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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre XXII - Rome, de 217 à 216

2. La campagne d'Espagne ([XXII, 19] à [XXII, 22])

 

Combat naval à l'embouchure de l'Hèbre (printemps 217)

[XXII, 19]

(1) Au début de la campagne d'été pendant laquelle se passèrent ces faits, en Espagne aussi, sur terre et sur mer, on commença la guerre. (2) Hasdrubal, ayant ajouté dix vaisseaux à ceux qu'il avait reçus, armés et parés, de son frère, confie à Himilcon une flotte de quarante navires, (3) et ainsi, parti de Carthagène, conduit ses vaisseaux près de la terre, son armée sur le rivage, prêt à la lutte, avec quelque partie de ses forces que l'ennemi se présente. (4) Quand Cnéius Scipion apprit qu'il avait quitté ses quartiers d'hiver, il prit d'abord le même parti; puis, n'osant pas trop lutter sur terre, à cause du grand bruit qu'on faisait des nouveaux auxiliaires des Carthaginois, il embarque l'élite de ses soldats, et c'est avec une flotte de trente-cinq navires qu'il va au-devant de l'ennemi.

(5) Un jour après son départ de Tarragone, il arrive à un mouillage situé à dix mille pas de l'embouchure de l'Hèbre. Deux navires de Marseille, envoyés de là en éclaireurs, rapportèrent la nouvelle que la flotte carthaginoise était à l'embouchure du fleuve, et le camp installé sur la rive. (6) Pour écraser les ennemis par surprise, et avant qu'ils soient sur leurs gardes, en les frappant tous à la fois de terreur, Scipion, levant l'ancre, s'avance contre eux. L'Espagne a beaucoup de tours placées sur des hauteurs, dont on se sert et pour le guet et pour la défense contre les pirates. (7) Comme ce fut de là qu'on aperçut d'abord les vaisseaux romains, on les signala à Hasdrubal; et l'alarme avait été donnée sur terre, et au camp, plus tôt que sur mer et dans les navires, - parce qu'on n'y avait pas entendu encore le battement des rames ni les autres bruits de la flotte ennemie, ou que les caps ne la découvraient pas encore, - (8) quand soudain Hasdrubal envoie cavalier sur cavalier aux hommes errant sur le rivage ou tranquilles dans leurs tentes, n'attendant rien moins que l'ennemi ou une bataille ce jour-là, pour leur ordonner d'embarquer en hâte et de prendre les armes, car la flotte romaine n'était déjà pas loin du port. (9) Tel était l'ordre que portaient çà et là les cavaliers envoyés de tous côtés; bientôt, Hasdrubal lui-même était là avec toute l'armée, et tout retentit de cris variés, rameurs et soldats se précipitant ensemble sur les navires, semblables à des fuyards qui quittent la terre plus qu'à des gens qui vont au combat. (10) À peine tous s'étaient-ils embarqués que les uns, coupant les amarres, se précipitent sur les ancres, que les autres, pour éviter du retard, en coupent les câbles; et, tout se faisant à la hâte et précipitamment, les préparatifs des soldats gênent les manoeuvres des marins, l'agitation des marins empêche les soldats de prendre leurs armes et de s'armer.

(11) Déjà non seulement le Romain approchait, mais il avait aligné ses vaisseaux pour la bataille. Aussi les Carthaginois, troublés, autant que par l'ennemi et le combat, par leur propre tumulte, après avoir plutôt tenté qu'engagé réellement la lutte, virent de bord pour prendre la fuite. (12) Et comme, en face d'eux, l'embouchure du fleuve n'était guère accessible à une large colonne de navires, ni à tous ceux qui se présentaient alors en même temps, ils jetèrent çà et là leurs vaisseaux à la côte, et trouvant les uns de hauts fonds, les autres la terre, partie armés, partie sans armes, ils se réfugièrent auprès de leur armée rangée sur le rivage. Cependant, au premier choc, deux bateaux puniques avaient été pris, quatre coulés.

