VI :
L’hégémonie française devient une menace à l’équilibre des
forces en Europe
1° Louis XIV et les réunions (1681
à 1684) – Suite à la guerre de Hollande et à la signature du traité de
Nimègue, la France avait reçu plusieurs cités. Toutefois, à cette époque, la
coutume voulait que le souverain qui prenne possession d’une ville, reçoive
également le territoire rural des alentours. A noter en outre que les textes
des traités diplomatiques étaient également flous, concédant « des
territoires et leurs dépendances. »
a)
La politique de réunions (1679 à 1681) :Louis XIV décida donc
de s’emparer des terres supposées dépendre de ses possessions. Ainsi, au
cours de l’année 1679, il créa les chambres de réunion dans plusieurs
régions de France, ces dernières ayant comme objectif de rattacher
légalement au patrimoine français les territoires convoités par Louis XIV (à
noter que ces assemblées n’avaient pas pour objectif de prendre des
initiatives, mais bien de donner un cadre juridique légal aux prétentions du
roi de France.).
Le
roi de France, entre septembre 1679, commença par réunir à la couronne près
de 80 villages dépendant du comté de Montbéliard, dépendant de la
Franche-Comté. En septembre 1681, la Chambre de Metz décida d’annexer le
comté de Chiny, situé entre Bouillon et Luxembourg, et appartenant alors à
la couronne d’Espagne. Au cours du même mois, les Français s’emparèrent de
Strasbourg, sur le Rhin, et de Casal, sur le Pô.
Louis XIV rentre dans Strasbourg suite à la prise de la ville, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Louis XIV renouvela l’expérience au cours des mois suivants, s’emparant
alors du duché de Deux-Ponts, du comté de Vaudémont, du comté de Sarrebruck,
du comté de Salm, de Sarrebourg, de Hombourg et de Wissembourg.
Les Trois-Evêchés, rattachés en 1559 par le roi de France Henri II,
furent finalement annexés[1].
Les têtes couronnées, quant à elles, acceptèrent de conserver leur
neutralité en échange d’importantes sommes d’argent.
b)
La guerre des réunions (1683 à 1684) : toutefois, la politique des
réunions fut particulièrement mal vue par l’Empereur germanique Léopold I°,
qui décida de lever une armée en guise de représailles. En outre, les
Provinces Unies et la Suède décidèrent de signer le traité de La Haye,
formant une alliance maritime et terrestre. A noter que le Saint Empire
romain germanique et l’Espagne rejoignirent rapidement cette alliance.
Louis XIV, annonçant que ses intentions étaient pacifiques, décida de
resserrer son alliance avec les princes protestants d’Allemagne. Ainsi, en
janvier 1682, il signa un nouveau traité avec Frédéric Guillaume I°,
l’électeur de Brandebourg (le Danemark se joignit à eux en mars 1682.).
Frédéric-Guillaume, prince-électeur du Brandebourg, 1700, Bode museum,
Berlin.
Louis XIV, profitant du fait que les Turcs soient sous les portes de Vienne
(attaqué à l’est, Léopold I° ne pouvait pas empêcher le roi de France
d’agir.), décida de marcher sur les Pays Bas espagnols (été 1683.).
Plusieurs villages des environs de Bruxelles furent alors incendiés.
Le siège de Vienne par les Turcs, 1683, école autrichienne,
vers 1683, Deutsches historisches museum, Berlin.
Les Espagnols, outrés, déclarèrent alors la guerre à la France. Louis XIV,
sachant que la seule menace pouvait provenir des Provinces Unies, envoya
alors des émissaires auprès des bourgeois Hollandais. Le roi de France,
magnanime, promit de ne pas engager les hostilités si l’Espagne lui cédait
quelques territoires.
Infanterie, par Manesson MALLET, 1684, musée de l'Infanterie,
Montpellier.
Les bourgeois des Provinces Unies, préférant éviter qu’une guerre soit menée
sur leur territoire, acceptèrent la proposition du roi de France. Ce dernier
eut alors les mains libres pour s’emparer de Luxembourg, Courtrai et Dixmude
(octobre 1683.).
En
juin 1684, les Provinces Unies contraignirent l’Espagne à accepter les
conditions de Louis XIV.
