1° La Fronde parlementaire (1648 à
1649) – En 1648, la guerre de Trente Ans était presque terminée, mais le
conflit contre l’Espagne devait se poursuivre pendant encore une décennie.
Mazarin, à la tête d’un Etat ruiné par la guerre, décida de lever de
nouveaux impôts. Le cardinal, qui avait déjà ordonné la création de
nouvelles taxes au cours des années précédentes, décida cette fois-ci
d’élargir le champ d’action, contraignant les élites à payer l’impôt (à
cette époque, ces derniers en étaient exemptés.).
a)
Les 27 articles (1648) : en janvier 1648, le Parlement de Paris fut
contraint d’enregistrer le nouveau texte de loi. Les parlementaires,
fortement courroucés, furent alors rapidement suivis par les Parisiens,
excédés eux aussi par la multiplication des taxes.
A
noter qu’à cette époque, la royauté française s’acheminait lentement vers
une monarchie absolue. Contrairement au Moyen âge, ou les Etats Généraux
étaient régulièrement convoqués, les souverains avaient peu à peu perdu
cette habitude, préférant s’appuyer sur un seul ministre (Marie de
Médicis et Concino Concini,
Louis XIII et Richelieu, Anne d’Autriche et Mazarin.). A noter par ailleurs
que les différents « premiers ministres » qui se succédèrent à la tête de
l’Etat ne furent jamais appréciés par la population ou par la noblesse.
Anne d'Autriche et Mazarin, par Richard Parkes BONINGTON,
1826, musée Delacroix, Paris.
Constatant la grogne des parlementaires, le cardinal Mazarin tenta de
diviser la noblesse de robe, en supprimant l’hérédité des charges pour les
cours souveraines.
Toutefois, le Parlement de Paris ne fut pas dupe, et décida de faire cause
commune avec les ces dernières. Les parlementaires promulguèrent alors
l’édit d’union en mai 1648.
Mazarin tenta alors de se réconcilier avec le Parlement de Paris, au grand
dam d’Anne d’Autriche. Toutefois, les atermoiements du cardinal n’aboutirent
à rien, les parlementaires promulguant les 27 articles en juillet
1648.
Ce
texte de loi prévoyait la suppression des
traitants,
la diminution des impôts, la levée des taxes par des officiers seulement,
l’absence de création de nouveaux offices,
la renonciation aux diminutions des rentes, l’abolition des lettres de
cachet,
ainsi que d’interdire d’emprisonner arbitrairement un suspect plus de 24
heures, si ce dernier n’avait pu s’entretenir avec un juge.
Mazarin, tentant pendant un plusieurs semaines de faire modifier certaines
clauses du traité, finit par accepter la totalité des 27 articles, fin
juillet 1648.
Toutefois, la victoire de Condé au cours de la bataille de Lens, en août
1648, changea considérablement la donne. Profitant de la liesse populaire,
Mazarin décida de faire arrêter plusieurs parlementaires, meneurs de la
fronde (fin août 1648.).
L'arrestation des parlementaires, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
Toutefois, les Parisiens acceptèrent mal cette décision et érigèrent de
nombreuses barricades dans la ville. Le cardinal dut alors s’incliner et fit
libérer ses prisonniers.
En
septembre 1648, la Cour décida de s’installer à Rueil pendant un temps,
préférant s’éloigner du climat insurrectionnel de la capitale. Mazarin y
reçut alors la visite du prince de Condé, soucieux de mettre fin à la fronde
parlementaire.
Au
cours du mois d’octobre, le cardinal confirma l’adoption des 27 articles,
mais ces derniers furent toutefois réduits à une quinzaine. Au même moment,
la paix était signée avec l’Empereur germanique Ferdinand III, mettant fin à
la guerre de Trente Ans (mais le conflit avec l’Espagne n’était pas
terminé.).
A
la fin de l’année 1648, Mazarin fut accusé par les parlementaires de
multiplier les infractions aux 27 articles.
A
noter qu’en début d’année 1649, la Cour apprit la fin de la première
révolution anglaise, conflit opposant têtes rondes (partisans du
Parlement.) et cavaliers (fidèles du roi d’Angleterre Charles I°.)
depuis 1642. En effet, le souverain anglais, incarcéré depuis novembre 1648,
fut finalement exécuté en janvier 1649.
Cromwell à la bataille de Naseby,
1645, par Charles LANDSEER, 1851, Alte Nationalgalerie, Berlin.
