1°
Petite histoire de la Terre Sainte, de la sixième à la septième croisade
(1228 à 1248) – Comme nous l’avons vu plus tôt, l’Empereur germanique
Frédéric II de Hohenstaufen participa à la sixième croisade, en 1228.
Toutefois, plutôt que de combattre les musulmans, ce dernier se contenta de
négocier avec Al-Malik al-Kamil, sultan d’Egypte, de la dynastie des
Ayyoubides.
Ainsi, Frédéric II reçut la
ville de Jérusalem, mais les musulmans installés dans la ville sainte
devaient bénéficier de leur liberté de culte. Enfin, une trêve de dix ans
fut signée entre les deux belligérants.
L’Empereur germanique, qui
en novembre 1225 avait épousé Isabelle II, fille de Jean de Brienne
et de Marie de Montferrat, avait des droits sur le royaume de
Jérusalem (Marie était la fille de Conrad de Montferrat, qui avait
été roi en 1192).
Lors de son passage en Terre
Sainte, Frédéric II évinça Jean de Brienne, se faisant couronner roi de
Jérusalem en mars 1229.
La politique de l’Empereur
germanique eut des répercussions très négatives, car elle laissait les Etats
latins sans roi résident, laissant un pays en proie à la guerre civile
(opposant partisans et adversaires de l’Empereur).
A compter de 1241, le
Proche-Orient fut en proie aux pillages des Kwârizmiens, des pillards
islamisés originaires d’Asie centrale.
Les envahisseurs, marchant
vers la Terre Sainte, s’attaquèrent aux Ayyoubides comme au Francs. A l’été
1244, les Kwârizmiens s’emparèrent de Jérusalem, qui fut livrée au pillae.
Cette annonce provoquant l’émoi en Europe, les Latins d’Orient décidèrent de
riposter.
Gautier IV de Brienne,
comte de Jaffa,
rassembla une grande armée en fin d’année 1244, comptant des chevaliers,
plusieurs ordres religieux militaires, ainsi que des musulmans ayyubides de
Syrie.
En face, l’on retrouvait
l’armée d’Al-Malik as-Sâlih,
sultan d’Egypte, associé aux Kwârizmiens.
Les deux belligérants
s’affrontèrent lors de la bataille de La Forbie, près de Gaza, qui
s’acheva sur la victoire des Ayyubides d’Egypte. Gautier IV, sévèrement
vaincu, fut capturé par l’ennemi ; au cours des années qui suivirent, les
Egyptiens multiplièrent les offensives en Syrie : Al-Malik as-Salîh s’empara
de Damas (1245), d’Ascalon (1247), ainsi que de la Galilée orientale.
2° Maladie et
vœu de Louis IX (1244) – Rentré malade de son expédition dans le
Languedoc, Louis IX fut alité à Pontoise. Craignant pour sa vie, il fit le
vœu, en décembre 1244, de partir en croisade s’il guérissait.
Retrouvant miraculeusement
la santé, selon les sources d’époque, le roi de France décida de respecter
sa promesse et prit la croix.
3°
Préparatifs pour la croisade (1245 à 1248) – Les trois frères du roi,
Robert, Alphonse et Charles, firent de même, imités par une foule de
seigneurs. Parmi ceux-ci, l’on retrouvait Hugues IV, duc de
Bourgogne ; Hugues de Châtillon, comte de Blois ;
ainsi que de vieux fauteurs de troubles, tels que Pierre Mauclerc et Hugues
X de Lusignan.
Thibaud IV, comte de
Champagne, ne participa à l’expédition, mais fournit un millier de
chevaliers (dont Jean, seigneur de Joinville et sénéchal de Champagne) ;
Louis IX reçut aussi des troupes de Flandres et de Bretagne, mais aussi
d’Ecosse, d’Italie et d’Angleterre.
Les préparatifs durèrent
trois ans, période pendant laquelle le roi de France dépensa d’importantes
sommes d’argent afin de préparer son armée au futur conflit.
Statue de Saint Louis, Aigues Mortes.
Toutefois, l’on peut
constater qu’à cette époque, l’esprit des premières croisades avait
définitivement cédé sa place aux intérêts particuliers. Ainsi, le roi de
France ne bénéficia guère de l’aide du pape Innocent IV, occupé par
sa lutte contre Frédéric II (ce dernier fut déposé lors du concile de
Lyon, en 1245) ; l’Empereur germanique, en bon terme avec les musulmans
d’Egypte, avertit le sultan Al-Malik as-Sâlih de l’arrivée des croisés.
En Espagne, les rois
chrétiens étaient occupés par la lente reconquista ; Venise,
commerçant avec l’Egypte, craignait que la croisade de mette fin à leurs
relations commerciales ; enfin, l’Europe orientale était quant à elle
menacée par les invasions mongoles.
4° Départ
pour la croisade (1248) – Quand tout fut prêt, Louis IX confia la
régence à sa mère, Blanche de Castille, puis descendit la vallée du Rhône.
