1° La dissolution des jésuites
(1761 à 1764) – Quelques années avant la fin de la guerre de Sept Ans,
les jésuites[1]
commencèrent à être la cible d’attaques formulées par le parti philosophique
(les philosophes n’appréciaient vraisemblablement pas la trop grande rigueur
morale des membres de la Compagnie de Jésus.). En outre, la richesse des
jésuites attirait de nombreuses jalousies. Ces derniers, possédant de
nombreuses terres et biens immobiliers, travaillaient en tant que banquiers
ou enseignants (une grande partie de la jeunesse française était passée sur
les bancs des jésuites.). Enfin, aux yeux de leurs détracteurs, la Compagnie
de Jésus représentait l’obéissance à Rome et la voie intransigeante du
christianisme.
Au printemps 1762, les
jésuites furent accusés par le Parlement de Paris de prêcher et d’enseigner
et toutes sortes d’erreurs ; en août, un décret fut publié, ordonnant la
dissolution de l’ordre.
Toutefois, les jésuites
connurent un bref répit grâce à l’intervention de Louis XV, mais la
Compagnie de Jésus fut finalement dissoute en novembre 1764.
Le pape Clément XIV
lui-même promulgua la bulle Dominus ac Redemptor en juillet 1773,
prononçant la dissolution universelle des jésuites. Les souverains de Russie
et de Prusse refusèrent toutefois de se soumettre au pape, permettant aux
jésuites de poursuivre leurs activités.
2° Succession
de décès à Versailles – En l’espace de quelques années, Louis XV vit
mourut plusieurs de ses proches. En février 1752 et décembre 1759, le roi de
France avait perdu ses deux filles aînées, les jumelles Henriette et
Elisabeth.
En mars 1761, le roi perdit
son petit fils, Louis Joseph Xavier (ce dernier était le fils du
dauphin Louis Ferdinand, fils de Louis XV.), ainsi que sa petite fille,
Marie Isabelle, fille de Philippe I° de Parme et d’Elisabeth de Bourbon
(cette dernière, fille de Louis XV, était décédée en 1759.).
Louis Joseph Xavier sur son lit de
mort, par Jean Martial FREDOU, château de Versailles, Versailles.
En avril 1764, ce fut au tour
de la marquise de Pompadour de rendre de l’âme, suivi en décembre 1765 par
Louis Ferdinand, fils de Louis XV[2].
Jeanne Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, par François
Hubert DROUAIS, 1763, château de Versailles, Versailles.
Louis Ferdinand, dauphin de France, par Alexandre ROBLIN,
XVIII° siècle, château de Versailles, Versailles.
En février 1766, ce fut
Stanislas Leszczynski qui mourut, rétrocédant ainsi son duché de Lorraine au
royaume de France, conformément au traité de Vienne, signé en novembre 1738.
La
France en 1766.
Marie Josèphe de Saxe, l’épouse de feu le dauphin
s’éteignit en mars 1767 (vraisemblablement de la tuberculose, maladie qui
avait causé la mort de son époux.), et la reine l’année suivante, en juin
1768.
En 1769, privé de la plupart
de ses proches, Louis XV n’avait pour seul héritier que Louis Auguste
(le futur Louis XVI.). Le jeune homme, né en 1754, était déjà
orphelin alors qu’il n’avait pas quinze ans.
Louis Auguste de France, dauphin, par Gabriel Jacques de SAINT
AUBIN, vers 1770, château de Versailles, Versailles.
A noter que c’est à partir de
mai 1765 que furent mises en place les négociations avec l’Autriche, afin de
fiancer Louis Auguste avec Marie Antoinette, fille de l’Impératrice
Marie Thérèse ; toutefois, le mariage ne fut célébré qu’à la mi-mai 1770
(Marie Josèphe de Saxe, la mère du jeune homme, s'était opposé à cette union
avant de disparaître.).
Louis XVI (à gauche.), par Giovanni Battista NINI, 1779, musée
Carnavalet, Paris ; et Marie Antoinette (à droite.), vers
1774, musée Carnavalet, Paris.
3° La Corse devient française – Après avoir changé de
maître à de nombreuses reprises au cours de l’Histoire, la Corse tomba sous
domination génoise à la fin du XIII° siècle.
Choiseul, ministre de Louis XV, souhaitait suite au traité de Paris, éviter
un encerclement de la France en Méditerranée (les Anglais possédaient déjà
Minorque, sur la côte est de l’Espagne, ainsi que Gibraltar, à la pointe
sud.).
Gênes, se trouvant alors face à une révolte en Corse, appela les Français à
l’aide. Choiseul envoya alors des troupes dans l’île.
Toutefois, l’armée française devait être financée par les Génois. Cependant,
le conflit se prolongea pendant plusieurs mois (conformément aux prévisions
du ministre de Louis XV.), et Gênes se retrouva dans l’impossibilité de
payer. Choiseul proposa alors au Génois d’effacer leur dette, en échange de
la Corse.
la France en 1768.
Gênes décida alors d’accepter, signant le traité de Versailles en
1768. La rébellion des Corses ne fut toutefois matée qu’en mai 1769.
La révolte des Corses, gravure issue de l'ouvrage
Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.