Charles I° faisant ses adieux à ses
enfants, par Julius SCHRADER, 1855, Alte Nationalgalerie, Berlin.
Après quelques années d’hésitations, le pouvoir fut finalement confié à
Olivier Cromwell, qui fut nommé lord protecteur.
Olivier Cromwell, gravure issue de l'ouvrage
Cassell's history of England, Angleterre, 1902.
b)
Le siège de Paris (début 1649) : en début d’année 1649, la Cour
décida de quitter Paris, s’installant au château de Saint Germain en Laye
(l’édifice, délaissé par les rois de France depuis bien des années, n’était
plus guère accueillant.). Mazarin, s’appuyant sur Condé qui reçut le
commandement des troupes royales, décida d’assiéger Paris.
Dans la capitale, les parlementaires s’organisèrent eux aussi, condamnant le
cardinal à l’exil et confiant le commandement des troupes à Armand de
Bourbon, prince de Conti (ce dernier était le frère de Condé.).
A
noter toutefois que plusieurs grands du royaume décidèrent de rejoindre la
fronde, tels que César, duc de Vendôme (fils illégitime d’Henri
IV.) ; Frédéric Maurice de La Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, (il
s’agissait du frère de Turenne.) ; et Anne Geneviève de Bourbon,
duchesse de Longueville (la sœur de Condé et Conti.).
Malgré le soutien qu’accorda la noblesse aux parlementaires, le siège de
Paris fut efficace. Turenne tenta un coup de force contre l’armée royale
afin de débloquer la situation, en vain. Finalement, le blé ne tarda guère à
manquer, et les frondeurs le plus modérés décidèrent alors de faire
soumission (les Parlementaires refusèrent de s’allier avec l’Espagne,
considérant qu’ils luttaient contre Mazarin et non contre Louis XIV.).
Episode de la Fronde : combats entre deux cavaliers sous les murs de
la Bastille, XVII° siècle, château de Versailles, Versailles.
C’est ainsi que furent signés la paix de Rueil et la paix de Saint
Germain, en mars et avril 1649. En août, la Cour rentra à Paris.
c)
De la fronde parlementaire à la fronde des princes (1649) : si à
Paris la fronde parlementaire semblait avoir pris fin, en province elle ne
faisait que commencer. En effet, des troubles eurent lieu à Aix en Provence
et à Bordeaux, qui ne furent respectivement réglés qu’en août 1649 et en
janvier 1650.
A
Paris, la situation paraissait plus calme, du moins en apparence. En fait,
Condé souhaitait entrer au conseil de régence, en remerciement des services
rendus pendant la fronde parlementaire ; Mazarin, quant à lui, décida de se
rapprocher de ses anciens ennemis afin de contrecarrer les prétentions de
Condé.
2° La Fronde des princes (1649 à 1651) – Comme nous
l’avons vu au cours du point précédent, le retournement d’alliance qui eut
lieu pendant l’année 1649, transforma la fronde parlementaire en une fronde
des princes.
En
janvier 1650, les princes de Condé et de Conti, ainsi que leur beau frère
Henri II d’Orléans, duc de Longueville, furent emprisonnés.
Cette arrestation fit grand bruit dans les provinces gouvernées par les
trois détenus. La duchesse de Longueville, outrée, se rapprocha alors de
Turenne, afin de faire échapper les prisonniers. Toutefois, Mazarin fut
averti du complot et les transféra au Havre.
Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de
Turenne, maréchal de France, anonyme, vers 1676, musée des Invalides, Paris.
Le
duc de Bouillon, quant à lui, décida d’agiter le Poitou et le Limousin avant
de rejoindre Bordeaux.
Une campagne militaire fut donc mise en place afin de mettre un terme aux
prétentions des frondeurs (ce fut la première de Louis XIV, alors âgé de
onze ans.). En février 1650, la Normandie (où s’était réfugiée la duchesse
de Longueville, sœur de Condé.) fit soumission au roi de France ; en avril,
ce fut au tour de la Bourgogne de faire allégeance.
Buste de Louis XIV, attribué à Jacques SARRAZIN, XVII° siècle,
château de Versailles, Versailles.
Turenne, en juin 1650, tenta d’ouvrir un nouveau front de guerre en
attaquant le nord de la France, en vain.
Toutefois, la duchesse de Longueville ne s’avouait pas vaincue. Ainsi, au
cours de l’été 1650, elle tenta de soulever la Guyenne. L’armée royale
décida alors d’assiéger Bordeaux, qui ouvrit ses portes en octobre.