En août 1248, l’armée royale
arriva à Aigues-Mortes, premier port français donnant accès à la
Méditerranée. La cité, bien qu’ancienne,
n’était pas aussi bien équipée que les ports de Marseille ou de Toulon.
Toutefois, Louis IX décida d’embarquer à cet endroit, évitant ainsi
d’entamer des négociations avec des puissances étrangères.
La porte Saint Antoine, Aigues Mortes.
A la fin du mois, Louis IX
s’embarqua en direction de Chypre, fixé comme point de rendez vous général.
Le roi de France hiverna dans l’île, profitant de cette période d’inaction
pour élaborer une stratégie.
Ainsi, il fut décidé
d’attaquer en direction de l’Egypte, afin d’échanger les territoires pris
contre Jérusalem.
Toutefois, Louis IX repoussa
les propositions des Ayyubides de Syrie, hostiles à leurs cousins d’Egypte,
ne souhaitant pas s’allier avec des musulmans.
5°
Débarquement en Egypte, prise de Damiette (juin 1249) – En juin 1249,
les croisés quittèrent Chypre en direction de Damiette. Ces derniers, en
arrivant à l’embouchure du Nil, s’aperçurent que le rivage était solidement
défendu par les musulmans.
Selon les chroniques
d’époque, Louis IX sauta à l’eau en premier, avançant vers la plage malgré
la pluie de flèches qui s’abattait sur lui. Les croisés, suivant leur
souverain, prirent pied sur le rivage, repoussant les Ayyoubides.
Le 5 juin, Al-Malik as-Sâlih
se trouvait à Damas, croyant que les croisés débarqueraient en Terre Sainte.
En l’absence de chefs, les musulmans décidèrent alors d’abandonner Damiette
afin de reculer vers le sud, dans le delta du Nil.
La cité fut donc prise le
lendemain par les croisés.
Suite à la prise de
Damiette, Louis IX fut contraint d’attendre le reste de la flotte, qui avait
été dispersée en raison d’une tempête. Lorsque l’armée fut finalement
réunie, les croisés durent attendre la décrue du Nil, qui survint en fin
d’année 1249.
Pendant cette période, le
roi de France réfléchit à sa stratégie, hésitant en marcher sur Le Caire ou
Alexandrie. La plupart des seigneurs se prononcèrent en faveur d’Alexandrie,
qui perturberait grandement le commerce des Ayyoubides ; mais Robert, frère
du roi, se prononça en faveur du Caire.
Par ailleurs, Louis IX
refusa la proposition d’Al-Malik as-Salîh, qui, rentré en Egypte, proposa au
roi de France d’échanger Damiette contre Jérusalem.
6° Marche
vers Le Caire, la bataille de Mansourah (novembre 1249 à février 1250) –
Louis IX prit finalement le chemin du Caire à la fin novembre 1249.
Toutefois, les croisés
furent contraints de traverser des campagnes récemment inondées, coupées de
canaux, au milieu d’attaques incessantes. La marche s’en retrouva donc
beaucoup ralentie.
A la fin décembre, les
croisés arrivèrent près de la forteresse de Mansourah, où étaient réfugiés
les musulmans. Toutefois, l’armée royale était coupée de la cité ennemie par
un bras du Nil.
C’est alors qu’un bédouin,
le 8 février 1250, indiqua un passage à gué, en échange d’une somme
d’argent. Robert, le frère du roi, fut un des premiers à traverser,
accompagné par plusieurs Templiers.
Robert, comte d'Artois, château de
Versailles, Versailles.
Ce dernier mit alors en
déroute les musulmans qui se trouvaient de l’autre côté du fleuve ;
toutefois, plutôt que d’attendre le reste de l’armée, comme le roi l’avait
ordonné, Robert, voyant les Ayyoubides en déroute, décida de les poursuivre.
Accompagné d’une centaine de
chevaliers, il pénétra dans la forteresse de Mansourah. Cependant, les
musulmans se réorganisèrent rapidement, et cernèrent les croisés dans les
rues étroites de la ville. Robert fut tué, et ses compagnons, accablés de
poutres, de pierres et de lances, périrent presque tous. Ainsi, seuls
quelques chevaliers parvinrent à quitter la ville.
Par la suite, les Ayyoubides
décidèrent d’effectuer une sortie, afin de repousser les croisés sur l’autre
rive. Louis IX, qui arrivait au secours de son frère, ordonna à ses troupes
d’accélérer la traversée du gué, parvenant finalement à repousser l’ennemi.
Le roi de France installa
alors un camp sous les murs de la forteresse, où il fut à nouveau attaqué
par les musulmans le 11 février. La bataille de Mansourah, sanglante
mêlée, fut remportée de justesse par les croisés, qui repoussèrent l’ennemi
une fois encore.
7° Retraite
et captivité de Louis IX (avril à mai 1250) – Bien qu’ayant rempoté la
bataille de Mansourah, les croisés furent privés de leur approvisionnement
suite à la capture de leur flotte par les Ayyoubides.