4° L’éviction de Choiseul, la réforme parlementaire (1770 à
1771) – En fin d’année 1770, les parlementaires faisaient part une
nouvelle fois de leur mécontentement. Louis XV, bien décidé à mettre un
terme à cette agitation, quitta alors Versailles et se rendit au Parlement
de Paris. Les parlementaires, courroucés, décidèrent donc de se mettre en
grève. Le garde des sceaux, René Nicolas de Maupéou, marquis de
Morangles et de Bully, décida peu de temps après de mettre en place un édit
supprimant le pouvoir politique des parlementaires (fin octobre 1770.).
René Nicolas de Maupéou, marquis de
Morangles et de Bully, par J.B. LEMOYNE, XVIII° siècle, musée
Jacquemart-André, Paris.
Choiseul, à cette date, s’était rapproché de l’Espagne, dans l’objectif de
se lancer dans un nouveau conflit contre l’Angleterre. Souhaitant que la
querelle parlementaire s’achève afin de pouvoir mener son projet à bien,
Choiseul conseilla alors au roi de se séparer de Maupéou.
Toutefois, en apprenant que son ministre était en train de préparer une
guerre contre l’Angleterre, Louis XV décida d’immédiatement limoger Choiseul
(décembre 1770.).
Louis XV, par Giovanni Battista NINI, 1770, musée Carnavalet,
Paris.
En
janvier, les magistrats s’étant mis en grève furent exilés, leurs charges
confisquées et déclarées vacantes. Louis XV demanda alors au conseil d’Etat
de se substituer au Parlement de Paris.
Maupéou, en février 1771, fit signer au roi un édit réformant complètement
la justice. Ainsi, le Parlement de Paris fut divisé en cinq cours
souveraines, établies à Blois, Châlons, Clermont Ferrand, Lyon et Poitiers ;
le Parlement de Paris pouvait toujours enregistrer les lois, mais leur droit
de remontrance lui était enlevé ; les nouveaux parlementaires n’auraient
qu’une fonction judiciaire, et non plus politique ; la justice serait rendue
gratuitement. Enfin, la mesure la plus importante fut la suppression de la
vénalité des charges[3] :
désormais, les parlementaires seraient des fonctionnaires, nommés et payés
par le roi.
Cette réforme provoqua d’importantes protestations, à Paris comme en
province, mais fut néanmoins soutenue par le parti philosophique.
L'île de la Cité à la fin du règne de
Louis XV, crypte archéologique de Notre Dame, Paris.
5° Politique extérieure à la fin du règne de Louis XV (1771 à
1774) – Le mariage du dauphin et de Marie Antoinette, fille de Marie
Thérèse, avait comme objectif de resserrer les liens entre l’Autriche et la
France.
Louis XV réaffirma aussi l’alliance traditionnelle avec la Suède, recevant à
Versailles le roi Gustave III[4]
(février 1771.).
Pièce de monnaie à l'effigie de Gustave
III.
Toutefois, bien qu’étant allié avec la Pologne, Louis XV refusa d’intervenir
lors du premier partage de la Pologne, survenu à l’été 1772. A cette
date, marie Thérèse d'Autriche, Frédéric II de Prusse et Catherine II de Russie grignotèrent ainsi une partie de ce
pays[5].
Marie Thérèse, par Giovanni Battista NINI, 1779, musée Carnavalet, Paris.
A
noter cependant que le roi de France menaça la Russie et la Prusse d’une
intervention en Europe centrale, si ces deux puissances tentaient de
s’attaquer à la Suède. Frédéric II et la tsarine Catherine II décidèrent
alors de faire machine arrière.
Frédéric II âgé.
Louis XV, avant de s’interposer, s’était toutefois assurer de la neutralité
de l’Angleterre. En effet, les Anglais ne pouvaient prendre part à cet
éventuel conflit, très préoccupé par leurs difficultés avec les colonies
américaines.
Louis XV, par Armand Vincent de MONTPETIT, 1774, château de
Versailles, Versailles.
En
avril 1774, alors que Louis XV se trouvait en compagnie de sa maîtresse, la
comtesse du Barry, il fut saisi de frissons. Peu de temps après, les
médecins se rendirent compte que le roi de France avait été atteint de la
variole.
La comtesse du Barry.
Après une longue
et douloureuse agonie, Louis XV mourut le 10 mai 1774 à Versailles.
[1]
Les jésuites étaient membres de la Compagnie de Jésus, une congrégation catholique fondée par Ignace de Loyola au
cours du XVI° siècle. A noter toutefois que les jésuites avaient
été accusés de comploter contre l’Etat à plusieurs reprises au cours
de l’Histoire.
[2]
Ce dernier, proche du parti dévot, avait eu de nombreux démêlés avec
son père, plus favorable au parti philosophique. Par exemple, Louis
Ferdinand s’était fermement opposé à la dissolution de l’ordre des
jésuites.
[3]
La vénalité des charges avait été instaurée par François I° au cours
du XVI° siècle. A l’époque, l’objectif de cette mesure était de
faire rentrer de nouveaux subsides dans les caisses de l’Etat.
[4]
Alors qu’il était à Versailles, Gustave III ne savait pas qu’il
était roi de Suède. En effet, son père, Adolphe Frédéric,
mourut au même moment. Ainsi, le sacre ne se déroula qu’en mai 1771,
suite au retour de Gustave III en Suède.
[5]
A noter que deux autres partages eurent lieu, en 1793 et en 1795. A
l’issue de cette dernière opération, la Pologne cessa d’exister,
absorbée par la Russie, la Prusse et l’Autriche. Ce n’est qu’à la
fin de la première guerre mondiale que la Pologne fut
artificiellement recrée, sur des territoires pris à l’Allemagne et à
l’Autriche-Hongrie.