Opérations victorieuses en Espagne et aux Baléares

[XXII, 20]

(1) Les Romains, quoique la terre appartînt à l'ennemi, et qu'ils vissent ses troupes en armes border tout le rivage, n'hésitèrent pas à poursuivre sa flotte effrayée; (2) pour tous les navires qui n'avaient pas brisé leurs proues en heurtant le rivage, ou échoué leurs coques sur de hauts fonds, ils fixèrent des câbles à leur poupe et les tirèrent vers la haute mer; ils prirent là vingt-cinq navires, sur quarante. (3) Et le plus beau de la victoire, ce ne fut pas encore cela; ce fut qu'un léger combat rendit les Romains maîtres de toute cette côte. (4) Aussi leur flotte les porta-t-elle à Onusa, où ils débarquèrent. Cette ville prise et pillée, (5) ils gagnent Carthagène, et, après avoir dévasté tout le territoire environnant, incendient enfin même des bâtiments qui touchaient les remparts et les portes. (6) De là, déjà alourdie de butin, la flotte parvint à Longuntica, où il y avait une grande quantité de sparte entassée par Hasdrubal pour ses bateaux. Les Romains, en ayant pris assez pour leurs besoins, brûlèrent tout le reste. (7) Et on ne longea pas seulement la côte du continent; on passa dans l'île d'Ébuse. Là, après avoir attaqué en vain, pendant deux jours, au prix des plus grandes peines, la capitale de cette île, (8) reconnaissant qu'ils y perdaient leur temps pour de vains espoirs, les Romains se mirent à dévaster la campagne; (9) et, après avoir pillé et brûlé plusieurs villages et tiré de là plus de butin que du continent, alors qu'ils s'étaient repliés vers leurs navires, des ambassadeurs des îles Baléares, demandant la paix, vinrent auprès de Scipion.

(10) La flotte s'en retourna alors et revint vers la province citérieure, (11) où, de tous les peuples qui habitent en deçà de l'Hèbre, et de beaucoup des peuples de l'extrémité de l'Espagne, les ambassadeurs accoururent; mais les peuples qui, vraiment, se soumirent aux ordres et à l'empire de Rome, en donnant des otages, furent plus de cent vingt. (12) En conséquence le Romain, confiant aussi dans ses forces de ferre, s'avança jusqu'au col de Castulo. Hasdrubal se retira en Lusitanie, plus près de l'Océan.

Soulèvements en Espagne

[XXII, 21]

(1) Le reste de l'été semblait devoir être tranquille, et l'aurait été du fait des Carthaginois; (2) mais, outre que les Espagnols, d'eux-mêmes, ont l'esprit inquiet et avide de changement, Mandonius et Indibilis, ancien roitelet des Ilergètes, (3) quand les Romains furent revenus du col vers la côte, vinrent, en soulevant leurs concitoyens, dévaster le territoire pacifié des alliés du peuple romain. (4) Un tribun militaire et des auxiliaires sans bagages, envoyés contre eux par Scipion, dans un combat facile, les mirent en déroute comme une troupe d'irréguliers, leur tuant mille hommes, en prenant un certain nombre et désarmant la plupart d'entre eux. (5) Toutefois ce soulèvement ramena Hasdrubal, qui se retirait vers l'Océan, en deçà de l'Hèbre, pour protéger ses alliés. (6) Le camp punique était sur le territoire des Ilergavonenses, le camp romain à La Nouvelle Flotte, quand un bruit soudain tourna la guerre vers un autre point. (7) Les Celtibères, qui, les premiers de leur pays, avaient envoyé des ambassadeurs et donné des otages aux Romains, soulevés par un envoyé de Scipion, prennent les armes, et envahissent la province des Carthaginois avec une forte armée. (8) Ils enlèvent trois places de force; puis à Hasdrubal lui-même ils livrent deux batailles très remarquables: ils tuent environ quinze mille ennemis, en prennent quatre mille avec beaucoup de drapeaux.

Publius Scipion, proconsul, arrive en Espagne (été 217)

[XXII, 22]

(1) Telle était la situation en Espagne quand Publius Scipion arriva dans sa province, prorogé dans ses pouvoirs après son consulat, et envoyé par le sénat avec trente vaisseaux longs, huit mille soldats, et de grands approvisionnements qu'il amenait avec lui. (2) Cette flotte, que rendait considérable la file de ses bateaux de charge, aperçue de loin, à la grande joie des citoyens romains et de leurs alliés, gagna, de la haute mer, le port de Tarragone. (3) Ayant débarqué là ses soldats, Scipion partit pour rejoindre son frère, et dès lors ils firent la guerre avec des sentiments et des desseins communs. (4) Donc, les Carthaginois étant occupés par la lutte contre les Celtibères, ils n'hésitent pas à passer l'Hèbre, et, ne voyant pas un ennemi, marchent sur Sagonte, le bruit courant que, dans cette ville, les otages de toute l'Espagne, laissés par Hannibal, étaient gardés à la citadelle par une garnison assez peu nombreuse. (5) Ce gage seul retenait les peuples de toute l'Espagne dans leur penchant pour une alliance avec Rome: ils craignaient que le sang de leurs enfants ne leur fît expier leur défection. (6) De cette entrave, un seul homme, par un stratagème plus adroit que loyal, délivra l'Espagne.