Finalement, en août 1684, le roi de France signa les traités de
Ratisbonne ; l’un avec l’Espagne, l’autre avec l’Empereur germanique. Ce
dernier reconnut toutes les acquisitions de Louis XIV, acceptant une trêve
de vingt ans (à noter que l’objectif de Léopold I° était de temporiser à
l’ouest, afin de pouvoir se concentrer sur le conflit à l’est.).
Le royaume de France en 1684.
2° La course en Méditerranée – Au XVII° siècle, la
Méditerranée était infestée de pirates, qui pratiquaient la course.
L’objectif était alors de s’attaquer aux navires ennemis afin de s’emparer
de leurs trésors.
Théoriquement, les marins pratiquant la course étaient des corsaires
(c'est-à-dire qu’ils recevaient l’autorisation du souverain avant de se
lancer dans une expédition.). Toutefois, nombre d’entre eux n’attendaient
pas cette autorisation, et devenaient donc des pirates.
La
course, au XVII° siècle, était à son apogée. Elle était pratiquée par les
musulmans (souvent en provenance d’Alger, en Afrique du nord.), mais aussi
par les chrétiens de l’ordre de Malte[2].
Louis XIV, ayant les mains libres depuis la paix de Nimègue, décida donc de
mettre un terme aux agissements aux pirates musulmans qui écumaient la
Méditerranée.
Ainsi, au cours de l’été 1679, le roi de France envoya l’amiral Abraham
Duquesne combattre contre les pirates de Tripoli. La cité ayant ouvert
le feu, les Français répliquèrent, détruisant le château et plusieurs
mosquées. Les Tripolitains décidèrent alors de se soumettre, et Duquesne put
ainsi progresser jusqu’aux Dardanelles (il signa alors un traité avec les
Turcs ottomans.).
Puis, en octobre 1681, Louis XIV fit bombarder Alger, en répression de la
piraterie menée par les corsaires algériens. Utilisant pour la première fois
des mortiers à bombes sur leurs navires et non en terre ferme, les Français
parvinrent à incendier une moitié de la ville.
Ces coups de force poussèrent le sultan du Maroc à s’attirer les bonnes
grâces du roi de France. Ainsi, en janvier 1682, ce dernier décida
d’accorder aux Français la liberté commerciale.
Les pirates algériens se faisant toujours menaçant, Duquesne fut chargé de
bombarder Alger une fois de plus, en avril 1684.
En
mai, Louis XIV décida de s’attaquer à Gênes, cité dont le prestige
méditerranéen était perçu comme une menace. Par ailleurs, la cité avait
réussi à obtenir des privilèges commerciaux avec la Turquie, les
capitulations, chose que les Français n’avaient pu renouveler[3].
La
construction de quelques galères par Gênes, à destination de l’Espagne, fut
le prétexte choisi par la France[4].
La
flotte française, apparaissant sous les murs de la cité, envoya alors un
ultimatum. Toutefois, avant d’avoir reçu la réponse des Génois, l’amiral
Abraham Duquesne fit ouvrir le feu sur la ville fautive, provoquant ainsi un
important incendie (à noter que les archives de la cité furent en grande
partie brûlées au cours de l’offensive.).
Le bombardement de Gênes par la flotte française, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Le
doge de Gênes fut alors contraint de se rendre à Versailles en personne,
présentant ses excuses auprès de Louis XIV.
En
septembre 1687, le dey d’Alger accepta de ne plus s’attaquer aux navires du
roi de France. En outre, il devait consentir à ce que des agents de Louis
XIV viennent s’installer à Alger afin de protéger les ressortissants
français et veiller à la bonne application du traité.
3° Louis XIV et Versailles – Sous le règne de Louis XIII,
le château de Versailles n’était encore qu’un modeste pavillon de chasse
(les vestiges médiévaux étaient encore apparents.). Ce souverain acheta
alors les terrains alentours afin d’augmenter la surface consacrée aux
chasses.
Le château de Versailles en avril 2009.
a)
Louis XIV choisit Versailles comme résidence royale : suite à la mort de
son père, Louis XIV monta sur le trône. Au début de son règne, le jeune
souverain décida de s’installer dans toutes les résidences royales de la
capitale, afin de choisir celle qu’il préfèrerait (il habita ainsi le
Louvre, les Tuileries, Vincennes, Saint Germain en Laye, etc.).
