puisqu’il ne reconnaît point à ses miracles celui dont lui
parlent ses livres, ni à sa résurrection celui qu’il a touché de ses
propres mains quand il l’a chargé de liens, flagellé et souffleté ; "
s’ils l’avaient connu, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de la
gloire " (1 Co II, 8). Disons quelques mots de la plupart des lieux
saints ou du moins admirons-en les plus fameux si nous ne pouvons les
citer tous.
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