Il y avait à Sagonte un noble Espagnol, Abelux, auparavant fidèle aux Carthaginois; mais alors, suivant le caractère le plus fréquent chez les barbares, sa fidélité avait changé avec la fortune. (7) Toutefois, pensant qu'un déserteur qui passe à l'ennemi sans lui livrer quelque chose d'important n'est rien qu'un être isolé, sans valeur et décrié, il cherchait le moyen d'être aussi utile que possible à ses nouveaux alliés. (8) Ayant donc examiné tout ce que la fortune pouvait mettre en son pouvoir, il s'attache, de préférence, à leur livrer les otages, jugeant ce fait d'une importance unique pour gagner aux Romains l'amitié des chefs espagnols. (9) Mais comme il savait bien que, sans un ordre du commandant, Bostar, les gardiens des otages ne feraient rien, il entreprend Bostar lui-même par une ruse.

(10) Bostar avait son camp hors de la ville, sur le rivage même, pour en interdire de ce côté l'accès aux Romains. Abelux, le prenant à l'écart, lui donne des avertissements, comme à un homme qui ignore la situation: (11) c'est la crainte, dit-il, qui, jusqu'à ce jour, a contenu les sentiments des Espagnols, parce que les Romains étaient loin; maintenant, il y a en deçà de l'Hèbre un camp romain, forteresse sûre et refuge pour ceux qui veulent du changement. Aussi ces hommes, que la peur ne retient pas, il faut se les attacher par un bienfait et par la reconnaissance. (12) Bostar s'étonnant et demandant ce que peut être ce présent soudain, et d'une telle importance: (13) "Les otages! dit Abelux. Renvoie-les dans leurs cités! Cet acte sera agréable et, en particulier, à leurs parents, qui, dans ces cités, portent les plus grands noms, et, du point de vue public, à leurs peuples. (14) Chacun veut inspirer confiance; et croire à la loyauté d'autrui, c'est presque toujours, par là même, engager cette loyauté. La mission de remettre chez eux ces otages, je la réclame pour moi, afin d'employer aussi mes efforts au succès de mon dessein, et d'augmenter le plus possible la gratitude qu'inspire déjà naturellement une telle mesure."

(15) Après avoir persuadé Bostar, qui, pour un Carthaginois - vu leur caractère général - n'était pas rusé, Abelux, s'avançant de nuit, en cachette, vers les postes romains, rencontre certains auxiliaires espagnols, et, conduits par eux devant Scipion, lui expose le projet qu'il lui apporte; (16) puis, tous deux ayant engagé leur parole et convenu d'un endroit et d'une heure pour la livraison des otages, Abelux retourne à Sagonte. Le jour suivant, il le passa, avec Bostar, à recevoir de lui ses mandats pour exécuter le projet. (17) Il le quitte après avoir décidé avec lui de partir de nuit, pour tromper les sentinelles des ennemis, et, à l'heure convenue avec ceux-ci, il réveille les gardiens des enfants, part, et, comme s'il ignorait tout, les conduit dans l'embuscade préparée par sa propre ruse. (18) On les mena au camp romain; tout le reste, touchant la restitution des otages, fut accompli par Abelux comme il l'avait décidé avec Bostar, suivant le même ordre que s'il agissait au nom des Carthaginois. (19) Mais plus grande, sensiblement, fut la reconnaissance des Espagnols envers les Romains qu'elle ne devait l'être, pour le même acte, envers les Carthaginois. De ceux-ci, en effet, dont on avait éprouvé la lourde domination et la superbe quand ils étaient heureux, on pouvait croire que, seuls, le changement de fortune et la peur les avaient adoucis; (20) le Romain, lui, inconnu auparavant, commençait, dès son arrivée, par montrer sa clémence et son esprit libéral; et Abelux, un sage, semblait n'avoir pas changé d'alliés sans raison. (21) Aussi tous les Espagnols, d'accord, regardaient-ils du côté de la défection; et l'on aurait pris les armes aussitôt sans l'hiver, qui força Romains et Carthaginois à se retirer dans des cantonnements.

 

 

 
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