En
fin d’année 1650, les frondeurs semblaient épuisés, mais les Espagnols, avec
lesquels la France était en guerre, avaient profité de la Fronde afin de
multiplier les déprédations dans le nord du royaume.
En
début d’année 1651, Mazarin constata que la situation avait changé une fois
de plus. En effet, les parlementaires et les grands du royaume décidèrent de
se rapprocher, souhaitant mettre en place une action commune.
Ainsi, en janvier 1651, ces derniers réclamèrent la libération de Condé,
Conti et Longueville. Plus tard dans le mois, ils s’allièrent avec Gaston,
frère du défunt Louis XIII.
3° La fronde princière et parlementaire (1651) – En
février 1651, Gaston décida de se rapprocher des parlementaires, rompant ses
relations avec Anne d’Autriche et Mazarin (ce dernier préféra quitter la
capitale, se sentant menacé.).
Toutefois, la reine et le jeune Louis XIV ne purent rejoindre Mazarin à
Saint Germain, les portes de Paris ayant été fermées par les frondeurs. Ces
derniers pénétrèrent alors dans les appartements royaux, afin de s’assurer
de la présence de la reine et de son fils.
Les frondeurs pénètrent dans les appartements de Louis XIV et de la
reine-mère, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Apprenant la nouvelle, Mazarin décida alors de se rendre au Havre, afin de
libérer Condé, Conti et Longueville (mi-février 1651.). Ce dernier, espérant
pouvoir rallier les détenus à sa cause, fut marri de les voir rentrer
précipitamment à Paris.
Le
cardinal décida alors de suivre la voie de l’exil, se réfugiant à Brühl, sur
les terres du prince-électeur de Cologne (l’éloignement de Mazarin ne
l’empêcha pas d’envoyer de nombreuses missives à la reine-mère.).
A
Paris, la situation était catastrophique. Gaston, malgré la véhémence de sa
fille Anne Marie Louise, duchesse de Montpensier (cette dernière
était surnommée la Grande Mademoiselle.), n’eut pas le courage de
réclamer la régence.
Anne Marie Louise d'Orléans, duchesse de
Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, en Minerve, par Pierre
BOURGUIGNON, XVII° siècle, château de Versailles, Versailles (le portrait que
tient la jeune femme représente son père, Gaston d'Orléans.).
Condé, quant à lui, n’était pas une politique mais un
homme de guerre, et n’appréciait pas les intrigues. Le Parlement de Paris
réclama alors la réunion des Etats Généraux, ce dont les grands du royaume
ne voulurent pas entendre parler.
Les frondeurs, constituant un mouvement très hétérogène, furent facilement
gagnés par les promesses d’Anne d’Autriche. En effet, cette dernière promit
le gouvernement de la Guyenne à Condé, et celui de la Provence à Conti
(avril 1651.). Gaston, constatant que les deux frères se rapprochaient de la
reine-mère, décida alors de faire de même au cours du mois de juin.
En
septembre 1651, la majorité de Louis XIV fut proclamée, ce qui eut tendance
à calmer les esprits. Toutefois, Condé refusa de baisser les armes et décida
de poursuivre la lutte.
4° La Fronde du prince de Condé (1651 à 1652) – La fronde
du prince de Condé fut le dernier mouvement de contestation, mais il fut
néanmoins le plus dangereux.
En
septembre 1651, le prince de Condé fut poussé par ses proches (Conti, la
duchesse de Longueville, etc.) à se retirer sur ses terres. Ce dernier
décida de se rapprocher des Espagnols (rappelons que France et Espagne
étaient alors en guerre.), acceptant de leur céder le port de
Bourg sur Gironde en échange de 500 000 écus.
A
cette date, Condé contrôlait la Guyenne, la Saintonge, le Limousin et le
Berry.
Anne d’Autriche et son fils, soucieux d’en découdre avec Condé, décidèrent
de lever une petite armée et de s’installer à Poitiers, cité plus proche de
la zone de guerre (octobre 1651.).
Anne d'Autriche en Minerve, par Gilbert de SEVE, XVII° siècle, château de
Versailles, Versailles (à noter que Minerve était la déesse de la guerre et
de la connaissance chez les Romains ; l'équivalent d'Athéna dans la
mythologie grecque.).
Condé fut alors repoussé derrière la Charente, puis derrière la Dordogne.
