I : Du royaume de Navarre au royaume de France (1553 à 1589)
1° Les premières années d’Henri de
Navarre, les sept guerres de religion (1553 à 1580) – Le futur Henri
IV naquit en décembre 1553 à Pau, dans l’actuel département des Pyrénées
-Atlantiques. Il était le fils d’Antoine de Bourbon (ce dernier était
un prince de sang car il descendait de Louis IX[1].)
et de Jeanne d’Albret, reine de Navarre.
Antoine de Bourbon et Jeanne II
d'Albret, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
L’éducation religieuse du jeune Henri fut très tôt une pomme de discorde
entre ses parents. En effet, son père, bien qu’étant porte-parole des
protestants, souhaitait que son fils soit catholique ; sa mère, au
contraire, favorable aux idéaux de la Réforme, souhaitait faire de lui un
calviniste[2].
Henri IV enfant, par François Joseph, baron BOSIO, début du
XIX° siècle, musée du Louvre, Paris.
Au
début de cette seconde moitié du XVI° siècle, le roi de France Charles IX[3]
n’était qu’un enfant, et la régence avait alors échu à sa mère, Catherine
de Médicis (cette dernière était la veuve d’Henri II, décédé
accidentellement en juillet 1559[4].).
Charles IX, roi de France, par François CLOUET, XVI° siècle,
musée du Louvre, Paris.
Catherine de Médicis, atelier de François CLOUET, XVI° siècle, musée
Carnavalet.
Le
protestantisme, apparu lors du règne de François I°[5],
avait toutefois commencé à se répandre alors que son fils Henri II était au
pouvoir. Les deux souverains, très attachés au catholicisme, avaient décidé
de s’attaquer aux huguenots, faisant périr nombre d’entre eux sur le bûcher[6].
A
la mort d’Henri II, Catherine de Médicis se retrouvait seule à la tête de
l’Etat, entouré de plusieurs enfants en bas âge. Menacée par les grands du
royaume et par les protestants, elle décida de jouer la carte de
l’apaisement, tentant de réconcilier les deux camps.
Toutefois, elle ne put éviter le déclenchement de la première guerre de
religion[7],
conflit qui éclata en mars 1562.
Antoine de Bourbon, bien qu’ayant défendu la cause des protestants, décida
toutefois de se joindre aux troupes royales lors du conflit. Toutefois, il
mourut en décembre 1562, lors du siège de Rouen[8].
Suite au décès de son père, le jeune Henri fut retenu à la Cour du roi, puis
participa au Tour de France avec la famille royale[9]
(l’objectif de la reine-mère était d’apaiser les tensions, présentant son
fils Charles IX au peuple de France.).
Pendant l’été, la famille royale se rendit à Salon de Provence, où Catherine
de Médicis aurait rendu visite à Michel de Nostredame, plus connu
sous le nom de Nostradamus.
Portrait de Nostradamus.
Ce
dernier, auscultant Charles IX et son frère Henri (le futur Henri
III.), aurait alors déclaré que les deux enfants ne pérenniseraient pas
la dynastie des Valois. Par contre, il remarqua la présence du jeune Henri
de Bourbon, auquel il prédit un brillant avenir (en effet, ce dernier accéda
au trône de France quelques années plus tard sous le nom d’Henri IV.).
Le
jeune Henri retourna en Navarre au cours de l’année 1567, puis fit ses
premières armes lors de la troisième guerre de religion[10](ce conflit fut déclenchée par la reine-mère lorsqu’elle tenta de faire
arrêter louis I°, prince de Condé[11],
ainsi que l’amiral Gaspard II de Coligny, jugés responsables de la
seconde guerre de religion[12].).
Louis I° de
Bourbon, prince de Condé, école française, XVI° siècle, château de
Chantilly, Chantilly.
Gaspard II de Coligny, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
A
l’issue de ce troisième conflit, en août 1570, Catherine de Médicis décida
de donner sa fille Marguerite en mariage au jeune Henri.
La
cérémonie ne fut toutefois célébrée qu’en août 1572, année au cours de
laquelle le fils de Jeanne d’Albret devint roi de Navarre sous le nom d’Henri
III.
Toutefois, les festivités ne tardèrent guère à dégénérer. En effet, suite à
un attentat manqué contre Coligny, les protestants furent massacrés lors de
la Saint Barthelemy (à noter qu’aujourd’hui, près de 500 ans après les
faits, il nous est difficile d’identifier les responsables et les causes du
massacre.). Ces évènements déclenchèrent la
quatrième guerre de religion[13],
conflit qui s’acheva sur un nouveau statu quo.
