14. Montons sur le mont des Oliviers et descendons
ensuite dans la vallée de Josaphat, afin de tempérer la pensée des trésors de la
miséricorde divine par la crainte du jugement dernier ; car si Dieu est plein de
miséricorde pour pardonner, ses jugements n’en sont pas moins un abîme de
terreur pour les enfants des hommes. Si David parle de la montagne des Oliviers,
quand il dit : " Seigneur, tu sauveras les hommes et les bêtes selon l’abondance
de ton infinie miséricorde " (Ps XXXV, 7), il fait allusion dans le même psaume,
à la vallée du jugement dernier, quand il dit : " Que le pied du superbe qui me
poursuit ne vienne point jusqu’à moi, et que la main du pécheur ne réussisse
point à m’ébranler " (Ps XXXV, 12). Il nous fait assez connaître la terreur que
lui inspire la pensée des gouffres de cette vallée, quand il s’écrie ailleurs,
au milieu de sa prière : " Seigneur, pénètre ma chair de ta crainte, tes
jugements me remplissent de frayeur " (Ps CXVIII, 120). L’orgueilleux est
précipité dans cette vallée et s’y brise ; l’humble y descend et ne court aucun
danger. L’orgueilleux excuse son péché, l’humble au contraire le confesse, parce
qu’il sait bien que Dieu ne juge pas une seconde fois celui qui est jugé, et que
si nous nous jugeons nous-mêmes, nous ne serons pas jugés (1 Co XI, 31).
15. Mais l’orgueilleux, oubliant combien il est
horrible de tomber entre les mains du Dieu vivant, se laisse facilement aller à
des paroles de malice et ne songe qu’à chercher des excuses à ses péchés. C’est
en effet une malice bien grande que de n’avoir pas même pitié de toi, ô
orgueilleux, et de repousser loin de toi, après ta faute, ce qui peut seul en
être le remède, c’est-à-dire la confession de ta faute ; d’aimer mieux renfermer
des tisons allumés dans ton sein que de les rejeter loin de toi et de ne tenir
aucun compte de ce conseil du Sage : " Aie pitié de ton âme en te rendant
agréable à Dieu " (Si XXX, 24). D’ailleurs pour qui est bon celui qui n’est pas
bon pour lui-même ? C’est maintenant que le monde est jugé et maintenant aussi
que le prince de ce monde doit être chassé dehors, c’est-à-dire hors de ton
cœur, pourvu que tu t’humilies et que tu te juges toi-même. Le jugement du
Seigneur se fera quand le ciel lui-même sera appelé d’en haut par Dieu et la
terre appelée d’en bas, pour faire en leur présence le discernement de son
peuple. C’est alors que tu auras lieu de craindre d’être précipité avec Satan et
ses anges, s’il se trouve que tu n’as pas encore été jugé. Quant à l’homme
spirituel, comme il juge tout, il n’est lui-même jugé par personne (1 Co II,
14). Voilà donc pourquoi le jugement commence à se faire dans la maison même de
Dieu ; de cette manière, le juge, quand il viendra, trouvera les siens, ceux
qu’il connaît pour lui appartenir, déjà jugés ; il n’aura plus besoin de les
juger puisqu’il ne doit juger que ceux qui ne participent point aux travaux ni
aux fatigues des hommes, et n’éprouvent point les fléaux auxquels les autres
hommes sont exposés (Ps LXXII, 5).
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