Le Louvre vu du Pont Neuf, par Hendrick MOMMERS, vers 1666, musée du Louvre,
Paris.
Le château de Vincennes vers 1665, par Adam Frans van der
MEULEN, XVII° siècle, musée Carnavalet, Paris.
Finalement, s’installant à Versailles en 1651, le roi de France éprouva une
certaine attraction pour les lieux. Le jeune souverain, éprouvé par les
frondes successives, considéra qu’il était plus prudent de s’installer dans
un château situé à l’écart de la population.
En
1661, suite à la disparation de Mazarin, Louis XIV s’empara véritablement du
pouvoir. Il décida alors de commencer les travaux d’agrandissements du
château, au grand dam de certains de ses proches qui lui reprochaient
d’avoir abandonné le Louvre.
Les jardins du château de Versailles en avril 2009.
Louis Le Vau, architecte, Charles Le Brun, décorateur, et
André Le Notre, jardinier, furent les principaux artisans des travaux
d’agrandissement et d’embellissement du château de Versailles.
Charles Le Brun, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
André Le Nostre, musée du Louvre, Paris.
A
partir de 1668 furent entrepris les travaux de l’enveloppe, un
Château neuf entourant le Château vieux de Louis XIII.
Vue du château et des jardins de Versailles, par Pierre Denis
MARTIN, XVII° siècle, château de Versailles, Versailles.
En
mai 1682, Louis XIV décida de ne pas attendre la fin des travaux (par
exemple, la galerie de glaces ne fut achevée qu’en 1684.) et vint
s’installer à Versailles avec sa Cour.
La galerie des glaces en avril 2009, château de Versailles, Versailles.
A
noter qu’en juillet 1683, Marie Thérèse, l’épouse de Louis XIV, mourut.
Tombe de Marie Thérèse, XVIII° siècle, église Saint Denis.
Le
roi de France décida alors d’épouser sa maîtresse, Françoise d’Aubigné,
marquise de Maintenon (cette dernière était parvenue à évincer une des
maîtresses favorites du roi, Françoise Athénaïs de Rochechouart de
Mortemart, marquise de Montespan.). La veuve Scarron (elle avait épousé en premières noces le poète Paul Scarron.)
étant toutefois de naissance modeste, le mariage fut célébré dans le
plus grand secret (octobre 1683.).
Françoise Athénaïs de Rochechouart de
Mortemart, marquise de Montespan, atelier de Charles et Henri
BEAUBRUN, XVII° siècle, château de Versailles, Versailles.
b)
Louis XIV et la noblesse : Louis XIV, à l’instar de son père, se méfiait
des grands du royaume et souhaitait rabaisser leur puissance.
Afin de parvenir à ses fins, le roi de France attira les nobles à la Cour en
leur distribuant des pensions ou des titres ; en leur offrant des logements
au château ; en mettant en place une étiquette très stricte, montrant aux
aristocrates que la personne du roi était d’une grandeur inégalée (En effet,
l’étiquette transforma tous les actes du roi, du lever au coucher, en un
cérémonial quasi-sacré.).
L'étiquette à Versailles, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
C’est ainsi que fut mis en place la théorie de la monarchie de droit divin,
Louis XIV, roi soleil, étant souverain par la volonté de Dieu.
La Peinture et la Sculpture présentant le médaillon de Louis XIV,
par Jacques PROU, vers 1683, musée du Louvre, Paris.
4° La révocation de l’édit de Nantes (1685) – Depuis
maintenant plusieurs décennies, soucieux de réduire l’influence des
protestants en France, Louis XIV souhaiter rétablir le catholicisme partout,
fidèle à la doctrine cuius regio, eius religio (ce qui signifie « tel
prince, telle religion ».).
Dès le début de son règne, le roi de France multiplia les mesures vexatoires
à l’encontre des huguenots, supprimant les écoles protestantes, interdisant
aux protestants d’acheter des offices, augmentant les impôts des réformés,
interdisant aux catholiques et protestants de se marier, etc.
Cabinet du Conseil (le roi y présidait les différents conseils, avec ses
ministres, selon les journées ; il y donnait audience et recevait les
prestations de serment.), château de Versailles, Versailles.