Après la famine vinrent les
épidémies, engendrées par le manque d’hygiène et la pollution des eaux du
Nil, où pourrissait quantité de cadavres.
Louis IX, au mois de mars,
accepta finalement d’échanger Damiette contre Jérusalem, mais le nouveau
sultan d’Egypte, Al-Malik al-Muazzam Tourân Châh (ce dernier avait
succédé à son père, as-Salîh, décédé en novembre 1249), préféra refuser.
En avril 1250, Louis IX fut
alors contraint de donner le signal de la retraite. Tourân Châh, quant à
lui, décida de poursuivre les croisés.
Le 6 avril, ces derniers
tentèrent de négocier avec les Ayyoubides, souhaitant échanger Damiette
contre Jérusalem ; mais, épuisés par la maladie et les privations, les
croisés furent contraints de faire reddition le 7 avril 1250.
Cependant, les chrétiens
étant encore nombreux (plus de 10 000), les malades et les blessés furent
massacrés.
Fait prisonnier avec ses
compagnons, Louis IX entama de nouvelles négociations avec Tourân Châh en
vue de sa libération.
Le nouveau sultan proposa
alors au roi de France la libération de l’armée royale contre la remise de
Damiette et le paiement d’une rançon de 500 000 livres.
Saint Louis prisonnier, par Alexandre CABANEL, 1874, le Panthéon, Paris.
Cependant, en mai 1250, un
évènement vint remettre en cause cet accord. En effet, Tourân Châh, qui
passait pour un incapable, fut assassiné par les mamelouks,
qui formaient sa garde personnelle. Le chef des mamelouks, Aybak,
épousa alors Chajar ad-Durr, mère du défunt.
Ce dernier, après avoir
songé à se débarrasser des prisonniers chrétiens, décida finalement de
reprendre à son compte l’accord conclu par Tourân Châh.
Louis IX, qui avait en vain
demandé une aide financière auprès des Templiers, envoya alors Jean de
Joinville s’emparer des trésors de l’ordre du Temple.
Libéré suite au paiement de
la rançon, renvoya ses frères en France. Puis, quittant l’Egypte le 8 mai,
il arriva à Saint-Jean-d’Acre peu de temps après.
8° L’action
de Louis IX en Terre Sainte (1250 à 1254) – Malgré son échec en Egypte,
Louis IX refusa de rentrer en France sans avoir rétabli l’ordre en Terre
Sainte.
Débarquant à
Saint-Jean-d’Acre le 13 mai 1250, le roi de France sut jouer de l’hostilité
entre mamelouks d’Egypte et Ayyoubides de Syrie.
Toutefois, à cette époque,
les Etats latins étaient en pleine anarchie. Ainsi, le roi de Jérusalem,
Frédéric II, ne résidait pas en Terre Sainte ; les ordres religieux
militaires, autrefois soumis à la couronne, étaient désormais indépendants ;
et la Syrie franque avait été réduite à une fine bande territoriale sur la
côté méditerranéenne.
Louis IX, agissant comme un
roi, tenta de rétablir l’ordre dans la région. Dans un premier temps, il
déclara la majorité de Bohémond VI, prince d’Antioche et comte de
Tripoli, contraignant le jeune homme à se réconcilier avec le royaume
arménien de Cilicie (l’alliance
fut scellée par le mariage de Bohémond VI avec Sibylle, fille d’Hethoum,
roi d’Arménie) ; il restaura les fortifications des cités de Jaffa,
Saint-Jean-d’Acre, Césarée et Sidon ; enfin, il tenta d’imposer son autorité
aux turbulents ordres religieux militaires.
D’un point de vue
diplomatique, le roi de France hésita entre l’alliance syrienne ou
l’alliance égyptienne. Dans un premier temps, Louis IX reçut des
propositions intéressantes de la part des Ayyoubides, mais les Mamelouks
retenaient encore en otage de nombreux croisés.
Ainsi, en 1252, le Capétien
décida d’instaurer une alliance avec le sultan Aybak.
Enfin, Louis IX envoya une
ambassade auprès d’Hulägu Khan, souverain de Perse (l’action
du roi de France permit l’établissement d’une alliance entre les Mongols,
l’Arménie et Antioche-Tripoli) ; et il entra en contact avec le grand-maître
de la secte des Assassins.
Blanche de Castille, à qui
Louis IX avait confié la régence du royaume, mourut en novembre 1252.
Apprenant la nouvelle au printemps 1253, et désormais contraint de rentrer
au plus tôt, le roi de France s’embarqua à Saint-Jean-d’Acre en avril 1254.
Louis IX laissait en Terre
Sainte un sénéchal, assisté d’une centaine de chevaliers et de fantassins.
9° Bilan de
la septième croisade – Malgré l’échec de la campagne d’Egypte, Louis IX
avait réussi à imposer son autorité en Syrie franque.
Toutefois, suite au départ
du roi de France, les Etats latins sombrèrent à nouveau dans l’anarchie,
incapables de s’allier avec les Mongols ou de lutter efficacement contre les
mamelouks.
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