Henri et son cousin Henri, prince de Condé[14],
furent toutefois épargnés car ils étaient des princes de sang (étroitement
surveillé, le roi de Navarre ne parvint à s’évader de la Cour qu’en février
1576, lors de la cinquième guerre de
religion[15].).
Portrait d'Henri I°, prince de Condé.
Henri de Navarre, installé au château de Nérac avec son épouse, ne participa
pas à la sixième guerre de religion[16],
mais fut à l’origine d’un septième conflit (en effet, Henri et Marguerite
menaient alors une vie résolument libertine, ce qui ne plaisait guère au roi
de France Henri III[17].
Marguerite et ses suivantes décidèrent alors d’inciter leurs amants à la
révolte, déclenchant la septième guerre de religion[18].
A noter que ce conflit fut aussi surnommé la guerre des amoureux.).
Portrait de Marguerite d'Anjou.
En
mai 1580, Henri s’empara de Cahors, et la reine-mère décida de négocier afin
de mettre un terme aux hostilités.
2° Henri de Navarre héritier du trône de France, évènement
déclencheur de la huitième guerre de religion (1584 à 1589) – En ce
début d’année 1584, Henri III n’avait pas eu d’enfants avec son épouse,
Louise de Lorraine-Vaudémont. L’héritier de la couronne était alors
François d’Alençon, frère du roi de France. Toutefois, ce dernier mourut
en juin 1584, après avoir tenté de prendre le pouvoir aux Pays Bas[19].
Henri III, école française, fin du XVI° siècle, musée Carnavalet.
Selon le concept de la primogéniture mâle, les femmes étaient de
facto exclues de la succession. De ce fait, le nouveau successeur
d’Henri III était le prince de sang Henri, roi de Navarre (rappelons que ce
dernier descendait de Saint Louis, à l’instar du roi de France.).
Les catholiques les plus intransigeants, rassemblés au sein de Sainte
Ligue (appelée aussi ligue catholique.), refusèrent de voir un
protestant s’assoir sur le trône de France.
Financés par l’Espagne, les ligueurs, dirigés par Henri, duc de
Guise, parvinrent à s’emparer de plusieurs cités au cours de l’année 1585.
Portrait d'Henri de Lorraine, duc de
Guise, vers 1580, musée Carnavalet, Paris.
Henri III, qui avait un temps décidé de se rapprocher de son héritier le roi
de Navarre, fut alors contraint par les ligueurs de lui faire la guerre. En
juillet 1585, le roi de France promulgua l’édit de Nemours,
interdisant le culte protestant et déchoyant Henri de Navarre de son droit à
la succession (le cardinal Charles I°[20],
duc de Bourbon, fut alors désigné comme successeur d’Henri III par les
ligueurs.).
Charles I°, duc de Bourbon, école française, fin du XVI°
siècle, musée Carnavalet, Paris.
Ces évènements déclenchèrent la huitième guerre de religion[21].
Henri de Navarre, attaqué par l’armée royale, parvint tant bien que mal à
résister à ses assaillants. Toutefois, n’ayant pas les moyens de
contre-attaquer, le roi de Navarre fut contraint de faire appel à des
mercenaires allemands.
En
octobre 1587, Henri décida de marcher vers la Gascogne, ayant appris
l’approche de troupes allemandes. Anne de Batarnay, duc de Joyeuse[22],
décida alors de marcher contre son adversaire, l’affrontant au cours de la
bataille de Courtras. L’affrontement se solda par une sanglante
défaite pour l’armée royale, décimée par les mousquetaires[23]
du roi de Navarre (à noter que le duc de Joyeuse trouva la mort au cours de
la bataille.).
La bataille de Courtras, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Au
même moment, les catholiques parvinrent toutefois à vaincre une armée de
mercenaires allemands, venue secourir les huguenots de France. Ainsi, la
bataille de Vimory (octobre 1587.) et la bataille d’Auneau
(novembre 1587.) auréolèrent de gloire le duc de Guise.
Ce
dernier rentra dans Paris en mai 1588, chaudement acclamé par le peuple. Les
ligueurs excitèrent alors les Parisiens contre le roi, qui dut s’enfuir de
la capitale à l’issue de la journée des barricades.
Le duc de Guise lors de la journée des
barricades, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Henri III se rendit alors compte du danger que représentait le duc de Guise.