A
partir de 1681, des dragonnades furent organisées (principalement
dans le Midi.), ayant pour but de forcer les protestants à se convertir.
Une scène des dragonnades, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
En
septembre 1683, la mort de Colbert permit au roi de France d’intensifier sa
lutte contre les huguenots (en effet, le défunt avait essayé de préserver
les protestants, à cause de leur activité financière et industrielle.).
Colbert, école française,
deuxième moitié du XVIII° siècle, château de Chantilly, Chantilly.
Les dragonnades ayant été un succès aux yeux du roi, ce dernier décida de
promulguer l’édit de Fontainebleau en octobre 1685.
Promulgation de l'édit de Fontainebleau, 1685, par Jan LUYKEN, Deutsches historisches museum, Berlin.
En
réalité, il ne s’agissait rien de moins que de la révocation de l’édit de
Nantes, un texte promulgué par Henri IV en avril 1598[5].
Il
fut ainsi décrété que le culte protestant était interdit et que les temples
devaient être fermés et détruits. Toutefois, un article autorisait les
protestants à demeurer en France, à condition qu’ils ne pratiquent plus leur
culte.
Les clauses de l'édit de Fontainebleau sont énoncés à la population, gravure
issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
Plusieurs dizaines de milliers de protestants (peut être 200 000, comme le
pensent certains historiens ?)
choisirent alors la voie de l’exil (certains furent accueillis sur les
terres du prince électeur du Brandebourg.). Les émigrants, en quittant le
royaume de France, emportèrent de considérables sommes d’argent. En outre,
le pays se trouvait désormais privé de milliers d’artistes, d’artisans, de
matelots et de soldats.
L'exil des protestants, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.
Le prince-électeur du Brandebourg reçoit les réfugiés dans ses Etats
(à gauche) ; les réfugiés français établissent des fabriques dans le
Brandebourg (à droite) ; vers 1696, Deutsches historisches museum, Berlin.
5° La succession de l’électeur du Palatinat – En mai
1685, Charles II, électeur du Palatinat, mourut sans descendance (il
avait été marié à Wilhelmine Ernestine, fille du roi de Danemark
Frédéric III, mais le couple n’avait pas eu d’enfants.).
Bien que protestant, Charles II décida alors de léguer ses Etats à
Philippe Guillaume de Wittelsbach, duc de Neubourg (à noter que ce
dernier était de religion catholique.).
Toutefois, Louis XIV ne l’entendit pas de cette oreille, prenant la défense
de sa belle-sœur, Charlotte Elisabeth de Bavière, seconde épouse de
Philippe d’Orléans (le frère du roi.) et sœur de Charles II.
Charlotte Elizabeth de Bavière.
Philipe Guillaume
refusant de s’incliner, Louis XIV décida alors d’envahir le Palatinat en
1688. C’est ainsi que débuta la guerre de la ligue d’Augsbourg
(communément appelée guerre de neuf ans par la majorité des pays
européens.).
[1]
Pour en savoir plus sur le rattachement des Trois-Evêchés à la
France, voir le 4, section V, chapitre deuxième, les
Valois-Orléans.
[2]
L’ordre de Malte fut crée suite à la première croisade, à la fin du
XI° siècle. A cette date, les chevaliers étaient installés en Terre
sainte. Puis, au fil des siècles, les musulmans chassèrent peu à peu
les Francs du Proche Orient, et les membres de l’ordre furent
contraints de se réfugier à Chypre (fin du XIII° siècle.), puis à
Rhodes (XIV° siècle.). Toutefois, l’île fut assiégée par les Trucs
en 1522, et les chevaliers décidèrent alors de s’installer à Malte,
après quelques années d’errances. Pour en savoir plus sur les
croisades et la colonisation franque en Orient,
cliquez ici.
[3]
A noter que François I° avait réussi à obtenir des capitulation au
début du XVI° siècle, faisant de la France le premier pays à être
doté de privilèges commerciaux avec la Turquie.
[4]
Certains historiens pensent que Gênes aurait fourni des munitions
aux pirates algériens.
[5]
Pour en savoir plus sur l’édit de Nantes, voir le d), 2, section II,
chapitre premier, les Bourbons.