Pendant ce temps, Paris était entre les mains des parlementaires. Ces
derniers, en fin d’année 1651, décidèrent de s’attaquer aussi bien à Mazarin
qu’aux partisans du prince de Condé.
En
janvier 1652, Anne d’Autriche s’installa en Anjou, décidant d’assiéger
Angers (la cité s’était révoltée à cause de la rigueur excessive du
gouverneur.). En février, la ville décida alors de se soumettre, ouvrant ses
portes au roi de France (à noter que Mazarin rejoignit la reine-mère en
début d’année.).
Armure de siège, vers 1650-1675, musée des Invalides, Paris.
En
mars 1652, Turenne décida de faire soumission au roi de France alors que ce
dernier se trouvait à Saumur.
Au
cours du même mois, la Cour s’installa à Gien, afin d’en découdre une fois
de plus avec Condé. Toutefois, l’armée royale fut vaincue lors de la
bataille de Bléneau, en avril 1652. Cependant, Condé ne put poursuivre
son avantage, Turenne ayant lancé une contre offensive.
Quelques jours plus tard, Condé décida de rejoindre Paris, contraignant le
Parlement de Paris de se prononcer contre Mazarin.
En
juillet, Condé décida de quitter la capitale, constatant la faiblesse de ses
troupes. Tentant de rejoindre Charenton, il fut alors attaqué par Turenne.
C’est alors que la duchesse de Montpensier (la fille de Gaston.) fit tirer
au canon sur les troupes royales depuis la Bastille. Condé, sauvé in
extremis, parvint alors à regagner la capitale.
La duchesse de Montpensier faisant ouvrir le feu sur l'armée royale, gravure
issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
Revenu à Paris, Condé fit exécuter les parlementaires favorables au roi et
laissa ses hommes brûler l’hôtel de ville. Gaston, quant à lui, fut alors
nommé lieutenant général du royaume.
Toutefois, l’agitation causée par la fronde commençait à lasser, d’autant
plus que les Espagnols ne se gênaient pas pour profiter du conflit. Ainsi,
non content de commettre d’importantes déprédations dans le nord de la
France, ils parvinrent à s’emparer de Dunkerque en juillet 1652.
Ainsi, Louis XIV décida de convoquer le Parlement à Pontoise, afin de mettre
fin au conflit (Mazarin partit en exil une fois de plus afin de ne pas subir
les foudres des parlementaires.).
En
octobre 1652, Condé décida de se mettre au service de l’Espagne, quittant
Paris et rejoignant Bruxelles.
5° Le bilan des frondes successives (1652) – En octobre
1652, Louis XIV rentra à Paris et s’installa au Louvre. Il y proclama une
amnistie pour les frondeurs, même si Gaston et sa fille n’en bénéficièrent
pas (le premier fut exilé à Limours, la seconde au château de saint Fargeau.).
Anne Marie Louise d'Orléans, duchesse de
Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, cousine germaine de Louis XIV,
par Gilbert de SEVE, XVII° siècle, château de Versailles, Versailles.
La duchesse de Longueville, sœur de Condé, ne connut toutefois pas la
disgrâce. Confirmée dans ses titres et possessions, elle se retira à
Port-Royal suite à la disparition de son mari.
Finalement, en février 1653, Mazarin put revenir dans la capitale.
Louis XIV, vainqueur de la Fronde en Jupiter, par Charles
POERSON, XVII° siècle, château de Versailles, Versailles (Jupiter était le
dieu de la Foudre chez les Romains. Son homologue grec est Zeus.).
Toutefois, en début d’année 1653, le calme n’était pas revenu partout. En
effet, Bordeaux était toujours agitée par des troubles, et Mazarin décida
d’envoyer une armée en Guyenne afin d’en découdre (c’est à cette époque que
Conti fit soumission, signant la paix de Pézenas avec les émissaires
du roi.).
Assiégée en juillet, Bordeaux n’ouvrit ses portes qu’en août 1653. La prise
de cette cité est aujourd’hui considérée par de nombreux historiens comme
l’évènement clôturant la période de la Fronde.
En septembre
1653, Condé fut condamné à mort par le Parlement de Paris, perdant
officiellement ses titres et ses possessions.
A noter enfin que Louis XIV décida d'interdire les parlementaires de
s'occuper des affaires du royaume, ces derniers étant considérés comme
responsables des troubles ayant agité le royaume de France pendant la
Fronde.
Louis XIV devant le Parlement, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
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