Convoquant les Etats Généraux à Blois en fin d’année 1588, le roi de France
fit alors assassiner son rival.
L'assassinat du duc de Guise, gravure du
XVI° siècle.
L’assassinat d’un des principaux chefs de la ligue provoqua une nouvelle
émeute à Paris.
Charles de Lorraine, duc de Mayenne (frère du défunt.), décida alors
de poursuivre le roi de France.
Henri III, quant à lui, décida de se rapprocher d’Henri de Bourbon afin de
combattre les ligueurs[24].
Le
duc de Mayenne, menacé par les armées coalisées du roi de France et du roi
de Navarre, fut alors contraint de reculer. Ainsi, Paris fut assiégée au
cours de l’été 1589.
Le
roi de France, dirigeant les opérations depuis Saint Cloud, fut alors
assassiné par un moine ligueur, nommé Jacques Clément. Ce dernier,
prétextant délivrer un message confidentiel au souverain, asséna un coup de
couteau à Henri III.
L'assassinat d'Henri III, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
L’assassin fut
rapidement exécuté par la garde du roi, mais ce dernier était mortellement
blessé. Henri III, à l’agonie, désigna Henri de Navarre comme son successeur
légitime, peu de temps avant de s’éteindre.
[2]
Le protestantisme, issu des thèses défendues par le moine Martin
Luther, commença à se répandre en Allemagne à partir de 1521
(excommunié et mis au ban de l’Empire, Luther fut alors accueilli
par son ami Frédéric le Sage, prince électeur et duc de Saxe.
Il publia dès lors une traduction de la bible en allemand, largement
diffusée grâce à l’imprimerie.). Le juriste Jean Calvin,
installé à Genève à partir de 1536, développa une thèse considérée
aujourd’hui comme le prolongement de celle de Luther.
[4]
Pour en savoir plus sur la disparition d’Henri II, référez vous au
5, section V, chapitre deuxième, les Valois-Angoulême.
[5]
Pour plus de détails sur le règne de François I°,
cliquez ici.
[6]
L’origine du mot ‘huguenot’ reste aujourd’hui incertaine. Une
première hypothèse voudrait qu’il dérive du mot allemand
eidgenossen, utilisé à l’origine en Suisse, et signifiant
‘conjuré’ ou ‘confédéré’. Il se pourrait aussi que ce terme
provienne du patronyme de Bezanson Hugues, chef des premiers
protestants suisses.
[7]
Pour plus de renseignements sur la première guerre de religion,
cliquez ici.
[8]
Pour en savoir plus sur le siège de Rouen, voir le 3, section II,
chapitre quatrième, les Valois-Angoulême.
[9]
Pour en savoir plus sur le Tour de France, voir le 4, section II,
chapitre quatrième, les Valois-Angoulême.
[10]
Pour plus de renseignements sur la troisième guerre de religion,
cliquez ici.
[11]
Louis I° était le frère du défunt Antoine de Bourbon.
[12]
Pour plus de renseignements sur la seconde guerre de religion,
cliquez ici.
[13]
Pour en savoir plus sur la quatrième guerre de religion,
cliquez ici.
[14]
Henri, prince de Condé, était le fils de Louis I°, prince de Condé,
décédé en mars 1569 lors de la bataille de Jarnac (pour en
savoir plus sur cet affrontement, voir le 2, section IV, chapitre
quatrième, les Valois-Angoulême.
[15]
Pour en savoir plus sur la cinquième guerre de religion,
cliquez ici.
[16]
Pour en savoir plus sur la sixième guerre de religion,
cliquez ici.
[17]
Henri III, fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, était monté
sur le trône de France suite au décès de son frère Charles IX (pour
en savoir plus sur la prise de pouvoir d’Henri III,
cliquez ici.).
[18]
Pour en savoir plus sur la septième guerre de religion,
cliquez ici.
[19]
Les Pays Bas, sous domination espagnole depuis maintenant plusieurs
décennies, avaient décidé de se révolter contre le roi d’Espagne
Philippe II.
[20]
Charles I°, frère d’Antoine de Bourbon, était donc l’oncle d’Henri
de Navarre.
[21]
Pour en savoir plus sur la huitième guerre de religion,
cliquez ici.
[22]
Le duc de Joyeuse était un des favoris d’Henri III.
[23]
Les mousquetaires étaient des fantassins armés d’un mousquet
(l’ancêtre de nos fusils actuels.).
[24]
A noter qu’Henri, prince de Condé, était mort en mars 1588.